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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 9 novembre 2018, n° 17-13048

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Laboratoires Expanscience (SA)

Défendeur :

Mayence France (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lis Schaal

Conseillers :

Mme Cochet Marcade, M. Picque

Avocats :

Mes Boccon Gibod, Tudor, Teytaud, Bedoiseau

T. com. Paris, du 9 mai 2017

9 mai 2017

Faits et procédure

La SA Laboratoires Expanscience (ci-après Expanscience) est un laboratoire pharmaceutique.

Le 1er décembre 2009, elle a conclu avec la SA Mayence, société spécialisée dans l'impression et le marketing publicitaire, un contrat de prestation de gestion et de suivi des achats d'édition d'une durée de trois ans soit jusqu'au 30 novembre 2012.

A la suite de la restructuration juridique du groupe Mayence en juin 2012, la SA Mayence se recentrant sur ses activités de holding, elle a informé la société Expanscience que les activités commerciales du groupe Mayence allaient être regroupées dans une filiale à 100 %, la SAS Mayence France, avec qui elle serait désormais en relation.

Par jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 14 janvier 2015, la SAS Mayence France, comme sa société mère, a été placée en redressement judiciaire. Un plan de redressement a été arrêté par décision de ce même tribunal le 16 avril 2015 modifié par jugement du 22 juin 2018. La société Mayence France a informé la société Expanscience de l'ouverture de cette procédure collective et de ses suites.

Par lettre du 9 avril 2015, la société Expanscience informait la société Mayence France de son intention de lancer un appel à candidatures pour les services plateforme d'impression.

Le 28 septembre 2015, la société Expanscience indiquait à la société Mayence France qu'elle n'avait pas été retenue à la suite de l'appel d'offres. Les relations entre les parties ont continué jusqu'en novembre 2015, le flux d'affaires entre les deux entités étant néanmoins plus réduit.

Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 15 décembre 2015 adressée à la société Expanscience, la société Mayence France invoquait le non-respect par celle-ci de son engagement de maintenir un flux d'affaires stable et sollicitait "la prise en compte de ses dommages suite à la brutalité de la rupture... " ainsi que la mise en œuvre de la procédure de règlement amiable des différends prévues à l'article 15 du contrat du 1er décembre 2009.

La société Expanscience, par lettre du 18 décembre 2015, opposait une fin de non-recevoir à la société Mayence France aux motifs que le contrat susmentionné était venu à expiration depuis plus de trois ans.

C'est dans ces conditions que la société Mayence France a fait assigner par acte en date du 20 janvier 2016, la société Expanscience devant le tribunal de commerce de Paris sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce aux fins de la voir condamner notamment à lui payer la somme de 53 342 € au titre du préjudice résultant de la rupture brutale augmentée des intérêts au taux légal, outre la capitalisation des intérêts.

Par jugement contradictoire en date du 9 mai 2017 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a :

- dit que la SAS Mayence France et la SA Laboratoires Expanscience se trouvaient en relations commerciales établies au sens de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce,

- dit que la SA Laboratoires Expanscience a engagé sa responsabilité pour n'avoir pas respecté l'effectivité du préavis auquel elle s'était engagée,

- condamné la SA Laboratoires Expanscience à payer à la SAS Mayence France la somme de 15 267 € au titre de la perte d'honoraires sur le CAHT manquant, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement et capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du Code civil,

- condamné la SA Laboratoires Expanscience à payer à la SAS Mayence France la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance.

Le tribunal a considéré que les deux sociétés se trouvaient en relations commerciales depuis le 1er décembre 2009 date de la conclusion du contrat entre la SA Expanscience et la SA Mayence, la première ayant consenti à poursuivre avec la SAS Mayence France la relation d'affaires initiée avec sa société mère. Les premiers juges ont relevé que la société Expanscience a annoncé par lettre du 9 avril 2015 sa volonté de recourir à un appel d'offres et, considérant que le terme du préavis doit être connu du cocontractant, se sont fondés sur les propos de ce courrier selon lesquels "le flux d'affaires entre nos deux sociétés viendrait logiquement à s'éteindre vers la fin de l'année 2015" pour fixer la date de fin du préavis au 31 décembre 2015, faisant application des dispositions de l'article 1162 du Code civil. Le tribunal en a déduit que, si un préavis de 8 mois et 20 jours (9 avril 2015 au 31 décembre 2015) était d'une durée suffisante eu égard à la nature de l'activité et à l'ancienneté de la relation (6 années), la société Expanscience a engagé sa responsabilité faute d'avoir maintenu un volume d'affaires suffisant jusqu'au terme du préavis consenti. Cette juridiction a alors évalué le préjudice de la société Mayence France à une perte d'honoraires de 15 267 € HT en se basant sur un chiffre d'affaires manquant de 179 902 € et une rémunération de 8,5 % du volume d'affaires.

