CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 22 novembre 2018, n° 17-08178
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Schneider Electric Industries (SAS)
Défendeur :
Link to Business (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Birolleau
Conseillers :
Mmes Soudry, Moreau
Avocats :
Mes Fischer, Dupré de Puget, Etevenard
Faits et procédure :
La SAS Schneider Electric Industries, membre du groupe Schneider Electric, est un fabricant et vendeur de matériels de distribution électrique, et la SA Link to Business est spécialisée dans les opérations de marketing, publicité et relations commerciales.
A compter de 2001, la société Link to Business a commencé à traiter des missions pour les sociétés du groupe Schneider Electric, dont les sociétés CST et Crouzet.
Les premières relations commerciales entre les parties ont débuté en 2002. Les missions étaient attribuées à la société Link to Business après mise en concurrence avec d'autres entreprises dans le cadre d'appels d'offres, ou de gré à gré.
Au cours de l'année 2009, le groupe Schneider Electric a centralisé la gestion de son marketing aux Etats-Unis, et souhaité le recours exclusif à la procédure d'appel d'offres. La société Link to Business a alors été invitée à se soumettre à une procédure interne de référencement appelée " Preferred suppliers " permettant au groupe Schneider Electric de se constituer un panel restreint de fournisseurs.
Elle a rempli avec succès une grille de référencement des fournisseurs privilégiés puis une fiche d'identité fournisseur, laquelle a été entérinée à compter de décembre 2010 par échange de courriels au mois d'octobre 2010.
Alléguant n'avoir plus réalisé aucun chiffre d'affaires avec la société Schneider Electric Industries depuis la mise en place de cette nouvelle procédure en 2011, la société Link to Business l'a assignée devant le tribunal de commerce de Lyon, par acte du 24 octobre 2014, pour obtenir la réparation de son préjudice au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie.
Par jugement du 20 février 2017, le tribunal de commerce de Lyon a :
- condamné au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies la société Schneider Electric Industries à payer la somme de 113 251 euros à la société Link to Business ;
- condamné la société Schneider Electric Industries à payer la somme de 5 000 euros à la société Link to Business au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire de la décision ;
- rejeté comme non fondés tous autres demandes, moyens et conclusions contraires des parties ;
- condamné la société Schneider Electric Industries aux dépens de l'instance.
Vu l'appel interjeté le 18 avril 2017 par la société Schneider Electric industries ;
Vu les dernières conclusions notifiées le 22 août 2018 par la société Schneider Electric Industries, appelante, par lesquelles il est demandé à la cour de :
- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Lyon du 20 février 2017 en toutes dispositions,
Statuant à nouveau,
À titre principal,
- dire et juger que les relations entre les sociétés Link to Business et Schneider Electric Industries ne sont pas "établies" au sens de l'article L. 442-6, I 5° du Code de commerce,
En conséquence,
- débouter la société Link to Business de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Subsidiairement,
- dire et juger que la société Link to Business est irrecevable en ses demandes en raison de la prescription de son action ;
Infiniment subsidiairement,
- dire et juger que la société Link to Business ne rapporte pas la preuve du préjudice qu'elle allègue à l'encontre de la société Schneider Electric Industries,
En conséquence,
- débouter la société Link to Business de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
En toute hypothèse,
- condamner la société Link to Business à lui payer la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens qui seront recouvrés directement par la SCP Fischer, Tandeau de Marsac, Sur et associés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Moyens :
La société Schneider Electric Industries fait valoir, d'une part, que sa relation commerciale avec la société Link to Business ne présente pas de caractère établi au sens de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce mais était au contraire de nature précaire dès lors que ladite société a fourni, durant plusieurs années et pour le compte des sociétés du groupe Schneider Electric, diverses prestations dans le cadre de contrats ponctuels confiés principalement en suite d'appels d'offres par ledit groupe et après mise en concurrence de la société Link to Business avec d'autres fournisseurs potentiels du groupe, sans assurance d'une quelconque "permanence garantie" de la relation commerciale. Elle précise à ce titre que le référencement de la société Link to Business dans le groupe Schneider Electric, intervenu en 2010 et non pas en 2001, lui permettait seulement de continuer à soumissionner aux appels d'offres lancés par ledit groupe, et que l'intimée, dont le chiffres d'affaires invoqué est erroné et en tout état de cause disparate, a reconnu elle-même, en renseignant sa fiche de référencement en mars 2009, que la relation commerciale avec le groupe Schneider Electric était précaire.
