CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 21 novembre 2018, n° 16-13214
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Envitec-Wismar GmbH (Sté)
Défendeur :
Comepa-Industries (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Luc
Conseillers :
Mmes Mouthon Vidilles, Comte
Avocats :
Mes Domain, Eicher, Hagège, Chiloux
Faits et procédure
La société Envitec Wismar GmbH (la société Envitec), de droit allemand, fabrique des produits destinés aux milieux hospitalier et industriel, ainsi que pour la plongée sous-marine. Elle a, notamment, mis au point des capteurs à oxygène pour déterminer la concentration d'oxygène dans le gaz respiratoire, pour une utilisation en milieu anesthésique.
La société Comepa Industries, venant aux droits de la société Comepa, fabrique et distribue du matériel médico-chirurgical.
Le 28 février 1995, les deux sociétés ont conclu un contrat aux termes duquel la société Envitec a confié à la société Comepa la distribution exclusive, sur le territoire français, des capteurs à oxygène de type " Oxygen Sensor " Types D, S, C, A et 18000, manufacturés par la société Envitec.
En contrepartie de l'exclusivité concédée, la société Comepa s'est engagée, d'une part, à verser à la société Envitec une indemnité de 75 000 Deutsch Marks et, d'autre part, à s'approvisionner auprès du fournisseur dans des quantités expressément déterminées, à savoir 1 250 capteurs pour la première année 1995 et 2 750 capteurs à partir de 1996, et pour chaque année de reconduction du contrat.
Aux termes de son article 9, le contrat de distribution a été conclu pour une durée initiale s'achevant le 31 décembre 1997, renouvelable par tacite reconduction par période successive d'une année, à moins que l'une des parties le résilie pour la fin de l'année en cours, moyennant le respect d'un préavis de 6 mois.
Par fax du 17 avril 2002, la société Comepa a accepté la proposition formulée par la société Envitec, soit le versement d'une commission de 5 % sur les ventes des capteurs SPO2 et de 7 % sur les ventes des capteurs O2 à oxygène, réalisées directement par la société Envitec auprès de la société Integral Process.
La société Comepa Industries s'est substituée à la société Comepa, à la suite d'un apport partiel d'actifs réalisé le 19 septembre 2005, date à laquelle la totalité du fonds de commerce de la société Comepa était évaluée à la somme 350 893 euros.
Au cours d'une réunion au siège de Comepa, le 16 octobre 2007, les parties auraient, selon la société Envitec, convenu de cesser, à compter de 2008, le versement des commissions sur les ventes réalisées auprès de la société Integral Process, en contrepartie d'une baisse des prix des produits visés au contrat de distribution.
Par courrier d'avocat du 24 septembre 2012, la société Comepa Industries a fait grief à la société Envitec d'avoir, d'une part, cessé de lui verser les commissions réalisées sur les ventes auprès de la société Integral Process et, d'autre part, d'avoir distribué en direct ses capteurs d'oxygène auprès de la société Air Liquide. Elle lui a indiqué, dans le même courrier, vouloir obtenir réparation du préjudice subi du fait de la violation caractérisée du contrat de distribution et lui a signifié une possible rupture. Les relations ont cependant continué entre les parties.
Par lettre du 30 octobre 2012, la société Envitec a contesté les griefs imputés par la société Comepa Industries et a constaté la fin de l'exclusivité consentie à Comepa, faute d'atteinte des objectifs de vente qui devaient être assurés par elle en contrepartie.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 mars 2013, la société Envitec a informé la société Comepa Industries qu'elle résiliait le contrat de distribution, conformément aux stipulations de son article 9, avec effet à la fin de la période en cours, soit le 31 décembre 2013, offrant, selon elle, à la société Comepa Industries un préavis de 9 mois, soit d'une durée supérieure au préavis contractuel de 6 mois.
Par lettre du 29 avril 2013, la société Comepa a refusé de conclure un autre contrat de distribution avec la société Envitec, tant qu'elle ne serait pas indemnisée pour le défaut de paiement des commissions, pour l'appropriation, par la société Envitec, de son client, la société Air Liquide, et a sollicité une indemnisation à hauteur de deux années de marge pour inexécution fautive du contrat.
Aucune solution amiable n'ayant été trouvée, par exploit du 26 septembre 2013, la société Comepa Industries a assigné la société Envitec devant le tribunal de commerce de Bobigny aux fins d'obtenir sa condamnation, au visa des articles 1134 et 1147 anciens du Code civil, à lui payer à titre de dommages et intérêts, 5 années de commissions, soit la somme de 103 400 euros, ainsi que 130 108 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi par le détournement du client Air Liquide, et enfin 370 000 euros en réparation du préjudice lié à l'exécution déloyale et à la rupture abusive du contrat de distribution exclusive.
