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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 15 novembre 2018, n° 16-05116

GRENOBLE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Eclipse (SARL), Génération Sports (SAS), Guyot (ès qual.)

Défendeur :

Active Sports Wear (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Clozel Truche

Conseillers :

Mmes Pages, Blanchard

Avocats :

Mes Grimaud, Carret, Dauphin, Pedersen

T. com. Grenoble, du 14 févr. 2011

14 février 2011

Selon accord-cadre du 8 juillet 2005 à effet du 1er juillet 2005 la société de droit danois Active Sportswear a confié pour une durée indéterminée à la SARL Eclipse la distribution exclusive sur le territoire français d'articles de badminton de la marque FZ Forza.

Se disant créancière d'une somme de 32 453,38 euros représentant le prix de marchandises livrées demeurées impayées, la société Active Sportswear a fait assigner devant le tribunal de commerce de Grenoble, par acte d'huissier du 27 novembre 2008, la société Eclipse en résiliation du contrat de distribution aux torts du distributeur, et condamnation de celui-ci au paiement des sommes de 32 453,38 euros, de 100 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du blocage d'un stock de marchandises prêtes à la livraison d'une valeur de 300 000 € et de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour atteinte à son image.

En cours d'instance, par lettre recommandée du 7 janvier 2009, la société Active Sportswear a résilié le contrat de distribution pour défaut de paiement de la marchandise livrée en se prévalant de la clause résolutoire stipulée aux conditions générales.

Parallèlement la société Active Sportswear a obtenu le 8 avril 2009 une ordonnance enjoignant à la société Génération Sports, associée à hauteur de 20 % au sein de la société Eclipse, de lui payer la somme de 39 104,52 euros au titre du prix de marchandises, dont il est soutenu qu'elles lui auraient été livrées pour le compte de sa filiale.

La société Génération Sports a formé opposition à cette ordonnance.

Le 29 juin 2010 la société Génération Sports a été admise au bénéfice de la procédure de sauvegarde.

Les organes de la procédure collective sont intervenus volontairement à l'instance.

Par jugement du 14 février 2011 le tribunal de commerce de Grenoble a:

- ordonné la jonction des deux procédures,

- jugé que la société Active Sportswear a violé la clause d'exclusivité en vendant directement sur internet ;

- prononcé la résiliation du contrat de distribution aux torts partagés et a compensé les préjudices réciproques ;

- condamné la société Eclipse à payer à la société Active Sportswear la somme de 32 453,38 euros, outre intérêts au taux légal et indemnité de procédure de 1000 € ;

- jugé qu'il n'y a pas de convention de prête nom permettant à la société Génération Sports de se faire remplacer par la SARL Eclipse dans son obligation de paiement à l'égard de la société Active Sportswear;

- confirmé l'ordonnance faisant injonction à la société Génération Sports de payer à la société Active Sportswear la somme de 39 104,52 euros outre intérêts au taux légal et indemnité de procédure de 1000 € ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné la SARL Eclipse à régler 80 % des dépens et la société Génération Sports à régler la totalité des dépens de l'injonction de payer et 20 % des dépens de l'instance.

La SARL Eclipse et la SAS Génération Sports, cette dernière assistée des organes de la procédure de sauvegarde, ont relevé appel de cette décision par déclaration au greffe reçue le 24 mars 2011.

La société Génération Sports a été placée en liquidation judiciaire au cours de la procédure d'appel par un jugement du 27 août 2013, qui a désigné Me Guyot en qualité de liquidateur judiciaire.

Celui ci est intervenu volontairement à l'instance et la société Active Sportswear a déclaré sa créance à la procédure collective.

Par arrêt avant dire droit du 11 juin 2015, la cour a :

- invité les parties à présenter leurs observations sur l'application et le contenu du droit danois régissant le contrat de distribution conclu le 8 juillet 2005 ;

- ordonné à cette fin la réouverture des débats ;

- renvoyé l'affaire et les parties à la conférence de mise en état ;

- révoqué l'ordonnance de clôture ;

- réservé les dépens.