À titre subsidiaire, à considérer la relation commerciale établie entre les parties du fait de commandes passées de gré à gré jusqu'à septembre 2009, en dehors de la procédure d'appel d'offres, elle soulève la prescription de l'action fondée sur la rupture de cette relation, engagée le 24 octobre 2014, soit au-delà du délai de cinq ans prescrit par l'article L. 110-4 du Code de commerce, ayant couru à compter de la rupture de la relation commerciale, intervenue en septembre 2009, la décision d'un co-contractant de recourir à des appels d'offres valant notification de rupture de la relation commerciale, aucune autre mission de gré à gré n'ayant été confiée postérieurement à la société Link to Business et la poursuite de l'exécution de certaines des dernières commandes passées de gré à gré ne pouvant servir de point de départ du délai de prescription.
Encore plus subsidiairement, elle soutient que sa responsabilité ne peut être engagée pour rupture brutale de la relation commerciale établie qu'au titre de ses manquements, et non pas ceux des différentes sociétés du groupe Schneider Electric qui sont des entités juridiques distinctes, et que le préjudice doit être cantonné au seul chiffre d'affaires réalisé par la société Link to Business grâce aux commandes qu'elle a passées auprès d'elle. Elle considère que le préjudice directement lié à l'absence de préavis, prétendument insuffisant et dont l'intimée allègue sans l'établir qu'il aurait dû être de 12 mois, n'est pas caractérisé dès lors que la société Link to Business ne démontre son chiffre d'affaires et sa perte de marge brute par aucun élément objectif vérifiable, que l'attestation établie par le commissaire aux comptes de ladite société, outre le fait d'être subjective et erronée, mentionne un chiffre d'affaires réalisé avec les autres sociétés du groupe Schneider Electric outre elle-même, enfin que la détermination du préjudice de la société Link to Business exclut la part aléatoire constituée par les appels d'offres.
Vu les dernières conclusions notifiées le 5 octobre 2017 par la société Link to Business, par lesquelles il est demandé à la cour de :
- confirmer le jugement rendu le 20 février 2017 par le tribunal de commerce de Lyon en toutes ses dispositions, et notamment en ce qu'il a :
* constaté que la société Schneider Electric Industries a rompu de manière abusive les relations commerciales établies avec elle-même depuis plus de 9 ans ;
* constaté qu'elle a subi de ce fait un important préjudice ;
* dit et jugé qu'un préavis d'une durée d'un an était nécessaire pour lui permettre de retrouver un niveau d'activité comparable à celui qui existait avant la rupture des relations commerciales ;
* condamné la société Schneider Electric Industries à lui payer la somme de 113.251 euros au titre du préjudice consécutif à la perte du profit brute résultant du non-respect du délai de préavis ;
* débouté la société Schneider Electric Industries de l'ensemble de ses fins, moyens et prétentions ;
* condamné la société Schneider Electric Industries à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;
Y ajoutant,
- condamner la société Schneider Electric Industries à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ton distraction au profit de maître Etevenard en application de l'article 699 du Code de procédure.
