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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 21 novembre 2018, n° 12-04830

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Valente Sécurité (SAS)

Défendeur :

Unimetal (SAS), Alarmes Coffre Sécurité (SARL), Auto Protection Sécurité (SARL), Protec'son (SARL), Alarme Sécurité Blindage Protection (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mmes Mouthon Vidilles, Comte

Avocats :

Mes Taze Bernard, Plankensteiner, Ingold, Menendian

TGI Créteil, du 28 févr. 2012

28 février 2012

Faits et procédure

La société Valente sécurité, anciennement dénommée Métal 92, puis Métal industry et ensuite Securystar France, est spécialisée dans la métallurgie et en particulier dans la fabrication de portes blindées, de cylindres et serrures haute sécurité.

La société Unimétal fabrique des portes et fenêtres en métal. Elle a été créée en avril 2010 par M. Hugues D., directeur général de la société Valente sécurité jusqu'en mars 2009, et est présidée par ce dernier.

Par actes du 29 octobre 2010, la société Métal industry (aujourd'hui dénommée la société Valente sécurité) a assigné la société Unimétal, M. Hugues D., M. Mustapha M., M. Christophe B., M. Sami B. et M. Roger B. (dirigeants des sociétés Alarmes coffres sécurité (Alcof sécurité), Auto protection sécurité, Protec'son et Alarmes sécurité blindage protection) devant le tribunal de grande instance de Créteil aux fins de les voir condamner solidairement à des dommages intérêts en réparation de son préjudice causé par des actes de concurrence déloyale.

Par jugement du 28 février 2012, le tribunal de grande instance de Créteil a, sous le régime de l'exécution provisoire :

- débouté la société Metal Industry (aujourd'hui dénommée Valente Sécurité) de toutes ses demandes,

- condamné la société Metal Industry à payer à la société Unimétal, Hugues D., Mustapha M., Christophe B., Samy B., Roger B. la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens.

Par déclaration d'appel du 14 mars 2012, la société Métal Industrie a interjeté appel du jugement du 28 février 2012.

Le 16 décembre 2014, la société Metal industry a assigné en intervention forcée devant la cour d'appel les sociétés Alarmes coffres sécurité (Alcof sécurité), Auto protection sécurité, Protec'son et Alarmes sécurité blindage protection.

Par un arrêt du 18 mai 2016, la cour d'appel de Paris a :

- dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les pièces communiquées par la société Securystar France sous les numéros 44 et 45,

- déclaré irrecevables les appels en intervention forcée pour la première fois en cause d'appel de la société Alarmes coffre sécurité (Alcof sécurité), de la société Auto protection sécurité, de la société Protec'son et de la société Alarmes sécurité blindage protection,

- débouté toutes les sociétés appelées en intervention forcée de leurs demandes de dommages intérêts pour procédure abusive,

- condamné la société Securystar France à payer, par application de l'article 700 du Code de procédure civile, la somme de 5 000 euros à chacune des sociétés Alarmes coffre sécurité Alarmes coffre sécurité (Alcof sécurité), Auto protection sécurité, Protec'son et Alarmes sécurité blindage protection,

- dit non fondé le grief tiré du débauchage de cinq salariés,

- avant dire droit sur le surplus des demandes, ordonné une expertise judiciaire et désigné Robert R., en qualité d'expert judiciaire.

- sursis à statuer sur le surplus des demandes jusqu'au dépôt du rapport d'expertise,

- réservé les dépens, sauf ceux afférents aux interventions forcées qui resteront à la charge de la société Securystar France.

Par requête en rectification d'une omission matérielle du 9 juin 2016 fondée sur l'article 462 du Code de procédure civile, M. Hugues D., M. Mustapha M., M. Christophe B., M. Samy B., M. Roger B. et la société Unimétal ont demandé à ce que soit rectifiée l'omission matérielle entachant l'arrêt du 18 mai 2016 en ajoutant au dispositif " Dit non fondé le grief tiré du détournement de clientèle ''. Ils soutenaient que l'arrêt du 18 mai 2016 rendu par la cour d'appel de Paris était entaché d'une omission matérielle en ce que la cour a omis de tirer les conséquences de l'absence de détournement de clientèle telle que relevé dans sa motivation.

