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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 23 novembre 2018, n° 15-06095

RENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Thelem Assurance (Sté)

Défendeur :

Guerandis (SAS), Severin France (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Christien

Conseillers :

M. Pothier, Mme Gelot Barbier

Avocats :

Mes Bonte, Garcia Dubray, Denis, Combe, Lechler

TGI St-Nazaire, du 25 juin 2015

25 juin 2015

Exposé du litige

Le 8 mai 2010, un incendie s'est déclaré dans des locaux professionnels occupés par Mme Brigitte J., ostéopathe, situés rue des Soeurs Grises à Guérande (44).

Une expertise amiable a été organisée par la société Thelem Assurance (ci après la société Thelem), assureur de Mme J..

A l'issue de ses opérations, l'expert a émis l'hypothèse que l'incendie avait pour origine une machine à pain de marque Severin acquise le 1er mars 2010 par Mme J. auprès de la société Guérandis qui exploite un centre Leclerc à Guérande.

La société Thelem et Mme J. ont sollicité et obtenu du juge des référés la désignation d'un expert, suivant ordonnance du 23 novembre 2010.

L'expert désigné, M. S., a déposé son rapport définitif le 15 avril 2012.

Par actes séparés des 28 septembre et 4 octobre 2012, Mme J. a fait assigner la société Guérandis, la société Severin France et la société Thelem devant le tribunal de grande instance de Saint Nazaire afin d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices.

Par jugement du 25 juin 2015, le tribunal a :

- déclaré la société Guérandis responsable du préjudice subi par Mme J. au titre de la garantie des vices cachés,

En conséquence,

- mis hors de cause la société Severin France,

- condamné la société Guérandis à rembourser à Mme J. le prix de vente de la machine à pain, soit la somme de 79 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2012,

- condamné la société Guérandis à payer à Mme J. la somme de 7 500 euros en réparation de son préjudice moral avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,

- déclaré irrecevable la demande de la société Thelem tendant à voir la société Severin France condamnée à lui payer la somme de 62 769 euros,

- débouté la société Thelem du surplus de ses demandes formulées contre la société Severin France ,

- rejeté les autres demandes plus amples ou contraires,

- condamné la société Guérandis à payer à Mme J. la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Guérandis aux dépens, en ce compris les frais d'expertise,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

La société Thelem a relevé appel de cette décision le 28 juillet 2015.

Suivant ordonnance du 19 février 2016, le conseiller de la mise en état s'est déclaré incompétent pour statuer sur la recevabilité de la demande formée par la société Thelem à l'encontre de la société Guérandis, qualifiée de demande nouvelle par cette dernière.

La société Thelem demande à la cour, au visa des dispositions des articles 1641 et suivants du Code civil, de :

- déclarer la société Guérandis entièrement responsable du dommage subi par Mme J. et en conséquence la condamner au paiement des sommes de 15 000 euros et 62 769 euros, outre intérêts au taux légal à compter du paiement,

- dire et juger que les intérêts seront capitalisés,

- condamner la société Guérandis au paiement d'une indemnité de 4 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- la condamner aux dépens de première instance et d'appel.

Mme J. conclut aux fins de voir :

A titre principal et au visa des articles 1386-1 et suivants anciens du Code civil,

- dire et juger que le sinistre qui s'est déclaré le 8 mai 2010 dans les locaux professionnels qu'elle exploite à Guérande provient d'un dysfonctionnement de la machine à pain qu'elle avait achetée auprès de la société Guérandis qui était atteinte d'un vice de fabrication,

- dire et juger en conséquence que la société Severin France importateur de la machine à pain litigieuse doit être déclarée entièrement responsable de l'intégralité du préjudice qu'elle a subi,

- condamner en conséquence la société Severin France à lui payer les sommes suivantes :

¤ 26 417,85 euros en réparation de son préjudice matériel,

¤ 15 000 euros en réparation de son préjudice moral,

¤ et ce avec intérêts de droit à compter de la date d'assignation, à savoir le 4 octobre 2012,

A titre subsidiaire et au visa des articles 1645 et 1647 du Code civil, pour le cas où la cour ne retiendrait pas la responsabilité de la société Severin France sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du Code civil,