La société Expanscience a interjeté appel contre cette décision le 28 juin 2017.

Prétentions et moyens des parties

Par dernières conclusions en date du 9 janvier 2018, l'appelante sollicite au visa des articles L. 442-6 I 5° du Code de commerce, 4, 5, 16 et 462 du Code de procédure civile, de la cour de :

- rectifier l'erreur du tribunal de commerce de Paris contenue dans son jugement du 9 mai 2017 en ce qu'il a statué ultra petita et retenu un fondement contractuel ou à la fois contractuel et délictuel pour la responsabilité d'Expanscience alors que l'action de Mayence France n'avait été engagée que sur le fondement délictuel de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce,

- dire que le tribunal de commerce de Paris dans son jugement du 9 mai 2017 a violé les règles du contradictoire en n'ayant pas invité les parties à présenter leurs observations sur l'application de l'article 1162 du Code civil à la présente affaire,

- dire que les sociétés Mayence France Sasu et Laboratoires Expanscience SA n'étaient pas en relations commerciales établies au sens de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce,

- dire que la société Laboratoires Expanscience SA a accordé un préavis suffisant à Mayence France Sasu pour se réorganiser,

Et en tout état de cause,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 9 mai 2017 en toutes ses dispositions,

- rejeter les demandes de la société Mayence France Sasu,

- la condamner à lui verser 10 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

L'appelante poursuit l'infirmation du jugement de première instance en ce qu'il a retenu le caractère établi de sa relation commerciale avec la société Mayence France, faisant valoir que les relations entre ces deux entités ont débuté le 30 novembre 2012, après l'expiration du contrat du 1er décembre 2009 qu'elle avait conclu avec la société Mayence SA. Elle ajoute qu'elle a fait le choix de ne pas renouveler ce contrat qui avait été conclu à la suite d'un appel d'offres et de limiter ses relations avec la société Mayence France à des commandes ad hoc sans recours à un appel à candidatures, ce qui confirme la précarité de leurs relations depuis 2012.

Elle fait en outre valoir que le préavis de 6 mois, voire de 8 mois en raison de la poursuite de quelques commandes aux mois d'octobre et novembre 2015, par elle accordé à la société Mayence France était suffisant au sens des dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce. Elle ajoute qu'en l'absence de tout contrat en vigueur, elle pouvait annoncer à la société Mayence France la fin de leurs relations commerciales par lettre du 9 avril 2015, ce malgré l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de cette dernière, lettre qui est le point de départ du préavis. Elle considère qu'elle n'avait aucune obligation de maintien du chiffre d'affaires pendant ce préavis et qu'elle a bien respecté les termes de la lettre du 9 avril 2015, les commandes étant restées stables jusqu'au mois de septembre 2015, date à laquelle le nouveau prestataire a été retenu à la suite de l'appel d'offres.

Elle considère ensuite que le tribunal a fait application de l'article 1162 du Code civil alors que ces dispositions n'avaient pas été invoquées par la société Mayence France qui se fondait sur l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce. Elle en déduit que les premiers juges ont ainsi statué "ultra petita" en se prononçant sur le non respect de l'engagement contractuel qu'elle aurait pris de s'approvisionner auprès de l'intimée jusqu'au 31 décembre 2015 et en retenant un fondement contractuel ou contractuel et délictuel de sa responsabilité. Elle conteste avoir pris un tel engagement dans sa lettre d'annonce de préavis du 9 avril 2015 dont les termes imprécis "vers la fin de l'année 2015" excluent la prise en compte de la date du 31 décembre 2015 comme fin de préavis.