Par un arrêt du 14 décembre 2016, la cour d'appel de Paris a rejeté la demande en rectification d'erreur matérielle de MM. Hugues D., Mustapha M., Christophe, Samy et Roger B., ainsi que de la société Unimétal et les a condamnés aux dépens.

Par ordonnance du 28 février 2017, le magistrat chargé de la mise en état a, sur demande de la société Unimétal Sarl, de MM D., M., et Bonhomme, étendu la mission de l'expert judicaire, M. Robert R., à l'examen comparatif et descriptif, y compris par tout moyen photographique, des caractéristiques techniques du bloc blindage double vantaux fabriqué et commercialisé par la société Eliot sous sa référence Adélaïde, qui a été mis à sa disposition par la société Unimétal qui a produit le bon de commande et la facture y afférents.

Le 10 juillet 2017, M. Robert R. a déposé son rapport d'expertise.

La procédure devant la cour a été clôturée le 9 octobre 2018.

Vu les conclusions du 28 septembre 2018 par lesquelles la société Valente Sécurité anciennement dénommée Métal 92, puis Métal industry et ensuite Securystar France, appelante, invite la cour, au visa des articles 1382 et 1383 du Code civil anciens, à :

- la recevoir en son appel, l'y déclarer bien fondée,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Créteil,

à titre principal,

- dire qu'elle a fait l'objet d'une concurrence déloyale et d'agissements parasitaires du fait de la société Unimétal, MM Hugues D., Mustapha M., Christophe B., Sami B. et Roger B.,

- ordonner à la société Unimétal la cessation de toute fabrication et commercialisation de copies serviles du super bloc blindage Securystar " Le Parisien ", notamment du bloc de blindage Unimétal référence " Bloc 20 ", et de tout autre produit autrement dénommé copiant servilement le super bloc blindage Securystar, sous astreinte de 1000 euros par produit vendu à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- condamner in solidum la société Unimétal, MM Hugues D., Mustapha M., Christophe B., Sami B. et Roger B., à lui payer une somme de 2.905 080 euros à titre de dommages intérêts, soit 1 235 000 euros à raison du gain manqué lié à la perte de clientèle subie du fait du parasitisme et de la concurrence déloyale par copie servile, 824 000 euros au titre de ses gains manqués du fait de la vente de copies serviles aux sociétés liées à la société Unimétal, 361 900 euros au titre de la perte subie à raison du surplus de dépenses publicitaires et de communication engagées pour pallier son préjudice d'image du fait de l'imitation de ses produits et l'usurpation des appellations de ses produits, et 484 182 euros au titre du trouble commercial,

à titre subsidiaire, si la cour devait considérer que seul le préjudice résultant de la copie servile des super blocs blindage et blocs porte blindés peut donner lieu à réparation,

- condamner in solidum la société Unimétal, MM Hugues D., Mustapha M., Christophe B., Sami B. et Roger B., à lui payer une somme de 2 019 120 euros à titre de dommages intérêts, soit 496 700 euros à raison du gain manqué lié à la perte subie du fait du parasitisme et de la concurrence déloyale par copie servile des blocs blindage et blocs porte blindés " Securystar " dont " Le Parisien ", 824 000 euros au titre de ses gains manqués du fait de la vente de copies serviles aux sociétés liées à la société Unimétal, 361 900 euros au titre de la perte subie à raison du surplus de dépenses publicitaires et de communication engagées pour pallier son préjudice d'image du fait de l'imitation de ses produits et l'usurpation des appellations de ses produits, et 336 520 euros au titre du trouble commercial,

à titre encore plus subsidiaire, si la cour devait considérer que seul le préjudice résultant de la copie servile du bloc blindage " le Parisien " peut donner lieu à réparation,

