Cass. 1re civ., 28 novembre 2018, n° 17-21.625
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Caisse de crédit mutuel d'Ozoir-la-Ferrière
Défendeur :
Gunapalan, Kandiah
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Batut
Rapporteur :
Mme Barel
Avocat général :
M. Sudre
Avocats :
Me Le Prado, SCP Thouvenin, Coudray, Grévy
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte du 13 mai 2011, la Caisse de crédit mutuel d'Ozoir-la-Ferrière (la banque) a consenti à Mme Vairamuthu, veuve Kandiah, et Mme Tharsini Kandiah, épouse Gunapalan, (les emprunteurs) un prêt d'un montant de 232 530 euros, destiné à financer l'acquisition d'un bien immobilier ; que, par lettre recommandée du 15 novembre 2012, la banque a prononcé la déchéance du terme en application de l'article 17 du contrat, au motif que le prêt avait été obtenu à l'aide de documents falsifiés ; que, par acte du 1er octobre 2014, elle a signifié aux emprunteurs un commandement de payer valant saisie immobilière et les a assignés à l'audience d'orientation devant le juge de l'exécution ; que les emprunteurs ont soulevé une fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale et se sont prévalus du caractère illicite ou abusif de l'article 17 du contrat de prêt ;
Sur le premier moyen : - Vu l'article 455 du Code de procédure civile ; - Attendu qu'après avoir, dans ses motifs, retenu que l'action en paiement de la banque n'était pas prescrite, l'arrêt confirme, en toutes ses dispositions, le jugement, qui l'avait déclarée prescrite ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Et sur le second moyen : - Vu l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 du Code de la consommation ; - Attendu que, pour dire abusive la clause prévue à l'article 17 du contrat, selon laquelle les sommes dues par l'emprunteur seront de plein droit immédiatement exigibles en cas d'inexactitude de l'une de ses déclarations sur des éléments essentiels ayant déterminé l'accord de la banque ou de nature à compromettre le remboursement du prêt, et, pour s'en prévaloir, le prêteur en avertira l'emprunteur par écrit, l'arrêt retient que la clause litigieuse laisse au seul prêteur l'appréciation du caractère inexact de ces déclarations en le laissant décider du caractère essentiel des éléments sur lesquels elles portent et décider si elles ont été de nature soit à déterminer l'accord de la banque, soit à compromettre le remboursement du prêt, et qu'une simple information de l'emprunteur suffit, sans même ouvrir la possibilité d'une contestation de l'emprunteur sur le bien-fondé de la déchéance, de sorte que la clause litigieuse octroyait au prêteur un pouvoir discrétionnaire de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la clause litigieuse prévoyait le prononcé de la déchéance du terme seulement en cas de déclaration inexacte des emprunteurs sur des éléments essentiels ayant déterminé l'accord de la banque ou pouvant compromettre le remboursement du prêt, sans exclure le recours au juge, de sorte que cette stipulation, qui visait à prévenir un défaut d'exécution de leurs engagements par les emprunteurs ayant manqué à l'obligation de loyauté lors de la formation du contrat, n'avait pas pour objet ni pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment des emprunteurs, la cour d'appel a violé les dispositions du texte susvisé ;
Par ces motifs : casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.