Par ordonnance du 25 février 2016, l'affaire a été radiée du rôle de la cour et y a été réinscrite le 27 octobre suivant.

Au terme de leurs dernières conclusions récapitulatives notifiées le 7 février 2017, auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé détaillé de leurs moyens, la société Eclipse, la société Génération Sports et Maître Christian Guyot, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Génération Sports, demandent à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce, sauf en ce qu'il a débouté la société Active Sportswear de sa demande indemnitaire au titre de l'atteinte à son image;

- dire mal fondé l'appel incident de la société Active Sportswear ;

- débouter la société Active Sportswear de toutes ses prétentions, fins et conclusions ;

- constater la défaillance de la société Active Sportswear dans son obligation contractuelle de distribution exclusive ;

- dire et juger la rupture du contrat de distribution par la société Active Sportswear abusive ;

- constater que la société Active Sportswear a sciemment participé à la simulation de contrat de vente avec la société Génération Sports ;

- dire et juger en conséquence que la société Active Sportswear ne peut se prévaloir de l'acte ostensible ;

Par conséquent,

- prononcer la résiliation du contrat de distribution existant entre la société Eclipse et la société Active Sportswear aux torts exclusifs de la société Actve Sportswear ;

- condamner la société Active Sportswear à verser à la société Eclipse la somme de 152 818 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive ;

- condamner la société Active Sportswear à verser à la société Eclipse la somme de 305 636,50 à titre de perte de clientèle et investissements commerciaux ;

- condamner la société Active Sportswear à verser à la société Eclipse la somme de 261 632 € à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale en droit danois (en réparation de la violation de la clause d'exclusivité en droit français) ;

- débouter la société Active Sportswear de sa demande de fixation de créance au passif de la société Generation Sport comme mal fondée ;

A titre subsidiaire,

- désigner un expert judiciaire aux fins de déterminer la perte de bénéfices consécutive à la rupture abusive du contrat de distribution exclusive conclu avec la société Active Sportswear ;

En tout état de cause,

- condamner la société Active Sportswear à payer à la société Eclipse la somme de 17 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;

- condamner la société Active Sportswear à payer à Maître Guyot, ès qualité de liquidateur de la société Génération Sports, la somme de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la société Active Sportswear aux entiers dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile;

- autoriser la SCP Franck Grimaud et Alexis Grimaud, avoués associés, à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle a fait l'avance, sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

La société Eclipse fait valoir qu'en l'absence de législation danoise particulière régissant les contrats de distribution exclusive, la bonne exécution du contrat doit être appréciée au regard des obligations mises à la charge de chaque partie par le contrat lui même.

Elle oppose une exception d'inexécution à la demande de règlement de la société Active Sportswear en raison des violations par cette dernière de la clause d'exclusivité par des livraisons et facturations directes à des clients français, de la mauvaise foi de sa co contractante et de son manque de collaboration dans :

l'homologation des volants par la FFBA à compter de 2006 ce qui a généré une importante perte de chiffre d'affaires,

le refus d'augmenter l'encours qui devait être renégocié chaque année la contraignant à payer comptant les livraisons malgré un différé contractuel de 90 jours,

la disproportion de la charge des risques et des demandes de garantie du fournisseur à l'origine du blocage de la commande.

Concernant la violation de la clause d'exclusivité, la société Eclipse conteste avoir donné son accord au montant des commissions offertes au titre des ventes directe et aux modifications contractuelles envisagées par la société Active Sportswear.

Elle soutient que la mauvaise foi de la société Active Sportswear fait obstacle à ce qu'elle puisse se prévaloir de la clause résolutoire dès lors que c'est le comportement du fournisseur qui a porté atteinte à l'équilibre contractuel.

La société Eclipse considère qu'elle était en droit de vendre son stock de marchandises après la résiliation en l'absence de toute offre de reprise par le fournisseur telle que prévue par l'article 10.2 de l'annexe A du contrat de distribution

La société Génération Sports et Me Guyot, es qualités, font valoir qu'en l'absence de contrat la liant à la société Active Sportswear le droit danois est inapplicable, qu'elle a accepté de se faire livrer et facturer des marchandises par la société Active Sportswear pour le bénéfice de la société Eclipse, qu'ayant participé à la simulation, le fournisseur ne peut se prévaloir des actes ostensibles pour lui réclamer paiement.

