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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 15 novembre 2018, n° 16-24648

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

ACLB Avant Garde (SARL)

Défendeur :

Showroom C (SAS), Aremi BVBA (Sté), Blanchard (ès qual.), Jal (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Birolleau

Conseillers :

Mmes Soudry, Moreau

Avocats :

Mes Castel, Retamal, Barbier, Kompf, Spiegeler, Thierache Blanchard

T. com. Paris, du 7 nov. 2016

7 novembre 2016

Faits et procédure :

La société Bloom BVBA, société de droit belge exerçant sous l'enseigne Bloom Factory, a été créée par M. Luc Dereu dans le cadre de son activité de créateur de chaussures. M. Dereu a ainsi créé en 2007 la marque d'escarpins Noë.

Pour faire face à des difficultés administratives concernant le développement de la marque Noë, la société Bloom BVBA a conclu en 2008 un partenariat avec la société néerlandaise Heerkens Holding, spécialisée dans le commerce de gros de chaussures. Dans ce cadre, la société Heerkens Holding a confié la commercialisation des chaussures de la marque Noë à sa filiale belge, la société Aremi BVBA, dont MM. Dereu et Heerkens étaient co-gérants.

La société Aremi BVBA a conclu, le 15 mai 2010, un contrat d'agence commerciale avec la société ACLB Avant-garde concernant la diffusion et la vente de chaussures de la marque Noë en France.

La société Showroom C, exerçant sous l'enseigne Kiss & Fly, est intervenue dans la vente de chaussures de la marque Noë en France concernant le stock hiver 2011 ainsi que les collections printemps/été 2012 et automne/hiver 2012.

Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 15 juin 2012 adressée à la société " Kiss & Fly ", la société ACLB Avant-garde a indiqué:

" je tenais à vous informer que suite au nombreux désaccords vous liant, vis-à-vis de la société Bloom Factory Noe Aremi BVA, et nous liant, nous souhaitons mettre un terme à notre collaboration et votre Role d'agent pour les secteurs définis: Paris et Régions limitrophes,

Et cela en date du 15/06/2012 "

Par lettre du 22 janvier 2013, la société Showroom C a mis en demeure la société ACLB Avant-garde de lui régler diverses sommes à titre de commissions, d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité de rupture.

Par acte du 13 juin 2013, la société Showroom C a assigné la société ACLB Avant-garde devant le tribunal de commerce de Paris aux fins d'obtenir paiement de commissions, d'une indemnité compensatrice de préavis ainsi que d'une indemnité de rupture.

La société ACLB Avant-garde a appelé en garantie la société Aremi BVBA.

Par jugement rendu le 7 novembre 2016, le tribunal de commerce de Paris a :

- condamné la société ACLB Avant-garde à payer à la société Showroom C la somme de 33 902,04 euros TTC à titre de commissions, avec intérêts de droit à compter du 22 janvier 2013 ;

- condamné la société ACLB Avant-garde à payer à la société Showroom C la somme de 3 323,73 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, avec intérêts à compter du 22 janvier 2013 ;

- condamné la société ACLB Avant-garde à verser à la société Showroom C la somme de 15 000 euros à titre d'indemnité de rupture de contrat d'agent, avec intérêts de droit à compter du 22 janvier 2013 ;

- condamné la société Aremi BVBA à verser à la société ACLB Avant-garde la somme de 9 137 euros à titre de garantie ;

- condamné la société ACLB Avant-garde à payer à la société Showroom C la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné la société Aremi BVBA à payer à la société ACLB Avant-garde la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- débouté les parties de leurs autres demandes ;

- condamné la société ACLB Avant-garde et la Société Aremi BVBA solidairement aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 178,59 euros dont 29,55 euros de TVA.

La société ACLB Avant-garde a interjeté appel total de cette décision le 8 décembre 2016.

Par jugement du 5 avril 2017, le tribunal de commerce d'Annecy a prononcé l'ouverture d'une procédure de sauvegarde à l'égard de la société ACLB Avant-garde et désigné Maître Jean Blanchard en qualité de mandataire judiciaire.

