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Décisions

CA Aix-en-Provence, 8e ch. B, 22 novembre 2018, n° 18-02108

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Too Beach (SAS)

Défendeur :

Sunkiss (SARL), AFJ Malibu Health Products Limited (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Gerard

Conseillers :

Mmes Pétel, Dubois

T. com. Toulon, du 27 juin 2012

27 juin 2012

Par actes du 11 mai 2010, la SARL Sunkiss a fait assigner la société de droit anglais Malibu Health Products Ltd et la SAS Société Nouvelle Drogali devant le tribunal de commerce de Toulon aux fins de, au visa des articles 1134, 1142 et 1382 du Code civil, L. 330-1 et suivants du Code de commerce, voir constater l'inexécution fautive par la société Malibu du contrat de distribution exclusive signé avec elle le 1er mars 2000, constater que la société Drogali ne pouvait ignorer la clause d'exclusivité entre les deux parties, se rendant coupable de concurrence déloyale à son égard, et par conséquent condamner " conjointement et solidairement " les sociétés Malibu et Drogali à lui payer la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Au soutien de ses demandes, la SARL Sunkiss, représentée par son gérant, M. X, exposait que, le 1er mars 2000, la société Malibu Health Products International Ltd, qui commercialise en France des produits solaires de marque Malibu au travers de circuit de grandes et moyennes surfaces et de commerçants indépendants, a conclu avec elle un contrat de grossiste distributeur pour la distribution de ses produits, le secteur de clientèle du concessionnaire étant les départements des Alpes-Maritimes et du Var ainsi que, dans le département des Bouches-du-Rhône, le territoire compris dans la frontière de ce département avec le Var jusqu'à Aubagne, que, aux termes de ce contrat, la société Malibu s'engageait " à ne pas travailler avec un autre grossiste ni traiter en direct avec les points dans le territoire défini ci-dessus ", que la société Drogali s'est rapprochée d'elle afin d'acquérir son activité de grossiste concernant différentes marques dont la marque Malibu, qu'elles se sont mises d'accord en janvier 2010 sur un prix de vente de 100 000 euros et le rachat du stock de marchandises des marques concernées, que la société Drogali devait obtenir l'accord de la société Malibu sur le transfert de ses conditions commerciales, à savoir l'exclusivité de la distribution sur la zone géographique concernée, que la société Malibu a envisagé de vendre ses produits à la société Drogali, laquelle n'a pas régularisé la cession de clientèle prévue.

Par jugement du 27 juin 2012, le tribunal de commerce de Toulon a :

- reçu en ses demandes la SARL Sunkiss et les a déclarées recevables vis-à-vis de la société Malibu Health Products Ltd,

- dit que la SAS Société Nouvelle Drogali s'est rendue activement complice du non-respect des engagements contractuels conclus entre la SARL Sunkiss et la société Malibu Health Products Ltd,

- condamné les sociétés Malibu Health Products Ltd et SAS Société Nouvelle Drogali à payer conjointement et solidairement à la SARL Sunkiss une somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la clause d'exclusivité du contrat à durée indéterminée sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil,

- débouté les sociétés Malibu Health Products Ltd et SAS Société Nouvelle Drogali de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- condamné les sociétés Malibu Health Products Ltd et SAS Société Nouvelle Drogali à payer conjointement et solidairement à la SARL Sunkiss une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné conjointement et solidairement les sociétés Malibu Health Products Ltd et SAS Société Nouvelle Drogali aux entiers dépens.

La SAS Société Nouvelle Drogali a interjeté appel de cette décision le 30 juillet 2012.

Par arrêt avant dire droit du 5 juin 2014, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, considérant qu'en première instance les dispositions de l'article L. 442-6 I 5 du Code de commerce avaient été soulevées, a sursis à statuer sur les demandes présentées, invitant les parties à s'expliquer sur la fin de non-recevoir d'ordre public tirée du défaut de pouvoir de la juridiction saisie par elle soulevée.

Par arrêt du 4 décembre 2014, la cour a déclaré irrecevable l'appel interjeté par la Société Nouvelle Drogali.