Selon ses dernières conclusions signifiées 8 novembre 2016, auxquelles il est fait expressément référence pour l'exposé de ses moyens, la société Active Sportswear entend voir :

- constater que le contrat de distribution conclut entre Active Sportswear et Eclipse SARL en date du 1er juillet 2005 est soumis au droit danois ;

- déclarer irrecevable toute demande de la part de la société Eclipse fondée sur le droit français ;

- constater que le droit danois se réfère aux contenus des contrats signés et dont les abus ou non-respect peuvent être sanctionnés ;

concernant la société Eclipse :

- constater l'existence d'un contrat de distribution entre la société Active Sportswear et la société Eclipse;

- constater le défaut de paiement de la société Eclipse au profit d'Active Sportswear, qui a dès lors résilié le contrat conformément aux dispositions du contrat pour un juste motif;

- dire et juger que la société Eclipse est débitrice de la somme de 32 453,58 € auprès d'Active Sportswear ;

- constater que la société Eclipse est responsable du blocage d'un stock pour une valeur de 300 000 € chez Active Sportswear ;

- dire et juger que le défaut de paiement d'Eclipse constitue une violation de ses obligations contractuelles ;

- dire et juger qu'Active Sportswear n'a pas violé la clause d'exclusivité figurant dans le contrat de distribution ;

- constater qu'Eclipse a accepté qu'Active Sportswear livre directement certains clients en France moyennant le paiement d'une commission ;

- constater que la proposition à la vente par Eclipse en septembre 2010 de produits Active Sportswear à des tarifs discount dévalorise l'image d'Active Sportswear et constitue une violation du contrat de distribution ;

concernant Génération Sports:

- constater la réalité du contrat entre les parties exécuté par des livraisons et de la facturation de la société Active Sportswear à la société Génération Sports;

- constater qu'il n'y a pas de convention de prête nom permettant à société Génération Sports de se faire remplacer par Eclipse SARL dans son obligation de paiement vis-à- vis Active Sportswear;

- constater que la société Génération Sports n'a pas formulé de demande contre Eclipse;

- confirmer l'injonction de payer ;

- constater que la déclaration de créance par Active Sportswear, conformément au jugement de première instance à Me Guyot, mandataire judiciaire de Génération Sports SAS est fondée et valide ;

En conséquence,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Grenoble du 14 février 2011, hormis la condamnation d'Active Sportswear pour avoir vendu directement sur internet ;

- infirmer la condamnation d'Active Sportswear pour avoir vendu directement sur internet ;

- condamner la société Eclipse au paiement de la somme de 100 000 € à Active Sportswear pour le préjudice subi suite au blocage de la livraison préparée pour exécuter des commandes à hauteur de 300 000 € fin 2008 ;

- condamner Eclipse à payer des dommages et intérêts à hauteur de 10 000 € à Active Sportswear pour la violation du contrat de distribution après sa résiliation ayant porté atteinte à l'image d'Active Sportswear ;

- condamner les sociétés Eclipse et Génération Sports et Me Guyot solidairement au paiement de la somme de 7 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure en appel, en supplément des dispositions à cet égard du jugement ;

- condamner Me Guyot, liquidateur judiciaire, à admettre la créance déclarée à la liquidation judiciaire de Génération Sports SAS pour la somme de 49 439,52 € ;

- condamner Me Guyot, liquidateur judiciaire, à admettre en tant que créance valide dans la liquidation judiciaire de Génération Sports SAS toute augmentation de la somme due par rapport à la somme déclarée de 49 439,52 €, en conséquence de l'arrêt qui sera rendu à l'issue de la présente instance ;

- condamner Me Guyot à payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner les sociétés Eclipse et Génération Sports et Me Guyot aux entiers dépens à recouvrer conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

La société Active Sportswear fait valoir que sa demande en paiement porte sur des marchandises qui ont été intégralement livrées; qu'elle a assuré la fabrication et le conditionnement de marchandises en prévision des commandes de la société Eclipse pour l'automne 2008 pour un montant de 300 000 euros, qu'elle n'a pu livrer faute pour son distributeur de fournir la garantie bancaire demandée à hauteur de 150 000 euros ; qu'elle a revendu ce stock sans réaliser la marge escomptée subissant une perte de 100 000 euros.

