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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. civ., 30 octobre 2018, n° 16-02367

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

NM (SARL)

Défendeur :

TMEG Bordeaux (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chelle

Conseillers :

Mme Fabry, M. Pettoello

Avocats :

Mes Fougeras, Bechaud, Chevreau

T. com. Bordeaux, 3e ch., du 8 mars 2016

8 mars 2016

Exposé du litige

Par contrat du 15 mars 2011, la société NM SARL, qui exploitait un fonds de commerce de débit de boissons, a passé avec la société TMEG Bordeaux (SAS) un accord commercial d'approvisionnement exclusif pour une durée de 5 ans.

Le 18 mars 2011, la société NM a passé un contrat avec la société Brasserie Meteor pour l'approvisionnement de bières, la société TMEG étant désignée comme entrepositaire/fournisseur des produits.

Le 30 janvier 2014, la société NM a vendu son fonds de commerce à la société La Taverne du Midi moyennant un prix de 300 000 euros.

Le 28 mai 2014, la société TMEG Bordeaux, invoquant plusieurs factures impayées et une indemnité forfaitaire au titre de la rupture du contrat, a opéré une opposition sur le prix de cession d'un montant de 15 101,67 euros.

La société NM a saisi le Tribunal de commerce de Bordeaux pour obtenir la mainlevée de l'opposition, qui a fait l'objet d'une ordonnance de désistement le 23 février 2015.

Par exploit d'huissier en date du 3 mars 2015, la société TMEG a assigné la société NM devant le Tribunal de commerce de Bordeaux aux fins de voir prononcer la résolution du contrat aux torts exclusifs de la société NM et de la voir condamner au paiement de la somme de 15 101,86 euros.

Par jugement contradictoire en date du 8 mars 2016, le Tribunal de commerce de Bordeaux a :

- condamné la société NM à verser à la société TMEG Bordeaux :

- la somme de 3 000 euros en application de l'article 7 du contrat passé entre les parties

- la somme de 101,86 euros en paiement de reliquat de facture ;

- la somme de 750 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la société NM aux dépens d'instance.

La société NM a relevé appel de la décision par déclaration du 7 avril 2016.

Par conclusions notifiées en dernier lieu le 27 juin 2016, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, la société NM demande à la cour de :

- réformer le jugement en son intégralité

- débouter la société TMEG de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, et de son appel incident,

- statuant à nouveau,

- dire et juger que le contrat de fourniture d'approvisionnement encourt la nullité,

- en conséquence,

- dire et juger que la société TMEG ne peut valablement se prévaloir de la clause pénale insérée dans les articles 5 et 7 des conditions générales,

- à titre subsidiaire,

- dire et juger que la société TMEG ne saurait mettre en œuvre l'article 7 compte tenu de la mauvaise foi dont elle a fait preuve,

- à titre infiniment subsidiaire,

- dire et juger que la société TMEG s'est rendue coupable d'abus dans la fixation du prix,

- en conséquence,

- la condamner au paiement de la somme de 5 000 euros à titre dommages et intérêts,

- ordonner la compensation entre ladite somme et les éventuelles condamnations pouvant être prononcées à son encontre,

- à titre infiniment infiniment subsidiaire,

- ramener à de plus justes proportions la clause pénale à 3 000 euros en application de l'article 1152 du Code civil,

- en tout état de cause,

- condamner la société TMEG au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La société NM fait notamment valoir que le contrat de distribution conclu avec la société TMEG était accessoire à celui conclu avec la société Brasserie Meteor ; qu'il ne pouvait donc pas être signé antérieurement ; que la société TMEG a manqué à son obligation d'information prévue par l'article L. 330-3 du Code de commerce ; que pour ces raisons, la nullité du contrat du 15 mars 2011 doit être prononcée ; à titre subsidiaire, que la société TMEG, qui a fait preuve de mauvaise foi, n'est pas légitime à invoquer la clause pénale insérée à l'article 7 du contrat du 15 mars 2011 ; à titre infiniment subsidiaire, que par le biais de la clause d'approvisionnement exclusif, la société TMEG a porté atteinte à la libre négociation du prix selon la loi du marché, commettant ainsi un abus justifiant l'octroi de dommages et intérêts ; à titre infiniment plus subsidiaire, que la société TMEG a largement bénéficié d'un approvisionnement exclusif pendant trois années ; qu'il y a lieu de réduire le montant de la clause pénale.