- dire que la société Guérandis, en sa qualité de venderesse de la machine à pain litigieuse, doit être tenue à restituer le prix d'acquisition de la machine et à l'indemniser de l'intégralité de son préjudice matériel et moral,

- condamner en conséquence la société Guérandis sur le fondement des textes susvisés à lui payer les sommes suivantes :

¤ 79 euros en réparation de la destruction de la machine à pain,

¤ 26 417,85 euros en réparation de son préjudice matériel,

¤ 15 000 euros en réparation de son préjudice moral,

¤ et ce avec intérêts de droit à compter de la date d'assignation, à savoir le 4 octobre 2012,

En tout état de cause,

- débouter la société Severin France de toutes ses demandes,

- débouter la société Guérandis de toutes ses demandes,

- condamner la société Severin France à lui payer une indemnité de 7 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- subsidiairement, condamner la société Guérandis à lui payer une indemnité de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Severin France et très subsidiairement la société Guérandis en tous les dépens dans lesquels seront inclus les frais de la procédure de référé ainsi que les frais et honoraires de l'expert judiciaire et autoriser Me Julia Garcia Dubray à bénéficier des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Selon ses dernières conclusions, la société Guérandis demande à la cour de :

- déclarer irrecevables les demandes formulées devant la cour par la société Thelem à son encontre,

- constater la forclusion de l'action de Mme J. sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil à son encontre,

En conséquence,

- débouter Mme J. et la société Thelem de leurs demandes,

A titre subsidiaire,

- constater que la cause de l'incendie n'est pas déterminée,

- constater que la preuve d'un défaut de l'appareil n'a pas été rapportée,

En conséquence,

- débouter Mme J. et la société Thelem de leurs demandes,

Plus subsidiairement,

Et en tout état de cause, condamner la société Severin France à la garantir de toute éventuelle condamnation qui serait prononcée à son encontre,

- condamner la société Thelem à lui verser la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières écritures, la société Severin France conclut aux fins de voir, au visa des articles 1245 et suivants du Code civil :

- constater que l'appelante, la société Thelem , ne formule aucune demande à son encontre,

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Saint Nazaire en date du 25 juin 2015 en ce qu'il l'a mise hors de cause,

Et en tout état de cause,

- constater qu'elle n'est ni le fabricant, ni l'importateur dans l'Union Européenne de la machine à pain litigieuse,

- constater que l'identité du fabricant et de l'importateur dans l'Union Européenne de la machine litigieuse était connue,

- constater que la cause exacte de l'incendie n'a pu être déterminée,

- constater que la preuve de l'existence d'un défaut ayant affecté la machine à pain et constituant la cause de l'incendie n'est pas rapportée,

- dire et juger en conséquence que sa responsabilité ne peut être recherchée sur le fondement des articles 1245 et suivants du Code civil,

- débouter Mme J. et la société Guérandis de leurs appels incidents dirigés à son encontre,

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Saint Nazaire en date du 25 juin 2015 en ce qu'il l'a mise hors de cause,

Subsidiairement,

- constater que Mme J. ne prouve pas l'existence d'un préjudice réparable,

- constater que la société Thelem ne prouve pas l'existence d'un préjudice réparable,

- débouter Mme J. de ses demandes dirigées à son encontre,

- dire et juger infondé et sans objet l'appel en garantie dirigé par la société Guérandis à son encontre,

En tout état de cause,

- condamner la ou les parties succombantes à lui payer la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la ou les parties succombantes aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Combe, conformément à l'article 699 du Code procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour la société Thelem le 25 février 2016, pour Mme J. le 28 août 2017, pour la société Guérandis le 4 juillet 2016 et pour la société Severin France le 3 mai 2017, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 28 juin 2018.

Exposé des motifs

Sur la responsabilité du fait des produits défectueux :

Aux termes de l'article 1386-1 ancien du Code civil, applicable au litige, le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime.

Selon l'article 1386-6 ancien du même Code, est producteur, lorsqu'il agit à titre professionnel, le fabricant d'un produit fini, le producteur d'une matière première, le fabricant d'une partie composante.