Elle invoque enfin la violation du principe du contradictoire par la juridiction de première instance en ce qu'elle a soulevé un moyen de droit non invoqué par les parties sans que celles ci soient appelées à présenter leurs observations sur l'application des dispositions de l'article 1162 du Code civil.

Par dernières conclusions d'intimée et d'appel incident en date du 22 novembre 2017, la société Mayence France demande à la cour au visa de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, de :

- confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a limité le montant des dommages et intérêts octroyés à la somme de 15 267 € HT,

Statuant à nouveau,

- de condamner la société Laboratoires Expanscience à lui payer 53 342 € de dommages et intérêts, avec intérêt de retard au taux légal à compter de la signification du jugement du 9 mai 2017 à hauteur de 15 267 € et au-delà à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, outre la capitalisation de intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil,

- rejeter l'ensemble des demandes de la société Laboratoires Expanscience,

- condamner la société Laboratoires Expanscience à lui verser 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile du chef de la procédure d'appel outre les entiers dépens d'appel.

Elle précise que son action est uniquement fondée sur les dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce.

Elle fait valoir que la relation commerciale entre les parties est établie ainsi que l'ont retenu les premiers juges, la société Mayence France ayant poursuivi la relation de Mayence SA, le chiffre d'affaires réalisé de 2011 à 2013 avec la société Expanscience et les volumes confirmant la régularité, le caractère significatif et la stabilité de la relation entre les parties, la société Expanscience reconnaissant dans son courrier du 9 avril 2015 l'existence d'un flux régulier et partant établi entre les deux entités. Elle conteste le recours systématique à des appels d'offres par l'appelante et considère que la relation commerciale poursuivie sur la base de bons de commandes pendant près de trois ans lui a légitimement fait croire en la poursuite de leurs relations ce d'autant que l'appelante n'a jamais émis de critiques sur la qualité de ses prestations, qualité qu'elle a par ailleurs reconnue dans sa lettre du 28 septembre 2015.

Sur la rupture brutale de la relation commerciale longue de 6 années, elle soutient que l'appelante s'est affranchie d'un délai de préavis suffisant, en raison de la situation particulière à l'espèce, la société Expanscience ayant annoncé sa décision de recourir à un appel d'offres le 9 avril 2015, date à laquelle elle ne pouvait dénoncer le contrat compte tenu du redressement judiciaire en cours, ce en application des dispositions de l'article L. 622-13 du Code de commerce. Elle en déduit que cette annonce ne pouvait être considérée comme régulière et servir de point de départ au délai de préavis, cette rupture étant "déloyale et contraire à l'esprit protecteur de la loi", le préavis ayant pour objet de permettre au cocontractant d'organiser la fin de sa mission et de conclure de nouveaux accords.

Elle ajoute que la lettre du 9 avril 2015 emportait un double engagement, d'une part le maintien d'un flux d'affaires jusqu'à la fin de l'année 2015 et, d'autre part, une activité stable, que la lettre du 28 septembre 2015 ne l'avisait pas qu'un tiers avait été retenu en ses lieux et place, que l'appelante s'est abstenue de lui donner une date d'échéance claire de son contrat en violation de l'exigence d'un préavis et que la rupture de la relation commerciale est intervenue le 28 septembre 2015, les volumes confiés en octobre et novembre 2015 étant insignifiants.

Elle estime alors qu'elle a été privée d'un préavis de six mois, que sa marge brute mensuelle étant de 8 890 € par mois selon attestation de son commissaire aux comptes, son préjudice doit être évalué à la somme de 53 342 €.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions signifiées conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.

Sur ce,

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies

Aux termes de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce,

"I. Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel personne immatriculée au répertoire des métiers :

5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. ...Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.'

Sur le caractère établi des relations commerciales :

Ainsi que l'a rappelé le premier juge, la relation commerciale établie doit présenter un caractère suffisamment prolongé, significatif et stable entre les parties permettant à la victime de la rupture d'anticiper légitimement et raisonnablement pour l'avenir la persistance d'un flux d'affaires avec son partenaire commercial.