Moyens :
La société Link to Business fait valoir l'existence d'une relation commerciale pérenne et stable, et donc établie, avec la société Schneider Electric Industries de 2002 à fin 2010, ayant été référencée, en 2001, parmi les fournisseurs agréés du groupe Schneider Electric puis, en 2010, parmi les " preferred suppliers " (meilleurs fournisseurs) dudit groupe, en remplissant pour la société Schneider Electric Industries une grille de référencement des fournisseurs privilégiés destinée à maintenir son statut de prestataire et en améliorant ses propositions tarifaires auprès de ladite société qui lui a assuré qu'elle serait consultée régulièrement. Elle précise que les missions effectuées pour le compte de la société Schneider Electric industries représentaient 13 % de son chiffre d'affaires, dont 46 % portant sur des missions de communication, de marketing et de ressources humaines (coaching) lui ayant été confiées par gré à gré, et que le seul recours à une procédure d'appel d'offre ne suffit pas à écarter l'existence d'une relation commerciale établie.
Elle soutient que la société Schneider Electric Industries a brutalement rompu la relation commerciale établie fin 2010-2011, date à laquelle elle n'a plus réalisé aucune prestation pour ladite société, obtenue par gré à gré ou appel d'offre, et point du départ du délai de la prescription, laquelle n'est pas acquise, ce sans explications et en ne respectant aucun préavis ni même les règles de procédure interne concernant les fournisseurs référencés, lui causant une perte conséquente de son chiffre d'affaires et de sa marge brute dont atteste objectivement son commissaire aux comptes, et justifiant, compte tenu de la durée de préavis qui aurait dû être d'un an et des licenciements auxquels elle a dû procéder, l'indemnisation de son préjudice à hauteur de 113 251 euros.
Motifs :
Sur la rupture brutale de la relation commerciale établie :
Selon l'article L. 442-6 I.5° du Code de commerce, "Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :
5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'économie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. Lorsque la rupture de la relation commerciale résulte d'une mise en concurrence par enchères à distance, la durée minimale de préavis est double de celle résultant de l'application des dispositions du présent alinéa dans les cas où la durée du préavis initial est de moins de six mois, et d'au moins un an dans les autres cas".
Sur l'existence d'une relation commerciale établie :
Une relation commerciale est établie au sens des dispositions de l'article L. 442-6 I, 5° du Code de commerce lorsqu'elle s'inscrit dans la durée, est régulière, significative et stable. Pour caractériser la relation commerciale établie entretenue avec la société Schneider Electric Industries de 2002 à fin 2010, la société Link to Business produit au débat une attestation de son commissaire aux comptes relative à la marge brute bénéficiaire réalisée auprès de la société Schneider Electric Industries pour la période du 1er février 2002 au 31 mars 2011 (pièce 11), mentionnant un chiffre d'affaires annuel moyen réalisé avec la société Schneider Electric Industries de l'ordre de 132 315 euros, représentant en moyenne 12,76 % de son chiffre d'affaires total. Il ressort de cette attestation que si le chiffre d'affaires réalisé auprès de la société Schneider Electric Industries a fortement progressé entre 2002 et 2005, diminué en 2006 et 2007-2008 pour connaître une forte croissance en 2009-2010 et à nouveau une baisse en 2010-2011 pour être inexistant en 2011, celui-ci a représenté entre 6,81 % et 25,14 % du chiffre d'affaires total de la société Link to Business entre 2002 et 2010, et encore 11,10 % de celui-ci en 2009-2010.
Si la société Schneider Electric Industries discute de l'exactitude des montants du chiffre d'affaires total réalisé par la société Link to Business mentionné par le commissaire aux comptes au titre des exercices 2003 et 2010, celui-ci ayant indiqué les montants respectifs de 644 279 euros et 1 102 132 euros, alors qu'ils ont été déclarés, pour ces années, à hauteur de 697 371 euros et 1 106 914 euros selon les comptes déposés au tribunal de commerce, ces arguments ne sont pas de nature à écarter la régularité et la stabilité des relations commerciales entre les parties ainsi que la part significative de celles-ci dans le chiffre d'affaires total de la société Link to Business tels que ressortant de l'attestation du commissaire aux comptes qui a pour mission de certifier les comptes.