Statuant sur le pourvoi formé par la SAS Too Beach, anciennement dénommée Société Nouvelle Drogali à l'encontre de cette décision, la Cour de cassation, par arrêt du 29 mars 2017, a cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 décembre 2014, remis, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.

Selon déclaration du 6 février 2018, la SAS Too Beach a saisi la cour de renvoi.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées et déposées le 31 août 2018, auxquelles il convient de se référer par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la SAS Too Beach demande à la cour de :

- la recevoir en son appel, en ses dernières écritures, et la dire bien fondée,

à titre liminaire,

- déclarer irrecevable la société Sunkiss en sa demande de dommages et intérêts pour rupture brutale d'une relation commerciale établie,

- subsidiairement, si la cour ne déclare pas irrecevable la société Sunkiss en sa demande d'indemnités pour rupture abusive de la relation commerciale et qu'elle requalifie les faits de l'espèce de rupture abusive d'une relation commerciale établie entre la société Sunkiss et la société Malibu, dire que :

- le tribunal de commerce de Toulon aurait dû d'office relever les dispositions de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce et par voie de conséquence appliquer les dispositions relatives aux pouvoirs des juges pour statuer sur ce type de contentieux,

- les seules juridictions du premier degré investies du pouvoir de statuer sur les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce sont celles spécialement désignées par les articles D. 442-3 et R. 420-3 du même Code de commerce,

- la cour est sans pouvoir pour se prononcer au regard des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce et que le tribunal de commerce de Toulon ne l'était pas non plus,

- le tribunal de commerce de Toulon n'avait donc pas pouvoir pour statuer sur le litige, ce moyen relevant d'une fin de non-recevoir

- et, dans ce cas, annuler le jugement prononcé par le tribunal de commerce de Toulon en ce que ce dernier n'avait pas lui-même, de pouvoir pour se prononcer sur ces dispositions, remettant ainsi les parties en l'état où elles se trouvaient avant le dit jugement,

à titre principal, sur les demandes de la société Sunkiss ne relevant pas des dispositions des articles L. 442-6, I, 5° et D. 442-3 du Code de commerce,

- dire que la clause d'exclusivité du contrat de distribution est nulle,

- dire que les demandes de la société Sunkiss ne sont pas fondées,

- dire que l'action engagée par la société Sunkiss est abusive,

- réformer le jugement du tribunal de commerce de Toulon du 27 juin 2012 en toutes ses dispositions,

à titre subsidiaire, si la cour estime que la clause d'exclusivité était valide,

- dire qu'elle ne s'est rendue coupable d'aucune complicité de violation de ladite clause d'exclusivité,

- dire que la société Malibu l'a garantie contre tout problème avec la société Sunkiss,

- la mettre hors de cause et débouter la société Sunkiss de l'ensemble de ses demandes à son encontre,

- réformer le jugement du tribunal de commerce de Toulon du 27 juin 2012 en toutes ses dispositions,

en toutes hypothèses,

- débouter la société Sunkiss de toutes ses demandes tendant notamment à la confirmation du jugement sur certains chefs ainsi qu'à sa réformation sur les dommages et intérêts sollicités notamment au titre du non-respect de la clause d'exclusivité ou au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- plus généralement, débouter la société Sunkiss de toutes ses demandes formées notamment par voie d'appel incident,

- condamner la société Sunkiss à lui rembourser la somme de 100 107,17 euros saisie sur ses comptes ainsi que la somme de 129,70 euros au titre des frais de cette saisie,

- condamner la société Sunkiss au paiement de la somme de 50 000 euros à son profit à titre de réparation résultant de la procédure abusive,

- dire que la société Sunkiss a commis une pratique anticoncurrentielle ainsi qu'une concurrence déloyale à son encontre,

- condamner la société Sunkiss au paiement de la somme de 378 720 euros à son profit à titre de réparation résultant de la pratique anticoncurrentielle et de la concurrence déloyale pratiquée,

- condamner la société Sunkiss à lui verser la somme de 50 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Sunkiss aux entiers frais et dépens.

