CA Montpellier, 2e ch., 27 novembre 2018, n° 14-07009
MONTPELLIER
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Conseil Départemental de l'Ordre des Chirurgiens Dentistes de l'Aude , Syndicat des Chirurgiens Dentistes de l'Aude
Défendeur :
Mutuelle Harmonie Santé & Services Sud Est , Syndicat des Chirurgiens Dentistes de l'Aude, M. Audoise du Chirurgien Dentiste , Conseil National de l'Ordre des Chirurgiens Dentistes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Prouzat
Conseillers :
Mmes Bourdon, Puigredo
Avocats :
Mes Escale, Apollis, Dardaillon, Boulet Gercourt
Faits et procédure - moyens et prétentions des parties :
L'Union Mutualiste Bonne Source Santé (B2 S), aux droits de laquelle vient aujourd'hui la Mutuelle Harmonie Santé & Services sud est, regroupe plusieurs mutuelles du département de l'Aude ; dans le cadre de son activité, elle a créé deux centres de soins dentaires à Narbonne en 2004 et 2009, puis un troisième centre à Carcassonne qui a été ouvert le 30 juillet 2012, après que l'Union Mutualiste B2S eut obtenue l'autorisation de l'autorité régionale de santé du Languedoc Roussillon ; à cette occasion, elle a mis à la disposition des adhérents des mutuelles membres de l'union une plaquette informative sur l'ouverture de ce nouveau centre de soins dentaires à Carcassonne et deux articles de presse sont parus le 11 et le 12 novembre 2012 dans les journaux " la dépêche du Midi " et " l'indépendant " relatant cette ouverture.
Par exploit du 15 avril 2013, le conseil départemental de l'ordre des chirurgiens dentistes de l'Aude et le syndicat des chirurgiens dentistes de l'Aude, reprochant à l'Union Mutualiste B2S d'avoir eu recours à des procédés de publicité prohibés par le Code de la santé publique et d'avoir ainsi mis en œuvre des procédés de concurrence déloyale portante atteinte à l'honneur et à l'intérêt de la profession, l'ont faite assigner en responsabilité et indemnisation de leurs préjudices devant le tribunal de grande instance de Carcassonne qui, par jugement du 2 juillet 2014, les a déboutés de toutes leurs demandes et condamnées in solidum à payer à la défenderesse la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le syndicat des chirurgiens dentistes de l'Aude a régulièrement relevé appel de ce jugement, le 15 septembre 2014 ; le conseil départemental de l 'ordre des chirurgiens dentistes de l'Aude a également interjeté un appel régulier de ce jugement, le 25 novembre 2014.
Les procédures d'appel enrôlées sous les numéros 14/07009 et 14/08855 ont été jointes par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 15 décembre 2015.
Le 26 mai 2016, le conseil départemental de l'ordre des chirurgiens dentistes de l'Aude et le conseil national de l'ordre des chirurgiens dentistes, intervenu volontairement à l'instance, ont saisi le conseiller de la mise en état d'une demande de sursis à statuer dans l'attente de trois arrêts de la Cour de cassation appelée à se prononcer sur l'applicabilité aux organismes mutualistes exploitant un centre de santé dentaire des dispositions du Code de la santé publique prohibant la publicité pour les chirurgiens dentistes ; ils exposaient également qu'un projet d'arrêté ministériel étendant l'application de ces dispositions aux organismes mutualistes était attendu prochainement ; le syndicat des chirurgiens dentistes de l'Aude s'est associé à la demande de sursis à statuer.
Par ordonnance du 2 novembre 2016, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande et le conseil départemental de l'ordre, le conseil national de l'ordre et le syndicat des chirurgiens dentistes de l'Aude,
qui avaient déféré cette ordonnance à la cour, se sont désistés de leurs recours, ce dont il leur a été donné acte par un arrêt du 28 novembre 2017.
