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Décisions

CA Douai, 3e ch., 25 octobre 2018, n° 17-04378

DOUAI

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Electro Depot France (SAS), Allianz Global Corporate & Specialityse (Sté)

Défendeur :

SAMCV Association Générale de Prévoyance Militaire Assurances , Mutuelle du Mans Assurances Iard (SA), Wesder (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Château

Conseillers :

M. Pety, Mme Bertin

Avocats :

Mes Laforce, Beaumont, Bufquin, Fournier, Coste Floret, Depaz

TGI Lille, du 7 avr. 2017

7 avril 2017

Exposé du litige, de la procédure et des prétentions des parties:

M. M. a fait l'acquisition le 23 septembre 2009 auprès de la société Electro Dépôt d'un sèche linge de marque California, référence DV60Q2ME.

Un incendie s'est déclaré le 28 juillet 2011 au domicile de M. M., dans la buanderie. Ce dernier était assuré auprès de l'Association Générale de Prévoyance Militaire Assurances (AGPM Assurances).

Une expertise amiable était alors confiée par cet assureur au cabinet Cunningham Lindsey, mesure d'instruction organisée au contradictoire de la compagnie MMA Iard, assureur de la société Wesder, importateur du sèche linge, et de la compagnie Royal International Insurance Holding, assureur de la société Electro Dépôt, distributeur du matériel.

Le rapport d'expertise a été déposé le 23 novembre 2011. Sa conclusion mentionnait l'existence d'un défaut interne au sèche linge litigieux.

Par actes d'huissiers des 21 mai, 2 juin et 18 août 2015, la compagnie AGPM Assurances a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Lille les sociétés Electro Dépôt France et Wesder ainsi que les compagnies Royal International Insurance Holding et M., leurs assureurs respectifs, sur le fondement de la responsabilité des produits défectueux.

Par jugement du 7 avril 2017, le tribunal de grande instance de Lille a :

- mis hors de cause la compagnie Royal International Insurance Holding,

- reçu la compagnie Allianz Global Corporate & Speciality SE en son intervention volontaire,

- déclaré la société Electro Dépôt France et la société Wesder responsables in solidum de l'incendie du 28 juillet 2011 survenu au domicile de M. et Mme M.,

- condamné in solidum la SAS Wesder et la société Electro Dépôt France à payer à la compagnie AGPM Assurances la somme de 29 550,02 euros par subrogation dans les droits de M. M. avec intérêts au taux légal à compter du 22 avril 2014,

- condamné in solidum la SAS Wesder et la société Electro Dépôt France à payer à la compagnie AGPM Assurances la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- dit que, dans leurs relations in solidum, la charge finale de la dette incomberait à 50 % à la société Electro Dépôt France et à 50 % à la SAS Wesder,

- condamné in solidum la SAS Wesder et la société Electro Dépôt France à payer à la compagnie AGPM Assurances une indemnité de procédure de 3 500 euros, sans préjudice des entiers dépens,

- dit que la compagnie M. devrait garantir le paiement des condamnations ainsi prononcées contre la SAS Wesder,

- débouté les parties de leurs autres demandes.

La société Allianz Global Corporate & Speciality SE et la SAS Electro Dépôt France ont interjeté appel de ce jugement. Elles demandent par voie d'infirmation à la cour de:

A titre principal,

- Dire que l'action de la compagnie AGPM Assurances est prescrite, cette compagnie étant irrecevable à agir,

- Déclarer la compagnie AGPM Assurances irrecevable à agir en l'absence de toute preuve de sa subrogation dans les droits des époux M.,

- En conséquence, débouter la compagnie AGPM Assurances de ses demandes,

- La condamner à leur verser la somme de 3 000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens,

A titre subsidiaire sur le fond,

- Dire que les conditions de la responsabilité de la société Electro Dépôt France ne sont pas réunies,

- Dire mal fondées les demandes de la compagnie AGPM Assurances,

- La débouter de toutes ses demandes, en ce compris son appel incident devant la cour,

- La condamner à verser aux sociétés appelantes une indemnité de procédure de 3 000 euros chacune, outre les entiers dépens,

A titre très subsidiaire,

- Dire que la société Wesder doit répondre seule de tout désordre imputable au défaut qui affecterait le sèche linge,

- En conséquence, condamner in solidum les sociétés Wesder et M. Iard à relever et garantir les sociétés Electro Dépôt France et Allianz Global Corporate & Speciality SE de l'ensemble des condamnations qui seraient prononcées à leur encontre,

- Les condamner à leur verser une indemnité de procédure de 3 000 euros chacune, outre les entiers dépens,

En tout état de cause,

- Débouter les sociétés Wesder et M. Iard de l'ensemble de leurs demandes, en ce compris leur appel incident devant la cour,

- Les condamner à leur verser une indemnité de procédure de 3 000 euros, outre les entiers dépens.

