CA Aix-en-Provence, 2e ch., 6 décembre 2018, n° 16/04981
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
SCS MHCS
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Aimar
Conseillers :
M. Prieur, Mme Petel
Exposé de l'affaire
La société MHCS fabrique et commercialise des champagnes, notamment sous la marque R..
Courant septembre 1990 avec effet au 1er octobre de cette même année, elle a conclu avec Madame Michèle B. épouse M. DE B.
-selon la société MHCS un contrat de mandat pour la vente de ses champagnes R., en vertu duquel elle jouait le rôle d'intermédiaire entre le mandant et la clientèle, s'agissant de la transmission des commandes,
-selon Madame Michèle B. épouse M. DE B. un contrat d'agent commercial aux termes duquel elle était mandatée pour visiter la clientèle sur le secteur des Bouches-du-Rhône.
Michèle B. épouse M. DE B. a repris le contrat de son mari conclu en 1986 avec la société R..
Ce contrat avait été cédé à Madame Michèle B. épouse M. DE B. par son conjoint Monsieur de B..
Par courrier du 15 décembre 2014, la société MHCS a résilié le contrat conclu avec Madame Michèle B. épouse M. DE B. en alléguant l'existence de fautes graves.
Par acte du 19 février 2015, Madame Michèle B. épouse M. DE B. a fait assigner la société MHCS devant le tribunal de commerce de Marseille pour que cette société soit condamnée à lui verser :
-2 847 156 euros au titre de l'indemnité de fin de mandat,
-632 701 euros au titre de 1'indemnité spécifique pour rupture abusive du contrat d'agent commercial,
-474 526 euros au titre de l'indemnité de préavis,
-20 000,52 euros T.T.C. au titre des commissions dues pour les ventes de décembre 2014,
-145 204,31 euros T.T.C. au titre des commissions dues pour les commandes qu'elle a passées par et qui ont été refusées intégralement ou partiellement par la Maison R.
-20 269,02 euros T.T.C. au titre des commissions dues et concernant les factures un temps impayées par les clients pour être in 'ne payées totalement ou partiellement,
-1 412,58 euros au titre des commissions dues pour les commandes qu'elle a effectuées au titre des dégustations,
-17 676,68 euros TTC (13 739,24 euros TTC [Métro] + 3 937,45 euros TTC [France Boissons]) au titre des commissions dues pour des ventes réalisées directement par la Maison R. dans les Bouches-du Rhône.
Par jugement du 18 février 2016, le tribunal a condamné la société MHCS à payer à Madame Michèle B. épouse M. DE B. les sommes suivantes :
-2 372 625,37 euros au titre de l'indemnité compensatrice de clientèle,
- 474 525,07 euros au titre de l'indemnité de préavis,
- 19 696,02 euros au titre des commissions reprises par la société MHCS S.A.S. sur les factures momentanément impayées,
- 1 318,49 euros au titre des commissions dues pour les commandes effectuées par Madame Michèle M. de B. née B. au titre des dégustations,
- 3 937,45 euros T.T.C. au titre des commissions dues sur la facture du 8 juin 2011 du client France BOISSONS.
La société MHCS a relevé appel de cette décision et in limine litis :
-demande de constater que la Cour d'Appel de Paris est régulièrement saisie de l'appel du jugement du Tribunal de Commerce de Marseille du 18 février 2016 ;
-de se déclarer dépourvue du pouvoir juridictionnel lui permettant de statuer sur le présent litige;
-de se dessaisir, en conséquence, de l'entier dossier au profit de la Cour d'Appel de Paris.
La société appelante fait valoir à titre subsidiaire :
-qu'il conviendra d'écarter des débats les nouvelles pièces produites par Madame de B. recueillies au mépris des règles régissant le procès équitable ou à tout le moins les déclarer inopérantes à établir la preuve de la qualité d'agent commercial de Madame de B.,
-que Madame de B. ne peut se prévaloir du statut d'agent commercial puisque celui-ci doit impérativement disposer du pouvoir de négociation des contrats de vente et facultativement, celui de conclure des contrats,
-qu'il résulte en effet du contrat que :
Madame de B. s'engage à se conformer aux tarifs aux conditions de vente de la société MHCS,
tout engagement personnel pris par Madame de B., sans l'autorisation de la Société MHCS, ne saurait engager cette dernière en aucun cas,
les ordres retransmis par Madame de B. ne sont valables qu'après acceptation de la Société MHCS, celle-ci disposant donc de la liberté de les refuser,
c'est la Société MHCS qui facture les clients,
Madame de B. est tenue de solliciter des instructions particulières pour les affaires de très grande importance ;
-que Madame de B. ne disposait d'aucun pouvoir de négociation,
-que les commandes qu'elle recevait étaient systématiquement corrigées lorsqu'elles comportaient des conditions tarifaires ou promotionnelles erronées,
-que la Direction Commerciale R., auprès de laquelle Madame de B. prenait ses instructions, a toujours eu la maîtrise des conditions commerciales des ventes, de paiement et de livraisons,
-que Madame de B. ne pouvait en aucun cas engager la société MHCS,
-qu'elle ne peut donc se prévaloir du statut d'agent commercial et ne peut dès lors percevoir des indemnités à ce titre.
