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Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch., 13 décembre 2018, n° 16-04107

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Chaumet International (SA)

Défendeur :

L'Hermine (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Aimar

Conseillers :

MM. Fohlen, Prieur

Avocats :

Mes Cherfils, Touraille, Paban, Badie, Labi

CA Aix-en-Provence n° 16-04107

13 décembre 2018

Vu les articles 455 et 954 du Code de procédure civile,

Vu le jugement contradictoire du 22 février 2016 rendu par le tribunal de commerce de Marseille,

Vu l'appel interjeté le 7 mars 2016 par la SA Chaumet International,

Vu les dernières conclusions de la SA Chaumet International appelante en date du 18 septembre 2018,

Vu les dernières conclusions de la SARL L'Hermine, intimée en date du 5 août 2016,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 15 octobre 2018,

Sur ce, LA COUR,

Il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures des parties,

Il sera simplement rappelé que :

Depuis 1780, la société Chaumet exerce l'activité de joaillier à Paris. A ce titre, elle crée, fabrique distribue des modèles déposés de joaillerie et d'horlogerie.

Certains de ces produits constituent les collections de distribution que Chaumet destine à la vente au détail par l'intermédiaire d'un réseau de distributeurs spécialement sélectionnés à cet effet.

La très grande qualité des produits, mais également les investissements importants qui leur sont consacrés en termes de publicité et d'image, font que la marque Chaumet a acquis depuis longtemps et dans le monde entier, une renommée et un prestige exceptionnels.

Afin de préserver cette renommée et ce prestige, depuis 1995, Chaumet a institué sur le territoire français un système de distribution sélective reposant sur des critères de sélection tant qualitatifs que quantitatifs.

Elle dispose ainsi d'un réseau de distributeurs sur l'ensemble du pays.

Le Distributeur Agréé, dont le contrat est incessible, est sélectionné par Chaumet à partir de critères qualitatifs : qualifications en joaillerie/horlogerie, personnel irréprochable et suffisant, environnement et standing particulier et de critères quantitatifs et de critères quantitatifs : chiffre d'achat minimum, stock minimum pour une représentation satisfaisante de la gamme de produits.

La SA Chaumet a adopté le principe d'une limitation du nombre de distributeurs par ville.

A Marseille la distribution des produits Chaumet est assurée depuis 1991 par la société Frojo qui exploite deux points de vente dans les 6ème et 7ème arrondissements.

La SARL L'Hermine a pour activité l'exploitation d'un commerce de bijouterie, joaillerie et horlogerie sous l'enseigne "Le Jasmin", <adresse> dans le 6e arrondissement de Marseille.

Dans le cadre de son activité, L'Hermine commercialise quelques grandes marques : Chopard, Cartier, Fred et Baume & Mercier.

Un premier litige avait opposé les parties et sur saisine en novembre 2004 du tribunal de commerce de Marseille la société Hermine avait été déboutée de ses demandes mais par arrêt du 23 mai 2012 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence la SA Chaumet a été condamnée à lui payer en principal la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour application discriminatoire du critère de sélection quantitatif.

La SA Chaumet précise que depuis le 15 octobre 2010 on dénombre sur la ville de Nantes, qui avait fondé la décision de condamnation, deux distributeurs agréés.

Par lettre du 27 juillet 2012 la société L'Hermine a sollicité son agrément pour devenir distributeur agréé de la société Chaumet qui n'a pas donné une suite favorable à sa demande.

C'est dans ces circonstances que par acte d'huissier du 15 avril 2015 la société L'Hermine qui avait été déboutée de sa demande de provision présentée devant le juge des référés par ordonnance du 22 mai 2014 a fait assigner la SA Chaumet International devant le tribunal de commerce de Marseille aux fins de la voir condamner à intégrer son réseau et la voir condamner à l'indemniser de son préjudice.

Suivant jugement contradictoire du 22 février 2016 dont appel, le tribunal a :

- ordonné à la société Chaumet International de procéder à l'intégration de la société L'Hermine dans son réseau de distribution sélective, à défaut de se faire dans le mois de la signification de la décision, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard,

- condamné la société Chaumet International à payer à la société L'Hermine les sommes suivantes :

* 90 000 euros au titre du préjudice financier subi par la société L'Hermine consécutivement au refus de la société Chaumet International de l'exploitation de la marque,

* 100 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la politique anticoncurrentielle dont elle s'est rendue coupable à l'encontre de la société L'Hermine,

* 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- ordonné l'exécution provisoire du jugement excepté en ce qui concerne la condamnation prononcée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et au titre des dépens.