Par jugement du 17 mai 2016, le tribunal de commerce de Bobigny a, sous le régime de l'exécution provisoire :
- condamné la société Envitec Wismar GmbH à payer à la société Comepa Industries la somme de 103 400 euros à titre de dommages et intérêts, correspondant à cinq années de commissions non perçues,
- condamné la société Envitec Wismar GmbH à payer à la société Comepa Industries la somme de 30 108 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la clause d'exclusivité,
- condamné la société Envitec Wismar GmbH à payer à la société Comepa Industries la somme de 296.898 euros en réparation du préjudice lié à la rupture brutale du contrat de distribution du 28 février 1995,
- condamné la société Envitec Wismar GmbH à payer à la société Comepa Industries la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la société Envitec Wismar GmbH aux entiers dépens.
Le tribunal a estimé non démontrée la renonciation de la société Comepa à percevoir les commissions, lors de la réunion du 16 octobre 2007. Il a jugé que la société Envitec avait fautivement livré directement un client de la société Comepa et, enfin, considéré que le préavis de rupture consenti, de 9 mois, était trop bref au regard des 18 années de relation commerciale.
Par déclaration d'appel du 15 juin 2016, la société Envitec a relevé appel de ce jugement et a parallèlement saisi le Premier Président de la cour d'appel de Paris aux fins d'entendre prononcer l'arrêt de l'exécution provisoire.
Par ordonnance du 11 octobre 2016, le Premier Président de la cour d'appel de Paris a rejeté la demande de la société Envitec d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du 17 mai 2016.
La procédure devant la cour a été clôturée par ordonnance du 18 septembre 2018.
LA COUR
Vu l'appel et les dernières conclusions de la société Envitec, déposées et notifiées le 24 août 2017, par lesquelles il est demandé à la cour, au visa des articles 5, 16 et 542 du Code de procédure civile, 1134, 1139 et 1147 anciens du Code civil et L. 442-6 et D. 442-3 du Code de commerce, de :
- déclarer recevable et bien fondée la société Envitec en son appel,
y faisant droit, principalement,
sur la rupture brutale des relations commerciales établies :
- dire que le tribunal de commerce de Bobigny a violé les termes des article 5 et 16 du Code de procédure civile et D. 442-3 du Code de commerce en ce qu'il a condamné d'office la société Envitec à régler à la société Comepa Industries la somme de 296 898 euros au titre de la rupture brutale des relation commerciales établies,
- en conséquence, prononcer la nullité du jugement entrepris sur ce point et renvoyer les parties à mieux se pourvoir sur ce point,
sur les commissions :
- dire qu'il existait un accord des parties sur la cessation du versement de commissions à compter de l'année 2008, sur la prétendue faute de la société Envitec :
- dire qu'il n'existe aucune violation de la clause d'exclusivité par la société Envitec,
- dire qu'il n'existe aucune rupture fautive du contrat de la part de la société Envitec,
en conséquence,
- réformer le jugement du tribunal de commerce de Bobigny sur ces points, statuant à nouveau,
- débouter la société Comepa Industries de l'ensemble de ses demandes, fins et moyens,
subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour considèrerait qu'il existe une rupture fautive du contrat imputable à la société Envitec,
- dire que le préjudice de la société Comepa Industries au titre de cette rupture ne saurait excéder la somme de 14 898,50 euros,
en tout état de cause :
- déclarer irrecevables et mal fondées toutes autres demandes, plus amples ou contraires,
- condamner la société Comepa Industries à régler à la société Envitec la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- ordonner à la société Comepa Industries de rembourser à la société Envitec la somme de 432.318,16 euros que cette dernière lui a versée au titre de l'exécution provisoire du jugement du 17 mai 2016, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 2 novembre 2016 et ce, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard passé un délai de huit jours suivant la signification de l'arrêt à intervenir,
- la condamner aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Virginie Domain, avocat au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions de la société Comepa Industries, intimée, déposées et notifiées le 23 juillet 2018, par lesquelles il est demandé à la cour, au visa des articles 1134 et 1147 anciens du Code civil, de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Envitec à payer à la société Comepa Industries les sommes de
* 103 400 euros à titre de dommages et intérêts pour perte des commissions assises sur les ventes réalisées par la société Envitec auprès de la société Integral Process,
* 30 108 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi par le détournement du client Air Liquide,
* 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- réformer le jugement entrepris quant aux montants des condamnations allouées à titre de dommages et intérêts,
en conséquence,
- condamner la société Envitec à payer à la société Comepa Industries les sommes de
* 370 000 euros en réparation du préjudice lié à la rupture abusive du contrat de distribution exclusive, avec intérêt au taux légal à compter de l'introduction de la demande,
- condamner la société Envitec à payer à la société Comepa Industries la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en appel,
- condamner la société Envitec aux dépens.