Le syndicat des chirurgiens dentistes de l'Aude, en l'état des conclusions qu'il a déposées le 1er octobre 2018 via le RPVA, demande à la cour, sur le fondement des articles L. 4122-1 et L. 4121-2, R. 4127-209, R. 4127-218, R. 4127-219, R. 4227-247, R. 4127-201 et R. 4127-215 du Code de la santé publique et de l'article 1382 du Code civil, de :
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,
- condamner la Mutuelle B2S Union Mutualiste à lui payer la somme de 3000 euros à titre de réparation du préjudice subi,
- enjoindre la Mutuelle B2S Union Mutualiste de cesser sans délai tout acte publicitaire de concurrence déloyale sur tous supports tant matériels que virtuels à propos de son centre de soins situés à Carcassonne,
- ordonner la publication de la décision à intervenir aux frais avancés de la Mutuelle B2S Union Mutualiste dans les journaux " la dépêche du Midi " et " l'indépendant ", sans que le coût de chaque insertion ne soit inférieur à 500 euros,
- condamner, en tout état de cause, la Mutuelle B2S Union Mutualiste à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Au soutien de son appel, il fait valoir pour l'essentiel que :
- l'article R. 4127-201 du Code de la santé publique dispose que quelle que soit la forme de l'exercice choisie, salariée ou libérale, en mode individuel ou en société, les chirurgiens dentistes sont tous soumis aux règles posées par le Code de déontologie, ce dont il résulte que quand bien même l'activité serait exercée au sein d'une mutuelle, le Code de déontologie reste opposable à la structure et/ou à chaque chirurgien dentiste exerçant en son sein,
- la Mutuelle B2S Union Mutualiste n'a sollicité, préalablement à la parution de communiqués relatifs à l'ouverture de son centre de santé dentaire de Carcassonne dans les journaux " l'indépendant " et " la dépêche du Midi " et à la parution d'une plaquette publicitaire mise à disposition des patients, aucun agrément du conseil départemental de l'ordre en violation des dispositions de l'article R. 4127-219 du Code de la santé publique,
- en avançant, dans les articles parus dans la presse, la qualité de son personnel, les tarifs avantageux, l'accès aux soins du patient en situation de précarité, la prise en charge simplifiée du patient et une configuration géographique favorable, la mutuelle a mis en œuvre une publicité, prohibée par l'article R. 4127-215 du Code de la santé publique, destinée à promouvoir la qualité des soins dispensés au sein du centre de santé dentaire de Carcassonne, au détriment des chirurgiens dentistes exerçant sous forme libérale,
- la méconnaissance de ces règles constitue un acte de concurrence déloyale à l'égard de la profession de chirurgien dentiste, qui ne peut recourir à cette forme de publicité,
- la plaquette publicitaire de la mutuelle, mise à la disposition des futurs patients, constitue également un procédé direct de publicité prohibé par l'article R. 4127-215, puisqu'elle met en exergue l'investissement et la qualité du personnel ou encore les tarifs compétitifs du centre de santé,
- dès lors que cette plaquette a été diffusée aux adhérents de la mutuelle avant l'ouverture du centre, l'agrément préalable était obligatoire,
- les agissements de concurrence déloyale commis par la Mutuelle B2S Union Mutualiste ont porté atteinte à l'intérêt collectif de la profession de chirurgien dentiste, dont il est chargé d'assurer la protection, et lui ont donc causé un préjudice, dont il est fondé à réclamer la réparation.
Le conseil départemental de l'ordre des chirurgiens dentistes de l'Aude et le conseil national de l'ordre des chirurgiens dentistes, intervenant volontaire, dans les conclusions qu'ils ont déposées par le RPVA le 6 mars 2015, sollicitent de voir, au visa des articles 66 et 330 du Code de procédure civile, de la directive du 12 décembre 2006 (sic), des articles L. 4121-2 et L. 4123-1 du Code de la santé publique, des articles R. 4127-201, R. 4127-215, R. 4127-219 et R. 4127-247 du Code de la santé publique, des articles L. 6323-1 et D. 6223-5 du Code de la santé publique, de l'article L. 4121-1 du Code du travail et de l'article 1382 du Code civil ;:
- déclarer le conseil départemental de l'ordre des chirurgiens dentistes de l'Aude recevable et bien fondé en son appel,
- déclarer le conseil national de l'ordre des chirurgiens dentistes recevable et bien fondé en sa demande d'intervention volontaire,