Les sociétés Allianz Global Corporate & Speciality SE et Electro Dépôt France relèvent dans un premier temps que l'action de la compagnie AGPM Assurances est articulée sur le fondement des dispositions spéciales des articles 1245 et suivants du Code civil (anciennement 1386-1 et suivants) institués par la loi du 19 mai 1998 qui transpose la directive européenne du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives et administratives des Etats membres en matière de responsabilité des produits défectueux. A ce sujet, l'article 1245-16 du Code civil fixe un délai pour agir de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage. En l'espèce, le dommage est du 28 juillet 2011 de sorte que la prescription était acquise au 23 novembre 2014 comme indiqué par les premiers juges. Or, AGPM Assurances n'a engagé sa procédure que le 2 juin 2015, ce qui est tardif. C'est à tort que le tribunal de grande instance de Lille a cru devoir invoquer l'article 2240 du Code civil pour écarter la prescription pourtant acquise au motif qu'une prétendue reconnaissance de responsabilité émanerait d'Electro Dépôt France et de Wesder, reconnaissance qui aurait interrompu le délai de prescription. En effet, il n'est pas possible de tirer des développements du rapport d'expertise amiable une quelconque reconnaissance de responsabilité du vendeur et du distributeur du sèche linge litigieux. Ce document n'émane pas de ces parties et les experts mandatés n'avaient à ce titre aucun pouvoir pour se prononcer en leur nom. En outre, ce rapport unilatéral n'a aucune valeur probante sur une prétendue position des experts des autres parties à l'expertise. Enfin, les actions menées par le distributeur pour rappeler les produits défectueux n'engagent pas le vendeur.

Par ailleurs, la société AGPM Assurances doit justifier de sa subrogation dans les droits de l'acquéreur, établir l'imputabilité du sinistre au défaut du produit et le fait que la société Electro Dépôt France serait tenue de répondre des prétendus dommages causés par le défaut allégué du produit en sa qualité de distributeur, tous ces points étant contestés.

Du surcroît l'assureur poursuivant doit cumulativement justifier le caractère réel du paiement ainsi que le caractère obligatoire de celui ci. Or, la compagnie AGPM ne communique pas les conditions particulières de la police qui aurait été souscrite par les époux M. pas plus qu'elle ne produit de quittance signée par ces derniers et qui établirait leur volonté d'être subrogés. Aucune subrogation conventionnelle n'est donc acquise. Les premiers juges n'avaient pas davantage à viser la subrogation légale de l'article 1251-3 du Code civil dès lors que la subrogation légale de l'article L. 121-12 du Code assurances prévalait.

Sur le fond, la lecture du seul rapport d'expertise établi unilatéralement par le cabinet Cunningham & Lindsay ne permet pas de retenir que l'incendie litigieux aurait pour cause un défaut du sèche linge.

En tout état de cause, seul l'importateur, la société Wesder, doit en répondre. Aucune part de responsabilité ne peut en cela être imputée à la société Electro Dépôt France, et certainement pas au motif qu'elle ne justifierait pas de ce qu'elle aurait tenté de notifier la défectuosité du produit aux époux acquéreurs. Cette société a bien participé à la campagne de rappel qui de fait incombait d'abord à l'importateur, la société Wesder. Il faut aussi préciser que M. M. a déménagé et la société Electro Dépôt France ne connaissait pas la nouvelle adresse de ce dernier lorsque Wesder a initié les opérations de rappel de matériel. Il n'y a en toute hypothèse aucun lien de causalité entre le reproche ainsi fait au vendeur et les dommages. La décision dont appel sera donc infirmée en ce qu'elle a retenu la responsabilité de la société Electro Dépôt France. Aucune condamnation à des dommages et intérêts pour procédure abusive ne pourra davantage être maintenue ni moins encore aucun partage de responsabilité avec la société Wesder.

