CA Douai, 2e ch. sect. 2, 15 novembre 2018, n° 17-06922
DOUAI
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Holding Waz (SARL)
Défendeur :
S. Provost Distribution
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dallery
Conseillers :
Mmes Cordier, Fallenot
Avocats :
Mes Levasseur, Lemistre, Deleforge, Rumeaux
La société Redstock (ci après dénommée " Redstock "), antérieurement dénommée SIPAG, était une société du groupe Provost. Elle avait pour activité principale la commercialisation de produits de construction métallique, affirmant sur son site internet et ses plaquettes commerciales être le " spécialiste " du rayonnage cantilever.
Une transmission universelle de patrimoine de la société Redstock en faveur de Provost distribution a eu lieu.
M. F., initialement embauché par la société Provost Distribution a occupé un poste de responsable d'exploitation, puis devenu directeur d'exploitation, puis directeur dans la société Redstock, son contrat de travail comprenant une clause de non concurrence .
La SAS Plasse est quant à elle une société qui a été créée le 28 mars 1983, et exerce les activités de mécano soudure, chaudronnerie, tôlerie industrielle et constructions métalliques, produisant des cantilevers. Elle était également le fabricant du système de stockage Cantilever system 3, objet d'une inscription à L'INPI.
Cette société a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Roanne le 3 septembre 2014, une cession au profit de la société Holding Waz ayant été ordonnée, société étant détenue par M. F. et M. W., également ancien salarié de Provost distribution.
La société Holding Was a une activité de contrôle de la société Plasse, qui a recentré son activité sur la production des produits.
Une nouvelle société a été créée, la société System 3, dont l'associé unique et le gérant est M. W., cette société devant commercialiser différents produits de mécano soudure, et les produits cantilevers brevetés.
Une ordonnance sur requête de la Société Provost distribution a été rendue non contradictoirement le 10 février 2017 l'autorisant à saisir des fichiers informatiques et des mails au siège social de la société Holding Was.
Par acte d'huissier en date du 8 juin 2017, la société Holding Was a attrait la Société Provost Distribution devant le président, statuant en la forme des référés pour obtenir la rétractation de l'ordonnance.
Par ordonnance contradictoire et en premier ressort en date du 16 novembre 2017, le juge des référé près le tribunal de commerce de Lille Métropole a :
- au principal : renvoyé les parties à se pourvoir
- au provisoire :vu les articles 872 & 873 du CPC
- débouté la Société Holding Was de sa demande de rétractation de l'ordonnance du 10 février 2017
- ordonné la levée du séquestre et autorisé Me Régula à communiquer à la Société Provost Distribution les pièces saisies telles qu'elles sont visées par son constat
- condamné la société Holding Was à payer à la Société Provost Distribution la
somme de 800 00 au titre de l'article 700 du CPC
- condamné la société Holding Was aux entiers frais et dépens de la présente instance.
Par déclaration d'appel en date du 16 novembre 2017, la société Holding Was a interjeté appel de la décision, l'objet de l'appel spécifié reprenant l'ensemble des chefs de la décision.
Moyens et prétentions :
Par conclusions signifiées par voie électronique en date du 26 janvier 2018, la société Holding Was demande à la cour, au visa des dispositions des articles 145, 493, 495, 496 et 497 du Code de procédure civile, de :
- réformer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 16 novembre 2017 par le Président du tribunal de commerce de Lille Métropole.
- et, statuant à nouveau de :
- ordonner la rétractation de l'ordonnance sur requête du 10 février 2017 ;
- ordonner la mainlevée de la saisie réalisée le 15 mai 2017 par Me Régula, Huissier de Justice;
- ordonner la restitution à la société Holding Was des documents saisis le 15 mai 2017 par Me Regula, Huissier de Justice sous un délai de 8 jours à compter de la décision à intervenir;
- donner acte à la société Holding Was de ce qu'elle se réserve de solliciter ultérieurement l'indemnisation des préjudices causés par la procédure initiée par Provost Distribution.
- condamner la S. Provost Distribution à payer à la société Holding Was une indemnité de 5 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner la S. Provost Distribution aux entiers dépens de première instance et d'appel
- très subsidiairement, pour le cas où l'ordonnance du 10 février 2017 ne serait pas rétractée :
- dire que les documents saisis demeureront séquestrés entre les mains de l'huissier instrumentaire jusqu'à ce que le juge du fond, ou le juge des référés, saisi à l'initiative de l'une ou l'autre des parties, se prononce sur les suites à donner à la saisie pratiquée.