- infirmer dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Carcassonne du 2 juillet 2014 et en conséquence,
- dire et juger que la Mutuelle Harmonie Santé & Services sud est s'est rendue fautive d'actes de publicité interdite et de communiqués interdits, constitutifs de concurrence déloyale à l'encontre de la profession des chirurgiens dentistes,
- enjoindre la Mutuelle Harmonie Santé & Services sud est de cesser tout acte publicitaire et tout acte de concurrence déloyale sur tous supports tant matériels que virtuels, sous astreinte de 1500 euros par manquement constaté par jour et support,
- interdire tout nouveau recours à des articles de presse en violation des dispositions de l'article R. 4127-219 du Code de la santé publique, sous la même astreinte,
- ordonner, s'il échet, la suppression des articles déjà parus sur tout support,
- ordonner la publication de la décision à intervenir aux frais solidairement avancés de la Mutuelle Harmonie Santé & Services sud est, dans la lettre du conseil national de l'ordre des chirurgiens dentistes, et dans un journal quotidien local, sans que le coût de l'insertion ne soit inférieur à 500 euros et dans la limite de 3000 euros par publication, ainsi que sur le site http://centredentairemutualiste b2- eiffel carcassonne. fr, et sur tout site qui s'y substituerait pendant une durée continue de 30 jours à compter du prononcé de la décision,
- condamner la Mutuelle Harmonie Santé & Services sud est à verser au conseil départemental de l'ordre des chirurgiens dentistes de l'Aude et au conseil national de l'ordre des chirurgiens dentistes la somme de 8000 euros, chacun, de dommages et intérêts au titre de la réparation de leur préjudice,
- condamner, en tout état de cause, la Mutuelle Harmonie Santé & Services sud est à payer au conseil départemental de l'ordre des chirurgiens dentistes de l'Aude et au conseil national de l'ordre des chirurgiens dentistes la somme de 5000 euros, chacun, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Ils exposent en substance que :
- le conseil national de l'ordre des chirurgiens dentistes est recevable dans son intervention volontaire pour la défense, à l'échelon national, de la profession dentaire eu égard à la contrariété grave à la loi que constitue la position divergente et discriminante adoptée en l'espèce par le tribunal,
- les deux articles de presse parus le 11 novembre 2012 constituent des actes de publicité auxquels le directeur du centre de soins dentaires de Carcassonne a collaboré et qui, en dépit de l 'activité non lucrative devant être celle d'un tel centre conformément à l'article L. 6323-19 du Code de la santé publique, ont permis à la mutuelle, qui en assure la gestion, de violer l'article R. 4127-215 du Code de la santé publique, prohibant toute forme de publicité, directe ou indirecte, mais également l'article R. 4127-219 du même Code relatif à l'agrément préalable des communiqués par le conseil départemental de l'ordre,
- la plaquette publicitaire élaborée et diffusée par la mutuelle est tout aussi illicite,
- le fait pour la mutuelle d'avoir eu recours à diverses formes de publicité, par voie de presse ou de plaquettes mises à la disposition de ses prospects, est constitutif de concurrence déloyale, dès lors que les praticiens salariés exerçant en son sein se trouvent ainsi favorisés par rapport aux chirurgiens dentistes exerçant leur profession en dehors du centre de santé mutualiste,
- la Mutuelle Harmonie Santé n'est pas fondée à soutenir qu'elle ne se trouve pas en situation concurrentielle, alors que les chirurgiens dentistes qu'elle emploie à temps partiel sont tenus d'une clause de loyauté les interdisant d'attirer les patients fréquentant le centre dentaire mutualiste dans un autre cabinet,
- la démarche publicitaire de la mutuelle, qui vante ses mérites cause de facto un détournement de patientèle à son seul avantage et au détriment des autres praticiens exerçant dans le même secteur.
Le 1er octobre 2018, le conseil départemental de l'ordre des chirurgiens dentistes de l'Aude et le conseil national de l'ordre des chirurgiens dentistes ont déposé de nouvelles conclusions et pièces et, le 2 octobre 2018, de nouvelles conclusions, identiques à celles du 1er octobre 2018, aux termes desquelles ils ont sollicité le rabat de la clôture au plus près de l'audience de plaidoiries prévue le 23 octobre 2018 à 14 heures.