Par lettre du 2 juin 2017, la société Showroom C a déclaré au passif de la procédure collective les créances suivantes :

33 902,04 euros à titre de commissions, avec intérêts de droit à compter du 22 janvier 2013 ;

3 323,73 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

15 000 euros à titre d'indemnité de rupture.

Par ordonnance du 11 janvier 2018, le conseiller de la mise en état a constaté l'interruption de l'instance dans l'attente de la mise en cause du mandataire judiciaire désigné.

Maître Jean Blanchard, mandataire judiciaire de la société ACLB Avant-garde, est intervenu à l'instance d'appel par conclusions du 9 février 2018.

Par jugement du 11 avril 2018, le tribunal de commerce d'Annecy a arrêté le plan de sauvegarde de la société ACLB Avant-garde, en a fixé la durée à dix ans et a nommé la société MJ Alpes, en la personne de Maître Blanchard et de Maître Caroline Jal, en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Prétentions et moyens des parties :

Dans leurs conclusions communes du 10 septembre 2018, la société ACLB Avant-garde et la société MJ Alpes ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan, demandent à la cour de :

- recevoir la société MJ Alpes en son intervention volontaire, celle-ci s'en remettant à l'appréciation de la cour quant aux demandes de la société ACLB Avant-garde ;

- déclarer la société ACLB Avant-garde recevable et bien fondée en son appel ;

Et, statuant à nouveau,

- infirmer le jugement entrepris ;

- débouter la société Showroom C de l'ensemble de ses demandes en constatant l'absence de contrat d'agence commerciale entre elle et la société ACLB- Avant-garde ;

Subsidiairement,

- condamner la société Aremi BVBA à la garantir en totalité de toute condamnation prononcée à son encontre et dire en tout état de cause que les indemnités allouées à la société Showroom C en première instance sont totalement disproportionnées par rapport aux opérations susceptibles d'être commissionnées ;

- donner acte à la société ACLB Avant-garde de ce qu'elle reconnaît devoir un solde de commissions fixé à un montant de 11 021,21 euros, à inscrire au passif du plan de redressement ;

- dire et juger que toutes les indemnités de préavis, rupture et autres conséquences de la décision de la société Aremi BVBA seront à sa charge exclusive ;

- condamner solidairement les sociétés Showroom C et Aremi BVBA au paiement d'une somme de 25 000 euros à titre de dommages-intérêts, et d'une indemnité d'un montant de 10 000 euros chacune au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés par Maître Maurice Castel, Cabinet MC Legal, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Tout d'abord, la société ACLB Avant-garde soutient que le prétendu contrat d'agence commerciale entre elle et la société Showroom C est un contrat fictif et qu'en réalité il existait un contrat direct d'agent commercial entre la société Aremi BVBA et la société Showroom C. Elle explique en effet que c'est sur la demande de la société Aremi BVBA que le secteur parisien a été confié à la société Showroom C et qu'ensuite les deux sociétés ont traité directement entre elles sans passer par son intermédiaire jusqu'au 15 juin 2012, date à laquelle la société Aremi BVBA lui a demandé de rompre les relations avec la société Showroom C. Elle affirme qu'en l'absence de contrat écrit la liant avec la société Showroom C et en l'absence de relations directes entre elles concernant les rapports d'activité, les livraisons, les ventes et leurs paiements, aucun contrat d'agence commerciale ne peut être retenu entre elles. Elle précise que les factures étaient systématiquement établies par la société Aremi BVBA laquelle recevait directement les commandes passées par la société Showroom C ainsi que les paiements des clients. Elle affirme n'avoir reçu pour sa part que des relevés des ventes effectuées à l'effet du calcul des commissions. Elle ajoute que ce n'est que parce que le contrat d'agence commerciale la liant à la société Aremi BVBA prévoyait que le sous-mandataire devait être agréé par le mandant qu'elle a adressé le courrier du 15 juin 2012 à la société Showroom C mettant fin à leurs relations.

Elle dénie dans ces conditions devoir toute commission, indemnité compensatrice de préavis et indemnité de rupture à la société Showroom C.