Le texte ajoute qu'est assimilée à un producteur 'toute personne agissant à titre professionnel:

1° Qui se présente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif ;

2° Qui importe un produit dans la Communauté européenne en vue d'une vente, d'une location, avec ou sans promesse de vente, ou de toute autre forme de distribution ;

3° ...'

L'article 1386-7 prévoit en outre que 'si le producteur ne peut être identifié, le vendeur, le loueur, à l'exception du crédit bailleur ou du loueur assimilable au crédit bailleur, ou tout autre fournisseur professionnel, est responsable du défaut de sécurité du produit, dans les mêmes conditions que le producteur, à moins qu'il ne désigne son propre fournisseur ou le producteur, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la demande de la victime lui a été notifiée.'

Reprenant le fondement qu'elle avait développé à titre principal devant les premiers juges, Mme J. soutient que la responsabilité de la société Severin France est engagée en application des textes précités dès lors que celle ci, qui fabrique elle même ses produits dans ses propres usines, notamment en Chine, a la qualité de producteur ; que, de plus, la société Severin France s'est toujours présentée comme un producteur en apposant sa marque sur le produit et en reconnaissant cette qualité pendant toute la procédure de référé puis durant la première partie de la procédure au fond ; qu'enfin, la société Severin France n'a pas communiqué le nom de son fournisseur dans le délai de trois mois prévu par l'article 1386-7 alinéa 1er du Code civil.

Toutefois, c'est par de justes motifs que la cour approuve que le tribunal a écarté la responsabilité de la société Severin France du fait de la défectuosité du produit vendu à Mme J. par la société Guérandis.

En effet, il n'est pas contestable, ni au demeurant sérieusement discuté, que la machine à pain a été intégralement fabriquée par la société chinoise Guang Dong Xinbao Eletrical Appliances Holdings Co. LTD, ainsi que le confirment le certificat TÜV et la facture émise le 13 mai 2009 par ladite société.

Il est également établi que le produit a été importé au sein de l'Union Européenne par la société allemande Severin Elektrogeräte GmbH puis introduit en France par la société Severin France avant d'être vendu à la société Guérandis.

Par ailleurs et dans la mesure où, selon les données de l'Institut national de la propriété industrielle, la marque Severin est la propriété de la société allemande Severin Elektrogeräte GmbH, il n'est pas démontré que cette même marque a été apposée sur le produit par la société Severin France.

Le tribunal a donc pu, à bon droit, juger que la société Severin France, qui n'a pas fabriqué la machine à pain et qui est une personne morale distincte de la société allemande Severin Elektrogeräte GmbH, ne peut être qualifiée ni de producteur ni de personne assimilée au producteur.

Enfin, et ainsi que les premiers juges l'ont pertinemment relevé, Mme J. est mal fondée à se prévaloir des dispositions de l'article 1386-7 précitées dès lors qu'il est constant que le producteur, à savoir la société Guang Dong X.E. Appliances Holdings Co. LTD, pouvait être identifié dès l'acquisition du produit, son nom figurant sur le certificat TÜV fourni avec la machine.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a débouté Mme J. de sa demande fondée sur les articles 1386-1 et suivants anciens du Code civil.

Sur la garantie des vices cachés :

Selon les dispositions de l'article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminue tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

La société Guérandis fait valoir que les demandes de Mme J. et de la société Thelem, fondées sur les articles 1641 et suivants du Code civil, se heurtent à la forclusion de l'article 1648 qui prévoit que l'action doit être intentée par l'acquéreur dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

Par des motifs pertinents que la cour adopte, le tribunal a rejeté ce moyen après avoir souligné que le délai de prescription avait été suspendu pendant la mesure d'instruction ordonnée par le juge des référés, soit jusqu'au dépôt du rapport d'expertise.

Sur le fond et pour contester la décision du tribunal qui a fait application de la garantie des vices cachés à son encontre, la société Guérandis soutient que l'expert n'ayant pu établir la cause exacte du sinistre, il n'est pas démontré que la machine à pain était atteinte d'un défaut à l'origine de l'incendie.

