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Décisions

Cass. com., 24 octobre 2018, n° 17-16.690

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

CK Réfrigération (SARL)

Défendeur :

Nord Climatisation (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riffault-Silk

Rapporteur :

Mme Le Bras

Avocats :

SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, SCP Lyon-Caen, Thiriez

Cass. com. n° 17-16.690

24 octobre 2018

LA COUR : - Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société CK Réfrigération que sur le pourvoi incident relevé par la société Nord climatisation ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 16 février 2017), que la société Nord climatisation, spécialisée dans la conception, la pose, l'entretien et la maintenance de systèmes de chauffage et de climatisation et la société CK Réfrigération (la société CKR), qui exerce l'activité de montage, installation dépannage en froid et climatisation, ont renouvelé le 14 février 2013 le contrat-cadre de sous-traitance qui les liait portant sur la réalisation par la seconde de prestations de maintenance ; que la société CKR a mis fin à ces relations contractuelles à compter du 31 décembre 2013 ; que M. Kamezac, responsable du service après-vente de la société Nord climatisation, a démissionné le 18 février 2014 et a été recruté le 21 février suivant par la société CKR en qualité de responsable de production ; qu'invoquant la fourniture par M. Kamezac de renseignements techniques et d'informations sur ses clients et reprochant à la société CKR d'avoir violé la clause de non-concurrence stipulée dans le contrat de sous-traitance et d'avoir commis des actes de concurrence déloyale, la société Nord climatisation l'a assignée en paiement de dommages-intérêts ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal : Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident : Attendu que la société Nord climatisation fait grief à l'arrêt du rejet de sa demande de dommages-intérêts pour concurrence déloyale alors, selon le moyen : 1°) qu'un préjudice, fût-il seulement moral, s'infère nécessairement d'un acte de concurrence déloyale, générateur d'un trouble commercial ; que la cour d'appel qui, après avoir constaté que M. Kamezac avait transmis à la société CKR le prévisionnel de la société Nord climatisation pour l'année 2013, a néanmoins rejeté la demande de la société Nord climatisation au motif que " aucun préjudice existant et avéré en lien direct avec ce détournement de document ne peut être en l'état établi ", a méconnu le principe susvisé et a violé l'article 1382 du Code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ; 2°) que, dans ses conclusions d'appel, la société Nord climatisation avait rappelé que la société CKR se présentait comme une entreprise modeste, ayant déclaré un CA de 875 000 euros en 2013 et qu'elle avait néanmoins engagé M. Kamezac avec un salaire annuel de 72 000 euros, " soit environ 105 000 euros annuels pour l'employeur, somme à laquelle s'ajoute les 5 % de commissions et les frais dont la fiche de paie de février démontre qu'ils sont élevés ", posant ainsi la question de savoir " quelle société investirait dans un salarié sans avoir envisagé préalablement un apport massif de clients ? " ; qu'en se bornant à énoncer, pour rejeter la demande de la société Nord climatisation , que " le simple fait pour CKR d'avoir finalement tiré profit du départ de M. Kamezac et ainsi recruté un salarié ayant une bonne connaissance de son secteur d'activité, expérimenté et apportant avec lui un carnet d'adresse susceptible de lui ouvrir des perspectives de développement, ne saurait suffire, dans un contexte de liberté du travail et de libre-concurrence, à caractériser un débauchage fautif ", sans rechercher, comme elle y était pourtant expressément invitée, si le fait pour une société modeste au chiffre d'affaires de 875 000 euros d'avoir engagé l'ancien responsable SAV de sa concurrente, avec un salaire annuel de 72 000 euros, soit environ 105 000 euros annuels pour l'employeur, outre les commissions et frais, ne caractérisait pas un acte de débauchage délibéré, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ; 3°) que la cour d'appel a expressément constaté que " le gérant de la société CKR a refusé à l'huissier mandaté par ordonnance du président du tribunal de commerce l'accès à certaines données, notamment aux listings des clients de CKR, aux listing de programmation de visite et factures et aux pièces comptables ", mais elle a considéré que " le fait pour CKR d'avoir dissimulé à l'huissier une partie de son activité ne constitue pas en soi une faute de nature à caractériser une concurrence déloyale mais simplement une circonstance susceptible éventuellement d'éclairer ou d'expliquer les autres fautes reprochées à CKR, examinées ci-après " ; qu'en se bornant à énoncer, pour écarter tout acte de débauchage de la société CKR, que " le simple fait pour CKR d'avoir finalement tiré profit du départ de M. Kamezac et ainsi recruté un salarié ayant une bonne connaissance de son secteur d'activité, expérimenté et apportant avec lui un carnet d'adresse susceptible de lui ouvrir des perspectives de développement, ne saurait suffire, dans un contexte de liberté du travail et de libre-concurrence, à caractériser un débauchage fautif ", sans rechercher si la circonstance pour la société CKR d'avoir embauché l'ancien responsable SAV de sa concurrente, associée à ses constatations selon lesquelles la société CKR avait dissimulé à l'huissier une partie de son activité et M. Kamezac avait transmis à la société CKR le prévisionnel de la société Nord climatisation pour l'année 2013, ne permettait pas de caractériser un acte de débauchage de la part de cette société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ; 4°) que la cour d'appel qui, après avoir constaté que M. Kamezac avait transmis, le 21 janvier 2014, à la société CKR le prévisionnel de la société Nord climatisation pour l'année 2013, ce dont il résultait nécessairement que ce salarié était en contact à cette date avec la société concurrente de son employeur, a néanmoins retenu, pour juger que le détournement du client PPG n'était pas établi, que " la première intervention de CKR au sein de la société PPG, le 23 janvier 2014, est antérieure à l'arrivée de M. Kamezac dans les effectifs de CKR ; qu'en outre, aucune manœuvre ou procédé déloyal quelconque n'est établi à l'encontre de CKR en lien avec une possible intervention de M. Kamezac antérieure à son départ de Nord climatisation ", n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les dispositions de l'article 1382 du Code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que la société Nord climatisation, à l'appui de sa demande de dommages-intérêts pour concurrence déloyale, reprochait à la société CKR le détournement de documents, tels des exemplaires de contrats, de la documentation technique ou encore des devis et des prévisionnels, que lui aurait transmis M. Kamezac et dont la société CKR n'aurait jamais dû être destinataire s'agissant de documents confidentiels, et soutenait que ces documents avaient permis à la société CKR de s'accaparer, par des procédés illégaux et déloyaux, sa clientèle, l'arrêt retient qu'il ressort des investigations réalisées par huissier de justice, le 11 mars 2014, qu'un seul document, le prévisionnel de la société Nord climatisation pour l'année 2013, a été transmis par M. Kamezac à la société CKR ; qu'il retient encore que la société Nord climatisation n'établit pas les éventuelles conséquences, en termes de concurrence, qui seraient résultées de la transmission de cet unique document, ni l'existence d'un préjudice en lien direct avec ce détournement ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ;

Et attendu que sous le couvert des griefs infondés de violation de la loi et manque de base légale, le moyen, pris en ses trois dernières branches, ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine par les juges du fond de l'absence de manœuvres déloyales commises par la société CKR pour recruter M. Kamezac et détourner la clientèle de son concurrent ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs: rejette les pourvois principal et incident.