A titre subsidiaire, au cas où serait retenue la qualification du contrat de sous-agence s'agissant de sa relation avec la société Showroom C, la société ACLB Avant-garde demande la réduction du montant des commissions dues à la somme de 11 021,21 euros reconnue par elle pour la période du 1er octobre 2011 au 30 novembre 2012 et la réduction des indemnités de préavis et de rupture réclamées compte tenu de la faible durée d'exécution (moins de neuf mois) et du chiffre d'affaires justifié. Elle fait valoir qu'il appartient à la société Showroom C, qui réclame le paiement de commissions supplémentaires, de justifier des bons de commandes afférents passés par son intermédiaire.

Elle prétend que la société Aremi BVBA doit être déclarée irrecevable en ses demandes à son encontre en l'absence de déclaration des créances alléguées au passif de la procédure collective.

Au soutien de sa demande en paiement de dommages et intérêts, elle invoque les réclamations et poursuites injustifiées dont elle a fait l'objet de la part des intimées et qui ont gravement perturbé son équilibre financier au point qu'elle a dû solliciter l'ouverture d'une procédure de sauvegarde.

Dans ses dernières conclusions du 12 septembre 2018, la société Showroom C demande à la cour de :

- dire que la relation commerciale liant la société Showroom C à la société ACLB Avant-garde relève des dispositions de l'article L. 134-1 du Code de commerce;

- fixer sa créance au passif de la société ACLB Avant-garde à la somme de 33 902,04 euros à titre de commission avec intérêts de droit à compter du 22 janvier 2013,

- fixer sa créance au passif de la société ACLB Avant-garde à la somme de 15 877 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis avec intérêts à compter du 22 janvier 2013, et à titre subsidiaire à la somme de 3 323,73 euros,

- fixer sa créance au passif de la société ACLB Avant-garde à la somme de 34 252,24 euros à titre d'indemnité de rupture de contrat d'agent, avec intérêts de droit à compter du 22 janvier 2013, et subsidiairement à la somme de 15 000 euros.

- fixer sa créance au passif de la société ACLB Avant-garde à la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

En défense, la société Showroom C soutient que la relation commerciale la liant avec la société ACLB Avant-garde entre dans le champ de l'article L. 134-1 du Code de commerce relatif à l'agence commerciale. A l'appui, elle fait valoir que la société ACLB Avant-garde a reconnu l'existence de ce contrat d'agence commerciale en admettant devoir des commissions et en procédant à la rupture du contrat. Dans ces conditions, elle réclame paiement de l'ensemble des commissions afférentes aux opérations conclues par son intermédiaire, et ce, même lorsque lesdites opérations ont été conclues hors de son secteur, à savoir Paris et le Nord de la France, dès lors que l'exercice du mandat en dehors de la zone géographique dévolue était connu tant de la société ACLB Avant-garde que de la société Aremi BVBA qui a versé les commissions en découlant. Elle souligne qu'à défaut pour la société ACLB Avant-garde d'avoir communiqué l'ensemble des documents comptables lui permettant de contrôler le montant des commissions dues, les sommes revendiquées le sont à partir de l'ensemble des commandes enregistrées par la société ACLB Avant-garde.

A l'appui de sa demande en paiement d'une indemnité de préavis de rupture, elle affirme que celle-ci doit être calculée sur le montant des commandes perdues au titre de la collection printemps/été 2013 en raison du moment de la rupture, qui a eu lieu à quelques semaines de la commercialisation de cette collection, ce qui l'a empêchée de rechercher une nouvelle carte à commercialiser. Enfin elle revendique douze mois de commissions à titre d'indemnité de rupture au regard d'une part, de l'investissement qu'elle a consacré à faire connaître la marque qui lui a été confiée et qui était jusqu'alors inconnue et ce, au détriment de son activité annexe, et d'autre part, des circonstances brutales de la rupture.

Dans ses dernières conclusions du 5 juillet 2017, la société Aremi BVBA demande à la cour de :

In limine litis,

- déclarer irrecevable son appel en cause par la société ACLB Avant-Garde ;

A titre principal,

- débouter la société ACLB Avant-garde de l'intégralité de ses demandes à son encontre ;

A défaut :

- condamner la société ACLB Avant-garde au paiement de ces indemnités sur la base des montants de commissions recalculés.