Par ordonnance du 22 avril 2016 la demande d'arrêt d'exécution provisoire a été rejetée.

En cause d'appel la SA Chaumet International, appelante demande de :

vu l'article 1382 du Code civil,

- infirmer le jugement susvisé en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

- dire et juger que la société Chaumet International a loyalement appliqué son critère de sélection quantitatif,

- dire et juger que la société Chaumet International a valablement refusé d'agréer la société,

en conséquence,

- dire et juger la société L'Hermine mal fondée en son action,

- ordonner à la société L'Hermine de restituer à la société Chaumet International l'intégralité des sommes versées en exécution du jugement susvisé, outre les intérêts au taux légal,

- ordonner à la société L'Hermine de cesser la distribution des produits Chaumet à compter du prononcé de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard,

à titre subsidiaire,

- dire et juger que la demande de condamnation de la société Chaumet International à intégrer la société L'Hermine à son réseau de distribution sélective est irrecevable et, à tout le moins, mal fondée,

- dire et juger que la demande d'indemnité au titre de la politique discriminatoire est irrecevable et, à tout le moins, mal fondée,

- dire et juger que les préjudices allégués par la société L'Hermine sont injustifiés dans leur principe et dans leur quantum et que les demandes de dommages intérêts de la société L'Hermine sont mal fondées,

en tout état de cause,

- débouter la société L'Hermine de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner la société L'Hermine à payer à la société Chaumet International la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société L'Hermine aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Romain Cherries membre de la Selarl Lexavoué Aix-en-Provence, Avocats associés, aux offres de droit.

La SARL L'Hermine, intimée, s'oppose aux prétentions de l'appelante, et demande dans ses dernières conclusions en date du 5 août 2016 de :

vu l'article L. 420-1 du Code de commerce et l'article 7 de l'Ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986,

vu l'article 1382 du Code civil,

vu l'arrêt du 23 mai 2012 rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence

- " constater " l'attitude anticoncurrentielle caractérisée de la société Chaumet à l'égard de la société L'Hermine,

- " constater " la politique discriminatoire incontestable de la société Chaumet,

- " constater " que malgré arrêt d'appel, la société Chaumet a maintenu sa politique discriminatoire,

- " constater " le préjudice de la société L'Hermine,

en conséquence

- confirmer le jugement dont appel en intégralité,

- condamner la société Chaumet a intégrer la société L'Hermine dans son réseau de distribution, sous astreinte de 1 000 euros par jour à compter de la signification du "jugement" à intervenir,

- condamner la société Chaumet à payer à la société L'Hermine la somme de 100 000 euros, au titre de la discrimination dont elle s'est rendue coupable,

- condamner la société Chaumet à payer à la société L'Hermine la somme de 90 000 euros représentant le préjudice financier subi par la société L'Hermine, consécutivement à l'absence d'exploitation de la marque Chaumet qui lui a été injustement refusée,

vu l'article 700 du CPC,

- condamner la Société Chaumet à payer à la société L'Hermine la somme de 5 000 euros sur le fondement de ce texte,

vu l'article 696 du CPC,

ainsi qu'aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP Badie - Simon Thibaud & Juston, Avocats associés à la cour d'appel d'Aix-en-Provence demeurant 41, rue Roux Alphéran 13100 Aix-en-Provence qui en ont fait l'avance.

Sur la procédure,

La SARL L'Hermine a conclu le 6 novembre 2018 postérieurement à l'ordonnance de clôture en date du 15 octobre 2018 sans justifier ni même invoquer l'existence d'une cause grave de sorte que comme sollicité par des conclusions de procédure de la SA Chaumet International, il y a lieu de rejeter ces écritures tardives.

Sur les demandes,

La SA Chaumet expose, concernant les critères de sélection quantitatif, que celui qu'elle a posé est le suivant :

- un distributeur agréé dans chaque ville et,

- deux distributeurs agréés ou deux points de vente dans des villes plus importantes ou avec des potentialités plus importantes, comme par exemple Marseille, Lyon ou Bordeaux ;

La seule exception à cette règle générale concerne les villes de Paris et de Cannes en raison de leur clientèle internationale et nationale exceptionnelle.

Elle précise qu'il y a deux points de vente agréés Chaumet à Lyon :

- la société Augis exploitant le point de vente <adresse> à Lyon (69002) et qui distribue des articles de bijouterie et d'horlogerie Chaumet,

- la société Lauramar exploitant, sous l'enseigne "Maison Maier", le point de vente <adresse> à Lyon (69002), qui distribue uniquement des articles d'horlogerie Chaumet.