Elle fait valoir que :
- le motif choisi par le juge pour ordonner la mesure est manifestement erroné
- l'ordonnance rendue ne fait état d'aucune motivation quant au fait qu'il soit nécessaire de déroger au principe du contradictoire,
- la société disposait des éléments suffisants, et il ne peut être tiré argument du fait que le site internet a été modifié, alors que ce n'était que pour prendre en compte la reconversion, la société Plasse fabriquant les cantilevers sous couvert de brevet mais ne les commercialisant plus,
- les critères pour obtenir la saisie de l'ordinateur de M. W. sont totalement indéterminés,
- les mesures autorisées et accordées ne remplissent pas la condition d'admissibilité, en ce qu'elle accordent des pouvoirs de contrainte à l'huissier, reposant sur une appréciation juridique de l'huissier et de l'informaticien, et en ce qu'elle constituent une violation avérée du secret des affaires, disproportionnée,
- l'huissier n'ayant pas eu l'obligation de dresser le procès verbal de sa saisie séance tenante, ni la société Holding Was, ni le juge de la rétractation, ne sont en mesure de connaître les pièces ou informations qui auraient été appréhendées indument et exploitées ensuite sans contrôle,
- l'huissier a pu accéder à tout le contenu informatique et tous les documents à l'ensemble du contenu informatique de la société Holding Was.
Elle souligne l'absence de motifs légitimes aux motifs que :
- la société Holding Was n'a ni une activité de commercialisation, ni une activité de fabrication,
- elle n'est pas visée par ce prétendu détournement de sorte que les mesures sollicitées à son encontre ne peuvent reposer sur des motifs a aucun lien est indépendante de M. F.,
- l'application d'une quelconque clause de non concurrence ne peut lui être opposée,
- Plasse était à l'origine de la fabrication des Cantilevers System 3, sur lesquels elle détient un brevet daté du 13 décembre 2001 et enregistré sous le numéro FR2833659
- aucun commencement de preuve n'établit un détournement par la Société Plasse et la société System 3 de son fichier clientèle, de documents commerciaux et techniques caractérisant des actes de concurrence déloyale .
Par conclusions signifiées par voie électronique en date du 23 février 2018, la société Sasu Provost Distribution demande à la cour de :
- confirmer l'ordonnance de référé rendue par le Tribunal de Commerce de Lille Métropole le 16 novembre 2017 en ce qu'elle a :
o débouté la société Holding Was de sa demande de rétractation,
o ordonné la levée du séquestre des pièces saisies,
o condamné société Holding Was à payer à la société Provost Distribution la somme de 800,00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour la procédure devant le Tribunal de Commerce de Lille Métropole,
o condamné société Holding Was aux dépens.
- la réformer sur le surplus.
- y ajoutant,
- débouter société Holding Was de l'ensemble de ses demandes.
- condamner société Holding Was au paiement d'une somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour la procédure d'appel.
- condamner société Holding Was aux entiers frais et dépens d'instance, d'appel et d'exécution.
Elle revient sur :
- la spécificité de la Société Provost Distribution,
- sur le rôle de M. F. et sa démission,
- sur la découverte de faits établissant le non respect de la clause de non concurrence ,
- sur la mise en demeure de M. F. et la volonté caractérisée de M. F. et la société System 3 de dissimuler des actes de concurrence déloyale ,
- sur les informations obtenus des clients concernant un détournement de clientèle
Elle fait valoir que :
- la démarche de la Société Provost Distribution n'est en rien abusive et que cette dernière entend simplement faire valoir ses droits face au comportement inacceptable de son ancien salarié, Monsieur F. et de la société System 3 pour ce qui concerne le présent contentieux.
- la présentation de l'activité de la société Provost distribution est mensongère, le processus des fabrication des cantilevers se déroulant essentiellement en France,
- la requête comme l'ordonnance sont motivées, la société Provost distribution faisant état des raisons pour lesquelles le principe du contradictoire ne doit pas être respecté à ce stade de la procédure,
- soutenir que l'ordonnance a offert un pouvoir de contrainte et de perquisition à l'huissier vient à dénaturer le contenu de l'ordonnance,
- aucune violation du secret des affaires n'est établie,
Elle souligne que :
- la mesure est légitime et la clause de non concurrence ne peut être critiquée par devant la juridiction commerciale,
- la société System 3 dénature les faits, la liste produite étant en lien avec les activités et les clients pour permettre de récupérer uniqument les éléments concernant un éventuel acte de concurrence et un préjudice.