La Mutuelle Harmonie Santé & Services sud est, dans les conclusions qu'elle a déposées le 1er octobre 2018 par le RPVA, sollicite, en premier lieu, de voir déclarer irrecevables les conclusions récapitulatives déposées le 1er octobre 2018, soit la veille du prononcé de l'ordonnance de clôture, par le conseil départemental de l'ordre des chirurgiens dentistes de l 'Aude et le conseil national de l 'ordre des chirurgiens dentistes, ainsi que des pièces n° 6 (les condamnations pour concurrence déloyale prenant en compte les règles déontologiques d'interdiction de publicité), 10 (avis du Défenseur des droits du 28 mai 2015), 13 (instruction DGOS n° 2013-402 du 19 décembre 2013) et 14 (rapport IGAS de juillet 2013) ; elle demande, par ailleurs, à la cour de déclarer irrecevable l'intervention volontaire du conseil national de l'ordre des chirurgiens dentistes, faute de qualité et d'intérêt à agir, et de confirmer le jugement entrepris, outre la condamnation in solidum des appelants à lui verser la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle soutient, pour sa part, que :
- le conseil national de l'ordre des chirurgiens dentistes n'est pas recevable dans son intervention volontaire, dès lors que le conseil départemental de l'ordre est recevable à agir au plan local où se situe l'intérêt collectif de la profession à défendre et que la position adoptée par le tribunal de grande instance de Carcassonne ne saurait à elle seule établir l'existence de son intérêt à agir
- les dispositions de l'article R. 4127-201 du Code de la santé publique, soumettant les chirurgiens dentistes à des règles déontologiques, ne sont pas applicables aux mutuelles gestionnaires de centres de soins, tels qu'ils sont définis par l'article L. 6323-6 du même Code,
- les règles déontologiques auxquelles se réfèrent l'article D. 6323-6 du Code de la santé publique sont celles ayant trait au respect du secret médical et l'examen du Code de la santé publique permet de se convaincre qu'il n'a jamais été question, dans l'esprit du législateur, de soumettre les centres de santé aux règles déontologiques propres la profession de chirurgiens dentistes,
- il ne peut être prétendu qu'elle se soit soumise volontairement aux règles déontologiques applicables aux chirurgiens dentistes en transmettant, le 17 septembre 2012, au conseil départemental de l'ordre la maquette de l'encart à paraître dans le journal " l'indépendant ", de même qu'en insérant dans les contrats de travail conclus avec les praticiens la mention selon laquelle ces derniers devront exercer leur art suivant les prescriptions du Code de déontologie,
- les articles de presse, parus bien après l'ouverture au public du centre de soins dentaires, le 30 juillet 2012, ne peuvent être considérés comme générateurs d'une publicité interdite ayant permis de détourner la patientèle, dès lors que l'information donnée y est objective, que les praticiens amenés à y travailler ne sont pas nommément désignés, ni même pris en photographie par les journalistes, et que la presse a décidé, seule et en toute indépendance, de la teneur des articles,
- les plaquettes d'information n'ont jamais été diffusées auprès du grand public, mais seulement auprès des adhérents des mutuelles, membres du groupement, et par le canal interne de ces mutuelles, sachant que l'on y trouve essentiellement l'adresse et les heures d'ouverture du centre dentaire et les informations relatives au tiers payant, que ces plaquettes prennent le soin de rappeler que les centres dentaires de B2S union mutualiste respectent le libre choix du praticien par le patient et qu'il n'est pas démontré en quoi les informations y figurant seraient dénuées d'objectivité,
- l'existence d'un préjudice et d'un lien de causalité entre ce préjudice et les faits, qui lui sont reprochés, ne se trouvent pas davantage établis, rien ne démontrant que les chirurgiens dentistes libéraux auraient subi une réelle diminution de patientèle, qui lui soit imputable et que l'honneur des membres de la profession aurait été entaché par les termes employés dans ses plaquettes informatives et par les articles de presse.
Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 2 octobre 2018.
Motifs de la décision :
1- la recevabilité des conclusions et pièces nouvelles déposées le 1er octobre 2018 par le conseil départemental de l'ordre des chirurgiens dentistes de l'Aude et le conseil national de l'ordre des chirurgiens dentistes :
Le dépôt tardif, sans qu'aucune raison légitime ne soit invoquée pour le justifier, de conclusions et de pièces par le conseil départemental de l'ordre des chirurgiens dentistes de l'Aude et le conseil national de l' ordre des chirurgiens dentistes ne saurait constituer une cause grave au sens de l'article 784 du Code de procédure civile de nature à entraîner la révocation de l'ordonnance de clôture.