Que ces deux points de vente sont sis dans un quartier très commerçant en plein coeur de Lyon, dans le deuxième arrondissement, et plus exactement sur la presqu'île de Lyon.

Que cette implantation est donc tout à fait conforme au critère de sélection quantitatif.

Elle fait valoir que le point de vente agréé Amandine exploitant à l'enseigne Ph. Tisseront sis à Tassin La Demi Lune <adresse> n'est pas le troisième point de vente agréé de Lyon car contrairement à ce qu'a jugé le tribunal ce magasin n'était pas présenté comme implanté dans la Ville de Lyon sur le site internet mais était présenté comme "point de vente le plus proche" et non comme situé à Lyon ; que la recherche par Ville sur internet ne peut caractériser la volonté de Chaumet d'assimiler ce point de vente à Lyon alors qu'elle n'est pas impliquée dans le fonctionnement technique du moteur de recherche et donc dans le résultat de la recherche.

Elle précise que depuis son moteur de recherche a été reconfiguré et que n'apparaît que deux points de vente Chaumet sur Lyon alors que Tassin La Demi Lune est une commune distincte située à 7,3 kilomètres et que le distributeur de cette dernière ville n'est plus agréé depuis le 1er avril 2017.

Elle ajoute que le tribunal a substitué un critère quantitatif par agglomération au critère quantitatif par ville fixé par elle ce qui est illicite car le nombre de distributeurs agréés relève de son choix stratégique commercial dont elle n'a pas à se justifier.

Concernant la Ville de Nice, elle fait valoir qu'y sont implantés deux points de vente :

- la société Ferret exploitant un point de vente sous l'enseigne éponyme <adresse>,

- la société Tek Airport Holding SAS exploitant un point de vente sous l'enseigne "HourPassion" sis au terminal 1 de l'aéroport de Nice.

Que cette implantation est donc tout à fait conforme au critère de sélection quantitatif : deux points de vente dans des villes plus importantes ou avec des potentialités plus importantes.

Elle fait valoir que le point de vente agréé sis à Saint Laurent du Var à Cap 3000 de la société Ferret n'est pas le troisième point de vente agréé Chaumet sis sur la ville de Nice car il se situe dans une ville distincte à 20 kilomètres avec une activité économique qui lui est propre.

Concernant la Ville de Strasbourg, la SA Chaumet indique qu'il existe deux distributeurs agréés :

- la société Longinus Schmitt exploitant un point de vente sous l'enseigne "Longinusdidier Khun " <adresse>,

- la société Edouard Genton exploitant un point de vente sous l'enseigne éponyme <adresse>.

Que cette implantation est donc tout à fait conforme au critère de sélection quantitatif : deux points de vente dans des villes plus importantes ou avec des potentialités plus importantes.

Elle fait valoir que le " Comptoir Chaumet des Galeries Lafayette " qui a été fermé fin février 2016 n'était pas le troisième point de vente agréé sur la Ville de Strasbourg car elle commercialise ses produits au travers de trois réseaux de distribution distincts, ce qui est licite :

- dans des points de vente directement exploités par Chaumet que la société désigne sous l'appellation "Boutique",

- dans un réseau de distribution sélective constitué de distributeurs agréés que la société désigne sous l'appellation "Revendeur agréé",

- dans des corners multimarques de grands magasins (historiquement les Galeries Lafayette et

- dans des corners multimarques de grands magasins (historiquement les Galeries Lafayette et le Printemps), ces corners étant identifiés sous l'appellation "Comptoir Chaumet" ; il s'agit d'une petite surface de vente exploitée par le grand magasin lui même où sont commercialisées diverses grandes marques de joaillerie horlogerie concurrentes, laquelle s'inscrit dans une relation d'achat vente ; il existe des Comptoirs Chaumet dans les grands magasins sous l'enseigne "Printemps" sis au Chesnay (78150 - centre commercial Parly 2), à Lille, à Deauville et à Toulon.

Que l'attractivité, l'image et le positionnement d'un grand magasin tant en termes d'offres commerciales que de clientèle est sans comparaison avec celle d'un bijoutier horloger détaillant et c'est la raison pour laquelle :

- les bijoutiers horlogers détaillants s'inscrivent dans un réseau de distribution sélective et,

- les Comptoirs Chaumet des grands magasins s'inscrivent dans une simple relation d'achat vente.

Que le comptoir Chaumet des Galeries Lafayette Strasbourg relevait du réseau Comptoirs Grands Magasins, directement exploité par les Galeries Lafayette dans son corner multimarques.

