CA Colmar, 1re ch. civ. A, 14 novembre 2018, n° 16-02968
COLMAR
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Hypromat France (SAS)
Défendeur :
Light (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Panetta
Conseillers :
M. Roublot, Mme Harrivelle
Avocats :
Mes Litou Wolff, Levy, Frick, Pinto
Faits procédure prétentions des parties :
Par un contrat de franchise en date du 4 avril 1990, la SAS Hypromat France a concédé à la SARL Light le droit d'exploiter un centre de lavage de véhicules par jet d'eau à haute pression pour une durée de trois ans renouvelable par tacite reconduction, ainsi que le droit d'utiliser les marques Hypromat et Elephant Bleu.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 juillet 2003, la SAS Hypromat France a résilié le contrat au motif que la société franchisée n'a pas retiré son portique de lavage à rouleaux, malgré une précédente mise en demeure.
Par un jugement en date du 4 septembre 2008, le tribunal de grande instance de Strasbourg a condamné la SARL Light à payer à la SAS Hypromat des dommages intérêts à hauteur de 40 245 euros pour non-respect de ses obligations post-contractuelles, montant réduit à 10 000 euros par un arrêt de la cour d'appel de Colmar du 14 mai 2010.
Par assignation en date du 7 janvier 2013, la SAS Hypromat a fait citer la SARL Light devant le tribunal de grande instance de Strasbourg aux fins de la faire condamner à modifier l'aspect extérieur de sa station de lavage sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard.
Par un jugement en date du 6 mai 2016, le tribunal déboute la SAS Hypromat de sa demande, déboute la SARL Light de sa demande reconventionnelle en dommages intérêts, condamne la demanderesse à la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par déclaration faite au greffe en date du 10 juin 2016, la SAS Hypromat a interjeté appel de la décision.
La SARL Light s'est constituée intimée le 23 septembre 2016.
Par des dernières conclusions en date du 7 mai 2018, la SAS Hypromat demande à la cour d'infirmer le jugement, de condamner la SARL Light à modifier l'aspect extérieur de sa station de lavage sous astreinte de 2 500 euros par jour de retard, la condamner à payer par provision sur indemnité contractuelle un montant de 500 000 euros, la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Au soutien de ses prétentions, la SAS Hypromat sollicite l'exécution du contrat de franchise par le paiement de l'indemnité contractuelle de 1 524 euros par jour de retard et par infraction à compter du 17 décembre 2004, pour un montant qu'elle chiffre à 4 727 448 euros. Elle affirme que les obligations de la SARL Light n'avaient toujours pas été exécutées le 23 avril 2013. Elle soutient que la clause qui impose de cesser d'utiliser la marque et les couleurs du franchiseur ne s'analyse pas comme une clause de non-concurrence car elle n'entrave pas la poursuite d'activité, ni n'empêche le cocontractant d'intégrer un nouveau réseau de franchise mais organise les conséquences d'une sortie de contrat de franchise en aménageant un délai en faveur de l'ancien franchisé. Elle indique que l'obligation post-contractuelle de modifier la peinture n'est pas un engagement perpétuel, mais une obligation de faire immédiate. Elle affirme que l'article L 341-2 du Code de commerce, en vigueur à compter du 7 août 2016, n'a pas vocation à s'appliquer à un contrat résilié le 27 juillet 2003.
Par des dernières conclusions en date du 8 avril 2017, la SARL Light demande à la Cour de juger la demande de provision de l'appelante irrecevable car elle se heurte à l'autorité de la chose jugée, de débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes, de juger la clause interdisant l'usage des couleurs blanche et bleue sans limite de durée nulle et illicite, d'infirmer le jugement en ce qu'il rejette sa demande de dommages intérêts, de condamner la SAS Hypromat à lui payer la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice subi pour atteinte à sa liberté d'entreprendre, la somme de 15 000 euros à titre de procédure abusive, la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
A l'appui de ses allégations, la SARL Light affirme que la demande de provision de l'appelante est irrecevable en ce qu'elle se heurte à l'autorité de la chose jugée, elle indique que la question de la violation de l'obligation post-contractuelle a été tranchée par deux décisions au fond. Elle indique que l'appelante n'apporte pas la preuve que le constat d'huissier du 24 mai 2005 n'aurait pas été réalisé à l'adresse mentionnée sur le constat. Elle soutient que la clause interdisant à l'ancien franchisé d'utiliser les couleurs bleu et blanc sans limitation de durée constitue un engagement perpétuel et doit être annulée. Elle affirme que l'interdiction l'empêche de rejoindre un réseau concurrent car elle soutient qu'ils utilisent tous ces deux couleurs. Elle souligne que l'obligation est disproportionnée au regard des intérêts légitimes protégés. Elle indique que l'article 5.3.D du Règlement UE n° 330/2010 sur les accords verticaux prohibe les clauses de non-concurrence post-contractuelles supérieures à un an. Elle affirme que l'appelante n'apporte pas la preuve de la concurrence déloyale, ni du préjudice subi, ni de la violation de l'obligation contractuelle, et ne démontre pas de confusion dans l'esprit du consommateur. Elle sollicite la réparation de son préjudice pour atteinte à sa liberté d'entreprendre.
LA COUR se référera à ces dernières écritures pour plus ample exposés des faits de la procédure et des prétentions de la partie.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 juin 2018.