Le simple fait pour le conseil départemental de l'ordre et le conseil national de l'ordre d'avoir déposé, le 1er octobre 2018, soit la veille du prononcé de l'ordonnance de clôture, alors que les parties avaient été avisées de la fixation de l'affaire le 3 avril 2018, de nouvelles conclusions comportant 42 pages au lieu de 33 précédemment et de nouvelles pièces, mettant ainsi la Mutuelle Harmonie Santé & Services sud est dans l'impossibilité d'en prendre connaissance et, éventuellement, d'y répondre avant la clôture de l'instruction, caractérise une violation du principe du contradictoire et du droit au procès équitable, énoncés aux articles 16 du Code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il y a donc lieu de déclarer irrecevables ces conclusions déposées le 1er octobre 2018 et celles déposées le 2 octobre 2018, identiques aux précédentes et seulement destinées à solliciter le rabat de la clôture, ainsi que les pièces nouvelles n° 6 (les condamnations pour concurrence déloyale prenant en compte les règles déontologiques d'interdiction de publicité), 10 (avis du Défenseur des droits du 28 mai 2015) et 14 (rapport IGAS de juillet 2013) ; la pièce n° 13 (instruction DGOS n° 2013-402 du 19 décembre 2013), qui avait été précédemment communiquée avec les conclusions déposées le 6 mars 2015 en pièce n° 9, ne saurait, en revanche, être écartée des débats.
2- la recevabilité de l'intervention volontaire du conseil national de l'ordre des chirurgiens dentistes :
L'article 554 du Code de procédure civile dispose qu'une personne, qui n'a été ni partie, ni représentée en première instance ou qui y a figuré en une autre qualité, peut intervenir en cause d'appel dès lors qu'elle y a intérêt ; selon l'article 330 du Code de procédure civile, l'intervention est accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie et elle est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie ; en l'occurrence, il ne peut être dénié au conseil national de l'ordre, lequel remplit sur le plan national la mission définie à l'article L. 4121-2 du Code de la santé publique et veille notamment à l'observation, par tous les membres de l'ordre, des devoirs professionnels et des règles édictées par le Code de déontologie prévu à l'article L. 4127-1, un intérêt légitime à soutenir l'action du conseil départemental de l'ordre des chirurgiens dentistes de l'Aude quant à l'application au centre de santé dentaire de Carcassonne, géré par la Mutuelle Harmonie Santé & Services sud est, au sein duquel exercent des chirurgiens dentistes salariés, des règles déontologiques prohibant notamment tous procédés directs ou indirects de publicité ; l'intervention volontaire du conseil national de l'ordre des chirurgiens dentistes doit ainsi être déclarée recevable.
3- la soumission de l'Union Mutualiste Bonne Source Santé (B2 S), aux droits de laquelle vient la Mutuelle Harmonie Santé & Services sud est, gérant le centre de santé dentaire de Carcassonne, aux règles déontologiques des chirurgiens dentistes :
L'article R. 4127-201 du Code de la santé publique énonce que les dispositions du présent Code de déontologie s'imposent à tout chirurgien dentiste inscrit au tableau de l'ordre, à tout chirurgien dentiste exécutant un acte professionnel dans les conditions prévues à l'article L. 4112-7 ou par une convention internationale, quelle que soit la forme d'exercice de la profession, qu'elles s'appliquent également aux étudiants en chirurgie dentaire mentionnés à l'article L. 4141-4 et que les infractions à ces dispositions relèvent de la juridiction disciplinaire de l'ordre ; aux termes de l'article L. 6323 -1 du Code de la santé publique, les centres de santé sont des structures sanitaires de proximité, dispensant des soins de premier recours et, le cas échéant, de second recours et pratiquant à la fois des activités de prévention, de diagnostic et de soins, au sein du centre, sans hébergement, ou au domicile du patient, qui assurent, le cas échéant, une prise en charge pluri professionnelle, associant des professionnels médicaux et des auxiliaires médicaux, qui réalisent, à titre principal, des prestations remboursables par l'assurance maladie et qui sont ouverts à toutes les personnes sollicitant une prise en charge médicale ou paramédicale relevant de la compétence des professionnels y exerçant ; l'article D. 6223 -25 dispose que pour chaque patient pris en charge dans un centre de santé, un dossier comportant l'ensemble des informations de santé nécessaires aux décisions diagnostiques et thérapeutiques est constitué dans le respect de la confidentialité et des règles déontologiques propres aux professionnels de santé concernés.