Par conclusions notifiées en dernier lieu le 9 juin 2016, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, la société TMEG Bordeaux demande à la cour de :

- réformer le jugement

- prononcer la résolution du contrat du 15 mars 2011 aux torts exclusifs de la société NM,

- condamner la société NM à lui verser la somme de 15 000 euros au titre de l'article 7 du contrat,

- confirmer le jugement sur le surplus en ce qu'il a condamné la société NM à lui verser la somme de 101,86 euros au titre des factures de marchandise et de réparation impayées, et au titre de l'article 700,

- dans tous les cas,

- débouter la société NM de l'intégralité de ses demandes,

- condamner la société NM à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel,

- condamner la société NM aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La société TMEG fait notamment valoir que la société NM ne conteste à aucun moment l'existence et le bien fondé de la dette de marchandise ; que le contrat signé entre elles ne peut constituer l'accessoire de celui signé avec la société Brasserie Meteor ; que ces deux contrats ne sont pas interdépendants ; qu'en tout état de cause, la société NM n'explique pas en quoi cette interdépendance fonderait la nullité du premier contrat ; que les dispositions de l'article L. 330-3 du Code de commerce, ne sont pas applicables en l'espèce ; que les contrats d'achat exclusif de boissons peuvent comporter une clause selon laquelle les ventes se feront au prix valable au jour de la commande ; qu'on ne saurait donc lui reprocher une absence de transparence sur les prix ; que la société NM ne rapporte pas la preuve du transfert de contrat qui aurait été accepté par la société Brasserie Meteor ; que s'agissant du montant de la clause pénale, le pouvoir modérateur du juge ne saurait s'appliquer ; que le préjudice subi n'est pas inférieur à la pénalité prévue, de sorte que le montant de la clause n'est en aucun cas excessif.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 septembre 2018.

Motifs :

Sur la demande principale :

La demande en paiement de la société TMEG porte sur une somme de 15 101,86 euros correspondant :

- à un solde de factures de marchandises et de réparation de matériel de 101,67 euros (850,99 + 335,55 - un avoir de coopération de 1 084,87 euros)

- à l'indemnité forfaitaire de 20 % de rupture du contrat, d'un montant de 15 000 euros.

Faute pour l'appelante de s'exprimer sur le solde de factures, qui apparaît au demeurant justifié par les pièces produites par l'intimée, le jugement qui a condamné la société NM à payer à ce titre la somme de 101,67 euros sera confirmé.

C'est sur la question de l'indemnité forfaitaire que les parties s'opposent.

Pour contester le bien fondé de la demande, l'appelante soutient :

- à titre principal, la nullité du contrat ;

- à titre subsidiaire, l'impossible mise en œuvre de l'article 7 compte tenu de la mauvaise foi de la société TMEG ;

- à titre infiniment subsidiaire, l'abus dans la fixation du prix justifiant l'octroi de dommages et intérêts ;

- à titre infiniment subsidiaire, le caractère excessif du montant de l'indemnité.

Sur la validité du contrat :

L'appelante soutient en premier lieu que le contrat de fourniture encourt la nullité tant en raison de son interdépendance avec le contrat en date du 18 mars 2011 la liant à la société Brasserie Meteor qu'en raison du non-respect par la société TMEG des dispositions de l'article L. 330-3 du Code de commerce, de sorte qu'elle ne peut valablement se prévaloir de la clause pénale insérée dans les articles 5 et 7 des conditions générales.

- Sur l'interdépendance avec le contrat en date du 18 mars 2011 conclu entre la société NM et la société Brasserie Meteor :

Il résulte des débats que la société NM a signé avec la Brasserie Meteor un contrat aux fins d'approvisionnement le 18 mars 2011, soit trois jours après celui du 15 mars 2011 conclu avec la société TMEG dont elle soutient qu'ayant été signé avant celui du 18 mars dont il est pourtant accessoire, il encourt de ce fait la nullité.

Même s'il ressort des stipulations des deux contrats qu'ils participent tous deux à une opération économique envisagée comme commune concourant à la réalisation de la même opération, même si la société TMEG est désignée comme dépositaire de la société Brasserie Meteor dans le contrat du 18 mars 2011 (cf notamment la mention, dans le contrat du 15 mars 2011, du prêt de 27 375 euros contracté auprès du CIC sous la caution de la Brasserie Meteor, pour lequel la société TMEG s'est engagée comme contre caution), ce qui permet de caractériser l'interdépendance, c'est à bon droit que l'intimée oppose que le contrat du 15 mars ne porte pas uniquement sur les produits de la Brasserie Meteor (de la bière exclusivement), et qu'elle a consenti de son côté des avantages à son cocontractant (contre cautionnement bancaire de 50 % pour l'obtention d'un prêt consenti à la société NM, remise mensuelle de 15 % - article 1 du contrat) qui constituent la contrepartie des engagements de la société NM à son égard (cf articles 2 et 3 du contrat).