L'affaire a été appelée à l'audience du 19 septembre 2018, à laquelle les parties ont développé leur argumentation et déposé les pièces à l'appui de leurs allégations.
Motifs de la décision :
Le contrat de franchise intervenu entre les parties le 4 avril 1990 a été résilié le 27 juillet 2003 et les installations de lavage, situées <adresse> ont été détruites le 23 octobre 2017, par la société Saint Pierre 3D (annexe 22 de la SARL Light).
La SARL Light a in limine litis, soutenu que les demandes de la société Hypromat étaient irrecevables comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée.
Par application des dispositions de l'article 122 du Code de procédure civile, constituent une fin de non-recevoir tous moyens qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai fixe, la chose jugée.
Par application des dispositions de l'article 480 du même Code, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche.
Le tribunal de grande instance de Strasbourg statuant au fond, à par jugement du 4 septembre 2008, notamment, condamné la SARL Light à payer, en application de l'article 14 du contrat, en cas de non-respect par le franchisé de ses obligations post-contractuelles, des dommages et intérêts d'un montant réduit par rapport à la clause pénale contractuelle à 40 245 , pour la période ayant couru du 23 janvier 2000 au 24 mai 2005, ayant relevé que le franchisé a repeint le centre de lavage en couleur jaune après le 19 mai 2005 et au plus tard le 24 mai 2005.
Par un arrêt rendu le 4 mai 2010, la cour d'appel de Colmar a partiellement infirmé le jugement précité, et a réduit à 10 000 les dommages et intérêts alloués au titre de la violation des obligations post-contractuelles du franchisé, après avoir retenu que la SARL Light n'avait rempli son obligation de faire repeindre son centre de lavage dans d'autres couleurs que " bleu et blanc ", que le 24 mai 2005.
Cet arrêt n'a pas été frappé de pourvoi devant la Cour de cassation et à en conséquence acquis force de chose jugée.
En saisissant le tribunal de Grande instance de Strasbourg par acte du huissier du 7 juin 2013, la société Hypromat a demandé dans ses dernières conclusions du 31 mars 2017 à la juridiction strasbourgeoise, de condamner la SARL Light à modifier l'aspect extérieur de sa station de lavage en enlevant immédiatement les couleurs spécifiques de la franchise "bleu et blanc" et ce, sous astreinte, de condamner d'ores et déjà la SARL Light à lui verser à titre de provision sur indemnités contractuelles un montant de 500 000 plus intérêts au taux légal, et de réserver ses droits à obtenir l'indemnisation de l'ensemble de son préjudice lorsqu'elle sera en mesure de le chiffrer définitivement.
Dans ces conditions, il convient de constater que la société Hypromat, a introduit une nouvelle action devant le tribunal de Grande instance de Strasbourg afin de voir constater la violation par la SARL Light de son obligation post-contractuelle d'avoir à cesser d'utiliser des couleurs que la société Hypromat revendique comme étant propres à sa franchise.
Or, cette demande a été tranchée par la décision précitée du tribunal de Grande instance de Strasbourg, rendue le 4 septembre 2008, et confirmée partiellement par un arrêt de la cour d'appel de Colmar du 4 mai 2010, qui a infirmé la précédente décision uniquement sur le montant de la condamnation.
Ainsi, la demande identique présentée par la société Hypromat se heurte à l'autorité de la chose jugée et la société appelante ne peut pas invoquer pour soutenir le bien fondé de son argumentation que le constat d'huissier du 24 Mai 2005, aurait été effectué dans une autre station de lavage, la valeur probatoire de ce constat n'ayant pas été contestée auparavant.
Les demandes présentées par la société Hypromat doivent être déclarées irrecevables.
La SARL Light a formé un appel incident en contestant la validité de l'obligation post-contractuelle.
Cependant, l'obligation pour le franchisé d'enlever tous les signes distinctifs de la franchise et de ne plus utiliser les couleurs " bleu et blanc " ne peut pas être assimilée à une obligation perpétuelle, mais constitue une obligation ponctuelle découlant de la rupture du contrat.
Par ailleurs, cette obligation post-contractuelle n'est pas de nature à entraver l'activité de la SARL Light, mais l'oblige seulement à une certaine organisation et à un certain agencement.
La SARL Light sera déboutée de son appel incident et de sa demande reconventionnelle tendant à obtenir des dommages et intérêts pour atteinte à la liberté d'entreprendre.
C'est par des motifs propres et pertinents que la Cour adopte que le premier juge a débouté la SARL Light de sa demande en dommage et intérêts pour procédure abusive.
Succombant, la SA Hypromat sera condamnée aux dépens de l'appel
L'équité commande l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la SARL Light.
L'équité ne commande pas l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la société Hypromat.
Par ces motifs : LA COUR Infirme le jugement rendu par la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Strasbourg, le 6 mai 2016, en ce le tribunal a débouté la SAS Hypromat France de tous les chefs de sa demande formée contre la SARL Light, Statuant à nouveau sur le chef infirmé, Déclare irrecevables les demandes présentées par la SAS Hypromat, Confirme le jugement entrepris pour le surplus, Y ajoutant, Deboute la société Hypromat de son appel incident, et de sa demande reconventionnelle tendant à obtenir des dommages et intérêts pour atteinte à la liberté d'entreprendre, Condamne la SAS Hypromat à verser à la SARL Light la somme de 2 000 (deux mille euros) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Dit n'y avoir pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la SAS Hypromat.