A titre subsidiaire,

- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a jugé que la société Aremi BVBA ne saurait être condamnée en garantie à plus de 50 % des sommes dues par ACLB Avant-garde au titre des indemnités de rupture et de préavis ;

- calculer le montant de ces indemnités sur la base des montants de commission recalculés et réels ;

Au surplus,

- condamner la société ACLB Avant-garde à lui payer la somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la société ACLB Avant-garde aux entiers dépens.

La société Aremi BVBA soutient tout d'abord qu'il n'existe aucune relation contractuelle " directe ou Indirecte " entre elle et la société Showroom C. Elle affirme que le contrat d'agence commerciale la liant à la société ACLB Avant-garde imposait un accord écrit de sa part en cas de sous-mandat, ce qu'elle n'a jamais donné. Elle invoque ensuite la confusion qui serait intervenue entre la société Bloom BVBA, chargée de la conception des escarpins de la marque Noë dont le gérant est également M. Luc Dereu, et elle-même, chargée de la fabrication et de la commercialisation des chaussures de la même marque co-dirigée par M. Dereu et M. Willy Heerkens. Elle affirme ainsi que Monsieur Dereu, qui était l'interlocuteur de la société Showroom C, a agi en tant que gérant de la société Bloom BVBA et en aucun cas en son nom. Elle fait valoir que la société ACLB Avant garde peut difficilement nier sa relation contractuelle avec la société Showroom C dès lors qu'elle a elle-même perçu une commission sur les ventes réalisées par celle-ci.

Par ailleurs, s'agissant des commissions réclamées par la société Showroom C, la société Aremi BVBA soutient avoir versé la totalité des commissions dues pour le territoire français, y compris Paris et le Nord, à la société ACLB Avant-garde. En tout état de cause, la société Aremi BVBA affirme qu'aucune commission ne saurait être due au titre des ventes réalisées en dehors de la zone contractuellement déterminée par le contrat, soit la zone de Paris et du Nord, et en dehors de la durée du contrat, allant du 1er octobre 2011 au 26 juin 2012. En outre, elle soutient qu'il convient de prendre comme base de calcul de ces commissions, le listing des boutiques vendant des produits de la marque Noë qu'elle produit aux débats. Enfin, il conviendrait, selon elle, tout au moins de calculer les commissions sur le prix net facturé au client, soit le prix HT, conformément au contrat d'agence conclu avec la société ACLB Avant-garde dont est issu le sous-mandat.

S'agissant de l'indemnité de préavis, la société Aremi BVBA dénie l'existence d'un contrat d'agence à durée indéterminée entre elle et la société Showroom C, de sorte que seule la société ACLB

Avant-garde, mandante, est redevable de l'indemnité de préavis. Elle prétend en outre que c'est la société ACLB Avant garde qui est à l'origine de la rupture. Elle conteste ainsi être intervenue dans la rupture du contrat entre la société ACLB Avant-garde et la société Showroom C, estimant que Monsieur Dereu a agi en qualité de gérant de la société Bloom BVBA, et que la société ACLB Avant-garde aurait dû respecter les dispositions légales au titre du préavis. Subsidiairement, la société Aremi BVBA soutient que la durée de préavis est d'un mois au regard de la durée du contrat, égale à une année, conformément aux dispositions de l'article L.134-11 du Code de commerce.

Sur la réparation du préjudice subi du fait de la rupture, la société Aremi BVBA prétend ne devoir aucune somme à ce titre en l'absence de contrat la liant à la société Showroom C. En outre, elle fait valoir qu'en l'absence d'action directe à son encontre par la société Showroom fondée sur l'article 1994 alinéa 2 du Code civil, aucune somme ne peut lui être réclamée par la société ACLB Avant-garde au titre de l'indemnité de rupture. Par ailleurs, elle affirme que cette indemnité tend à réparer d'une part, la privation de commissions pour l'agent victime de la rupture et d'autre part, à compenser la récupération de la notoriété et de la clientèle développée par l'agent commercial. Or elle soutient avoir versé les commissions à la société ACLB Avant-garde pour les transactions effectuées avec les clients concernés. Elle affirme en outre que la société Showroom C n'a subi, ni ne démontre avoir subi, aucun préjudice puisqu'elle n'établit pas l'investissement consacré au développement de la marque.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 13 septembre 2018.