Elle poursuit en indiquant que la tête de réseau, qu'il s'agisse ou non d'un réseau de distribution sélective, est en droit d'organiser et de réorganiser librement son réseau de distribution comme elle l'entend, tant au regard de son mode de distribution que de sa répartition géographique et de ne pas contracter avec un partenaire remplissant les critères de sélection.

Elle indique que le refus d'agrément de l'Hermine est justifié par le critère de sélection quantitatif car le numerus clausus était atteint lors de la demande d'agrément de L'Hermine en juin 2012 car il y avait déjà deux points de vente de distributeurs agréés et que le tribunal a outrepassé ses pouvoirs en rejetant les critères de sélection quantitatif posés par Chaumet sur la ville de Marseille et que l'exploitation des deux points de vente agréés par Frojo ne caractérise aucune discrimination car ils ont été agréés bien avant que l'Hermine formule sa première d'agrément en 2004.

Elle précise que la présence de deux magasins sur Marseille est suffisante car une récession commerciale affecte les commerces du centre ville concurrencés par les centres commerciaux ouverts en périphérie depuis de nombreuses années, l'insuffisance des places de parkings et les importants travaux réalisés au centre ville comme en témoignent l'effondrement du chiffre d'affaires de L'Hermine à partir de l'exercice 2012.

Elle poursuit en indiquant que l'intégration forcée porte atteinte à la liberté de contracter et de choisir son partenaire contractuel, or, le refus d'agréer l'Hermine ne constitue ni une atteinte à l'Ordre Public, ni une atteinte aux bonnes moeurs qui sont les seules limites à la liberté contractuelle et que cette dernière est parfaitement en mesure de se procurer sur le marché des produits substituables à ceux de Chaumet et que cette intégration forcée porte atteinte à la liberté d'entreprendre et d'organiser son réseau.

Elle ajoute que l'intégration forcée de L'Hermine au réseau Chaumet établissent le caractère inapproprié entre les sociétés dès lors que L'Hermine ne dispose pas de la clientèle pour commercialiser les produits Chaumet.

Qu'elle ne remplit pas les critères qualitatifs : agencement du point de vente daté et vieillissant, localisation du point de vente dans un environnement peu qualitatif ;

Que l'intégration forcée au réseau est une sanction inadaptée, disproportionnée et excessive ; que les résultats des ventes des produits Chaumet sont désastreux que l'Hermine n'a jamais eu l'intention de respecter ses engagements mais d'utiliser les produits Chaumet comme produits d'appel.

Elle conteste par ailleurs les préjudices allégués.

La SARL L'Hermine fait valoir qu'elle se heurte depuis plusieurs années à une pratique anticoncurrentielle discriminatoire de la part de la société Chaumet qui refuse de l'intégrer dans son réseau de distribution ; qu'elle a déjà été définitivement condamnée pour ces faits par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 23 mai 2012 ; qu'elle perdure cependant dans sa politique discriminatoire.

Elle soutient que les affirmations de la société Chaumet sont mensongères et erronées car il ressort de la liste des points de vente des distributeurs Chaumet sur le territoire national le nombre suivant :

Lyon : 3 points de vente, à savoir :

- Maier joaillier : <adresse> 69002 Lyon,

- Augis 1830 joaillier <adresse> 69002 Lyon,

- Tisserons : <adresse> 69160 Lyon Tassin la Demi Lune.

Que d'autres villes disposent bien de trois points de vente, contrairement à ce qui est affirmé par la société Chaumet ;

Qu'ainsi, la ville de Nice dispose, elle, également de trois points de vente :

- Ferret: <adresse> 06000 Nice,

- Hour Passion 2 aéroport international Nice Côte d'Azur Terminal 1

- Ferret Cap 3000 <adresse>, 06800 Saint Laurent du var (boutique qui se situe à moins de 10 Km du centre ville de Nice),

Que la ville de Strasbourg dispose de trois points de vente :

- Longinus 1891 : <adresse> 67000 Strasbourg,

- Edouard G. : <adresse> 67000 Strasbourg,

- Comptoir Chaumet Galeries Lafayette : <adresse> 67000 Strasbourg.