Le 1er décembre 2009, la société Expanscience a conclu avec la SA Mayence un contrat de prestation de gestion et de suivi des achats d'édition d'une durée de trois ans.

A la suite de la restructuration juridique du groupe Mayence en juin 2012, la SA Mayence se recentrant sur ses activités de holding, la société Expanscience a été informée par courriel du 13 juin 2012 que "les activités commerciales du groupe Mayence vont être regroupées dans notre filiale à 100 % Mayence France" et que "ce changement juridique ne modifie en rien les relations commerciales au jour le jour", la SA Mayence sollicitant alors la confirmation de l'accord de la société Expanscience "pour subroger dans l'intégralité de ses droits et obligations au titre de l'exécution de ce contrat, la société Mayence France".

Si la société Expanscience n'a pas répondu à cette demande de subrogation, il ressort néanmoins qu'elle a poursuivi ses relations avec la SAS Mayence France jusqu'à la date d'expiration du contrat du 1er décembre 2009 et au-delà ainsi qu'en témoigne l'attestation du commissaire aux comptes de la société Mayence France dont il ressort que l'activité réalisée par la société Mayence SA de décembre 2009 à novembre 2012 avec la société Expanscience, qui générait un chiffre d'affaires de :

- 951 039 € de décembre 2009 à novembre 2010,

-1 381 678 € de décembre 2010 à novembre 2011,

- 934 336 € de décembre 2011 à novembre 2012,

a été reprise par la SAS Mayence France qui a réalisé avec ce client un chiffre d'affaires de:

- 887 775 € de décembre 2012 à novembre 2013,

- 775 170 € de décembre 2013 à novembre 2014.

Ces chiffres constants et significatifs démontrent l'existence d'un flux d'affaires régulier depuis la fin de l'année 2009 jusqu'à la fin de l'année 2014 entre la société Expanscience, d'une part, et la société Mayence SA puis la SAS Mayence France, d'autre part, cette dernière ayant repris le courant d'affaires à la suite de la restructuration juridique de Mayence SA ce dont la société Expanscience a été informée.

Il est donc établi que la relation commerciale avec la société Mayence SA s'est poursuivie avec sa filiale Mayence France, les parties ayant entendu se situer dans la continuation de relations antérieures. Ce flux d'affaires régulier s'est prolongé au cours de l'année 2015 ainsi que le reconnaît la société Expanscience dans sa lettre du 9 avril 2015 par laquelle elle précisait " depuis la date du 1er décembre 2012, plus aucun contrat ne régit nos relations, bien que nos deux sociétés continuent encore à maintenir un flux d'affaires régulier ".

Ces relations suivies pendant plus de cinq années, la réalisation d'un chiffre d'affaires non négligeable par l'appelante caractérisent la régularité, le caractère significatif et la stabilité de la relation avec la société Expanscience, et laissait légitimement espérer à la société Mayence France la poursuite pour l'avenir des relations commerciales.

La caractère établi de cette relation n'est pas utilement contesté par la société Expanscience au motif que le premier contrat en date du 1er décembre 2009 a été conclu sur appel d'offres avec la société mère Mayence SA qui avait ainsi conscience que son renouvellement se ferait également sur appel d'offres, que ce contrat n'a pas été renouvelé et que les relations se sont poursuivies avec sa filiale sur la base de simples bons de commande. En effet, le courant d'affaires s'est poursuivi après l'expiration du contrat de trois ans par un flux régulier de commandes pendant près trois années supplémentaires, non contesté par l'appelante, ce qui dément le recours à l'appel d'offre systématique et la connaissance par la société Mayence France du caractère précaire de la relation.

La relation commerciale établie entre la société Expanscience et la société Mayence france est ainsi caractérisée.

Sur le point de départ de la durée du préavis

Par lettre du 9 avril 2015 la société Expanscience faisait part à la société Mayence France de son intention de lancer un appel à candidatures pour les services plateforme d'impression, l'informait que cet appel d'offres se déroulera sur le mois de mai et juin 2015 et qu'elle pourra y prendre part si tel était son souhait.

La notification de l'intention de recourir à un appel d'offres vaut notification de l'intention de rompre.