De même, la circonstance que la société Link to Business ait facturé à la société Schneider Electric Industries, de 2003 à 2010, une somme totale de 529 375 euros, non pas au titre de l'ensemble de ses missions, mais de celles qui lui ont été confiées sans appel d'offres, sur un chiffre d'affaires avec ladite société mentionné comme étant de 1 207 046 euros par le commissaire aux comptes, ce qui représente 43,85 % de ce chiffre d'affaires, confirme la régularité des relations entre les parties.
En outre, ces factures mentionnent toutes un numéro de fournisseur, ce qui confirme que la société Link to Business était bien, à tout le moins en 2003, un fournisseur agréé du groupe Schneider Electric, peu important que celle-ci conteste la date du "Schneider Electric supplier guide book" produit aux débats par la société Link to Business pour justifier de ce premier référencement parmi les fournisseurs agrées du groupe Schneider Electric.
Le recours à la société Link to Business par le biais d'une procédure d'appel d'offres pour le surplus de ses missions, ne suffit pas à exclure l'existence d'une relation commerciale établie entre les parties dès lors que le chiffre d'affaires réalisé chaque année a été globalement progressif puis stable, et toujours significatif.
En outre, l'intimée produit au débat une fiche de référencement des fournisseurs privilégiés que lui a proposé de remplir la société Schneider Electric Industries avant le 1er mars 2009, "afin de maintenir son statut de prestataire" de ladite société. Mme Pascale Schneider, préposée de l'appelante, a précisé à l'intimée, dans un courriel du 15 octobre 2010, 'Vous avez participé l'année dernière à l'ensemble du processus de requalification, menée par le Global MarCom Monde. La stratégie définie par cette équipe nous a conduit à définir 3 catégories d'agences et à restreindre globalement le nombre de prestataires extérieurs. Vous avez été ciblé plus particulièrement sur vos compétences en destokpublishing ", l'a invitée à revoir sa grille tarifaire puis lui a indiqué, par courriel du 25 octobre 2010, " Je vous remercie de l'effort que vous consentez sur ces derniers postes, nous entérinons donc cette nouvelle grille comme les conditions à appliquer à partir du mois de décembre 2010. Je vais finaliser l'ensemble du sourcing pour revenir vers les différentes BU/pays en novembre, afin de leur présenter le panel définitif et les conditions associées. Le panel va être réduit fortement en 2011, vous devriez donc être consultés régulièrement par les équipes MarCom, et je pense que vous saurez faire la différence de par vos compétences" (pièces 5 à 9).
La circonstance qu'en renseignant cette fiche, à l'occasion d'une nouvelle procédure de référencement, la société Link to Business, interrogée sur l'existence d'un contrat la liant au groupe Schneider Electric Industries, ait précisé "pas aujourd'hui car nous sommes identifiés comme l'un des fournisseurs de Schneider Electric. Chaque année nous avons une revue globale avec votre département achat", selon la traduction de la langue anglaise en français non discutée par les parties, ne saurait constituer un aveu de sa part qu'elle n'entretenait pas de relation commerciale stable avec la société Schneider Electric Industries, alors que dans la même fiche elle a précisé travailler avec ladite société depuis 14 ans.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les parties ont noué en 2002 une relation commerciale qui a été stable, s'est poursuivie de manière régulière durant plusieurs années et qui a toujours été significative nonobstant les baisses irrégulières et globalement modérées de chiffre d'affaires.
Sur la brutalité de la rupture :
Selon l'article L. 110-4 I du Code de commerce, "Les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes".
L'article L. 442-6 5° du Code de commerce pose comme condition à la rupture l'existence d'un préavis écrit et suffisant. Constitue une rupture brutale une rupture imprévisible, soudaine et violente, effectuée sans préavis écrit tenant compte des relations commerciales antérieures. Il ressort de l'attestation du commissaire aux comptes de l'intimée une cessation totale des affaires entre les parties en 2011 alors que les missions confiées par la société Schneider Electric Industries représentaient en 2010, pour la société Link to Business, un chiffre d'affaires de 73 100 euros.