Il ne peut être soutenu que les dispositions du Code de déontologie, qui s'appliquent aux professionnels définis à l'article R. 4127-201 du Code de la santé publique, sont de plein droit opposables aux personnes morales gestionnaires d'établissements privés de santé, qui les emploient, comme en l'occurrence la Mutuelle Harmonie Santé & Services sud est, gestionnaire du centre mutualiste dentaire de Carcassonne ; par ailleurs, si la mutuelle a, par courriel du 17 septembre 2012, soumis à l'agrément du président du conseil départemental de l'ordre le communiqué, qu'elle se proposait de faire paraître dans la presse à l'occasion de l'ouverture du centre dentaire de Carcassonne (" B2S union mutualiste vous informe de l'ouverture depuis le 30 juillet 2012 d'un centre de santé dentaire mutualiste 230, rue Gustave Eiffel Zac la Ferraudière 11100 Carcassonne, soins et prothèses dentaires sur RV tél. 04 68 33 0000 ") comme l'impose l'article R. 4127-219, il ne peut en être déduit qu'elle a ainsi entendu se soumettre elle même, de manière volontaire, au Code de déontologie, alors qu'elle employait des chirurgiens dentistes eux mêmes soumis audit Code et que le communiqué concernant l'ouverture du centre, au sein duquel travaillaient ces derniers, devait nécessairement être soumis à l'agrément préalable du conseil départemental de l'ordre.
Le fait de mentionner dans les contrats de travail des chirurgiens dentistes, employés au sein du centre de santé dentaire, que le praticien exercera son art en toute indépendance suivant les prescriptions du Code de déontologie et les dispositions légales en vigueur (article 3 : exercice professionnel) et que de son côté, la mutuelle s'engage à mettre à la disposition de celui ci (') tous les moyens nécessaires pour lui permettre d'exercer son art dans les meilleures conditions (article 5 : moyens mis à disposition), ne peut davantage être regardé comme valant engagement de la mutuelle à respecter personnel lement les règles déontologiques appl icables aux chirurgiens dentistes, employés par elle.
C'est donc à juste titre que le premier juge a dit que les dispositions du Code de déontologie des chirurgiens dentistes n'étaient pas applicables à l'Union Mutualiste Bonne Source Santé, gérant le centre de santé dentaire créé par celle ci à Carcassonne.
4- la concurrence déloyale imputée à l'Union Mutualiste Bonne Source Santé (B2 S), aux droits de laquelle vient la Mutuelle Harmonie Santé & Services sud est :
L'utilisation d'un procédé déloyal ayant pour effet de déstabiliser ou de diminuer la capacité de concurrence d'un opérateur économique ou d'un groupe d'opérateurs, dès lors qu'il en résulte un trouble commercial fut il simplement moral, engage la responsabilité de son auteur sur le fondement de l'article 1382 (ancien) du Code civil, devenu l'article 1240 ; en application d'un tel principe, un centre de santé, régi par les dispositions de l'article L. 6323-6 du Code de la santé publique et soumis pour son activité aux conditions de fonctionnement prévues aux articles D. 6323-2 et suivants du même Code, s'il doit délivrer au public des informations objectives relatives, notamment, aux prestations de soins dentaires qu'il propose, ne peut en revanche, sans exercer de concurrence déloyale, recourir à des procédés publicitaires concernant ses prestations de nature à favoriser le développement de l'activité des chirurgiens dentistes qu'il emploie, dès lors que les chirurgiens dentistes sont soumis, en vertu de l'article R. 4127-215, à l'interdiction de tous procédés directs ou indirects de publicité.
La notion de publicité est notamment précisée par la Directive 84/450/CEE du Conseil du 10 septembre 1984 alors en vigueur (relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de publicité trompeuse) comme étant toute forme de communication faite dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale dans le but de promouvoir la fourniture de biens ou de services, y compris les biens immeubles, les droits et les obligations.
Au cas d'espèce, à l'occasion de l'inauguration du centre de santé mutualiste de Carcassonne, deux articles sont parus, le premier dans le journal " la dépêche du Midi " du dimanche 11 novembre 2012, le second dans le journal " l'indépendant " du lundi 12 novembre 2012 ; conviés à cette inauguration, les journalistes des deux quotidiens ont fait état, dans ces articles, des propos tenus par le directeur du centre (Bernard T.) évoquant une structure venant renforcer l'offre de soins bucco dentaires aux prix les plus bas possibles, l'installation d'un fauteuil, puis de trois fauteuils pour 2014, un centre ouvert à tous, mutualistes ou pas, pouvant offrir des prix très concurrentiels grâce notamment à une politique d'achats groupés et à une rationalisation des techniques de soins, la philosophie mutualiste, celle qui permet d'offrir, même aux publics les plus démunis, des soins de qualité, un établissement ouvert à tous contribuant à la baisse du taux de renoncement aux soins dentaires, tant auprès du public fragilisé que de la population active et une grille tarifaire basée sur la transparence, le respect des tarifs conventionnés et un rapport qualité prix optimum.