Elle fait observer que les locaux avaient été entièrement déblayés lors de l'intervention de M. S. et qu'au cours des opérations d'expertise, certains éléments de la machine à pain ont disparu.

Il résulte du rapport d'expertise que l'incendie s'est déclaré le 8 mai 2010 vers 1heure 30 du matin, dans la kitchenette, alors que Mme J. somnolait dans une autre pièce et que la machine à pain était en fonctionnement. Le sinistre a été découvert par un témoin de passage, M. M., qui exerce la profession de sapeur pompier et réside à proximité de l'immeuble sinistré.

S'il est exact que les locaux étaient en cours de réfection lorsque M. S. a démarré ses opérations, l'expert a néanmoins pu prendre connaissance de schémas reconstituant l'agencement de la kitchenette et de photographies prises immédiatement après l'incendie. Il a procédé, en outre, à l'examen de la machine à pain détruite ainsi que d'un autre appareil strictement identique qui était en possession de Mme J. et qui devait être remplacé par la nouvelle machine. Il apparaît encore que le témoin, M. M., a été entendu par l'expert en présence des parties.

Aux termes de son rapport, M. S. relève, notamment, que :

- une simple observation raisonnée de la machine à pain montre qu'elle a subi un incendie interne ;

- M. M. a déclaré qu'en ouvrant la porte de la kitchenette, il avait aperçu sur la gauche un appareil sur le plan de travail complètement embrasé ;

- il existe des précédents concernant des incendies provoqués par des machines à pain même si la cause sérielle doit être écartée dans le cas présent ;

- les modes d'emploi de la machine signalent les risques d'incendie ;

- les dommages subis par la machine à pain attestent d'un 'effet thermique' homogène et important.

Contrairement à ce que soutient la société Guérandis, l'expert retient sans aucune ambiguïté l'implication de la machine à pain dans le départ de feu, indiquant à cet égard que 'sans qu'il soit possible d'en douter, la machine à pain a connu un dysfonctionnement ayant conduit à une élévation très importante de la température dans le volume limité par la cuve et le couvercle de sa coque', et

confirmant, en conclusion, que l'incendie ne peut résulter que du dysfonctionnement de la machine à pain.

Si, du fait de la destruction totale de l'appareil, l'expert est moins affirmatif s'agissant de la nature du dysfonctionnement à l'origine de l'incendie - en ce qu'il évoque trois causes possibles (débordement de pâte, blocage mécanique du moteur et dysfonctionnement de la résistance) - il ne relève, par ailleurs, aucun élément permettant de considérer que l'inflammation de la machine procède d'une mauvaise utilisation.

En particulier, l'hypothèse d'un versement d'huile d'olive dans la cuve, avancée par la société Severin France, n'a pas été validée par M. S. et a été catégoriquement réfutée par Mme J..

Selon l'expert, la machine a été utilisée conformément aux prescriptions du constructeur, étant précisé que le mode d'emploi en langue française ne mentionne pas la nécessité d'une surveillance constante pendant son fonctionnement.

Au regard de ces différents éléments, et alors que la gravité du défaut affectant la machine à pain et son antériorité à la vente ne sont pas contestables, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu l'existence d'un vice caché et condamné la société Guérandis, en sa qualité de vendeur professionnel, à réparer tous les dommages subis par Mme J., outre la restitution du prix.

Sur les préjudices :

Devant la cour, Mme J., qui forme appel incident, sollicite une indemnité totale de 26 338,85 euros en réparation de son préjudice matériel, qu'elle avait chiffré à hauteur de 26 472,85 euros en première instance.

Pour écarter partiellement cette demande et allouer à Mme J. une somme de 15 000 euros, correspondant au montant de l'indemnité qu'elle avait perçue de la société Thelem, le tribunal a considéré qu'il n'était pas démontré, en l'absence de justificatif, que le préjudice excédait, par son ampleur, l'évaluation retenue par l'assureur.

A titre liminaire, il sera relevé que, contrairement à ce que soutient Mme J., le tribunal, qui n'avait pas ordonné la mesure d'instruction, ne pouvait avoir connaissance des pièces annexées au rapport d'expertise que si les parties les avaient elles mêmes versées aux débats.