Par conclusions récapitulatives notifiées et déposées le 6 septembre 2018, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la société de droit anglais AFJ Malibu Health Products Limited demande à la cour de :

- déclarer irrecevables les demandes formulées par la société Sunkiss comme se heurtant à la fin de non-recevoir tirée de la compétence exclusive de l'article D. 442-3 du Code de commerce,

en tout état de cause,

- infirmer le jugement en ce qu'il a considéré qu'elle était liée par une clause d'exclusivité avec la société Sunkiss,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée solidairement et conjointement avec la société Drogali, à verser à la société Sunkiss la somme de 100 000 euros à titre de dommages intérêts,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée solidairement et conjointement avec la société Drogali, à verser à la société Sunkiss la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- rejeter toutes demandes, fins et prétentions de Sunkiss,

à titre subsidiaire,

- rejeter la demande de garantie de la société Drogali,

en tout état de cause,

- condamner la société Sunkiss à lui verser la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Sunkiss aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP Y.

Par conclusions notifiées et déposées le 5 juin 2018, auxquelles il y a lieu de se reporter en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la SARL Sunkiss demande à la cour de :

à titre principal :

- dire que l'appel est recevable,

- dire qu'elle bénéficiait d'un contrat de distribution exclusive avec la société Malibu Health Products Limited sur le secteur concédé,

- dire que la société Malibu Health Products Limited a manqué à son obligation contractuelle en ne respectant pas la clause d'exclusivité,

- dire que la société Drogali avait connaissance de cette clause d'exclusivité,

en conséquence :

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Toulon du 28 juin 2012 en ce qu'il a :

- dit que ses demandes étaient recevables vis-a-vis de la société Malibu Health Products Limited et Drogali,

- dit que la société Drogali s'est rendue activement complice du non-respect des engagements contractuels conclus entre elle et la société Malibu Health Products Limited,

- débouté les sociétés Malibu et Drogali de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- réformer sur le quantum des dommages-intérêts qui lui ont été alloués,

- condamner conjointement et solidairement les sociétés Malibu et Drogali à lui payer une somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la clause d'exclusivité du contrat à durée indéterminée sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil,

- débouter la société Drogali de toutes ses demandes reconventionnelles,

- subsidiairement, si la cour la déboutait de sa demande de dommages-intérêts à hauteur de 150 000 euros, confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a condamné les sociétés Malibu et Drogali à lui payer conjointement et solidairement une somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner conjointement et solidairement les sociétés Malibu et Drogali à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens distraits au profit de la SCP Z,

subsidiairement, si la cour d'appel venait à considérer qu'il n'existait pas de contrat de distribution exclusive,

- constater qu'il existe des relations commerciales établies rompues sans préavis,

en conséquence :

- déclarer l'appel irrecevable.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 11 septembre 2018.

Motifs

Sur l'existence d'une clause d'exclusivité :

L'appelante, la SAS Too Beach anciennement dénommée Société Nouvelle Drogali, et la société de droit anglais AFJ Malibu Health Products Limited contestent l'existence entre celle-ci et la SARL Sunkiss d'un contrat de distribution exclusive des produits Malibu au profit de cette dernière.

La SARL Sunkiss se prétend en effet bénéficiaire d'une clause d'exclusivité la liant à la société AFJ Malibu Health Products Limited pour la distribution des produits solaires de la marque Malibu.

Elle se prévaut à cet égard d'un contrat de grossiste distributeur daté du 17 février 2000, avec avenant signé le 1er mars 2000, conclu entre elle et Malibu Health Products International Limited.

La société AFJ Malibu Health Products Limited fait quant à elle valoir que ce contrat n'a pas été renouvelé, et subsidiairement qu'il n'a pas été repris par elle qui ne vient pas aux droits, mais a simplement racheté la marque, de la société Malibu Health Products International Limited, laquelle a fait l'objet d'une liquidation en 2005.

Sur ce, il ne peut qu'être constaté que, si la convention de distribution invoquée contient en son article 4 une clause d'exclusivité aux termes de laquelle " Malibu s'engage pendant la période du contrat, à ne pas travailler avec un autre grossiste dans la région définie à l'avenant... ", l'article 7, intitulé " durée-non exécution-fin ", prévoit notamment :

" Le présent contrat sera valable à compter du 1er février 2000 et prendra fin le 31 janvier 2001 sauf cas de rupture anticipée par application des dispositions du présent contrat.