- aucun tiers n'est nécessaire.
Par note adressée par RPVA le 15 octobre 2018, la cour a invié les parties à présenter leurs observations sur le moyen soulevé d'office de l'irrecevabilité de la demande de main levée de séquestre présentée par la société Provost Distribution devant les premiers juges, au vue du pouvoir limité de juger du juge de la rétractation, et ce avant le 5 novembre 2018 inclus.
Par message RPVA en date du 26 octobre 2018, la Société System 3indique que, s'étant opposée en première instance à la levée du séquestre et demandant en tout état de cause la réformation de ce point dans l'ordonnance, elle considère totalement pertinent le moyen de droit soulevé d'office.
Par note RPVA en date du 31 octobre 2018, la société Provost Distribution souligne que:
- le juge saisi d'une demande de rétractation d'une ordonnance est investi des pouvoirs appartenant à l'auteur de l'ordonnance.
- le juge de la rétractation a tout à fait le pouvoir de pronocner une levée de séquestre qu'il a lui même prononcé.
Motivation
Sur la mesure ordonnée sur requête
- Aux termes des dispositions de l'article 493 du Code de procédure civile, l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie.
Conformément à l'article 495 du Code de procédure civile, l'ordonnance sur requête est motivée. Elle exécutoire au seul vu de la minute. Copie de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée.
L'article 875 du même Code prévoit que le président [du tribunal de commerce] peut ordonner sur requête dans les limites de la compétence du tribunal, toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement.
- Plus spécifiquement en matière probatoire, en vertu des dispositions de l'article 145 du Code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
Lorsque le juge est saisi sur requête dans ce domaine, il résulte des textes précités que doivent être respectées tant les règles autorisant le recours à la procédure sur requête (motivation, circonstances exigeant l'absence de contradiction) que les 4 conditions de fond de l'article 145 du Code de procédure civile, à savoir l'absence de procès d'ores et déjà engagé, l'existence d'un motif légitime, le caractère utile de la mesure pour la recherche ou la conservation des preuves, les mesures légalement admissibles notamment l'absence d'atteinte à des principes supérieurs et la proportionnalité.
- Aux termes des dispositions de l'article 497 du Code de procédure civile, le juge a la faculté de modifier ou rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l'affaire.
- sur l'absence de motivation de l'ordonnance sur requête quant au non respect du principe de la contradiction:
Les mesures probatoires ne peuvent être ordonnées par voie de requête que lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement.
Si une mesure d'instruction ne peut être ordonnée par requête sans que le juge du fond ne caractérise en quoi une dérogation à la contradiction est nécessaire, le juge qui vise expressément dans son ordonnance la requête et les motifs de cette dernière, est censé ainsi s'être approprié les motifs.
Au vu des seuls motifs développés au sein de la requête, il convient donc de vérifier, la contradiction devant rester le principe et la procédure sur requête le subsidiaire, que celui qui opte pour la voie de la non contradiction a établi en quoi concrètement il convient de ne pas appeler l'autre partie en cause, étant précisé que cette condition s'apprécie au jour de l'ordonnance attaquée.
Or, la requête déposée consacre des développements conséquents sur ce thème, puisque après avoir détaillé les investigations effectuées par la société Provost Distribution seule pour établir les faits de concurrence et les liens entres les différents protagonistes, elle revient sur le constat fait de modification du contenu du site internet, soulignant la concomitance de ce changement avec une mise en demeure adressée à M. F. pour le respect de la clause de non concurrence .
Le fait que certaines pièces soient des pièces comptables ou légales devant être conservées en principe par l'entreprise ou encore que la modification du site internet soit liée à une reconversion, à supposer ce fait établi, n'est pas de nature à priver, au jour de l'ordonnance sur requête, les motifs ci dessus énoncées de toute pertinence, la société, qui pouvait légitimement craindre leur disparition et des modifications des différents documents, qui ne sont pas forcément des documents comptables ou impartis par des descriptions légales, ayant fait valoir des circonstances de nature à justifier du caractère nécessaire de l'effet de surprise, de manière concrète.