Elle se prévaut de la clause résolutoire figurant dans le contrat et des manquements de la société Eclipse pour justifier la résiliation du contrat et réfute l'exception d'inexécution invoquée au titre de la mauvaise foi dans l'exécution du contrat.

Elle soutient que c'est la société Eclipse qui lui a demandé de fournir directement ses clients moyennant versement d'une commission et précise que les ventes réalisées sur son site internet ont donné lieu au versement de commissions au profit de son distributeur.

Elle relève que le préjudice allégué par la société Eclipse n'est pas comptablement justifié, puisque se basant sur un calcul de marge et une évolution erronée du chiffre d'affaires.

A l'égard de la société Génération Sports, elle fait valoir qu'elle a livré les marchandises à la holding de la société Eclipse, à la demande expresse de cette dernière, à qui les marchandises ont été refacturées.

Elle se prévaut de l'atteinte à son image résultant de la vente de ses produits par la société Eclipse à prix discount, intervenue après résiliation du contrat de distribution.

La clôture de la procédure est intervenue le 24 mai 2018.

Motifs de la décision :

1°) Sur les obligations contractuelles :

Conformément aux dispositions de l'article 19 de l'annexe A du contrat-cadre de distribution du 1er juillet 2005, portant conditions générales, les relations contractuelles sont régies par le droit positif danois, lequel ne réglemente pas spécifiquement le contrat de distribution exclusive, mais impose aux parties le respect des obligations qu'elles ont librement déterminées entre elles et leur exécution loyale.

Il n'est pas discuté que la société Eclipse reste devoir à son fournisseur un solde de factures de 32 453,38 euros dont elle entend s'exonérer du paiement en se prévalant de l'inexécution substantielle de ses obligations par la société Active Sportswear, lui reprochant son manque de loyauté et de collaboration ainsi que la violation de la clause d'exclusivité.

- sur le défaut de collaboration :

L'article 13 des conditions générales énoncées par l'annexe A du contrat précise les obligations mises à la charge du fournisseur et notamment celle de "'soutenir le distributeur dans l'ensemble de ses activités relatives à la vente et la distribution des produits et de mettre à la disposition du distributeur son expérience et des conseils techniques relatifs au domaine des produits'".

De manière générale, le droit positif danois met en outre à la charge des contractants une obligation de loyauté dans l'exécution du contrat.

La société Eclipse considère que son fournisseur ne lui a pas apporté sa collaboration à l'occasion des tests d'homologation de ses produits (volants) par la fédération française de badminton, conduisant d'une part à des difficultés dans l'obtention de cette homologation lui ouvrant le marché des clubs sportifs, et d'autre part, à une homologation insatisfaisante pour la saison 2008/2009.

Cependant, il résulte de ses propres pièces que les références AF 100 et AF Tournament des volants de la société Active Sportswear, commercialisés sous la marque FZ Forza, ont été homologués dans les deux catégories (Elite et Standard) pour les saisons 2005/2006, 2006/2007 et 2007/2008.

Concernant les tests d'homologation des produits pour la saison 2008/2009, il doit être observé que les références présentées (AF 100 et AF 80) étaient différentes ; qu'ils ont conduit le 10 juin 2008 à une homologation provisoire dans la catégorie standard de ces deux références et qu'il ressort des courriels échangés que le fournisseur ne s'est nullement désintéressé de la question puisqu'il s'est rapproché de la fédération française de badminton et lui a fait parvenir de nouveaux échantillons de ses produits le 30 juin suivant. Il apparaît qu'aux 2 octobre 2008 et 12 février 2009, les produits de la marque FZ Forza n'étaient plus homologués, mais la société Active Sportswear justifie avoir obtenu, en juin 2009, l'homologation de ses deux références en catégorie standard pour la saison 2009/2010.