Surtout, elle souligne justement que l'appelante n'invoque aucun fondement juridique au soutien de sa demande de nullité, l'interdépendance invoquée, et partiellement établie, ne pouvant fonder la nullité du contrat litigieux que si le contrat conclu avec la Brasserie Meteor a lui-même été annulé, ce qui n'est ni avéré ni même invoqué puisque l'appelante prétend au contraire que le fournisseur a accepté le transfert du contrat.

Le jugement qui, tout en retenant l'interdépendance, a rejeté le moyen, sera donc confirmé.

- Sur le non-respect par la société TMEG des dispositions de l'article L. 330-3 du Code de commerce :

L'appelante soutient par ailleurs la nullité du contrat motif pris du non-respect par l'intimée des dispositions de l'article L. 330-3 du Code de commerce aux termes duquel " toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause. "

Elle soutient notamment que l'intimée, qui ne justifie pas de la remise de l'exemplaire des tarifs, qui produit aux débats des conditions générales de vente qui, bien que tamponnées et signées, ne sont pas datées et ne comportent aucune référence de contrat, qui ne démontre pas que le volume et le chiffre d'affaires minimum étaient adaptés à son activité, ne justifie pas avoir rempli son obligation d'information, de sorte qu'elle ne pouvait valablement appréhender les prix pratiqués, ce qui constitue un vice du consentement qui justifie la nullité du contrat pour erreur sur la rentabilité économique.

L'intimée oppose cependant à bon droit que ce texte est inapplicable à l'espèce dès lors que pour entrer dans le champ d'application de l'article L. 330-3, il faut que les parties soient liées par des stipulations contractuelles prévoyant d'un côté la mise à disposition de l'enseigne, du nom commercial ou de la marque, et d'un autre, un engagement d'exclusivité pour l'exercice de l'activité concernée. Sur ces deux conditions cumulatives, seule est remplie en l'espèce celle tenant à un engagement d'exclusivité pour l'exercice de l'activité concernée, le contrat ne comportant aucune stipulation tenant à la mise à disposition d'un nom commercial, d'une marque ou d'une enseigne.

La société TMEG n'était donc pas tenue de l'obligation d'information particulière de l'article L. 330-3, de sorte que les griefs invoqués sont inopérants, et que l'appelante est infondée à invoquer une " erreur sur la rentabilité économique " justifiant la nullité.

Le grief sera donc écarté.

Sur l'abus dans la fixation du prix :

L'appelante soutient ensuite que la société TMEG s'est rendue coupable d'abus dans la fixation du prix, ce qui justifie selon elle sa condamnation au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, avec compensation avec les éventuelles condamnations pouvant être prononcées à son encontre.

Elle allègue que contrairement à ce qui est indiqué dans l'article 4 de la convention, les prix n'étaient pas déterminés ; que l'intimé ne lui a pas transmis la liste des prix et grilles tarifaires contrairement à ce quelle soutient ; qu'elle ne pouvait avoir aucune visibilité, les prix étant simplement fixés par rapport aux tarifs du fournisseur en vigueur au moment de chaque commande ; que la société TMEG ne démontre pas que sa référence au tarif du fournisseur est licite et qu'elle n'a pas abusé de son exclusivité pour en tirer un profit illégitime ; qu'il est indéniable que l'intimée, par le biais de la clause d'approvisionnement exclusif, a porté atteinte à la libre négociation du prix selon la loi du marché, se rendant ainsi coupable d'abus.

L'intimée oppose justement l'article 1 (" le revendeur déclare avoir pris connaissance dès avant les présentes du tarif en cours dont un exemplaire lui a été remis ") et l'article 4 du contrat (" les parties déclarent avoir eu connaissance et accepté les prix et conditions générales de vente de l'entreprise fournisseur. Le prix sera en permanence fixé par référence aux tarifs du fournisseur en vigueur au moment de chaque commande, s'agissant de vente successive "). Ces articles, approuvés par les parties, constituent une preuve suffisante de la remise des grilles tarifaires à la société NM. Si celle ci entend le contester, il lui appartient, conformément à l'article 1315 du Code civil, d'en rapporter la preuve, ce qu'elle s'abstient de faire, son argumentation tenant à l'absence de date et de référence du contrat sur les conditions générales portant son tampon n'apparaissant pas pertinente dès lors qu'il n'est pas allégué qu'un autre contrat aurait été conclu entre les parties.