Ainsi sont caractérisées et démontrées les circonstances justifiant une dérogation au principe de la contradiction.
- sur le motif légitime :
Un tel motif existe dès lors que l'action éventuelle au fond n'est pas manifestement vouée à l'échec et que la mesure sollicitée est utile.
Il suffit que l'action envisagée soit déterminable.
Au soutien de sa requête visant à rechercher les éléments de preuves nécessaire à une action en responsabilité à l'encontre de M. F., de la holding Waz, voire de la société Plasse contrôlée par la Holding Was créée à cet effet, et l'indemnisation des préjudices qui en sont issus, la société Provost distribution dénonce des actes de concurrence déloyale des sociétés Holding Was, Plasse à l'encontre de la société Redstock, désormais la société provost Distribution.
Au préalable, il convient de souligner que la déloyauté éventuelle du requérant dans la présentation des faits ne peut fonder la demande de rétractation de l'ordonnance.
Contrairement à ce que sous entend la société , la requête présentée par la société Provost Distribution ne se limite pas à invoquer une violation de la clause de non concurrence mais envisage tant la complicité de la SARL Holding Was, dans la violation de cette clause que la commission d'acte de concurrence déloyale , plus large, notamment par le biais de détournement de clientèle.
M. F. dispose de responsabilités dans la société Holding Was laquelle contrôle la société Plasse, co gérée par M. F. et fabriquant les Cantilevers, commercialisée par la SARL System 3, ayant pour associé unique et gérant M. Wattrelos, co gérant avec M. F. de la SARL Holdign Was.
Or, la requête énonce un ensemble d'éléments susceptibles de caractériser les liens unissant les
différents protagonistes ainsi que des indices de nature à laisser supposer une entente ou des rapprochements entre les différentes sociétés précitées, par l'intermédiaire notamment de M. F. et M. W., pour contourner la clause de non concurrence et participer à de plausibles actes de concurrence déloyale , tels un détournement de clientèle, voire un débauchage.
Dès lors, l'argumentation de la société Holding Wazsur le champ de l'application de la clause de non concurrence et l'absence de validité de ladite clause, qui ne peut relever que de la compétence d'une juridiction spécialisée au fond, n'est pas de nature à remettre en cause l'intérêt qu'a la société de voir organiser cette mesure.
Compte tenu des faits allégués par la société Provost Distribution au soutien de sa requête visant tant des faits de concurrence déloyale , que des faits de violation de la clause de non concurrence , ayant pu se poursuivre sur la durée, le simple fait que la clause de non concurrence n'ait fait l'objet d'une contrepartie que jusqu'au 19 janvier 2017 ou était expirée au jour de la requête n'induit pas nécessairement que la société Provost Distribution ne disposait pas d'un intérêt légitime pour saisir des documents postérieurs.
Les moyens suivants développés par la société Holding Was concernant l'absence de démonstration, au jour de la requête, des liens unissant Provost Distribution et les clients visés sur la liste annexée à la requête, l'imprécision des mots contenue dans la liste des 'divers', ou le caractère large et imprécis des supports envisagés et des mots clefs concernent non la légitimité de la mesure mais l'objet de cette dernière. Ils seront examiné donc au titre des mesures légalement admissibles.
Enfin, les développements relatifs à la mauvaise foi de la société Provost Distribution et l'existence de clients communs aux différentes sociétés relèvent non de la compétence du juge chargé de la rétractation de l'ordonnance mais de l'examen au fond du litige.
- sur le caractère légalement admissible des mesures sollicitées et autorisées :
Les mesures légalement admissibles visées par l'article 145 du Code de procédure civile sont celles prévues par les articles 232 à 284-1 de ce Code.
Les mesures d'investigation confiées par une ordonnance sur requête doivent donc être circonscrites aux faits litigieux décrits dans la requête annexée à l'ordonnance sans comporter aucune atteinte à une liberté fondamentale, et sans dépasser ce qui est nécessaire à la protection des droits de la requérante.
Par déduction de l'article 249 alinéa 2 du Code de procédure civile, il est interdit au juge de prévoir une mission qui suppose que le mandaté ait à porter une appréciation sur la qualification juridique des documents dont il prend connaissance.
Sur les critiques formées par la société Holding Was à l'encontre de la mission, selon laquelle instituerait une véritable perquisition civile, il convient de noter qu'il est de la nature même de la mesure mise en œuvre d'instituer une certaine contrainte, puisqu'il s'agit de dépasser les réticences d'une partie à communiquer les documents ou de contourner éventuellement sa volonté de cacher lesdits documents.