Sur ce
Sur la nullité du jugement
Sollicitant la nullité du jugement entrepris, la société Envitec fait valoir qu'en la condamnant sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, le tribunal a statué ultra petita, excédant son pouvoir juridictionnel et violant le principe du contradictoire. L'appelante soutient en effet que le tribunal de commerce de Bobigny n'était saisi par la société Comepa Industries que d'une demande visant à voir constater et sanctionner la rupture prétendument abusive du contrat de distribution.
La société Comepa Industries réplique que le tribunal n'a pas jugé au visa de l'article L. 442-6, I, 5° précité. Partant, il n'avait donc pas à décliner son pouvoir juridictionnel.
Le tribunal de commerce était saisi d'une demande de la société Comepa, fondée sur les articles 1134 et 1147 du Code civil dans leur version alors en vigueur, tendant à voir juger que la société Envitec avait abusivement rompu le contrat de distribution exclusive, à effet au 3 juillet 2012.
Dès lors, en jugeant que la société Envitec aurait rompu brutalement le contrat, en octroyant un préavis insuffisant à la société Comepa, le tribunal de commerce a violé les termes de l'article 5 du Code de procédure civile selon lequel " le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ". La circonstance que le premier juge n'ait pas visé expressément l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce est indifférente, dès lors qu'il reprend dans sa motivation les éléments constitutifs de la pratique restrictive de concurrence visée à cet article, en " vérifi(ant) si ce délai de préavis tient compte de la durée des relations commerciales ayant existé entre les parties et des autres circonstances ".
Il a également enfreint les dispositions de l'article 16 du Code de procédure civile en fondant sa décision sur ce moyen de droit relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.
Il a également outrepassé son pouvoir juridictionnel, en statuant sur le fondement de cet article.
Il y a donc lieu d'annuler le jugement entrepris, puis d'évoquer l'affaire.
Sur l'exigibilité de commissions entre 2008 et 2012
Sollicitant l'infirmation du jugement entrepris sur ce point, la société Envitec soutient que c'est à tort que le tribunal a retenu qu'aucune renonciation par les parties à l'avenant du 17 avril 2002 ne serait établie postérieurement à 2007, de sorte qu'il serait resté applicable entre 2008 et 2012. L'intimée soutient en effet que l'accord conclu entre les parties au mois d'octobre 2007, dont l'existence est attestée par un faisceau d'indices, a substitué au versement des commissions, une baisse de prix des capteurs O2 concernés par le contrat de distribution.
La société Comepa Industries réplique que le contrat de distribution prévoit, en son article 11, que les modifications et/ou amendements du contrat doivent être effectués par écrit. Faisant valoir à ce titre qu'il n'existe aucun écrit permettant de soutenir que la société Comepa aurait accepté, ne serait ce que partiellement, de renoncer à son exclusivité, l'intimée conclut que cette dernière n'a pas renoncé à percevoir les commissions dues par la société Envitec sur les ventes réalisées auprès de la société Integral Process, conformément à l'avenant du 12 avril 2002.
Au cours d'une réunion au sein de la société Comepa, le 16 octobre 2007, les parties auraient, selon la société Envitec, convenu de cesser, à compter de 2008, le versement des commissions sur les ventes réalisées auprès de la société Integral Process, en contrepartie d'une baisse des prix des produits visés au contrat de distribution.
Si la société Comepa conteste la valeur probante du compte rendu de cette réunion (pièce n° 5 de la société Envitec), qui ne saurait en soi suffire à caractériser l'accord des parties en l'absence de signature, la cour estime que la société Envitec démontre l'acquiescement de la société Comepa à la décision d'arrêter le versement des commissions par l'exécution de l'accord, sans aucune protestation, pendant cinq années.
La société Comepa a, en effet, bénéficié de la baisse des prix convenue en contrepartie de l'arrêt du versement de ces commissions, entre mars 2008 et juillet 2012, sans émettre la moindre réclamation auprès de la société Envitec sur une éventuelle créance de commissions, ni solliciter la moindre note de crédit relative aux ventes opérées à la société Integral Process, qui servaient d'assiette au calcul de ces commissions.