Elle ajoute que la ville de Toulouse qui dispose d'une population de 390 000 habitants est dotée de deux points de vente Chaumet, la ville de Tours, 2e ville française disposant de 132 677 habitants bénéficie également de deux points de vente qui ont été réduits en cours d'instance, alors que Marseille deuxième ville française, disposant d'une population affichée de près de 797 491 habitants, ne dispose également que de deux points de vente, avec une représentativité fort curieuse car un seul point de vente se retrouve dans le centre et l'hyper centre Marseillais, à savoir <adresse>, alors qu'il s'agit du centre commercial et d'intérêt de la ville, mais surtout le second point de vente se situe quant à lui, dans un quartier résidentiel, <adresse> - 13008, dont la commercialité et le passage restent très limités ;

Qu'en plus d'être la seconde ville de France, Marseille et la seconde ville touristique française, attirant chaque année plus de 6 millions de visiteurs ;

Qu'ainsi il apparaît clairement que les refus répétés de la société Chaumet sont motivés par une politique de distribution sélective hautement discriminatoire.

Elle précise que les deux points de vente Chaumet sur Marseille appartiennent à la même enseigne la société Frojo ; que les distances séparant les établissement Augis à Lyon et Tisserons à Lyon ne sont qu'à 6,3 km de distance ; qu'il en est de même entre les établissements Maier à Lyon et Tisserons à Lyon séparés de 5,9 km.

Elle soutient subir une perte de chiffre d'affaires et une perte financière résultant de la discrimination et demande la confirmation du jugement qui lui a alloué la somme de 190 000 euros.

Ceci rappelé, les principes de la liberté de la liberté du commerce et de la liberté contractuelle autorisent les opérateurs économiques à organiser leur réseaux de distribution, qui peuvent être concurrents entre eux, comme ils l'entendent, sous la réserve de ne pas commettre de pratiques anticoncurrentielles ou discriminatoires.

En l'espèce, la SA Chaumet a, concernant l'un de ses réseaux de distribution portant sur les distributeurs agrées, posé comme critères :

- un distributeur agréé dans chaque ville,

- deux distributeurs agréés ou deux points de vente dans les villes les plus importantes ou avec des potentiels plus importants comme Marseille, Lyon, Bordeaux, à l'exception de Paris et Cannes au regard de leur rayonnement international.

Que la fixation de distributeurs par Ville relève de la seule stratégie de Chaumet, et seule doit être contrôlée sa bonne application.

L'examen des distributeurs agréés fait apparaître qu'il en existe deux à Lyon et à l'époque des faits, un à Tassin La Demi Lune dans la banlieue lyonnaise et deux à Nice et un à Saint Laurent du Var à proximité de Nice.

Rien n'interdit à la SA Chaumet de choisir des villes d'implantation de distributeurs agréés proches d'une ville où sont déjà implantés, comme à Lyon et Nice des distributeurs, dès lors que cette implantation répond à sa stratégie commerciale de développement dans laquelle les juridictions n'ont pas à s'immiscer, implantations qui existent depuis plusieurs années.

Que la SA Chaumet a adopté comme critère celui de la ville et non celui de l'agglomération.

Le Comptoir des Galeries Lafayette de Strasbourg qui dépend d'un autre réseau de distribution des produits Chaumet ne peut être assimilé au réseau de distributeur agréé, soumis à d'autres critères.

Il s'ensuit que le refus dans de telles circonstances d'agréer un troisième distributeur dans la ville de Marseille ne revêt pas de caractère discriminatoire dès lors qu'il répond à une stratégie commerciale de ne pas développer le nombre de distributeurs en centre ville.

Le distributeur déjà agréé pour deux points de vente à Marseille, l'était bien avant la première demande de la société L'Hermine, de sorte qu'il est sans incidence que cet agrément porte sur la même société.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions.

La présente décision d'infirmation valant titre, il n'y a pas lieu de condamner l'intimée à rembourser les sommes versées en exécution du jugement.

Il convient en revanche d'ordonner à l'intimée de cesser la distribution des produits Chaumet à compter de la signification de la présente décision et pour ce faire, de restituer à la SA Chaumet, contre remboursement du prix payé le stock de produits Chaumet.

L'équité commande d'allouer à la société appelante la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et de rejeter la demande formée à ce titre par l'intimée.

Les dépens resteront à la charge de l'intimée qui succombe et seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, Rejette les écritures de la société L'Hermine en date du 6 novembre 2018 postérieures à la clôture, Dit que le refus d'agrément de la société L'Hermine par la société Chaumet ne revêt pas de caractère discriminatoire, Rejette l'ensemble des demandes de la société intimée, Infirme le jugement dans toutes ses dispositions, Interdit à l'intimée de vendre les produits Chaumet, Pour ce faire, ordonne la restitution par la société L'Hermine des produits Chaumet à la société Chaumet contre remboursement de leur prix d'acquisition, Condamne l'intimée à payer à la société appelante la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société intimée aux entiers dépens qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.