Il ne saurait être déduit du seul fait que soit prévue dans l'ordonnance sur requête, la possibilité de recourir à la force publique ou à un serrurier, ou qu'il soit envisagée non une communication spontanée des documents mais une autorisation à accéder au contenu de l'ordinateur et à prendre une copie, le caractère illégal de la mesure, dès lors que cette atteinte demeure proportionné au but poursuivi et ne porte pas atteinte aux intérêts légitimement protégés de l'appelant.
S'il s'en déduit certes que sont prohibées les mesures générales d'investigation, force est de constater
qu'en l'espèce, il ressort de l'étude de la mission que :
- la recherche confiée à l'huissier instrumentaire était strictement liée aux faits de concurrence déloyale et plus particulièrement concerne uniquement les relations contractuelles de la société Plasse, la société System 3, M. F. en lien avec l'activité de rayonnage Cantilever et les clients de la société Redstock, à laquelle vient la société Provost Distribution concernant les rayonnages Cantilever ;
- cette recherche doit être combinée avec les contours dessinés par la liste de mots clefs énumérés et annexés à la requête, dont le rapprochement avec les faits allégués dans la requête permet de constater la pertinence, puisqu'ils correspondent à des noms de partie impliquée, à des relations pouvant exister entre les parties, des sociétés clientes et des éléments de produits, sans qu'au jour de la requête, il ne puisse être exigé de la société requérante qu'elle démontre l'existence de sa clientèle, élément qui pourra donner lieu à débat devant le juge saisi du fond du litige ultérieurement,
- il est d'ailleurs expressément précisé dans la mission ' de trier à l'aide de l'expert les messages électroniques afin de permettre à l'huissier de ne pas communiquer , dans son procès verbal, de messages personnels ni autres que ceux visant des clients de Redstock ou s'y rapportant et ceux visant Redstock ou des informations lui appartenant' et 'de faire des recherches sur la bases des mots clefs listés en annexe à la requête sous réserve du secret des affaires et donc à ne communiquer dans le résultat de ses recherches que ceux en lien avec des produits cantilever ou des clients de la société Redstock'
Ainsi, au vu de la combinaison des éléments précités, se trouve clairement cantonné en son objet l'autorisation donnée à l'huissier au contenu du ou des matériels informatiques, ou aux documents de toute nature et sur tout support.
Il en est de même de la mission donnée de rapprochement octroyé à l'huissier, avec l'aide d'un expert informatique, entre les clients de System 3 et ceux de Redstock sur les produits de la gamme Cantilever afin de déterminer dans un second temps le chiffre d'affaires réalisé depuis le 1er février 2016 par Plasse et System 3 au travers des clients Redstock.
Nécessairement et implicitement la mesure était suffisamment en outre limitée dans le temps du fait que la recherche et les constatations devaient porter sur les relations contractuelles entre la société Plasse, la société System 3 et les clients de la société Redstock, ce qui au vu du caractère récent de la création de la société System 3 ne pouvait être antérieur à novembre 2015.
Ces critiques quant à la généralité de la mesure d'investigation doivent donc être écartées.
Ne peut pas plus être suivi l'appelant dans sa critique de la mission au visa de la prohibition des mesures comportant des appréciations d'ordre juridique.
En effet sous ce vocable, il n'est envisagé par l'appelant, non une appréciation juridique laissé à l'huissier, élément qui ne serait d'ailleurs aucunement constitué à la lecture de la mission, mais une simple appréciation factuelle laissée à la subjectivité de l'huissier.
Or, comme il a été expressément démontré, le caractère limité en son objet et dans le temps de la mission, combiné avec les mots clefs annexés circonscrit de manière précise la mesure confiée à l'huissier, assisté du technicien informatique, et l'exécution de cette dernière n'est donc pas laissée à leur discrétion.
Par ailleurs, le fait que l'huissier " n'ayant pas eu l'obligation de dresser le procès verbal de sa saisie séance tenante, ni la société Holding Was ni le juge de la rétractation, ne sont pas en mesure de connaître les pièces ou information qui auraient été appréhendés indûment et exploitées ensuite sans contrôle " n'est pas de nature à fonder une demande de rétractation, les conditions d'exécution de la mesure ne relevant pas du contentieux de la rétractation.