Les propos du directeur du centre ainsi rapportés dans deux quotidiens régionaux, largement diffusés auprès du public, ne peuvent être regardés comme de simples informations objectives sur le fonctionnement du centre et la nature des soins dentaires, qui y sont pratiqués, mais comme une action de communication, destiné à toucher le plus large public possible et à promouvoir auprès de celui ci les services offerts dans le centre, qui venait de s'ouvrir le 30 juillet 2012 à Carcassonne, rue Gustave Eiffel, puisqu'y sont présentés les avantages offerts par un tel centre, ouvert à tous, mutualistes ou pas, offrant les prix les plus bas possibles, des prix concurrentiels grâce à une politique d'achats groupés et à une rationalisation des techniques de soins , une grille tarifaire basée sur la transparence , le respect des tarifs conventionnés et un rapport qualité prix optimum.
La Mutuelle Harmonie Santé & Services sud est ne peut sérieusement soutenir qu'elle n'a eu aucune " mainmise " sur le contenu de ces articles et que c'est en toute indépendance que la presse a décidé, seule, de leur teneur, alors qu'en invitant la presse à l'inauguration de son centre de santé, elle ne pouvait ignorer que les propos, qui seraient tenus aux journaliste dépêchés pour couvrir l'événement, vantant l'attractivité du centre, allaient être rapportés dans deux quotidiens régionaux d'information et permettraient d'en assurer la promotion auprès du public.
Par ailleurs, lors de l'ouverture du centre de santé dentaire, la mutuelle a diffusé auprès de ses adhérents, ce qu'elle ne conteste pas, une plaquette mentionnant l'adresse, les heures d'ouverture du centre et le plan d'accès, mais contenant également un message destiné à le promouvoir auprès du public afin d'inciter celui ci à s'y faire soigner ; même si la dispense d'avance de frais, dont il est fait état dans la plaquette, se réfère à l'obligation faite en France aux centres de santé de proposer à tous leurs patients le tiers payant en vertu d'un accord conclu le 19 novembre 2002 entre la Caisse nationale de l'assurance maladie et les organisations représentatives des gestionnaires des centres de santé, il n'en demeure pas moins qu'en mettant l'accent sur la modération des dépenses, la technicité du matériel (des plateaux techniques performants offrant des conditions d'hygiène optimale), la présence d'une équipe qualifiée et l'accueil dans un cadre convivial et fonctionnel, la plaquette en cause, agrémentée de photographies présentant les bas de visages de trois personnes aux dents saines, un fauteuil de chirurgien dentiste rutilant et un cabinet dentaire moderne, participe à l'évidence d'un message publicitaire, dont l'objectif est d'assurer la promotion commerciale du centre.
Ainsi, le fait pour l'Union Mutualiste Bonne Source Santé, aux droits de laquelle vient la Mutuelle Harmonie Santé & Services sud est, d'avoir eu recours à de tels procédés publicitaires, par voie de presse et de plaquettes diffusées auprès du public, constitue un agissement de concurrence déloyale visant à favoriser le développement de l'activité des chirurgiens dentistes qu'elle emploie dans son centre de santé, au détriment des autres chirurgiens dentistes soumis, par le Code de déontologie, à l'interdiction de pratiquer toute forme de publicité, directe ou indirecte ; les contrats de travail des chirurgiens dentistes employés par le centre font d'ailleurs interdiction à ceux ci, pendant la durée de leurs contrats et sous quelque forme que ce soit, d'attirer les patients fréquentant le centre dentaire mutualiste, dans un autre cabinet (article 15 : loyauté) ; un tel agissement cause nécessairement un trouble commercial aux chirurgiens dentistes du département de l'Aude soumise à l'interdiction de toute publicité, en sorte que le syndicat des chirurgiens dentistes de l'Aude, le conseil départemental de l'ordre des chirurgiens dentistes de l'Aude et le conseil national de l'ordre des chirurgiens dentistes sont fondés à demander réparation.