A l'expiration de la première période contractuelle, les parties peuvent convenir de renouveler ce contrat pour une durée déterminée à condition que le Concessionnaire ait atteint ses objectifs et respecté ses obligations et que les parties se mettent d'accord sur les objectifs et d'autres termes et conditions pour l'année ou les années suivantes et ainsi de suite. Toutefois, les parties n'auront aucune obligation de négocier un tel renouvellement. "

Or, la SARL Sunkiss ne justifie, ni même ne prétend, qu'une quelconque convention ait été ultérieurement signée par les parties.

Elle soutient que le contrat s'est, d'année en année, renouvelé par tacite reconduction, laquelle a donné naissance à un contrat à durée indéterminée dont l'existence se déduit du comportement des parties qui, après la survenance du terme, ont continué à l'exécuter, manifestant ainsi leur volonté de le proroger.

Elle ajoute qu'il résulte clairement d'un courriel de la société Malibu Health Products Limited du 12 juin 2007 que l'exclusivité s'est poursuivie après le terme du contrat, et qu'en toute hypothèse, la tacite reconduction implique nécessairement le renouvellement de l'exclusivité, à défaut de quoi le contrat serait sans cause.

Mais, si ledit contrat ne se conçoit effectivement pas sans la clause d'exclusivité, il comporte, ainsi que le fait justement valoir le fournisseur, en son article 7 ci-dessus rappelé, une clause prévoyant un accord exprès des parties pour son renouvellement, laquelle s'oppose à la prétendue tacite reconduction dont entend se prévaloir la SARL Sunkiss.

Et le fait, attesté notamment par la production par cette dernière de factures émanant de la société Malibu Health Products Limited, que celle-ci, qui ne conteste nullement les relations commerciales entretenues, mais selon elle sur la base uniquement de commandes et livraisons, ait continué de la fournir en produits Malibu ne saurait justifier de l'existence entre ces deux sociétés d'un contrat d'exclusivité.

Quant au courriel du 12 juin 2007 invoqué par l'intimée, il fait suite à des courriels échangés la veille, 11 juin 2007, aux termes desquels le fournisseur, indiquant avoir été contacté par la société Drogali à Toulon qui s'intéressait à la distribution des produits Malibu dans sa région, se renseignait auprès de la SARL Sunkiss pour notamment connaître ses secteur d'activité et territoire géographique, en lui précisant qu'il n'envisageait pas de travailler avec d'autres qui pourraient être en concurrence avec elle, ce à quoi celle-ci, par son gérant, répondait :

" En effet, Drogali est mon principal concurrent et nous couvrons le même secteur.

En ce qui concerne mon secteur géographique, c'est celui qui avait été défini lors de nos accords avec Malibu en 1997-98 c'est-à-dire de la frontière italienne jusque Port de bouc après Marseille, étant donné que mon collègue de Béziers prenait le relais à partir de cette Zone.

Je livre aussi la Corse.

Nous entretenons de bonnes relations depuis 1998 et je serais vraiment mécontent si quelqu'un d'autre distribuait Malibu sur mon secteur. "

De tels échanges tendent davantage à établir l'absence de contrat d'exclusivité entre leurs auteurs que le contraire, dans la mesure où, comme le soutient la société Malibu Health Products Limited, ils apparaissent révélateurs de ce qu'elle était ignorante de la situation de la SARL Sunkiss, et où cette dernière ne s'est d'ailleurs alors nullement prévalue d'une clause de distribution exclusive.

Dans ces conditions, le jugement ne peut qu'être infirmé en ce qu'il a considéré que la société de droit anglais AFJ Malibu Health Products Limited et la SARL Sunkiss étaient liées par une clause d'exclusivité, et condamné les sociétés Malibu Health Products Ltd et Société Nouvelle Drogali, devenue SAS Too Beach, au paiement de dommages et intérêts pour non-respect de cette clause.

