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Décisions

CA Chambéry, ch. civ. sect. 1, 27 novembre 2018, n° 17-00981

CHAMBÉRY

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Hotel Le Lana (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Greiner

Conseillers :

Mmes Fouchard, Real Del Sarte

TGI Albertville, du 31 mars 2017

31 mars 2017

Les époux X ont réservé un séjour dans la suite " Prestige " pour la période du 23/12/2014 au 02/01/2015 à l'hôtel Le Lana situé à Courchevel 1850 au prix de 55 000 euros.

Ils ont versé la somme de 27 500 euros à la réservation le 17/09/2014 et le solde le 23/10/2014.

Par courriel du 15/12/2014, ils ont annulé leur séjour. En réponse, par courriel du 16/12/2014 l'hôtel indiquait qu'il allait faire de son mieux comme prévu pour revendre la suite Prestige.

Par courrier recommandé avec AR du 19/01/2015, le conseil des époux X, faisant valoir que l'établissement avait pu relouer la suite pour la période initialement réservée par ces derniers et mettait en demeure la société Hotel Le Lana SE de leur rembourser la somme de 55 000 euros.

Par acte du 16/03/2015, les époux X ont fait assigner la société Hotel Le Lana SE en sollicitant avec exécution provisoire sa condamnation au paiement de la somme de 55 000 euros outre celle de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement, assorti de l'exécution provisoire, en date du 31/03/2017, le tribunal de grande instance d'Albertville a :

Dit que la clause prévoyant les conditions d'annulation et de remboursement était abusive,

Condamné la SA Hotel Le Lana SE à payer à M. X et Mme X :

- la somme de 55 000 euros en remboursement de la prestation

- la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La SA Hotel Le Lana a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions en date du 26/10/2017, l'appelante demande à la cour de :

Réformant le jugement du 31/03/2017,

- Voir débouter les époux X de leurs prétentions,

- Voir dire que c'est à bon droit qu'elle peut conserver la somme de 55 000 euros à titre d'indemnité forfaitaire,

' Voir condamner les époux X à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Aux termes de leurs conclusions en date du 28/09/2017 les époux X demandent à la cour de :

- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Albertville le 31/03/2017,

- Condamner la société Hotel Le Lana SE à leur verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

L'ordonnance de clôture est en date du 10 septembre 2018.

Motifs de la décision

Sur la demande principale

Aux termes de l'article L. 131-1 du Code de la consommation dans sa rédaction applicable à l'époque des faits, " sauf stipulation contraire, pour tout contrat de vente ou de prestation de services conclu entre un professionnel et un consommateur, les sommes versées d'avance sont des arrhes au sens de l'article 1590 du Code civil. Dans ce cas chacun des contractants peut revenir sur son engagement, le consommateur en perdant les arrhes, le professionnel en les restituant au double. "

L'article 1590 du Code civil énonce :

" Si la promesse de vendre a été faite avec des arrhes, chacun des contractants est maître de s'en départir.

Celui qui les a donnés en les perdant.

Et celui qui les a reçues, en restituant le double. "

Par ailleurs, selon l'article L. 132-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable à l'époque des faits, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Aux termes de l'article R. 132-2 sont présumées abusives au sens des dispositions de l'article L. 132-1, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant notamment pour objet et pour effet de :

" Autoriser le professionnel à conserver des sommes versées par le non professionnel ou consommateur lorsque celui-ci renonce à conclure ou exécuter le contrat sans prévoir réciproquement le droit pour le non professionnel ou consommateur de percevoir une indemnité d'un montant équivalent au moins égal au double en cas de versement d'arrhes au sens de l'article L. 144-1 si c'est le professionnel qui renonce. "

Il résulte de ce texte que pour n'être pas abusive, la clause rédigée en application des articles L. 131-1 du Code de la consommation et 1590 du Code civil, doit nécessairement prévoir et mentionner les conditions de restitution des arrhes par le professionnel qui renonce à l'exécution du contrat.

En l'espèce, les conditions générales de vente affichées sur le site internet de l'Hotel Le Lana datées du 20/02/2015 mentionnent :

Les réservations ne seront considérées comme définitives qu'accompagnées d'arrhes correspondant à 50 % du séjour en saison et 100 % du séjour en haute-saison et Noël et Jour de l'an et ne seront remboursables en cas d'annulation même en cas de force majeure.

Par ailleurs sur la facture pro-forma du 23/10/2014 émise par l'hôtel figurent les mentions suivantes :

Premier versement lors de la confirmation : 27 500 euros payés par American Express le 17/09/2014 Solde dû 60 jours avant l'arrivée : 27 500 euros payés par American Express le 23 octobre 2014.

Veuillez trouver ci-joint notre politique d'annulation :

Annulation jusqu'à 90 jours avant la date d'arrivée : facturation de 15 % du solde dû

Annulation entre 89 et 60 jours avant la date d'arrivée : facturation de 50 % du solde dû

Annulation entre 59 jours et la date d'arrivée : facturation de 100 % du solde dû.

En l'absence de toute mention relative à la conséquence symétrique en cas d'annulation par le prestataire, c'est à bon droit que le premier juge a considéré la clause comme étant abusive au sens des dispositions précitées et réputée non écrite.

En outre, c'est à l'issue d'une analyse pertinente, exhaustive, exempte d'insuffisance que les premiers juges ont retenu :

Qu'il résulte des échanges de courriels intervenus entres les parties après l'annulation du séjour que l'hôtel Le Lana s'était engagé à faire son possible pour revendre la suite et à tenir informé les époux X du résultat de ses diligences,

Qu'en réponse à un courriel d'un client, M. Y, ami des époux X, qui avait formulé une demande de réservation le 22 décembre 2014 de 2 chambres ou suites sur la période annulée, l'hôtel a répondu n'avoir plus aucune chambre de disponible, et qu'il y a lieu d'en déduire que la suite avait été relouée sans que l'hôtel n'en ait avisé les époux X, manquant ainsi à son engagement,

Que la société Hotel Le Lana s'est gardée de justifier de son planning sur cette période et de ce que la suite Prestige était restée disponible et reste taisante sur cette absence de justification,

Qu'elle ne peut sérieusement soutenir sans se contredire qu'elle n'aurait pas reloué la suite volontairement afin de la laisser à la disposition des époux X à qui il incombait de s'arranger avec leurs amis,

Que le fait par la société American Express d'avoir recrédité le compte de l'hôtel du montant de la prestation après réclamation de ce dernier, est sans incidence aucune sur le caractère bien fondé de ce prélèvement,

Qu'enfin en s'engageant à faire le nécessaire pour relouer la suite, la société Hotel Le Lana a empêché les époux X d'y procéder eux mêmes auprès de leurs amis ou surtout finalement de faire profiter un proche de ce séjour " perdu ".

C'est dès lors à bon droit que le tribunal, constatant que les conditions de vente étaient inopposables aux clients et considérant que la société l'Hotel Le Lana avait reloué ladite suite, a dit que celui-ci devait procéder au remboursement des sommes perçues.

Sur les demandes accessoires

Il serait inéquitable de laisser à la charge des époux X le montant des frais irrépétibles exposés par eux en cause d'appel et la société Hotel Le Lana SE sera condamnée à leur verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Hotel Le Lana SE qui succombe en appel est tenue aux dépens.

Par ces motifs LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Condamne la SA Hotel Le Lana SE à payer à M. X et Mme X la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SA Hotel Le Lana SE aux dépens exposés en appel.