En tout état de cause et ainsi que l'a jugé exactement le tribunal, il importe de constater que l 'estimation proposée par M. S. et la demande indemnitaire formée par Mme J. reposent essentiellement sur une liste de dommages et sur des évaluations établies par cette dernière.

Si Mme J. communique en cause d'appel le grand livre analytique par poste, il résulte de cette pièce comptable que les dépenses liées à l'incendie représentent une somme totale de 15 560,17 euros, très proche par conséquent de l'indemnisation accordée par l'assureur.

Aucune autre pièce justificative n'étant produite devant la cour, c'est à juste titre que le tribunal a fixé le préjudice matériel à 15 000 euros.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Par ailleurs, compte tenu des circonstances de l'incendie, qui aurait pu avoir des conséquences bien plus dramatiques sans l'intervention de M. M., l'indemnité allouée par les premiers juges en

réparation du préjudice moral subi par Mme J., soit 7 500 euros, correspond à une juste évaluation du dommage et sera donc également confirmée.

Sur la demande en paiement de la société thelem :

Sur la recevabilité :

Selon les dispositions de l'article 564 du Code de procédure civile, les parties ne peuvent, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Cependant, il résulte des dispositions de l'article 566 du même Code, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret du 6 mai 2017, que les parties peuvent expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément.

La société Guérandis soutient que la demande en paiement formée à son encontre par la société Thelem, qui, devant le tribunal, n'avait dirigé ses prétentions qu'à l'égard de la société Severin France, est irrecevable comme étant nouvelle en cause d'appel.

La société Thelem objecte qu'en première instance, elle avait sollicité expressément que la société Severin France et la société Guérandis soient déclarées entièrement responsables du dommage subi par Mme J. ; que sa demande pécuniaire est indiscutablement la conséquence ou le complément de cette demande principale.

Dans le dispositif des conclusions déposées le 25 juin 2014 devant le tribunal par la société Thelem, les prétentions dirigées contre la société Severin France étaient précédées d'une demande visant à voir déclarer ladite société et la société Guérandis entièrement responsable du dommage subi par Mme J..

Cette demande était explicitée dans la partie 'Discussion' des conclusions, la société Thelem précisant que pour le cas où le tribunal écarterait le fondement juridique invoqué à titre principal par Mme J., à savoir la responsabilité du fait des produits défectueux, la responsabilité de la société Severin France et de la société Guérandis n'en seraient pas moins entière par application des articles 1641 et suivants du Code civil ou, subsidiairement, de l'article 1147 ancien du même Code.

Il s'ensuit que la demande en paiement formée en cause d'appel à l'encontre de la société Guérandis est complémentaire de la déclaration de responsabilité qui avait été sollicitée en première instance.

La fin de non recevoir sera, par conséquent, rejetée.

Sur le fond :

La société Thelem sollicite la condamnation de la société Guérandis à lui payer les sommes de 15 000 euros et 62 769 euros au titre des indemnités versées à son assurée, Mme J., à la suite de l'incendie.

A l'appui de cette prétention, elle fait valoir que son recours est fondé sur la subrogation légale de l'article L. 121-12 du Code des assurances.

Si la demande au titre de la première des sommes susmentionnées n'apparaît pas contestable dès lors qu'il est constant que Mme J. a perçu de son assureur une indemnité de 15 000 € en

réparation de son préjudice matériel, la société Thelem ne justifie pas, en revanche, d'une subrogation dans les droits de son assurée s'agissant de la somme de 62 769 euros.

A cet égard, la société Guérandis objecte justement que les deux extraits de relevés de compte bancaire produits par la société Thelem sont insuffisants à établir l'existence à son profit d'un recours subrogatoire dans la mesure où ils ne sont accompagnés d'aucune autre pièce permettant, en particulier, d'identifier les bénéficiaires des chèques qui y sont mentionnés.