Les éléments ainsi soumis à la cour ne permettent pas de caractériser un manquement de la société Active Sportswear à son obligation de coopération avec son distributeur, le contrat ne comportant au demeurant, aucune stipulation relative à l'obtention de l'homologation en cause.

La société Eclipse reproche également à son fournisseur d'avoir refusé l'augmentation de ses encours et de lui avoir imposé des garanties de paiement excessives.

L'article 7 du contrat-cadre prévoit que la société Eclipse est tenue de fournir une garantie bancaire d'au moins 50 000 euros, montant objet de négociations annuelles en avril en fonction du volume d'affaires annuel et fixe un plafond de crédit accordé au distributeur correspondant aux montants cumulés de la garantie bancaire, d'une assurance crédit et de la ligne de crédit consenti par le fournisseur, soit un total de 102 000 euros pour l'exercice 2005/2006. Il est expressément stipulé que lorsque ce plafond est atteint la société Eclipse est tenue de payer au comptant par avance.

Ces prévisions contractuelles n'ont fait l'objet d'aucun avenant.

S'il apparaît que dès le mois de novembre 2005, la société Eclipse s'est plainte des limites de crédit imposées par son fournisseur l'empêchant de constituer des stocks, elle admettait dans un courriel du 4 novembre 2005 se trouver confrontée à des difficultés de trésorerie dont il apparaît à la lecture des pièces qu'elles ont donné lieu à des retards de règlement dès le mois de septembre 2005 et ont été récurrentes pendant toute la durée des relations commerciales.

Par ailleurs, les éléments de renégociation des modalités de crédit produits révèlent qu'en 2008, l'assurance crédit prise sur la société Eclipse a été résiliée, alors que son compte auprès de son fournisseur présentait un important débit de plus de 65 000 euros et que la société Active Sportswear lui a demandé la fourniture d'une nouvelle garantie bancaire de 150 000 euros qu'elle n'a pu constituer auprès d'un établissement bancaire.

Dans ces conditions, la situation de trésorerie insuffisante de la société Eclipse et le volume de transactions impayées ne pouvaient que constituer une source de préoccupation pour son partenaire commercial, à qui elle ne saurait reprocher d'avoir voulu sécuriser ses livraisons, alors que de surcroît, le contrat comportait, dès l'origine, une limitation de la ligne de crédit accordée par la société Active Sportswear, dont les demandes de garantie et la prudence ne sauraient donc être considérées comme abusives, ni caractériser un défaut de loyauté ou de collaboration.

- sur la violation de la clause d'exclusivité :

Il résulte des stipulations contractuelles que la société Active Sportswear a accordé à la société Eclipse l'exclusivité de la distribution de ses produits sur le territoire français.

Les échanges entre les parties démontrent que la vente directe au profit de la société Larde Sports, malgré la clause d'exclusivité, a été instaurée à l'initiative de la société Active Sportswear afin de conserver ce client important qui avait fait connaître, dès le mois de janvier 2006, son refus de travailler avec la société Eclipse.

Dans sa proposition du 13 octobre 2005, le fournisseur a proposé à son distributeur de lui conserver une commission sur ces ventes pourtant intervenues sans son intermédiaire.

Si la société Eclipse a régulièrement contesté le taux de commission qui lui était versé sur ces ventes, elle a, à plusieurs reprises, les 19 octobre, 31 octobre 2005 et 23 juin 2008, donné son accord express à la livraison directe des principaux clients français dont la société Larde Sports, entérinant cette dérogation à la clause d'exclusivité acceptée pour les mêmes raisons à l'égard de la société Génération Sports.

Rencontrant dès le mois de septembre 2005 des difficultés avérées de trésorerie et limitée dans ses capacités de commande auprès de son fournisseur, la société Eclipse a parfaitement saisi les avantages qu'elle pouvait tirer de cette situation qui ne lui imposait plus de faire l'avance financière sur les marchandises, profitant ainsi du crédit de la société Larde Sports pour accroître son volume de transactions.