Il convient en outre de rappeler que ne constitue pas une délégation de pouvoir juridictionnel la mission confiée à un huissier de justice de mettre sous séquestre les données susceptibles de porter atteinte à la vie privée ou au secret des affaires, une telle précaution n'ayant pour but, dans l'intérêt des parties saisies, que de procéder à une première sélection de documents pouvant apparemment présenter cette nature, l'appréciation définitive de cette qualification ne relevant que du juge du fond.
Se devant de concilier le droit à la preuve d'une part, consacré aux articles 10 et 11 du Code de procédure civile et la nécessaire confidentialité des affaires, il n'est pas justifié, au vu de l'encadrement précis de la mission de l'huissier, assisté d'un technicien informatique, d'une atteinte disproportionnée de cette mesure au respect du au secret des affaires, la mesure étant nécessaire à la manifestation de la vérité et à la protection des droits de la Société Provost Distribution.
En conséquence, au vu de ce qui précède, les mesures autorisées sont des mesures légalement admissibles en ce qu'elles sont proportionnées aux droits et intérêts des parties en présence, limitées implicitement mais nécessairement dans le temps et strictement cantonnées dans leur objet aux faits allégués de concurrence déloyale et de violation de clause de non concurrence dénoncés dans le cadre d'une requête motivée à laquelle étaient annexées des pièces suffisantes pour justifier du caractère non contradictoire de la mesure mais également de l'existence d'un motif légitime en vue d'un futur procès à conserver des preuves, sans que puisse être opposé une atteinte disproportionnée aux intérêts de l'appelant et au secret des affaires.
Il s'ensuit que l'ordonnance en ce qu'elle a débouté la société System 3 de sa demande de rétractation de l'ordonnance du 10 février 2017 ayant permis la saisie et la séquestration des documents sera donc confirmée.
- Sur la demande de main levée du séquestre
En vertu des dispositions de l'article 497 du Code de procédure civile, le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l'affaire.
L'instance en rétractation d'une ordonnance sur requête ayant ordonnée une mesure d'instruction sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile a pour seul objet de soumettre à l'examen d'un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l'initiative d'une partie en l'absence de son adversaire.
La saisine du juge de la rétractation se trouve limitée donc à cet objet, de sorte qu'est irrecevable la demande tendant à voir ordonner, en cas de rejet de la demande de rétractation, la mainlevée de la mesure de séquestre.
En effet, le premier juge n'était donc pas saisi d'une demande tendant simplement à constater la mainlevée du séquestre pour perte de fondement de cette mesure, mais d'une demande tendant à voir ordonner la mainlevée.
Or, cette dernière demande, ayant un objet différent de la seule volonté de soumettre à un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l'initiative d'une partie en l'absence de son adversaire, était irrecevable devant les premiers juges.
Il n'y a donc lieu d'examiner les moyens avancés par la Holding Waz pour s'opposer sur le fond à la demande de levée de séquestre ni d'envisager une sélection opérée par un tiers indépendant et impartial.
En conséquence, il convient d'infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a ordonné la levée du séquestre et autorisé l'huissier à communiquer à la société Provost Distribution les pièces saisies telles qu'elles sont visées par son constat.
- Sur les dépens et accessoires
En application des dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile, la société Holding Waz succombant en ses prétentions, il convient de la condamner aux dépens.
Les chefs de la décision de première instance relatifs aux dépens et à l'indemnité procédurale seront confirmés.
Le sens du présent arrêt commande de condamner la société HoldingWaz à payer à la société Provost Distribution la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, Confirme l'ordonnance de référé du tribunal de commerce de Lille Métropole en date du 16 novembre 2017 en ce qu'elle a : - débouté la société Holding Was de sa demande de rétractation de l'ordonnance du 10 février 2017 ayant permis la saisie et la séquestration des documents ; - condamné la société Holing Was à payer à la société Provost Distribution la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; - condamné la société Holding Was aux entiers frais et dépens ; Déclare irrecevable la demande de la société Provost Distribution en main levée de séquestres des documents saisis ; Infirme l'ordonnance en ce qu'elle a ordonné la levée du séquestre et autorisé l'huissier à communiquer à la société Provost Distribution les pièces saisies telles qu'elles sont visées par son constat ; Condamne la société Holding Was à payer à la société Provost Distribution la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Holding Was aux entiers dépens.