- condamner in solidum la société Unimétal, MM Hugues D., Mustapha M., Christophe B., Sami B. et Roger B., à lui payer une somme de 1 151 880 euros à titre de dommages intérêts, soit 299 000 euros à raison du gain manqué lié à la perte de clientèle subie du fait du parasitisme et de la concurrence déloyale par copie servile du bloc de blindage " Le Parisien ", 299 000 euros au titre de ses gains manqués du fait de la vente de copie servile aux sociétés liées à la société Unimétal, 361 900 euros au titre de la perte subie à raison du surplus de dépenses publicitaires et de communication engagées pour pallier son préjudice d'image du fait de l'imitation de ses produits et l'usurpation des appellations de ses produits et 191 980 euros au titre du trouble commercial,

en tout état de cause,

- débouter la société Unimétal, MM Hugues D., Mustapha M., Christophe B., Samy B. et Roger B. en toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Unimétal, MM Hugues D., Mustapha M., Christophe B., Sami B. et Roger B. solidairement à lui payer une indemnité de 60 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- et condamner les intimés aux entiers dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'expertise judiciaire dont le recouvrement sera poursuivi par Me Laurence Taze Bernard conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions du 1er octobre 2018 par lesquelles M. Hugues D., M. Mustapha M., M. Christophe B., M. Samy B., M. Roger B. et la société Unimétal, intimées, demandent à la cour au visa de l'article 9 du Code de procédure civile, de :

- confirmer le jugement rendu le 28 février 2012 par le tribunal de grande instance Créteil sauf en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes indemnitaires pour procédure abusive,

en conséquence,

- condamner la société Valente sécurité à leur payer à chacun la somme de 25 000 euros pour procédure abusive,

- débouter la société Valente sécurité de toutes ses demandes, fins et conclusions.

- condamner la société Valente sécurité à payer à chacun la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Valente sécurité aux entiers dépens tant de première instance que d'appel, dont le montant sera recouvré par Me Frédéric Ingold avocat à la cour conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Sur ce

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

En application de l'article 954 alinéa 2 du Code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

A titre liminaire, il convient de relever que certains points du litige ont été tranchés par l'arrêt du 18 mai 2016 rendu par la présente cour, à savoir notamment le rejet du grief tiré du débauchage de cinq salariés.

Sur les actes de concurrence déloyale et les agissements parasitaires

La société Valente sécurité soutient que la cour doit, pour retenir que les produits commercialisés par la société Unimétal sont une copie servile des siens, vérifier si les produits se ressemblent dans leurs caractéristiques substantielles. Elle fait valoir que sur les 13 points de comparaison, les blocs blindages Securystar et Unimétal sont semblables sur 10 points, et dissemblables sur 2 points seulement, outre une ressemblance supplémentaire, non constatée par l'expert, s'agissant des " verrous montant semi fixe ". Elle indique que les produits commercialisés par la société Unimétal sont une copie servile des siens, les produits, quoique non identiques, se ressemblant dans leurs éléments caractéristiques et ce, à plus forte raison, lorsqu'il s'agit de produits sur mesure. Elle précise que son bloc de blindage étant antérieur à celui de la société Unimétal, c'est celui vendu par la société Unimétal qui copie servilement le sien. Elle explique que les éléments caractéristiques entre les produits portent sur des éléments arbitrairement définis par elle sur la base des choix techniques qu'elle a opérés dans la conception de ses produits qui est le fruit et l'expression de son savoir faire propre, étant ainsi relevé que les blocs de blindage Tordjman et Eliot sont majoritairement dissemblables de son bloc de blindage sur les points significatifs relevés par l'expert.

Par ailleurs, la société Valente sécurité soutient qu'elle possède un savoir faire de conception propre qui explique qu'elle fabrique des produits différents de ses concurrents. Elle souligne que parmi les points de ressemblance entre ses blocs de blindage et ceux de la société Unimétal, huit sont propres à ses produits et relèvent spécifiquement de ses efforts de conception et de développement du produit. Elle critique le rapport de l'expert au motif qu'il a dépassé sa mission, en concluant directement à l'existence d'un savoir faire commun aux sociétés qui conçoivent et réalisent des produits analogues avec des procédés industriels analogues.