Le préjudice subi sera suffisamment réparé par l'allocation au profit du syndicat des chirurgiens dentistes de l'Aude de la somme de un euro à titre de dommages et intérêts et au profit du conseil départemental de l'ordre des chirurgiens dentistes de l'Aude et du conseil national de l'ordre des chirurgiens dentistes, ensemble, d'une somme identique de un euro, outre des mesures de publication de la décision dans la presse et sur le site Internet de la mutuelle, selon des modalités qui seront définies ci après.
L'article L. 6323-1-9 du Code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2018-17 du 12 janvier 2018 (relative aux conditions de création et de fonctionnement des centres de santé) dispose désormais que toute forme de publicité en faveur des centres de santé est interdite ; il est donc inutile de faire injonction à la Mutuelle Harmonie Santé & Services sud est de cesser de pratiquer toute forme de publicité ou de lui faire interdiction d'y recourir par voie de presse ou autrement, sachant qu'il n'est pas soutenu, ni même allégué, qu'elle ait commis, depuis 2012, d'autres agissements de concurrence déloyale, de même nature.
Au regard de la solution apportée au règlement du litige, la Mutuelle Harmonie Santé & Services sud est doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'au paiement d'indemnités de procédure sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, qui seront précisées dans le dispositif.
Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Dit n'y avoir lieu à révoquer l'ordonnance de clôture et déclare irrecevables les conclusions déposées le 1er octobre 2018 par le conseil départemental de l'ordre des chirurgiens dentistes de l 'Aude et le conseil national de l ' ordre des chirurgiens dentistes et celles déposées le 2 octobre 2018, ainsi que les pièces nouvelles n° 6, 10 et 14, Déclare l'intervention volontaire du conseil national de l'ordre des chirurgiens dentistes, recevable, Au fond, confirme le jugement du tribunal de grande instance de Carcassonne en date du 2 juillet 2014 en ce qu'il a dit que les dispositions du Code de déontologie des chirurgiens dentistes n'étaient pas applicables à l'Union Mutualiste Bonne Source Santé, gérant le centre de santé dentaire créé par celle ci à Carcassonne, Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau, Dit qu'en ayant eu recours à des procédés publicitaires, par voie de presse via la parution de deux articles dans " la dépêche du Midi " du 11 novembre 2012 et " l'indépendant " du 12 novembre 2012 et au moyen de plaquettes diffusées auprès du public, afin de promouvoir l'activité des chirurgiens dentistes employés dans le centre de santé dentaire, qu'elle venait d'ouvrir, le 30 juillet 2012, à Carcassonne 230, rue Gustave Eiffel Zac la Ferraudière, l'Union Mutualiste Bonne Source Santé (B2 S), aux droits de laquelle vient la Mutuelle Harmonie Santé & Services sud est, a commis un acte de concurrence déloyale au détriment des chirurgiens dentistes du département de l'Aude soumis, par le Code de déontologie, à l'interdiction de pratiquer toute forme de publicité, directe ou indirecte, et a ainsi engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 (ancien) du Code civil, devenu l'article 1240, Condamne la Mutuelle Harmonie Santé & Services sud est à payer au syndicat des chirurgiens dentistes de l'Aude la somme de un euro à titre de dommages et intérêts et au conseil départemental de l'ordre des chirurgiens dentistes de l'Aude et au conseil national des chirurgiens dentistes, ensemble, la même somme de un euro à titre de dommages et intérêts, Ordonne la publication d'un extrait du présent arrêt, aux frais avancés de la Mutuelle Harmonie Santé & Services sud est, dans les journaux " la dépêche du Midi " et " l'indépendant ", sans que le coût de chaque insertion ne soit inférieur à 500 euros et dans la limite de 3000 euros, Ordonne également la publication d'un extrait du présent arrêt sur le site Internet http://centredentairemutualiste b2- eiffel carcassonne. fr ou sur tout autre site, qui s'y serait substitué, pendant une durée continue de trente jours, Rejette toutes autres demandes, Condamne la Mutuelle Harmonie Santé & Services sud est aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer au syndicat des chirurgiens dentistes de l'Aude la somme de 3000 euros et au conseil départemental de l'ordre des chirurgiens dentistes de l'Aude et au conseil national des chirurgiens dentistes, ensemble, la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Dit que les dépens seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même Code,