La société Schneider Electric Industries ne rapporte la preuve d'aucun préavis écrit informant la société Link to Business de son intention de rompre leur relation commerciale établie.
Elle ne justifie pas de ses allégations selon lesquelles la rupture de la relation commerciale établie serait intervenue en septembre 2009, à l'occasion de la centralisation de la gestion du marketing aux Etats-Unis et du souhait du groupe Schneider Electric de recourir exclusivement à la procédure d'appel d'offre, ne produisant au débat aucune pièce démontrant qu'elle aurait expressément avisé la société Link to Business qu'elle ne lui confierait plus aucun projet et manifestant sa volonté de rompre leur relation commerciale.
En outre, la seule décision de recourir, à l'avenir, à des appels d'offres ne saurait valoir notification de la rupture de la relation commerciale établie dès lors que dans le même temps, la société Schneider Electric Industries a fait remplir à la société Link to Business une fiche de référencement des fournisseurs privilégiés afin de maintenir son statut de prestataire, et que ledit référencement, obtenu par l'intimée en décembre 2010 avec l'assurance qu'elle serait régulièrement consultée telle qu'il résulte du courriel adressé le 15 octobre 2010 par Mme Pascale Schneider, préposée de l'appelante, a pu légitimement lui donner à croire que la relation commerciale perdurerait nonobstant les nouvelles modalités d'attribution des missions.
La société Link to Business justifie que des missions de gré à gré lui ont été confiées au delà de septembre 2009, en particulier les deux dernières missions "Coaching et accompagnement" et " Coaching et accompagnement + complément " (pièce 23), qui se sont déroulées de mai 2010 à octobre 2010, sont corroborées par l'envoi, le 20 mai 2010, d'un courriel de Mme Sylvie Ducros, préposée de la société Schneider Electric Industries, à Mme Pascale Pericaud du service marketing opérationnel de la société Link to Business lui "confirmant l'envoi d'une commande la semaine prochaine", et ne peuvent être la poursuite de commandes passées avant septembre 2009 comme le prétend l'appelante.
Enfin, la procédure de licenciement économique d'une de ses salariées engagée par la société Link to Business le 25 novembre 2010, au motif que 'depuis plusieurs mois, l'activité économique de l'entreprise connaît un recul important, notamment dû à l'arrêt des commandes de Schneider Electric, à tel point que nous avons été contraints de solliciter l'autorisation de mettre en place du chômage partiel' (pièce 26), ne démontre pas que l'intimée était informée de la fin de la relation commerciale établie depuis septembre 2009, ni que la baisse du chiffre d'affaires enregistrée en 2010 perdurerait alors que la procédure de référencement parmi les fournisseurs privilégiés était sur le point d'aboutir.
Il s'ensuit que les parties ont entretenu une relation commerciale établie de 2002 à octobre 2010, et non pas jusqu'en septembre 2009.
La rupture de la relation commerciale établie étant intervenue en octobre 2010, l'action engagée par la société Link to Business devant le tribunal de commerce de Lyon par acte du 24 octobre 2014, sur le fondement de la rupture de la relation commerciale établie, soit dans le délai de prescription de cinq ans, est recevable. La fin de non-recevoir soulevée par l'appelante n'est donc pas fondée.
En cessant subitement de confier des missions à la société Link to Business avec laquelle elle entretenait une relation commerciale établie de neuf ans, sans préavis écrit ni explication, alors que par ailleurs elle l'avait agréée comme fournisseur privilégié, la société Schneider Electric Industries a rompu brutalement ladite relation commerciale. Le tribunal de commerce de Lyon a donc retenu à bon droit l'existence d'une relation commerciale établie entre les parties de 2002 à octobre 2010, la recevabilité et le bien fondé de l'action engagée en rupture brutale de la relation commerciale établie engagée par la société Link to Business.