La société Eclipse est en conséquence mal fondée à se prévaloir d'une violation de la clause d'exclusivité à ce titre.

Cependant, la société Active Sportswear ne conteste pas avoir également procédé directement à des ventes et livraisons de produits (raquettes) par le biais de son site internet.

L'accord donné par la société Eclipse à la livraison directe des plus gros clients français ne constitue pas une renonciation globale à la clause d'exclusivité dont elle bénéficiait et il n'est justifié d'aucun accord du distributeur autorisant de telles ventes.

Le volume de ces ventes directes n'est pas démontré et le préjudice en résultant n'est pas justifié par la demanderesse en réparation, la société Eclipse ayant perçu des commissions.

En conséquence, seul le préjudice moral découlant de l'atteinte portée à l'exclusivité pourra donner lieu à indemnisation qui sera fixé à la somme de 3 000 euros.

Le jugement qui a condamné la société Active Sportswear au paiement de 10 000 euros de dommages intérêts sera réformé en ce sens.

En conséquence, les inexécutions de ses obligations par la société Active Sportswear sont insuffisantes à justifier l'inexécution de l'obligation de paiement de la société Eclipse et le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a condamnée à s'acquitter du solde des factures.

2°) sur la résiliation du contrat de distribution :

L'article 9.2 des conditions générales permet la résiliation du contrat par notification écrite en cas de manquement aux obligations contractuelles non réparé dans un délai de 30 jours et l'article 9.3 autorise les parties à résilier le contrat à tout moment et pour quelque motif que ce soit avec un préavis d'au moins 120 jours.

La société Active Sportswear a adressé à la société Eclipse une mise en demeure de payer le 25 septembre 2008 à laquelle il n'a pas été donné suite.

Par ailleurs, entre le mois d'avril et septembre 2008, la société Eclipse a promis la fourniture d'une nouvelle garantie bancaire de 100 000 euros et s'est prévalue du bénéfice d'une ligne de crédit bancaire de 240 000 euros, sans être en mesure de les obtenir, alors que la fragilité de sa situation financière a conduit l'assurance crédit à retirer sa garantie.

Dans ce contexte, le seul manquement contractuel reconnu à la charge du fournisseur étant insuffisant à autoriser le distributeur à s'abstenir de remplir les siennes, la notification de la résiliation immédiate du contrat le 13 janvier 2009, plus de trois mois après la mise en demeure, n'a aucun caractère abusif.

La résiliation valablement intervenue aux seuls torts de la société Eclipse sera constatée et il y a lieu de réformer le jugement en ce sens, mais de confirmer le rejet des demandes indemnitaires de la société Eclipse.

3°) Sur les demandes indemnitaires de la société Active Sportswear:

S'il n'est pas contesté et résulte des échanges de courriels produits que plusieurs commandes préparées par le fournisseur n'ont pas été livrées, la société Eclipse ne disposant pas du crédit suffisant, ni des liquidités lui permettant d'en assurer le paiement comptant, la société Active Sportswear qui indique avoir néanmoins pu commercialiser ces articles, ne justifie pas de son préjudice.

Il est également constant que postérieurement à la résiliation du contrat de distribution, la société Eclipse a procédé à la liquidation de ses stocks auprès de ses clients à prix cassés.

Il résulte de l'article 10 des conditions générales qu'après résiliation, le distributeur doit communiquer au fournisseur un inventaire détaillé de ses stocks invendus pour lui permettre de les racheter et qu'à défaut de rachat, le distributeur doit les vendre sans délai selon les modalités contractuelles.

La société Eclipse ne rapporte pas la preuve d'avoir adressé d'inventaire à la société Active Sportswear et il est établi que la revente des stocks ne s'est pas faite aux conditions tarifaires contractuelles.

Pour autant, la société Active Sportswear ne fournit aucun élément de nature à justifier de l'existence d'une atteinte à son image, ni du préjudice allégué à ce titre.

Le jugement qui a rejeté ces demandes indemnitaires sera donc confirmé.

4°) Sur la créance de la société Active Sportswear à l'encontre de la société Génération Sports :

Il est constant entre les parties que la société Active Sportswear a livré des marchandises à la société Génération Sports et ce en dehors de toute convention écrite.