Motifs :

Sur l'intervention volontaire de la société MJ Alpes

Considérant qu'il y a lieu de recevoir l'intervention volontaire de la société MJ Alpes ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société ACLB Avant-garde;

Sur l'existence d'un contrat d'agence commerciale entre la société Showroom C et la société ACLB Avant-garde

Considérant que selon l'article L. 134-1 du Code de commerce, l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux ;

Considérant que le contrat d'agence commerciale est un contrat consensuel dont la preuve peut être rapportée par tous moyens ;

Considérant qu'en l'espèce, la société Showroom C se prévaut d'un contrat d'agence commerciale avec la société ACLB Avant garde qui dénie l'existence d'un tel contrat et affirme qu'un contrat d'agence commerciale liait directement les sociétés Showroom C et Aremi BVBA ;

Considérant qu'il ressort du contrat d'agence commerciale conclu le 15 mai 2010 entre la société Aremi BVBA, représentée par son gérant, Monsieur Luc Dereu, et la société ACLB Avant-garde, représentée par son gérant, Monsieur Bernard Luber, que la première concédait à la seconde l'exclusivité concernant la diffusion et la vente de chaussures de la marque " Noë " en France; que ce contrat prévoyait la faculté pour l'agent commercial d'avoir recours à des sous-agents sous réserve de l'accord écrit de la société Aremi BVBA et stipulait qu'en cas de recours à un sous-agent, l'agent commercial serait considéré comme seul mandant ;

Considérant que pour dénier tout contrat d'agence commerciale avec la société Showroom C et attester des relations directes entre celle-ci et la société Aremi BVBA, la société ACLB Avant-garde verse aux débats de nombreux courriels échangés entre Monsieur Luc Dereu et Monsieur Jean-François Chiapponi intervenant pour la société Showroom C entre les mois de mars et juin 2012 ainsi que deux courriels en date des 13 et 15 juin 2012 par lesquels Monsieur Dereu demandait à Monsieur Luber de cesser toutes relations avec la société Showroom C; que l'existence de ces relations directes entre les sociétés Aremi BVBA et Showroom C ne fait pas obstacle à l'existence d'un contrat d'agence commerciale entre la société ACLB Avant garde et la société Showroom C; que s'il n'est pas contesté qu'aucun accord écrit n'a jamais été donné par la société Aremi BVBA à un contrat de sous-agent entre la société ACLB Avant garde et la société Showroom C, il résulte de pièces produites aux débats que des relations directes existaient entre les sociétés ACLB Avant-garde et Showroom C; qu'ainsi la société ACLB Avant-garde admet qu'elle calculait les commissions dues à la société Showroom C sur la base des relevés de ventes effectives réalisées par l'intermédiaire de cette dernière et adressait à la société Showroom C un relevé de commissions; que la société ACLB Avant-garde a adressé le courrier daté du 15 juin 2012 interrompant les relations avec la société Showroom C en reconnaissant celle-ci comme son agent commercial pour les secteurs de " Paris et régions limitrophes " et en sollicitant de sa part des documents permettant l'établissement du droit à commission et son paiement; qu'enfin dans un courrier officiel, daté du 28 février 2013 et adressé à l'avocat de la société Showroom C, le conseil de la société ACLB Avant garde a reconnu l'existence d'un contrat d'agence commerciale entre ces deux sociétés à effet du 1er octobre 2011 et a établi le décompte des commissions dues à la société Showroom du 1er octobre 2011 au 30 novembre 2012 pour un montant de 11 010,21 euros ;

Considérant qu'il ressort de ces éléments l'existence d'un contrat d'agence commerciale entre la société ACLB Avant-garde et la société Showroom C qu'il échet de qualifier de sous-mandat nonobstant l'absence d'accord écrit de la société Aremi BVBA ;