Les intimés répondent que sur les 17 points significatifs relevés par l'expert, les seuls qui peuvent être considérés comme semblables sont non pas au nombre de 10 sur 17, mais au nombre de 3 sur 17. Ils soulignent donc que les plans de conception et de réalisation du bloc blindage double vantaux " Le Parisien " de la société Valente sécurité datés de 2009, ne correspondent pas au bloc blindage double vantaux " Le Parisien " examiné en 2017 par l'expert, puisque seuls 3 points sur les 10 points significatifs de ressemblances relevés par l'expert sont mentionnés dans lesdits plans. Ils excipent que le bloc blindage double vantaux " Le Parisien " de la société Valente Sécurité examiné par M. R. en 2017, a évolué par rapport au bloc blindage double vantaux " Le Parisien " de la société Valente sécurité tel que cela résulte des plans de conception et de fabrication de 2009. Ils en concluent que la société Valente Sécurité ne peut s'attribuer sans preuve la paternité des 7 points significatifs de ressemblances relevés par M. R. expert en 2017, qui ne sont pas mentionnés dans ses plans de conception et de fabrication de 2009. Ils indiquent également que les 3 points significatifs de ressemblances ne peuvent caractériser l'existence d'une copie servile entre les produits litigieux. Ils contestent le risque de confusion entre les produits par les clients, les points de similarités relevés par l'expert judiciaire ne permettant pas d'identifier l'origine du produit.

Ils répliquent également que les options fournies par les sociétés Valente Sécurité - Tordjman métal - Eliot à leurs clients/installateurs professionnels, mentionnées dans leur catalogue respectif sur la même page que le croquis de leur bloc blindage double vantaux sont identiques, notamment en ce qui concerne l'option de la peinture bicolore. Ils en déduisent qu'il n'est pas établi de spécificité entre les blocs blindages doubles vantaux fabriqués par l'un ou l'autre de ces métalliers, si ce n'est un savoir faire commun à ces métalliers. Ils soutiennent que l'expert judiciaire a conclu suite à la visite des installations de la société Valente sécurité, et à l'analyse de ses procédés de conception et de fabrication, tels qu'ils résultent des plans de conception et de fabrication de son bloc blindage double vantaux " Le Parisien " de 2009, qu'il n'était pas mis en exergue, ni vérifié l'existence d'un savoir faire propre de la société Valente sécurité en matière de fabrication de bloc blindage double vantaux, mais que la société Valente sécurité disposait d'un savoir faire commun aux autres sociétés de métallerie.

Ils contestent la mise en cause des associés personnes physiques de la société Unimétal, qui ne peuvent être responsables d'actes alléguées à l'égard de sociétés personnes morales, indépendantes de cette dernière.

Sur la concurrence déloyale

Il est de principe que constitue un acte de concurrence déloyale, la copie servile d'un produit commercialisé par une entreprise susceptible de créer un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle.

La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu'un signe, qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce.

L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause.

En l'espèce, la société Valente sécurité revendique 10 points de comparaison semblables entre les produits litigieux, pour justifier du caractère de copie servile des produits vendus par la société Unimétal, dont 8 seraient des caractéristiques substantielles de ses blocs de blindage, à savoir :

- technique de peinture bicolore qui se caractérise par deux passages au four : toutefois, il s'agit d'une technique de fabrication relevant de la mise en œuvre d'un savoir faire et non pas d'une caractéristique extérieure de nature à créer un risque de confusion entre les produits ; cette caractéristique ne peut donc être retenue dans l'appréciation de la copie servile ;

- plat de recouvrement serrure intégré qui implique l'emploi de la technique de peinture bicolore mise au point par elle : toutefois, il s'agit d'une technique de fabrication relevant de la mise en œuvre d'un savoir faire et non pas d'une caractéristique extérieure de nature à créer un risque de confusion entre les produits ; cette caractéristique ne peut donc être retenue dans l'appréciation de la copie servile ;