Il résulte des courriels échangés entre les sociétés Active Sportswear et Eclipse entre le 28 octobre et le 4 novembre 2005 que cette dernière a expressément demandé à son fournisseur, le 31 octobre 2005, de livrer directement ses plus grands clients en France dont la société Génération Sports ; que le fournisseur après avoir fait état de ses réticences, puis requis un accord écrit de son distributeur exclusif, a accepté ces livraisons en indiquant expressément qu'elles donneraient lieu à une facturation directe à leur destinataire.

Ces mêmes échanges font apparaître que la société Active Sportswear a considéré que les livraisons à la société Génération Sports constituaient des ventes directes à ce client puisque d'une part, considérant qu'il s'agissait d'une entorse à la clause d'exclusivité, elle a demandé l'accord écrit de son distributeur et que d'autre part, elle a subordonné les livraisons à l'existence d'une garantie sur la société Génération Sports souscrite auprès d'une assurance crédit.

Un courriel de la société Eclipse du 31 juillet 2006 confirme que les commandes étaient livrées et facturées directement à la société Génération Sports.

Il est manifeste que la société Active Sportswear a ainsi entendu procéder à l'égard de la société Génération Sports de la même manière qu'à l'égard de la société Larde Sports, le crédit de chacun de ces deux clients finaux se révélant supérieur à celui de son distributeur exclusif.

Aucun des échanges ne permet de démontrer que la société Active Sportswear avait connaissance de la refacturation opérée entre les sociétés Génération Sports et Eclipse et ainsi, de l'existence d'une contre lettre par laquelle la première servait de prête nom à la seconde.

En conséquence, la simulation ne saurait lui être valablement opposée.

Pour autant, la société Génération Sports ayant été placée en liquidation judiciaire le 27 août 2013, le jugement qui a confirmé l'injonction de payer devra être infirmé, la créance ne pouvant plus faire l'objet que d'une fixation à la somme de 39 104,52 euros outre intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2008 et jusqu'au jour de l'ouverture de la procédure collective.

Sur la déclaration de créance, le juge commissaire a rendu une décision le 20 mai 2014 constatant l'existence d'une instance sur le fond rendant impossible la fixation par ses soins et il y aura lieu d'inviter les parties à ressaisir le juge commissaire pour qu'il statue sur l'admission au passif.

5°) Sur l'application de l'article 700 du Code de procédure civile :

La société Active Sportswear a été contrainte d'engager de nouveaux frais non taxables de représentation en justice qu'il paraitrait contraire à l'équité de laisser à sa charge et en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, la société Eclipse et Maître Christian Guyot, ès qualités, seront solidairement condamnées à lui verser la somme de 5000 euros.

Par ces motifs : LA COUR Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme le jugement du tribunal de commerce de Grenoble en date du 14 février 2011 en ce qu'il a : - condamné la SARL Eclipse à payer à la société Active Sportswear Int. AIS la somme de 32 453,38 euros, outre intérêts au taux légal et une indemnité de procédure de 1000 € ; - débouté la société Active Sportswear Int. AIS de ses demandes de dommages et intérêts ; - débouté la SARL Eclipse de ses demandes d'indemnisation de la résiliation du contrat de distribution ; L'infirme pour le surplus ; Statuant à nouveau ; Constate la résiliation du contrat de distribution aux torts exclusifs de la SARL Eclipse ; Condamne la société Active Sportswear Int. AIS à verser à la SARL Eclipse la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts ; Fixe la créance de la société Active Sportswear Int. AIS à l'encontre de la SAS Génération Sports à la somme de 39 104,52 euros outre intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2008 et jusqu'à l'ouverture de la procédure collective ; Invite les parties à ressaisir le juge commissaire en admission de cette créance ; Y ajoutant ; Condamne solidairement la SARL Eclipse et Maître Christian Guyot, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Génération Sports, à verser à la société Active Sportswear Int. AIS la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne solidairement la SARL Eclipse et Maître Christian Guyot, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Génération Sports, aux dépens de première instance et d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.