Aussi, il convient de considérer que la lettre du 9 avril 2015 par laquelle la société Expanscience informait la société Mayence France de sa décision de mettre en place un appel d'offres pour recourir à un prestataire de service est le point de départ du préavis, et non comme le soutient à tort la société Mayence France, la lettre du 28 septembre 2015 par laquelle la société Expanscience lui notifiait qu'elle n'a pas été retenue à la suite de l'appel d'offres.

La société Mayence France ne peut être suivie lorsqu'elle affirme que la date du 9 avril 2015 ne doit pas être retenue comme point de départ du préavis, la société Expanscience ne pouvant dénoncer, en application de l'article L. 622-13 du Code de commerce, le contrat à cette date compte tenu du redressement judiciaire en cours dont l'appelante faisait l'objet.

En effet, les dispositions de l'article L. 622-13 du Code de commerce concernent la poursuite des contrats en cours et non des relations commerciales établies sur lesquelles la société Mayence France fonde ses demandes en invoquant les dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce.

Sur l'effectivité du préavis

Le délai de préavis doit permettre à la partie qui se voit rompre le contrat de prendre ses dispositions et de donner en temps utile une nouvelle orientation à ses activités, de retrouver d'autres partenaires.

L'appréciation de la durée du préavis se fait au moment où la décision de rupture est signifiée soit en l'espèce le 9 avril 2015.

La lettre du 9 avril 2015 précisait que " à la suite de l'appel d'offres, si les laboratoires venaient à retenir une société autre que la société Mayence, le flux d'affaires entre nos deux sociétés viendrait logiquement à s'éteindre vers la fin de l'année 2015 tout en restant stable jusqu'à l'entrée en vigueur du contrat conclu avec le nouveau prestataire de service ".

La responsabilité fondée sur l'article L. 442-6 I 5° étant de nature délictuelle et non contractuelle, ainsi que le fait justement valoir la société Expanscience, c'est à tort que les premiers juges ont fait application des dispositions de l'article 1162 du Code civil relatif à l'interprétation des conventions pour interpréter les termes de la lettre du 9 avril 2015, fixer le terme du préavis au 31 décembre 2015 et considérer que la société Expanscience a engagé sa responsabilité en ne respectant pas l'effectivité du préavis notifié.

La durée du préavis s'appréciant en tenant compte de la durée de la relation commerciale et des autres circonstances prévalant au moment de la notification de la rupture, en l'espèce une durée de près de six ans, des difficultés pour retrouver des partenaires commerciaux, la cour dispose d'éléments suffisants pour fixer à six mois la durée de préavis, durée d'ailleurs retenue par la société Mayence France dans ses écritures.

Pour apprécier la responsabilité de l'auteur de la rupture, il peut être retenu la durée du préavis réellement effectuée.

Le 28 septembre 2015, la société Expanscience informait la société Mayence France qu'elle n'avait pas été retenue à la suite de l'appel d'offre. Les relations entre les parties ont continué jusqu'en novembre 2015, le flux d'affaires entre les deux entités étant néanmoins beaucoup plus réduits soit 10 999,10 € TTC en octobre 2015 et 270 € TTC en novembre 2015.

Il n'est toutefois pas contesté que le flux d'affaires entre les parties s'est maintenu jusqu'au début du mois d'octobre 2015.

La durée du préavis réellement effectuée entre avril et octobre 2015, soit six mois, doit être considérée comme suffisante.

La responsabilité de la société Expanscience au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie avec la société Mayence France n'est donc pas caractérisée.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Au vu de ce qui précède, il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes de la société Expanscience tendant à "rectifier l'erreur du tribunal de commerce ... en ce qu'il a statué ultra petita" ou "dire et juger que le tribunal de commerce de Paris .... a violé les règles du contradictoire ...", l'appelante n'en tirant d'autre conséquence de droit que l'infirmation du jugement entrepris.

Par ces motifs : LA COUR, Vu les dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, Infirme le jugement dont appel ; Statuant à nouveau, Déboute la société Mayence France de ses demandes au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies ; Vu l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Mayence France à payer à la société Laboratoires Expanscience la somme de 10 000 € ; Rejette toute demande autre ou plus ample ; Condamne la société Mayence France aux entiers dépens.