La société Envitec établit au surplus, sans être sérieusement démentie par l'intimée, que cet accord s'est avéré profitable à la société Comepa, puisque les baisses de prix ont généré pour Comepa un gain significatif en 2008, se chiffrant à plus de 25 000 euros, soit à un montant supérieur aux commissions perçues au titre de l'année 2007.
La société Comepa ne démontre pas que la baisse des prix, amorcée dès mars 2018, aurait résulté d'une réunion postérieure des 29 et 30 mai 2008, les discussions menées au cours de cette réunion, à laquelle étaient conviés l'ensemble des distributeurs de la société Envitec, indiquant seulement que cette société allait passer d'un système de prix net par produit et par distributeur à une liste de prix qui pourraient faire l'objet de remises en fonction de critères prédéfinis, et n'annonçant aucunement une baisse générale des prix de ces produits.
Il y a donc lieu de débouter la société Comepa de sa demande de condamnation de la société Envitec à lui payer la somme de 103 400 euros au titre des commissions impayées.
Sur le non-respect de la clause d'exclusivité
Sollicitant l'infirmation du jugement entrepris sur ce point, la société Envitec soutient que la société Comepa Industries n'a pas rempli ses quotas de vente pour les années 2003, 2008, 2010 et 2011 (pièce appelante n° 12). A cet égard, elle fait valoir que le tribunal a dénaturé les termes de la relation contractuelle, d'une part, en considérant que les capteurs SpO2 entreraient dans le champ d'application du contrat de distribution et, d'autre part, qu'ils devraient être pris en compte au titre des quotas de vente fixé en 1995, à une date où ces capteurs n'existaient pas. Dans ces conditions, la société Comepa n'ayant pas rempli ses quotas concernant les capteurs énumérés dans le contrat, elle était donc contractuellement fondée à reprendre sa liberté concernant l'exclusivité et à livrer des clients en direct.
Par ailleurs, la société Envitec soutient qu'il ressort des éléments produits aux débats que les parties n'avaient pas envisagé la vente des produits visés au contrat auprès de manufacturiers et que, dans ces conditions, elle a dû revoir son mode de distribution en reprenant en direct la distribution auprès de la société Air Liquide. Partant, elle conclut que la reprise de ce client ne saurait être considérée comme fautive, d'autant que la société Comepa ne pouvait fidéliser ce client, étant toujours en retard dans ses paiements, ce qui retardait les livraisons et n'avait pas la compétence technique pour assurer l'après-vente à ce client.
La société Comepa Industries réplique que de telles allégations ne correspondent pas aux dispositions contractuelles et qu'elle a bien respecté ses quotas de vente. Elle précise qu'aucune clause ne réduisait son exclusivité de distribution sur le territoire français à une catégorie de clients.
L'article 3, intitulé " Obligation de livraison " de l'accord de distribution du 28 février 1995, prévoyait qu'afin d'obtenir les droits d'exclusivité, sur les produits énumérés à l'article 1 (Oxygen Sensor Types D, S, C, A et 18 000, appelés OOM201, OOM101, OOM102, OOM102-1, OOM103, OOM103-1 et OOM104), Comepa s'engageait " à effectuer une commande minimum de produits contractuels de : 1250 capteurs en 1995, 2750 capteurs en 1996 et pendant chacune des années suivantes pendant la durée de cet accord. Au cas où le nombre de capteurs spécifiés pour obtenir l'exclusivité ne serait pas atteint au cours de la période convenue, Envitec aurait le droit de transformer cet accord en contrat de distribution non exclusif, à condition que l'absence d'atteinte du seuil minimum de commandes ne soit pas de la responsabilité d'Envitec (...) ".
Il résulte de cet article que les types de capteurs rentrant dans le calcul des quotas étaient limitativement énumérés à l'article 1 du contrat, soit les capteurs OOM201, OOM101, OOM102, OOM102-1, OOM103, OOM103-1 et OOM104.
La société appelante verse aux débats un tableau décomposant par type de capteurs concernés le nombre de commandes de Comepa, qui fait apparaître que cette société n'avait pas atteint les quotas contractuels au titre des années 2003, 2008, 2010 et 2011 (pièce n° 12 de la société appelante).
La société Comepa ne conteste pas en tant que tels les chiffres de ce tableau qu'elle pourrait pourtant utilement contredire par la production de ses propres statistiques, puisqu'elle connaît pertinemment le montant de ses achats et le nombre de produits achetés par catégorie.