La société Electro Dépôt France entend subsidiairement bénéficier de la garantie de cette dernière en sa qualité d'importateur du sèche linge défectueux, ce recours en garantie étant expressément organisé à l'article L. 211-14 du Code de la consommation. La société Wesder doit répondre du défaut sériel qui affecte le matériel qu'elle a importé et qu'elle a vendu à Electro Dépôt France.

La société AGPM Assurances demande à la cour de:

- Dire la SAS Wesder, importateur, solidairement avec la SAS Electro Dépôt France, distributeur, entièrement responsable de l'incendie survenue le 28 juillet 2011 chez M. et Mme M.,

- En conséquence, condamner solidairement la SAS Electro Dépôt France et la SAS Wesder à indemniser intégralement AGPM Assurances du préjudice subi, et à lui payer la somme de 29 550,02 euros en réparation du préjudice total, avec intérêts au taux légal à compter du 22 avril 2014,

- Condamner solidairement la SAS Electro Dépôt France et la SAS Wesder à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais de première instance,

- Condamner la compagnie Allianz Global Corporate & Speciality SE solidairement avec la SAS Electro Dépôt France à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d'appel, sans préjudice des entiers dépens,

- Condamner les M. Iard à garantir l'ensemble des condamnations prononcées contre la SAS Wesder,

- Condamner la société Royal International Insurance Holding à garantir l'ensemble des condamnations qui seront prononcées contre son assurée, la SAS Electro Dépôt France.

La société AGPM Assurances, qui agit pour le compte des époux M., conclut à la confirmation du jugement déféré. Sur la question de la subrogation, elle rappelle qu'elle a produit aux débats les dispositions générales du contrat d'habitation AGPM et les conditions particulières, éléments qui établissent qu'elle est fondée pour agir aux lieu et place de ses assurés et que l'ensemble des constatations du sinistre ont été relevées contradictoirement. Par ailleurs, le rapport d'expertise établi le 23 novembre 2011 par le cabinet Cunningham Lindsay démontre qu'AGPM Assurances intervient pour le compte de M. M.. Cette expertise est contradictoire avec M., assureur de la société Wesder. Par lettre du 10 septembre 2013, AGPM Assurances rappelait aux M. que l'indemnité versée l'avait été en vertu d'un procès verbal de constatation des dommages réalisé par l'adhérent. Ce procès verbal a été communiqué et l'accord des parties y est indiqué. Par ailleurs, la volonté de subroger s'évince clairement de la quittance régularisée par le CIC Est. Enfin, l'AGPM Assurances justifie de l'encaissement de la provision de 5 000 euros du 9 août 2011 comme des sommes mentionnées sur les quittances des 26 décembre 2011 et 17 février 2012.

Sur le fond, AGPM Assurances rappelle les termes des obligations du distributeur comme du producteur: conception d'un produit conforme à la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, obligation d ' information du public en cas d'apparition d'un danger affectant le produit après sa mise sur le marché et obligation de retrait et de rappel du produit défectueux.

Les M., assureur de la société Wesder, importateur du constructeur Guangdong Galanz, relèvent que plusieurs rappels ont été faits par la société Electro Dépôt France sur ce modèle de sèche linge en ce qu'il présentait des défauts. L'adresse des époux M. est inscrite sur le ticket de caisse. Les intéressés n'ont jamais été contactés par Electro dépôt France. Il y a là pour AGPM Assurances une carence du distributeur.

