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Décisions

CA Lyon, 8e ch., 23 octobre 2018, n° 17-09237

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Nissauto (SAS)

Défendeur :

Nissan West Europe (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chauve

Conseillers :

M. Defrasne, Mme Zagala

TGI Lyon, du 27 nov. 2017

27 novembre 2017

M. René P. a acquis le 15 mars 2012 auprès de la société Nissauto un véhicule neuf de marque Nissan GT6R Black Edition pour la somme de 99 900 euros TTC.

Le 1er septembre 2016, le véhicule a fait l'objet d'une avarie moteur après avoir parcouru 30 000 km environ.

M. P. a mandaté le cabinet ABS Expertise afin que soit organisée une expertise contradictoire du véhicule, pour déterminer l'origine de la panne.

A l'issue de ses investigations, le cabinet ABS Expertise a conclu que la panne trouvait son origine dans une défaillance piston/bielle du quatrième cylindre.

En l'absence de solution amiable, M. René P. a, par acte du 26 juin 2017, fait assigner la société Nissauto et la société Nissan West Europe aux fins d'expertise judiciaire devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon saisi sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile.

Par ordonnance du 27 novembre 2017, le juge des référés, au motif de la prescription de toute action possible et en conséquence de l'absence de motif légitime, a :

- rejeté la demande d'expertise,

- condamné M. P. aux dépens.

M. René P. a interjeté appel de cette ordonnance le 28 décembre 2017.

Aux termes de ses dernières conclusions, M. René P., au motif que le délai de prescription de l'action en garantie des vices cachés n'a pas à être enfermé dans le délai de droit commun de 5 ans à compter de la vente, demande à la cour de :

- réformer la décision déférée,

- dire que sa demande d'expertise judiciaire repose sur un motif légitime,

- ordonner l'instauration de ladite mesure,

- de condamner solidairement la société Nissauto et la société Nissan West Europe aux entiers dépens de première instance et d'appel et à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions, la société Nissan West Europe demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a déclaré irrecevable l'action de M. P. en raison de la prescription et l'a débouté de sa demande d'expertise et l'a condamné aux dépens,

Et statuant à nouveau :

- considérer que M. P. ne justifie pas d'un motif légitime, au sens des dispositions de l'article 145 du Code de procédure civile, à ce que sa demande d'expertise soit ordonnée au contradictoire de Nissan West Europe, alors même que toute action éventuelle au fond, dirigée contre Nissan West Europe, est manifestement vouée à l'échec en ce qu'elle est irrecevable comme prescrite,

En conséquence :

- déclarer irrecevable l'action de M. P., et de toute autre partie, dirigée à l'encontre de Nissan West Europe,

- prononcer la mise hors de cause de Nissan West Europe,

- débouter M. P., et toute autre partie, de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de Nissan West Europe,

- condamner M. P. aux entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile et à verser à Nissan West Europe, la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Aux termes conclusions, la société Nissauto demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :

* rejeté la demande d'expertise, en l'absence de motif légitime

* condamné M. René P. aux dépens,

Y ajoutant :

- débouter M. René P. de sa demande de condamnation formulée à l'encontre de la SAS Nissauto au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et des dépens,

- condamner M. René P. aux entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile et à verser à la SAS Nissauto la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Motifs de la décision

L'article 145 du Code de procédure civile dispose :

" S'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. "

L'existence d'une contestation sérieuse ne constitue pas en elle-même un obstacle à la mise en œuvre de ce texte dont l'application n'implique aucun préjugé sur la responsabilité éventuelle des personnes appelées à la procédure ni sur les chances de succès du procès susceptible d'être ultérieurement engagé.

Il appartient cependant au juge de constater qu'un tel procès est possible, qu'il a un objet et un fondement suffisamment déterminé. Le demandeur ne peut en effet prétendre à l'existence d'un motif légitime lorsque sa prétention est manifestement vouée à l'échec comme irrecevable ou mal fondée.

L'article L. 110-4 du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008, prévoit que les obligations nées à l'occasion de leur commerce, entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants, se prescrivent par 10 ans et la loi du 17 juin 2008 a abrégé cette durée à 5 ans à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, soit le 19 juin 2008.

Le point de départ du délai se situe le jour de la naissance de l'obligation soit, en l'espèce, le jour de la vente du véhicule litigieux.

La société Nissan West Europe a importé en France et vendu le véhicule litigieux à l'état neuf à la société Nissauto Lyon sud le 20 janvier 2012 et M. René P. a acquis ce véhicule le 15 mars 2012 auprès de la société Nissauto.

Alors que le délai de deux ans de l'action en garantie des vices cachés de l'article 1648 du Code civil est enfermé dans le délai de droit commun de 5 ans et ne se substitue pas à lui, l'action introduite en référé par M. René P. à l'encontre de la société Nissauto et la société Nissan West Europe, le 26 juin 2017, est postérieure à l'expiration du délai de prescription quinquennale ayant commencé à courir à la date de vente du véhicule.

S'il n'appartient pas au juge des référé saisi d'une demande d'expertise in futurum de statuer sur la recevabilité de l'action envisagée, et que la fin de non recevoir soulevée par la société Nissan West Europe doit être rejetée, il convient de constater que toute action en garantie des vices cachés que M. René P. envisage tant à l'encontre de la société Nissauto que de la société Nissan West Europe est vouée à l'échec et qu'en conséquence, sa demande d'expertise au contradictoire de ces dernières ne repose pas sur un motif légitime.

Il convient donc de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle débouté M. René P. de sa demande.

M. René P. doit être condamné aux dépens.

Il n'y a pas lieu, au vu des circonstances de la cause, de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs LA COUR Rejette la fin de non recevoir soulevée par la société Nissan West Europe, Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions, Condamne M. René P. aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.