Sur la rupture de relations commerciales établies :

La SARL Sunkiss fait subsidiairement valoir que, à défaut de retenir l'existence d'un contrat entre elle et la société AFJ Malibu Health Products Limited, il devra être considéré qu'il existait entre les deux sociétés des relations commerciales établies, lesquelles ont été rompues sans préavis.

Elle invoque à cet égard, pour fondement de ses demandes, les dispositions des articles L. 442-6-5 et D. 442-3 du Code de commerce, et en déduit que, le litige étant indivisible puisque fondé indistinctement sur l'article L. 442-6-5 précité et le droit commun, et la cour d'appel de Paris étant seule compétente pour en connaître, l'appel doit être déclaré irrecevable en son ensemble.

Mais, comme le rappelle la SAS Too Beach, la cour d'appel de Paris ne dispose pas d'un pouvoir juridictionnel général et exclusif, et par ailleurs seules les juridictions du premier degré spécialement désignées par l'article D. 442-3 du Code de commerce sont investies du pouvoir de statuer sur les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6, de telle sorte que, si l'appel ne saurait être déclaré irrecevable, les demandes de la SARL Sunkiss désormais présentées sur ce fondement doivent l'être.

Sur les demandes reconventionnelles de la SAS Too Beach :

Exposant que l'intention de la SARL Sunkiss, qui ne peut ignorer qu'elle ne dispose pas de droit de distribution exclusive, de lui nuire est manifeste et ressort de ses demandes de dommages et intérêts hors de proportion, fantaisistes et qu'aucun élément ne vient corroborer, que, faisant preuve de malveillance et de mauvaise foi, l'action qu'elle a engagée est abusive et n'a pour seuls objectifs que de la contraindre à la cession qu'elle a refusée, et à défaut de la désorganiser, la SAS Too Beach sollicite la condamnation de l'intimée au paiement d'une somme de 50 000 euros à titre de réparation.

Par ailleurs, l'appelante demande la condamnation de la SARL Sunkiss à lui verser la somme de 378 720 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de la pratique anticoncurrentielle à laquelle l'intimée s'est adonnée en empêchant la société Malibu de la fournir entre 2007 et 2010 sur la base d'une obligation d'exclusivité aussi fantaisiste qu'imaginaire.

Sur ce dernier point, outre que le préjudice allégué n'est aucunement justifié, la SAS Too Beach ne peut imputer à la SARL Sunkiss le fait que la société AFJ Malibu Health Products Limited n'ait pas souhaité entretenir avec elle de relations commerciales antérieurement à l'année 2010.

S'agissant de la demande formulée pour procédure abusive, elle n'apparaît pas davantage justifiée.

En effet, étant d'ailleurs rappelé que l'action qu'elle a engagée a été accueillie en première instance, il n'est pas établi que la SARL Sunkiss, dont la malveillance, la mauvaise foi ou l'intention de nuire ne sont pas démontrées, ait laissé dégénérer en abus son droit d'agir en justice.

Sur les autres demandes :

En ce qui concerne la demande de la SAS Too Beach tendant à voir condamner la société Sunkiss à lui rembourser la somme de 100 107,17 euros saisie sur ses comptes ainsi que la somme de 129,70 euros au titre des frais de cette saisie, laquelle a été pratiquée en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire, il n'y a pas lieu de statuer, l'obligation de restitution résultant de plein droit de l'infirmation de ladite décision.

Au titre des frais irrépétibles, il sera alloué à chacune des sociétés SAS Too Beach et AFJ Malibu Health Products Limited une somme de 5 000 euros.

Par ces motifs LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Déclare la SARL Sunkiss irrecevable en ses demandes sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce, Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Statuant à nouveau, Déboute la SARL Sunkiss de l'ensemble de ses demandes à l'encontre des sociétés SAS Too Beach et AFJ Malibu Health Products Limited, Déboute la SAS Too Beach de ses demandes reconventionnelles en paiement de dommages et intérêts, Dit n'y avoir lieu de statuer sur sa demande de remboursement, Condamne la SARL Sunkiss à payer à la SAS Too Beach la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SARL Sunkiss à payer à la société de droit anglais AFJ Malibu Health Products Limited la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SARL Sunkiss aux dépens, ceux d'appel distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.