Sur la demande en paiement au titre des commissions

Considérant que la société Showroom C sollicite, dans le corps de ses conclusions, une somme de 34 252,24 euros à titre de commissions, correspondant à 10 % du chiffre d'affaires réalisé par la société ACLB Avant-garde par son intermédiaire au titre des collections printemps/été 2012 et automne/hiver 2012, tandis que dans le dispositif de ses conclusions, elle revendique de voir fixer sa créance au titre des commissions à la somme de 33 902,04 euros, ce qui correspond à la condamnation résultant du jugement du tribunal de commerce de Paris ; qu'en application de l'article 954 alinéa 3 du Code de procédure civile, il convient de tenir compte de la prétention énoncée au dispositif des conclusions de la société Showroom C;

Considérant qu'il ressort d'un échange de courriels des 7 et 10 février 2012 entre la société ACLB Avant-garde et la société Showroom C que le montant des commissions dues à la société Showroom C était fixé à 10 % des montants facturés ; que les parties s'opposent sur le caractère hors taxe ou non de cette commission ; que dans les courriels échangés entre la société ACLB Avant-garde et la société Showroom C, il est fait mention d'un montant de 10 % HT; que dans ces conditions, le montant des commissions dues par la société ACLB Avant-garde sera calculé HT à hauteur de 10 % du prix net facturé au client ;

Considérant qu'il appartient à la société Showroom C, qui réclame le paiement de commissions, de rapporter la preuve du montant dû à ce titre; qu'invoquant l'absence de production par la société ACLB Avant-garde des documents comptables nécessaires au contrôle du montant des commissions dues, elle revendique à titre forfaitaire 10 % HT du chiffre d'affaires de cette société; que pourtant la société Aremi BVBA a produit aux débats l'ensemble des documents comptables nécessaires à la vérification du montant des commissions litigieuses (extraits de documents comptables certifiés, comptes clients, factures, bons de livraisons) ; que ces documents rapprochés aux relevés de commissions établis par la société ACLB Avant-garde permettent de vérifier que le montant des commissions, calculé sur les ventes réalisées par l'intermédiaire de la société Showroom C, s'élève à 11 010,21 euros HT pour la période du 1er octobre 2011 au 30 novembre 2012 ; que c'est dans ces conditions que la société ACLB Avant garde reconnaît devoir à la société Showroom C une somme de 11 021,21 euros à titre de commissions; que la société Showroom C ne démontre pas être à l'origine d'autres ventes qui n'auraient pas été prises en compte dans le calcul de son droit à commission ;

Considérant qu'en conséquence, il y a lieu de fixer la créance de la société Showroom C au passif de la procédure de sauvegarde judiciaire dont fait l'objet la société ACLB Avant garde à la somme de 11 021,21 euros HT au titre des commissions dues avec intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 2013, date de la mise en demeure; que le jugement entrepris sera infirmé sur ce point ;

Sur la demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

Considérant que l'article L. 134-11 du Code de commerce prévoit que: " Lorsque le contrat d'agence est à durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin moyennant un préavis. (...) La durée du préavis est d'un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée, de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes. En l'absence de convention contraire, la fin du délai de préavis coïncide avec la fin d'un mois civil. ";

Considérant que si la date du début de contrat liant les sociétés ACLB Avant-garde et Showroom C est discutée (25 juillet 2011 ou 1er octobre 2011), il n'en demeure pas moins qu'il a duré moins d'un an ; que dans ces conditions, la société Showroom C est fondée à réclamer une indemnité compensatrice du préavis d'un mois qu'elle n'a pas pu effectuer du fait de la société ACLB Avant garde ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la somme de 11 021,21 euros HT allouée ci-dessus à titre de commissions correspond à une période de quatorze mois ; qu'il convient donc de fixer sa créance au passif de la procédure de sauvegarde judiciaire dont fait l'objet la société ACLB Avant garde au titre de l'indemnité compensatrice de préavis à cette somme divisée par quatorze, soit la somme de 787,22 euros HT avec intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 2013, date de la mise en demeure ; que le jugement entrepris sera infirmé sur ce point ;