Par ailleurs et ainsi que le fait valoir la société Severin France, contre laquelle la société Guérandis forme un recours en garantie, la société Thelem n'explicite pas la nature des préjudices qu'elle aurait indemnisés ni sur quel fondement elle serait intervenue, même si la lecture du rapport d'expertise laisse supposer qu'il pourrait s'agir des dommages immobiliers subis par le propriétaire de l'immeuble (note complémentaire de l'expert du 15 avril 2012).

Il sera encore observé que la société Thelem réclame une somme de 62 769 euros tout en indiquant en page 5 de ses conclusions qu'elle a réglé une indemnité de 59 826 euros au bénéfice de Mme J..

Le jugement doit être par conséquent confirmé en ce qu'il a déclaré la demande de la société Thelem, tendant à obtenir la condamnation de la société Guérandis à lui payer la somme de 62 769 euros, irrecevable pour défaut de droit d'agir.

La demande étant recevable et fondée s'agissant de la réparation du préjudice matériel subi par Mme J., la société Guérandis sera condamnée à payer à la société Thelem la somme de 15 000 euros, étant précisé que ladite somme produira intérêts au taux légal à compter de la demande en justice soit le 17 novembre 2015, date des premières conclusions, et non à compter du paiement.

Il sera fait droit, par ailleurs, à la demande de capitalisation des intérêts.

Sur le recours en garantie :

La société Guérandis sollicite la garantie de la société Severin France de toute condamnation prononcée à son encontre.

En réponse, la société Severin France ne fait valoir aucun moyen de contestation.

La demande de la société Guérandis a été rejetée en première instance aux motifs qu'étant fondée sur l'article 1386-7 du Code civil, elle ne pouvait prospérer dès lors qu'il avait été jugé que la société Severin France n'avait pas la qualité de producteur ou de personne assimilée.

Si devant la cour, la société Guérandis ne précise pas le fondement juridique de sa prétention, elle n'invoque plus cependant les dispositions de l'article 1386-7 du Code civil et souligne qu'elle a acquis le bien litigieux auprès de la société Severin France, ce qui équivaut à se prévaloir de la responsabilité contractuelle du vendeur originaire.

Le vendeur intermédiaire étant recevable et fondé à exercer l'action en garantie des vices cachés à l'encontre de son propre vendeur, il sera fait droit à la demande de la société Guérandis.

Il s'ensuit que le jugement sera infirmé en ce qu'il a mis hors de cause la société Severin France et rejeté l'appel en garantie de la société Guérandis.

Sur les autres demandes :

La société Thelem qui succombe pour partie dans ses prétentions et qui était en mesure de présenter

ses demandes contre la société Guérandis dès la première instance, partagera la charge des dépens d'appel avec la société Guérandis et la société Severin France, à concurrence du tiers chacune.

La société Guérandis sera condamnée à verser à Mme J. une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Severin France devra garantir la société Guérandis des condamnations prononcées à son encontre au titre des dépens et des frais irrépétibles.

Par ces motifs, LA COUR, Rejette la fin de non recevoir fondée sur l'article 564 du Code de procédure civile, Confirme le jugement rendu le 25 juin 2015 par le tribunal de grande instance de Saint Nazaire sauf en ce qu'il a mis hors de cause la société Severin France et débouté la société Guérandis de son appel en garantie, Statuant à nouveau sur ce chef, Condamne la société Severin France à garantir la société Guérandis de toutes les condamnations prononcées à son encontre, Y ajoutant, Condamne la société Guérandis à payer à la société Thelem la somme de 15 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 novembre 2015, Dit que par application de l'article 1343-2 du Code civil, les intérêts de la somme susvisée produiront eux mêmes intérêts dès lors qu'ils seront dus au moins pour une année entière, Condamne la société Severin France à garantir la société Guérandis de cette condamnation, Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, Condamne la société Guérandis à payer à Mme J. la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Dit n'y avoir lieu à application de ces dispositions au profit des autres parties, Dit que les dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile par les avocats qui en ont fait la demande, seront supportés par la société Thelem, la société Severin France et la société Guérandis à concurrence d'un tiers chacune, Condamne la société Severin France à garantir la société Guérandis des condamnations prononcées à son encontre au titre des frais irrépétibles et des dépens.