Elle se contente de prétendre que ce tableau est contredit par le tableau figurant en pièce 9 de la société Envitec. Ce tableau détaille, de 2009 à 2011, par grandes catégories de produits, le montant des achats totaux de la société Comepa auprès de la société Envitec, pour mettre en évidence la faible part représentée par les capteurs d'oxygène dans ces achats globaux. Elle reprend les chiffres mentionnés dans les lignes Oxygen Sensors Industrial et Oxygen Sensors Medical pour en déduire le dépassement des objectifs de 2009 à 2011. Mais ces chiffres ne détaillent pas les achats par types de capteurs de sorte que, représentant la totalité de la famille des capteurs, ils sont nécessairement plus élevés que les seuls capteurs, objets du contrat de distribution.
Elle ne saurait prétendre intégrer dans les quotas les capteurs non énumérés à l'article 1, ou de plus fort, les oxymètres SP02, apparus en 1999, qui répondent à des utilisations différentes et font appel à des techniques différentes. Si le contrat inclut les évolutions techniques de capteurs, il ne s'agit que des nouvelles versions ou mises à jour des capteurs énumérés au 1, à savoir des capteurs " contractuels ".
La société Envitec a donc pu considérer que l'exclusivité au profit de la société Comepa était levée, faute de respect des quotas, et livrer en direct, dès le 2 juillet 2012, la société Air Liquide.
Il y a donc lieu de débouter la société Comepa de sa demande dirigée contre la société Envitec pour captation du client Air Liquid.
Sur le caractère abusif de la résiliation
La société Comepa Industries fait valoir que la société Envitec a commis des manquements contractuels en retirant, sans l'accord écrit de la société Comepa, l'exclusivité de la distribution qu'elle avait initialement accordée, avec contrepartie financière, en suspendant les paiements des commissions relatives aux ventes effectuées à destination de la société Integral Process, et en contractant directement avec les clients de la société Comepa. Partant, elle conclut que la société Envitec a abusivement rompu le contrat de distribution exclusive, à effet au 3 juillet 2012.
La société Envitec réplique qu'aucune de ces pratiques n'est fautive, comme vu plus haut, et que de plus la société Comepa Industries n'a pas résilié le contrat litigieux, ce qui démontre que les fautes alléguées ne peuvent être considérées comme suffisamment graves pour justifier la résiliation du contrat aux torts de l'appelante. La société Envitec fait par ailleurs valoir en tout état de cause qu'en résiliant le contrat, par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 mars 2013, elle a respecté les dispositions contractuelles. Elle conclut dès lors que la résiliation du contrat ne présentait aucun caractère abusif.
La société Envitec a fait usage de son droit, prévu à l'article 9 du contrat, de ne pas le renouveler, moyennant le respect d'un préavis de six mois, qui a, en l'espèce, été porté à neuf mois. La résiliation intervenue, exclusive de toute mauvaise foi, est donc régulière.
Elle n'avait pas à alléguer des griefs à l'encontre de la société Comepa pour mettre en œuvre cette faculté, de sorte que les discussions engagées entre les parties sur les fautes contractuelles de la société Comepa sont sans effets dans cette demande, la société Envitec ne sollicitant pas que le contrat soit résilié aux torts de Comepa.
Les fautes alléguées contre la société Envitec ne sont pas établies, de sorte qu'aucune inexécution contractuelle, génératrice de dommages-intérêts, ne lui est imputable. La société Comepa sera également déboutée de cette demande.
Sur la demande de restitution sous astreinte
La société Envitec demande à la cour d'ordonner à la société Comepa Industries de lui rembourser la somme de 432 318,16 euros d'ores et déjà versée au titre de l'exécution provisoire du jugement du 17 mai 2016, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 2 novembre 2016 et ce, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard passé un délai de huit jours suivant la signification de l'arrêt à intervenir.
La cour constate que cette somme lui sera restituée en exécution du présent arrêt, sans qu'il soit besoin de l'assortir des intérêts au taux légal et d'une astreinte.
Sur les frais et dépens
Succombant au principal, la société Comepa sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et devra payer à la société Envitec la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : LA COUR, Annule le jugement entrepris, usant de son pouvoir d'évocation, Déboute la société Comepa de l'ensemble de ses demandes ; et, y ajoutant, Rejette la demande de la société Envitec tendant à assortir la restitution des sommes payées à la société Comepa des intérêts au taux légal et d'une astreinte ; Condamne la société Comepa aux dépens de première instance et d'appel ; Condamne la société Comepa à payer à la société Envitec la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.