Sur la demande au titre de l'indemnité de rupture

Considérant qu'en vertu de l'article L. 134-12 du Code de commerce, " En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi. L'agent commercial perd le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits.";

Considérant qu'il est constant que la société Showroom C a revendiqué son droit à être indemnisé du fait de la rupture de ses relations avec la société ACLB Avant garde dans le délai d'un an à compter de la cessation du contrat ;

Considérant que l'indemnité de rupture est destinée à réparer le préjudice subi par l'agent du fait de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune; que son quantum n'étant pas réglementé, il convient de fixer son montant en fonction des circonstances spécifiques de la cause ;

Considérant qu'en l'espèce, compte tenu de la durée peu importante de la mission d'agence commerciale (inférieure à un an) et de l'absence de justificatifs concernant les particulières diligences déployées par la société Showroom C pour créer et développer la clientèle de la marque Noë, l'indemnité de rupture sera fixée à six mois de commissions, soit à la somme de 4 723,32 euros HT; que s'agissant d'une créance indemnitaire dont le juge fixe le principe et arbitre le montant, la créance ne peut porter intérêts qu'à compter du jour où elle est allouée judiciairement ; que la demande au titre des intérêts moratoires sera donc rejetée; que le jugement entrepris sera réformé de ces chefs ;

Sur l'appel en garantie de la société Aremi BVBA

Considérant que la société Aremi BVBA invoque l'irrecevabilité de son appel en cause par la société ACLB Avant-garde; qu'il y a lieu de relever qu'elle ne soulève dans ses conclusions aucune fin de non-recevoir mais uniquement des moyens de fond tendant au rejet de son appel en cause ;

Considérant tout d'abord que selon l'article L. 134-1 du Code de commerce, l'agent commercial exerce sa profession de manière indépendante; qu'ensuite l'article L. 134-4, alinéa 2, du Code de commerce mentionne que " les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté ";

Considérant qu'en l'espèce, il est établi que Monsieur Dereu, alors co-gérant de la société Aremi BVBA, est intervenu à diverses reprises dans la mission de représentation confiée à la société ACLB Avant garde en imposant la société Showroom C à la société ACLB Avant garde pour s'occuper des secteurs de Paris et des régions limitrophes (pièces 6 et 7 de la société Showroom C) puis en imposant la rupture immédiate du sous-mandat (pièces 5, 6 et 7 de la société ACLB Avant garde), ce qui démontre qu'elle avait nécessairement accepté tacitement le sous-mandat à défaut d'avoir donné son accord écrit; que la circonstance que les courriels d'instructions aient été émis par Monsieur Dereu depuis une adresse de la société Bloom Factory ou encore avec un logo de la société Bloom Factory est indifférente dès lors que Monsieur Dereu était alors gérant de la société Aremi BVBA et signataire du contrat d'agence commerciale avec la société Showroom C étant observé que la société ACLB Avant garde n'avait signé aucun contrat d'agence commerciale avec la société Bloom Factory ;

Considérant que cette immixtion dans le contrat de sous-mandat en violation de l'indépendance nécessaire à l'exercice de la mission d'agent commercial ainsi qu'à l'obligation de loyauté du mandant est constitutive d'une faute contractuelle de la part de la société Aremi BVBA ; que cette faute est à l'origine d'un préjudice pour la société ACLB Avant garde puisque celle-ci a été condamnée au paiement d'une indemnité de rupture et d'une indemnité de préavis ; que néanmoins la société ACLB Avant garde ne saurait revendiquer être déchargée de toute condamnation par son mandant dès lors qu'elle conservait son libre arbitre et son indépendance; qu'il lui était loisible de respecter les dispositions légales concernant le préavis; qu'elle ne peut se prévaloir de la clause du contrat d'agence commerciale prévoyant l'accord écrit du mandant pour le recours à des sous-mandataires pour se décharger de toute responsabilité dès lors que depuis l'origine du contrat de sous-mandat avec la société Showroom C, elle n'avait pas d'accord écrit de la part de la société Aremi BVBA, ce qui ne l'a pas empêchée de déléguer sa mission d'agence commerciale ;