La preuve du lien de causalité entre l'appareil litigieux et les dommages subis par les époux M. est rapportée selon leur assureur. L'expertise montre que le point de départ de l'incendie se situe au sous sol du bâtiment, plus précisément dans la buanderie. Dans cette pièce se trouvent deux appareils, un lave linge et un sèche linge. L'examen de la face côté droit du lave linge établit que celui ci n'est pas la cause de l'incendie et qu'il a " subi " le sinistre. Dans le sèche linge, le linge est brûlé. Les experts techniciens sont à ce sujet tous d'accord. AGPM Assurances, qui agit par subrogation des époux M., apporte bien la preuve d'un défaut du sèche linge litigieux qui a pris feu et ainsi provoqué l'incendie et les dégradations de la maison des assurés. Le rapport d'expertise contradictoire du cabinet Cunningham & Lindsey mentionne en page 12 que l'assureur du constructeur Chartis reconnaît que la cause de l'incendie résulte bien d'un défaut interne de cet appareil, position retenue par l'importateur, la SAS Wesder, et par le distributeur, Electro Dépôt France. Selon les articles 2240 et 2249 du Code civil, il y a là une reconnaissance par les débiteurs du droit de celui contre lequel ils entendent prescrire, reconnaissance qui interrompt le délai de prescription. Ce moyen d'irrecevabilité n'est donc pas recevable. En outre, Wesder n'a rien fait pour permettre l'identification du producteur de sorte qu'elle ne peut, au sens de l'article 1386-17 du Code civil, soutenir que la prescription serait acquise.

Sur l'indemnisation, AGPM Assurances justifie de ce qu'elle a réglé aux époux M. la somme de 29 550,02 euros, soit 5 000 et 10 134,55 euros directement à ces derniers, et 12 056 euros au CIC. Il faut ajouter à cela 2 359,47 euros versés à l'expert d'assurance Cunningham & Lindsay.

La SAS Wesder et son assureur, les M. Iard, sollicitent par voie de réformation de la juridiction du second degré qu'elle:

- Dise la société AGPM Assurances prescrite en son action en ce qu'elle est postérieure au 23 novembre 2014,

- Dise que la société AGPM Assurances ne justifie pas de la subrogation légale qu'elle allègue pour exercer son recours ni même d'une subrogation conventionnelle,

- La déclare ainsi irrecevable en son action et en ses demandes,

Subsidiairement,

- Dise que la société AGPM Assurances ne rapporte pas la preuve certaine et objective de l'existence d'un défaut du sèche linge importé par la société Wesder, antérieur à sa mise en circulation ni celle du lien de causalité avec les dommages subis par les époux M.,

- Dise que la société Wesder n'a fait preuve d'aucune résistance abusive,

- Dise la société AGPM Assurances mal fondée en toutes ses demandes,

- La déboute de l'intégralité de ses demandes formées contre la société Wesder et son assureur,

- En tant que de besoin, condamne in solidum la société Electro Dépôt France et son assureur, Allianz Global Corporate & Speciality Se, à garantir et relever indemnes la société Wesder et son assureur, les M., de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre,

- Déboute la société Electro dépôt France et son assureur de toute demande formée à l'encontre de Wesder et de son assureur, les M.,

En tout état de cause,

- Condamne toute partie qui succombe à verser à la société Wesder et aux M. une indemnité de procédure de 5 000 euros, sans préjudice des entiers dépens.

La société Wesder et son assureur exposent en premier lieu que l'action d'AGPM Assurances n'est pas recevable. La subrogation légale exige en effet que le paiement d'une somme par l'assureur à son assuré prenne le caractère d'une indemnité d'assurance, ce qui suppose qu'elle soit versée en application des stipulations de la police d'assurance, régulièrement souscrite. Pour l'assureur qui se prétend subrogé, cela exige de produire la police d'assurance dans son intégralité et de démontrer que le versement a été réalisé au titre de cette police. A ce titre, les pièces initialement versées par la société d'assurance demanderesse puis celles subséquentes ne permettent pas de retenir la subrogation. Les conditions particulières ne sont pas transmises. Il n'est pas justifié que les dommages allégués soient garantis et les conditions générales produites en pièce 17 font état d'une exclusion de garantie des dommages causés aux biens et provenant d'un vice propre. En outre, la subrogation conventionnelle, qui répond aussi à ces conditions strictes, ne saurait davantage être retenue (communication seulement d'une quittance provisionnelle et absence de règlements concomitants).