- largeur des retours de 28 mm : il s'agit d'une côte fixe invariant dans ses produits, ce paramètre n'étant pas une nécessité technique mais un choix fonctionnel permettant une optimisation du produit et ne se retrouvant pas dans les produits concurrents, sauf celui de la société Unimétal : cette spécificité ne peut créer un risque de confusion chez le consommateur qui n'attribuera pas à la société Sécurystar France les portes blindées double ventaux ayant des retours d'une largeur de 28 mm ;

- diamètre intérieur du trou des paumelles supérieurs de 13 mm, spécifiquement choisi par elle pour répondre à ses besoins spécifiques : toutefois, il s'agit d'une technique de fabrication relevant de la mise en œuvre d'un savoir faire et non pas d'une caractéristique extérieure de nature à créer un risque de confusion entre les produits ; cette caractéristique ne peut donc être retenue dans l'appréciation de la copie servile ;

- emplacement des paumelles : 180 mm (ou 190 mm selon le point de mesure) : cotes fixes, propres à ses blocs de blindage qui ne sont pas présentes dans les autres produits concurrents (sauf celui de la société Unimétal) ; cette spécificité ne peut créer un risque de confusion chez le consommateur qui n'attribuera pas à la société Sécurystar France ce type d'emplacement des paumelles ;

- la gâche supérieure est rapportée, c'est-à- dire qu'elle est ajoutée (soudée ou vissée) sur la traverse haute : toutefois, il s'agit d'une technique de fabrication relevant de la mise en œuvre d'un savoir faire et non pas d'une caractéristique extérieure de nature à créer un risque de confusion entre les produits ; cette caractéristique ne peut donc être retenue dans l'appréciation de la copie servile ;

- chapeau supérieur soudé et plié : toutefois, il s'agit d'une technique de fabrication relevant de la mise en œuvre d'un savoir faire et non pas d'une caractéristique extérieure de nature à créer un risque de confusion entre les produits ; cette caractéristique ne peut donc être retenue dans l'appréciation de la copie servile ;

- deux verrous à coulisse sur le montant semi fixe permettent de verrouiller le battant semi fixe de la porte ; cette spécificité ne peut créer un risque de confusion chez le consommateur qui n'attribuera pas à la société Sécurystar France la présence de deux verrous à coulisse sur le montant de la porte.

Dès lors, au regard de ces éléments, la société Sécurystar France ne démontre pas de risque de confusion dans l'esprit du consommateur entre ses portes blindées doubles ventaux et celles de la société Unimétal.

La commercialisation par MM Hugues D., Mustapha M., Christophe B., Sami B. et Roger B., les gérants des sociétés Alcof sécurité, Auto Protection sécurité (APS), Protec'son et Alarmes sécurité blindage protection (ASBP), de produits concurrents à ceux de la société Sécurystar France sous le même nom ne peut être retenue comme étant une faute de ces derniers, en ce qu'il n'est pas démontré que la commercialisation de ces produits était assurée par eux à titre personnel et non pas par les sociétés, dont il convient de relever qu'elles ne sont pas dans la cause.

Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter la demande de la société Sécurystar France de ce chef.

Sur les agissements parasitaires

Le parasitisme est caractérisé dès lors qu'une personne physique ou morale, à titre lucratif et de façon injustifiée, s'inspire ou copie une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir faire, d'un travail intellectuel ou d'investissements.

Le parasitisme doit également être apprécié à l'aune du principe de la liberté du commerce qui implique qu'un produit, qui ne fait pas ou ne fait plus l'objet de droits de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sauf notamment dans l'hypothèse d'une captation parasitaire.

L'expert judiciaire avait notamment pour mission de " fournir tous éléments utiles permettant à la cour de dire si la société Sécurystar France détient un savoir faire propre en matière de bloc de blindage double vantaux ". Cette dernière ne peut donc reprocher à l'expert de s'être prononcé sur l'existence d'un savoir faire commun aux sociétés qui conçoivent et réalisent des produits analogues avec des procédés industriels analogues, la réponse à la question qui lui est posée par la cour impliquant nécessairement de définir le savoir faire commun des hommes du métier pour déterminer si le savoir faire développé par la société Sécurystar France lui est propre.