Considérant que contrairement à ce que soutient la société Aremi BVBA, l'action directe du sous-mandataire à l'égard du mandant ouverte par l'article 1994 du Code civil ne fait pas obstacle à l'exercice d'une action en responsabilité du mandataire à l'égard de son mandant ;

Considérant qu'au vu de ces éléments, il convient de fixer la responsabilité de la société Aremi BVBA dans la réalisation du dommage à hauteur de la moitié ; que la cour fera en conséquence droit à la demande de garantie de la société ACLB Avant garde à concurrence de la moitié des condamnations au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité de rupture allouées à la société Showroom C ;

Considérant qu'en ce qui concerne le paiement des commissions dues à la société Showroom C, la société ACLB Avant-garde ne dénie pas avoir reçu des commissions de la part de la société Aremi BVBA à hauteur de 12 % des ventes réalisées en France par l'intermédiaire de la société Showroom C; que la société Aremi BVBA établit le versement de ces commissions à la société ACLB Avant-garde ; que dans ces conditions, faute pour la société ACLB Avant garde d'avoir subi un dommage de ce chef, sa demande de garantie au titre des commissions sera rejetée ;

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Considérant qu'il ne peut être reproché aucune procédure abusive de la part de la société Showroom C qui prospère en son action ;

Considérant que si la poursuite de l'exécution forcée d'une décision de justice assortie de l'exécution provisoire se fait aux risques et périls du créancier, il convient de justifier d'un préjudice et d'un lien de causalité pour rechercher la responsabilité dudit créancier ; qu'en l'espèce, la société ACLB Avant garde n'établit pas que la procédure de sauvegarde judiciaire dont elle fait l'objet est en lien avec la poursuite de l'exécution provisoire par la société Showroom C ni que cette procédure soit à l'origine d'un quelconque préjudice pour elle ;

Considérant que la société ACLB Avant garde ne rapporte la preuve d'aucun préjudice imputable à la société Aremi BVBA subsistant à la suite de son appel en garantie ; Considérant que dès lors, la demande de dommages et intérêts de la société ACLB Avant garde tant à l'encontre de la société Showroom C et de la société ACLB Avant garde sera rejetée ;

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile

Considérant que les dépens de l'instance d'appel seront mis à la charge de la société ACLB Avant garde qui succombe dans la majorité de ses prétentions ;

Considérant que l'équité commande qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du Code de procédure civile; que les demandes présentées de ce chef seront écartées ;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Reçoit la société MJ Alpes ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société ACLB Avant-garde en son intervention volontaire ; Dit qu'il existe un contrat d'agence commerciale entre la société ACLB Avant-garde et la société Showroom C ; Infirme le jugement rendu le 7 novembre 2016 par le tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné la société ACLB Avant-garde à payer à la société Showroom C la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, condamné la société Aremi BVBA à payer à la société ACLB Avant-garde la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et condamné la société ACLB Avant-garde et la Société Aremi BVBA solidairement aux dépens de première instance ; Statuant à nouveau, Fixe la créance de la société Showroom C au passif de la procédure de sauvegarde judiciaire dont fait l'objet la société ACLB Avant garde à la somme de 11 021,21 euros HT au titre des commissions dues avec intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 2013 ; Fixe la créance de la société Showroom C au passif de la procédure de sauvegarde judiciaire dont fait l'objet la société ACLB Avant garde à la somme de 787,22 euros HT au titre de l'indemnité compensatrice de préavis avec intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 2013 ; Fixe la créance de la société Showroom C au passif de la procédure de sauvegarde judiciaire dont fait l'objet la société ACLB Avant garde à la somme à la somme de 4 723,32 euros HT au titre de l'indemnité de rupture avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ; Condamne la société Aremi BVBA à garantir la société ACLB Avant garde à concurrence de la moitié des condamnations au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité de rupture allouées à la société Showroom C ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Déboute les parties de leurs autres demandes ; Condamne la société ACLB Avant garde aux dépens de l'instance d'appel qui seront recouvrés par Maître Maurice Castel, Cabinet MC Legal, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.