A titre subsidiaire, sur le fond, la société Wesder n'entend pas assumer la charge des conséquences du sinistre. Sur le terrain de la responsabilité des produits défectueux, il échet de constater que la partie demanderesse n'établit pas la preuve certaine et objective d'un défaut présenté par le sèche linge incriminé, défaut qui présenterait de surcroît un lien causal avec les dommages invoqués. Si un défaut du sèche linge devait quand même être retenu, il s'agirait alors d'un défaut sériel et l'importateur serait alors fondé à solliciter la garantie du distributeur, Electro Dépôt France, ainsi que de son assureur. En effet, à compter de 2010, soit après la vente mais avant le sinistre, le sèche linge en question a fait l'objet d'une campagne de rappel avec le concours d'Electro Dépôt. L'adresse des époux M. étant inscrite sur le ticket de caisse, le distributeur était à même d'aviser les acquéreurs et de leur notifier la procédure de rappel. Or, les époux M. n'ont pas été contactés par la société Electro Dépôt France. Ces derniers ont dû faire suivre leur courrier de sorte que ce distributeur a manqué à ses diligences. Sa responsabilité est entière et il ne saurait être question d'un partage avec la société Wesder.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 juillet 2018.

Motifs de la décision:

1. Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action de la société AGPM Assurances:

En application de l'article 1386-17 du Code civil, devenu l'article 1245-16 depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, l'action en réparation fondée sur les dispositions du présent chapitre se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur.

Aux termes de l'article 2240 du Code civil, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription.

En l'espèce, l'expert ayant procédé à l'expertise extrajudiciaire du sinistre, à laquelle ont participé, par l'intermédiaire de leurs experts mandatés par leurs assureurs, la SAS Wesder, les 5 septembre et 20 octobre 2011, et la SAS Electro Dépôt, le 20 octobre 2011, a mentionné notamment, dans son rapport établi le 23 novembre 2011:

- un schéma contractuel montrant que :

* la société Guangdong Galanz est le fabricant,

* la SAS Wesder est l'importateur,

* la SAS Electro Dépôt est le distributeur,

* M. M. est le client final,

- des relations contractuelles entre :

* M. M. et la SAS Electro Dépôt,

* la SAS Electro Dépôt et la SAS Wesder,

- que le point de départ de l'incendie se situe au sous sol du bâtiment, au niveau de la buanderie,

- qu'aucune cause extérieure au sèche linge ne semble avoir causé le sinistre incendie ; en effet, les divers éléments qui entouraient le sèche linge ont été affectés par les échauffements, mais seulement de façon locale,

- un fusible retrouvé dans la partie commande n'a pas été détruit,

- le bon état de la prise et du câble d'alimentation du sèche linge,

- l'incendie résulte bien d'un défaut interne au sèche linge,

- la responsabilité de l'importateur peut être recherchée sur les bases de 'l'article 1386 alinéas 1 à 18 du Code civil',

- le lien de causalité entre le dommage relevé et les défauts internes du sèche linge est établi,

- un recours est à exercer à l'encontre de la SAS Wesder.

L'expert a également indiqué la position des experts mandatés par les assureurs de la SAS Wesder, de la SAS Electro Dépôt et de la société Guangdong :

- pour l'expert mandaté par l'assureur de la SAS Electro Dépôt : l'incendie est bien parti du sèche linge, mais celui ci n'a pas été clairement identifié,

- pour l'expert mandaté par l'assureur de la SAS Wesder : plusieurs rappels ont été faits par la SAS Electro Dépôt sur ce modèle de sèche linge qui présentait un défaut ; l'adresse de M. M. étant

inscrite sur le ticket de caisse, un rappel de l'appareil aurait dû être fait par la SAS Electro Dépôt,

- pour l'expert mandaté par la société Guangdong : la cause de l'incendie résulte bien d'un défaut interne à l'appareil.

En conséquence, il est établi que c'est le 23 novembre 2011, date du dépôt du rapport d'expertise extrajudiciaire, que la compagnie AGPM Assurances a eu connaissance du dommage, du défaut du sèche linge et de l'identité du producteur, étant au surplus relevé qu'au cours de cette expertise extrajudiciaire, la SAS Wesder n'a pas contesté sa qualité d'importateur du sèche linge et le fait d'être assimilée à un producteur au sens de l'article 1386-6, 2° du Code civil, devenu l'article 1245-5, 2° à compter de l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, la SAS Electro Dépôt n'ayant pas contesté l'avoir vendu.

Il s'ensuit que la prescription triennale prévue à l'article 1386-17 du Code civil, devenu l'article 1245-16, a commencé à courir à partir du 23 novembre 2011 pour expirer le 23 novembre 2014.