L'expert relève en pages 8 et 9 de son rapport que si la société Sécurystar France " détient à l'évidence le savoir faire nécessaire et suffisant pour concevoir et réaliser son produit ", ce savoir faire peut être qualifié de " propre en un sens limité, à savoir certains éléments de ce savoir faire, comme par exemple les paramètres précis de la programmation automatique des machines à commande numérique [qui] tiennent compte des machines spécifiquement utilisées par la société Sécurystar France. (') De même, les choix de conception dont la société Sécurystar France se prévaut (') conduisent certainement à des valeurs (de côte, d'épaisseur) ou des dessins (paumelles) que la société Sécurystar France met en œuvre de manière particulière, ceci voulant simplement dire que, sur ces mêmes points de conception, d'autres entreprises pourront adopter des valeurs ou dessins différents, témoignant en ce qui les concerne d'un même savoir faire général, appliqué à des circonstances particulières différentes ".

Par ailleurs, l'expert indique en page 15 dudit rapport que " la visite des installations de la société Sécurystar France et la description de ses procédés ne nous a permis d'identifier aucun savoir faire particulier : il s'agit d'équipements et de procédés courants en métallerie industrielle ", pour conclure que " la société Sécurystar France détient un savoir faire commun aux sociétés qui conçoivent et réalisent des produits analogues avec des procédés industriels analogues, ce savoir faire étant seulement particularisé dans son cas sur certains points par les choix industriels faits par la société. On ne peut retenir que ce savoir faire soit unique ou original ".

La société Sécurystar France conteste vainement les conclusions de l'expert judiciaire, en n'apportant pas d'éléments techniques probants pour démontrer la réalité de son savoir faire propre. En effet, il apparaît que la société Sécurystar France a choisi d'avoir recours à certaines techniques connues dans ce secteur d'activité. Elle ne peut s'attribuer une technique connue et non utilisée par ses concurrents pour caractériser son savoir faire propre. De même, si plusieurs de ces choix techniques sont identiques entre les produits Sécurystar France et Unimétal, s'agissant d'options connues des métalliers et donc non spécifiques, leur reprise ne peut être fautive.

Au regard de ces éléments, il apparaît que la société Sécurystar France ne peut pas faire état d'un savoir faire propre qui aurait permis de caractériser la reprise fautive d'une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel.

Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter la demande de la société Sécurystar France de ce chef.

Sur la demande de dommages intérêts pour procédure abusive

L'exercice d'une action en justice ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou s'il s'agit d'une erreur grave équipollente au dol. L'appréciation inexacte qu'une partie se fait de ses droits n'est pas constitutive en soi d'une faute.

M. Hugues D., M. Mustapha M., M. Christophe B., M. Samy B., M. Roger B. et la société Unimétal ne rapportent pas la preuve de ce que l'action de la société Sécurystar France aurait dégénéré en abus. Ils doivent être déboutés de leurs demandes de dommages intérêts.

Le jugement doit être intégralement confirmé.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été faite des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Valente Sécurité doit être condamnée aux dépens d'appel, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, ainsi qu'à payer à M. Hugues D., à M. Mustapha M., à M. Christophe B., à M. Samy B., à M. Roger B. et à la société Unimétal la somme supplémentaire de 7 000 euros chacun par application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.

Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du Code de procédure civile formulée par la société Valente Sécurité anciennement dénommée Sécurystar France.

Par ces motifs LA COUR, Confirme le jugement en toutes ses dispositions ; Y ajoutant ; Condamne la société Valente Sécurité aux dépens d'appel, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, ainsi qu'à payer à M. Hugues D., à M. Mustapha M., à M. Christophe B., à M. Samy B., à M. Roger B. et à la société Unimétal la somme supplémentaire de 7 000 euros chacun par application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ; Rejette toute autre demande.