La société TMEG fait par ailleurs valoir justement que s'agissant de la détermination du prix dans les contrats d'exclusivité, il est admis que :

- les accords cadres d'achat exclusif de bière ou autres boissons sont valables même en l'absence d'une clause relative au prix auquel la bière sera achetée ultérieurement ;

- les contrats peuvent comporter une clause selon laquelle les ventes se feront au prix valable au jour de la commande ;

- ce n'est que lorsque le fournisseur abuse de cette possibilité de fixer le prix unilatéralement qu'une action en résiliation du contrat ou en indemnisation (mais pas en nullité) est ouverte à l'acheteur.

Elle est d'ailleurs fondée à soutenir qu'elle n'a retiré aucun avantage excessif du contrat dès lors que lorsque la société NM atteignait les volumes, elle bénéficiait d'un avoir de coopération par remise mensuelle de 15 % sur le chiffre d'affaire (cf. art. 1).

Le stipulations contractuelles, parfaitement conformes aux usages en la matière, n'encourent donc aucune critique particulière alors que l'appelante affirme sans en justifier que les prix pratiqués se sont éloignés de ceux du marché, et que la société TMEG a pu en tirer un profit illégitime, étant relevé qu'elle n'a soulevé aucune difficulté ni émis la moindre protestation sur les prix pratiqués pendant les trois ans d'exécution du contrat.

La preuve d'un abus n'étant pas rapportée, le grief sera lui aussi rejeté.

Sur la mise en jeu de la clause pénale :

La société TMEG fonde sa demande en paiement d'une indemnité forfaitaire de 15 000 euros sur les articles 7 et 8 du contrat.

L'article 8 stipule : " (...) En cas de vente volontaire ou forcée, le revendeur avisera le fournisseur de la cession, 15 jours avant la mutation, par LR avec AR et sauf dispense expresse écrite du fournisseur, le revendeur s'engage à la reprise par son successeur de l'exécution du présent marché. En cas d'inobservation de ces dispositions, il est fait application de la clause pénale figurant à l'article 7.

(...) si le nouveau bénéficiaire du fonds de commerce (...) refuse de reprendre l'exécution du marché, la marché sera considéré comme non exécuté. Dans ce cas particulier, la clause figurant à l'article 7 sera applicable.

Selon l'article 7, " Sauf cas de force majeure, pour le fournisseur comme pour le revendeur, l'engagement d'exclusivité sera poursuivi en exécution jusqu'à complet achèvement de sa durée.

Si le revendeur devait ne pas remplir intégralement l'une quelconque des obligations découlant de ce contrat, et si le fournisseur ne décide pas expressément d'en poursuivre l'exécution, le marché sera résilié de plein droit. La résolution est acquise sans mise en demeure ou accomplissement de formalités judiciaires et la clause pénale est exigible dès que la résolution est acquise.

Dans ce dernier cas, le revendeur s'engage à restituer les avantages mentionnés à l'article 1 ou accorder à toute autre occasion ou à les rembourser à leur valeur d'origine à la convenance du fournisseur.

Le revendeur aura, en outre, à payer au fournisseur des dommages et intérêts qui ne sauraient être inférieurs à un montant fixé forfaitairement à titre de clause pénale à 20 % du prix des quantités ou valeurs manquantes jusqu'à l'atteinte des objectifs prévus visés à l'article 5 valorisé sur la base de la dernière facturation.

Cette pénalité ne pourra être inférieure à 50 % de la contrepartie prévue sur l'article 1. "

La société TMEG fait donc valoir que n'ayant pas été avisée de la vente, le transfert du contrat à l'acquéreur ne s'est pas opéré, de sorte que la société NM est redevable de la pénalité.