En revanche, la présence des experts mandatés par les assureurs de la SAS Wesder et de la SAS Electro Dépôt ne constitue pas une manifestation de la volonté certaine et non équivoque de ces deux sociétés de reconnaître leur responsabilité dans les conséquences dommageables du sinistre survenu le 28 juillet 2011.

De même, les positions adoptées par les experts mandatés par les assureurs de la SAS Wesder et de la SAS Electro Dépôt au cours des opérations d'expertise extrajudiciaire (page 12 du rapport d'expertise extrajudiciaire) ne permettent pas non plus d'affirmer que ces deux personnes morales ont reconnu de manière ferme leur responsabilité dans les suites dommageables de l'incendie du 28 juillet 2011.

Si l'expert mandaté par l'assureur de la société Guangdong Galanz admet que l'incendie résulte d'un défaut interne du sèche linge, force est de constater que cette position, contrairement à ce que soutient AGPM Assurances, n'est pas retenue de manière certaine et non équivoque par la SAS Wesder et la SAS Electro Dépôt, et en tout état de cause, cette déclaration de l'expert de l'assureur du fabricant ne saurait valoir reconnaissance de responsabilité pour l'importateur, la SAS Wesder, et le vendeur, la SAS Electro Dépôt.

Enfin, la seule circonstance que la SAS Wesder et la SAS Electro Dépôt ont procédé au rappel des sèches linges présentant le défaut de sécurité litigieux pouvant entraîner un incendie, par un affichage obligatoire du 22 août au 31 décembre 2011, relayé sur le site internet de la SAS Electro Dépôt ainsi que dans la presse le 17 mars 2011, ne constitue nullement pour ces deux sociétés une reconnaissance ferme, non équivoque et non assortie de réserves de leur responsabilité dans le sinistre incendie du 28 juillet 2011.

A titre surabondant, la cour note que, par courrier du 19 novembre 2013 et par courrier du 18 février 2014, les M. Iard, assureur de la SAS Wesder, ont, d'une part, souligné que la seule implication du sèche linge dans la réalisation du sinistre ne suffit pas à engager la responsabilité de son assurée, et, d'autre part, que le sinistre relève de la responsabilité entière de la SAS Electro Dépôt.

En conséquence, faute pour l'AGPM Assurances de démontrer que la SAS Wesder et la SAS Electro Dépôt ont reconnu leurs responsabilités dans le sinistre incendie survenu le 28 juillet 2011, aucune interruption de la prescription triennale n'est intervenue entre le 23 novembre 2011 et le 23 novembre 2014.

Il s'ensuit que l'action de l'AGPM Assurances intentée par voie d'assignations délivrées les 21 mai, 2 juin et 18 août 2015 est prescrite, étant encore noté à titre surabondant que, par LRAR du 22 avril 2014 adressée à la SAS Electro Dépôt, l'AGPM Assurances avait décidé, après échec du recours

amiable, de donner à la date du 3 juin 2014 des instructions en vue de faire assigner le vendeur devant la juridiction compétente faute de règlement sous quinzaine.

L'action de l'AGPM Assurances à l'encontre de la SAS Wesder et de la SAS Electro Dépôt, et de leurs assureurs respectifs est en conséquence irrecevable comme prescrite.

Le jugement attaqué sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action de l'AGPM Assurances.

2. Sur les demandes annexes:

Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du Code de procédure civile.

L'équité commande de condamner l'AGPM Assurances aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction pour ceux d'appel au profit de Maître Parichet et de Maître Laforce, et à payer, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des procédures de première instance et d'appel, à la SAS Wesder, la société Allianz Global corporate et speciality SE, la SAS Electro Dépôt et les M. Iard la somme de 1 500 euros chacune.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, - Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lille le 7 avril 2017; Et Statuant à nouveau, - Déclare irrecevable comme prescrite l'action de l'Association Générale de Prévoyance Militaire Assurances dirigée contre la SAS Wesder, la société Allianz Global corporate et speciality SE, la SAS Electro Dépôt et les M. Iard ; - Condamne l'Association Générale de Prévoyance Militaire Assurances aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction pour ceux d'appel au profit de Maître Parichet et de Maître Laforce, et à payer, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des procédures de première instance et d'appel, à la SAS Wesder, la société Allianz Global corporate et speciality SE, la SAS Electro Dépôt et les M. Iard la somme de 1 500 euros chacune.