Sur le préjudice :
Il résulte des dispositions de l'article L. 442-6 I. 5° du Code de commerce que seuls sont indemnisables les préjudices découlant de la brutalité de la rupture, et non pas de la rupture elle-même.
En cas de rupture de la relation commerciale établie sans préavis, les dommages et intérêts à fixer doivent tenir compte de la durée du préavis qui aurait dû être accordé au regard de la durée de la relation commerciale et des autres circonstances au moment de la rupture, et des conséquences dommageables résultant de l'absence de préavis, le préjudice pouvant être évalué en considération de la marge brute escomptée durant la période d'insuffisance du préavis.
Il doit être tenu compte de l'ancienneté de la relation commerciale, d'une durée de neuf ans au moment de la rupture sans préavis de celle-ci, et de l'importance du chiffre d'affaires annuel réalisé par la société Link to Business avec la société Schneider Electric Industries, et non pas avec le groupe Schneider Electric dont la société Crouzet comme l'appelante le prétend, attesté par son commissaire aux comptes qui a pour mission de certifier les comptes, s'élevant notamment à 321 174 euros en 2008-2009, 123 340 en 2009-2010 et de 73 100 euros en 2010-2011, représentant entre 7 et 25 % et en moyenne 12,76 % de son chiffre d'affaires total, et correspondant à la marge brute annuelle moyenne de 113 251 euros, laquelle doit être retenue nonobstant le chiffre d'affaires global légèrement moindre déclaré en 2003 et 2010 dans les comptes déposés par l'intimée au tribunal de commerce, s'agissant d'une moyenne.
Il n'y a pas lieu de distinguer, s'agissant de ladite marge brute annuelle moyenne réalisée par la société Link to Business, selon la nature des missions confiées par la société Schneider Electric Industries, par gré à gré ou par le biais d'une procédure d'appel d'offre, dès lors que les parties entretenaient une relation commerciale établie.
De même, le préjudice devant être évalué au moment de la rupture de la relation commerciale établie, l'appelante fait vainement valoir que la société Link to Business n'établit pas les éléments l'ayant poussée à ne pas chercher de nouveaux clients après ladite rupture. Link to Business n'établit pas, par ailleurs, que les licenciements auxquels elle a été contrainte de procéder résulterait de la brutalité de la rupture. Compte tenu de ces éléments, la durée de préavis aurait dû être de six mois, et le préjudice de la société Link to Business, qui correspond à la perte de marge brute moyenne durant cette période, doit être évalué à la somme de 56 625,50 euros.
Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce que la société Schneider Electric Industries a été condamnée à payer à la société Link to Business une indemnité de 113 251 euros, la cour, statuant à nouveau, fixant ce préjudice à la somme de 56 625,50 euros.
Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile :
La société Schneider Electric Industries échouant dans ses prétentions a été à bon droit condamnée aux dépens de première instance et doit également l'être au titre des dépens exposés en cause d'appel, avec les modalités de recouvrement prévues à l'article 699 du Code de procédure civile. L'équité commande de confirmer la condamnation prononcée par le tribunal de commerce de Lyon au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, et de condamner la société Schneider Electric Industries à payer à la société Link to Business une indemnité de procédure de 4 000 euros au titre des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens.
Par ces motifs : LA COUR, Statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon 20 février 2017 en l'ensemble de ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné la société Schneider Electric Industries à payer à la société Link to Business une somme de 113 251 euros en réparation de son préjudice au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie, Infirmant le jugement entrepris sur ce seul chef de décision et statuant à nouveau, Condamne la société Schneider Electric Industries à payer à la société Link to Business une somme de 56 625,50 euros euros en réparation de son préjudice au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie, Y ajoutant, Condamne la société Schneider Electric Industries à payer à la société Link to Business à lui payer une indemnité de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Schneider Electric Industries aux dépens en cause d'appel, lesquels pourront être recouvrés selon les modalités de l'article 699 du Code de procédure civile.