L'appelante, si elle conteste pas avoir omis d'informer l'intimée de la vente, soutient quant à elle que la société TMEG n'est pas légitime à mettre en œuvre la clause pénale compte tenu de sa mauvaise foi. Elle fait valoir qu'en dépit des accords pris après la vente entre elle et la Brasserie (qui ont abouti à la répartition d'une partie des volumes entre deux autres restaurants (le Blé d'Or et l'Absolu), la société TMEG, refusant la diminution des volumes livrés, s'est entêtée et a refusé de livrer, l'obligeant à faire appel à un autre fournisseur.

L'intimée, qui conteste le refus de livraison, et soutient n'avoir reçu aucune proposition de reprise de son contrat par quiconque, fait cependant valoir à bon droit que l'appelante est défaillante dans l'administration de la preuve qui lui incombe, ajoutant que contrairement même à ses allégations, les deux restaurants cités, dont elle était fournisseur hors contrat d'exclusivité, ont interrompu brutalement tout approvisionnement auprès d'elle peu avant la vente du fonds de commerce de la société NM.

C'est tout aussi justement qu'elle relève que l'appelante, plaidant par simples affirmations, ne rapporte pas la preuve du transfert du contrat accepté par la Brasserie Meteor.

Le grief sera donc lui aussi écarté.

Sur la modération de la clause pénale :

L'appelante sollicite en dernier lieu, en vertu du pouvoir modérateur conféré à la cour par l'article 1152 du Code civil, la large minoration du montant de la clause en alléguant que selon l'article 8, " le revendeur s'engage à la reprise par son successeur de l'inexécution du présent marché. En ces circonstances, cet engagement n'est constitutif que d'une promesse de porte fort et non d'une obligation de résultat qui assujettirait la société NM à une reprise du contrat par le cessionnaire du fonds de commerce. "

Cette dernière phrase ne figure cependant nulle part dans l'article 8, et ne saurait se déduire du contrat conclu avec la société Brasserie Meteor dont l'appelante invoque l'interdépendance et dont l'article 9 stipule au contraire que " la partie cliente se porte fort pour son successeur (...) de la reprise et de l'exécution des obligations résultant de la présente convention pour la durée restant à courir (...) Il est entendu qu'il s'agit d'une obligation de résultat ".

Elle fait valoir que la pénalité contractuelle doit être réduite compte tenu de l'exécution du contrat pendant trois ans et du fait que l'engagement qu'elle a souscrit, de réaliser un chiffre d'affaires annuel HT de 35 000 euros et d'acheter 75 hl, figure dans le contrat de fourniture et non pas dans le contrat d'approvisionnement conclu avec la société TMEG dont les termes sont obscurs.

Le tribunal, faisant sienne cette argumentation, a réduit la clause pénale à la somme de 3 000 euros au motif que les quantités négociées étaient la résultante du contrat passé entre la société NM et la société Brasserie Meteor, et que la société TMEG avait refusé de continuer à livrer, alors qu'elle l'aurait pu compte tenu du transfert accepté par la Brasserie Meteor.

L'intimée relève à bon droit :

- que ces critères ne sont pas ceux prévus par la loi puisqu'ils sont impuissants à caractériser le caractère " manifestement excessif ou dérisoire " de la clause ;

- que la preuve n'est pas rapportée du refus de vente qui lui est imputé ;

- que contrairement à ce qu'allègue l'appelante, son engagement de réaliser un chiffre d'affaires annuel HT de 35 000 euros et d'acheter 75 hl, figure bien, dans des termes parfaitement explicites, dans le contrat d'approvisionnement conclu avec la société TMEG, à l'article 3.

Il ressort cependant du décompte établi par la société TMEG que l'indemnité correspond presque exclusivement aux années 2014 à 2016 qui ont suivi la vente (15 150 euros), soit pendant une période pendant laquelle l'appelante n'a réalisé aucun chiffre d'affaires, alors qu'au titre de ses presque trois années d'activité, entre 2011 et 2013, l'indemnité est de - 164 euros, ce qui atteste d'une activité modeste avec des difficultés à atteindre les objectifs, dont rien ne permet de supposer qu'elle aurait connu une évolution favorable si elle s'était poursuivie jusqu'au terme du contrat.

Cette distorsion importante permet de considérer comme manifestement excessive la clause appliquée, justifiant sa minoration.

Le jugement, qui, par une estimation juste et adaptée, a évalué le montant de cette indemnité à la somme de 3 000 euros sera donc confirmé.

Sur les autres demandes

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens. Les demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile seront rejetées.

La société NM sera condamnée aux entiers dépens.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux en date du 8 mars 2016 ; Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel Condamne la société NM aux dépens d'appel.