À titre encore plus subsidiaire, la société appelante prétend :
-qu'en aucun cas elle était tenue d'adresser une mise en demeure préalablement à la rupture du contrat,
-que dès la fin de mars 2014 elle a organisé une réunion de recadrage, motivée par l'opposition systématique de Madame de B. à la politique commerciale définie pour l'année 2014,
-qui lui a été adressés divers rappels à l'ordre, et que Madame de B. a été parfaitement éclairée sur les risques auxquels elle s'exposait en ne rectifiant pas son comportement,
-que Madame de B. a commis des fautes graves telles que le fait d'avoir outrepassé les pouvoirs accordés par son mandant et de l'avoir critiqué lors d'une réunion avec un client, et a refusé d'appliquer les consignes de la politique commerciale de la société,
-qu'elle a été saisie de plaintes de clients,
-qu'il est démontré que Madame de B. n'a, à aucun moment, informé ou expliqué à la clientèle la nécessité de limiter et d'étaler dans le temps leurs commandes et a refusé de s'approprier la politique commerciale de son mandant,
-qu'elle a " opposé " les clients à la Société MHCS, attisant leur colère née de leur incompréhension, alors qu'il lui appartenait, au contraire, de prévenir,
-que son attitude dans la gestion de la relation avec la société BF Distribution démontre qu'elle a fait prévaloir ses intérêts au détriment de ceux de la société MHCS,
-qu'elle a violé la clause de non-concurrence commercialisant des produits concurrents de marque BLIN, au mépris de ses engagements contractuels,
-qu'en raison des fautes graves commises elle ne peut percevoir aucune indemnité.
La société appelante conclut à l'infirmation du jugement sauf en ce qu'il a :
- rejeté la demande de Madame de B. en paiement d'une indemnité pour rupture abusive du contrat ;
- rejeté sa demande subsidiaire en indemnisation sur le fondement des articles L.442-6-I-5° du Code de Commerce et 1147 (nouvel article 1231-1) et suivants du Code Civil ;
- rejeté sa demande relative aux commissions dues au titre des commandes refusées;
- enfin ramené la demande de paiement d'un montant de 16.890,85 euros HT correspondant à des commissions dues sur factures régularisées, au montant de 16.413,45 euros HT, soit 19.696,14 euros TTC et sollicite le rejet des demandes en paiement présentées à son encontre.
La société MHCS encore plus subsidiairement demande de :
- limiter l'indemnité de fin de contrat à un montant purement symbolique ;
- rejeter les demandes de commissions dues au titre des commandes personnelles de Madame de B. (1.318,49 euros TTC) et du client FRANCE BOISSONS (3.937,45 euros TTC) ;
- condamner Madame de B. à verser à la Société MHCS la somme de 30 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile
Madame Michèle B. épouse M. DE B. demande de constater que la présente cour est dépourvue de pouvoir juridictionnel.
Elle soutient à titre subsidiaire :
-que l'exception d'incompétence territoriale doit être rejetée,
-que son conjoint monsieur M. a été agent commercial de la maison RUINARD depuis le 8 avril 1986 et lui a transmis le dit contrat, ce qui a été accepté par le mandant le 3 octobre 1990,
-qu'un contrat similaire à celui dont bénéficiait son mari a pris effet le 1er octobre 1990 entre elle-même et la maison Ruinard et pour une durée indéterminée, qu'il spécifiait très clairement notamment les attributions de Madame Michèle B. épouse M. DE B., son secteur, le montant des commissions qu'elle pouvait percevoir,
-qu'elle a exercé son mandat de profession indépendante, pendant 25 ans, et que les parties n'ont jamais été liées par un quelconque autre type de contrat du style de louage de services,
-qu'elle démontre qu'elle a exercé sa mission conformément aux critères fixés par l'article L. 134-1 du Code de commerce,
-qu'elle a été victime d'une rupture de son contrat d'une manière brutale est abusive,
-que les griefs dont se prévaut son mandant pour soutenir l'existence d'une faute grave sont totalement infondés,
-qu'aucune mise en demeure ne lui a été adressée préalablement à la lettre de rupture du contrat.
Madame Michèle B. épouse M. DE B. demande de condamner la société MHCS à lui verser :
A titre principal, sur le fondement du statut d'agent commercial :
-2 847 156 euros au titre de l'indemnité de fin de mandat (L. 134-12 du Code du Commerce),
-632 701 euros au titre de l'indemnité spécifique pour rupture abusive du contrat d'agent commercial (article 1147 du Code Civil),
-474 526 euros au titre de l'indemnité de préavis (article L. 134-11 du Code du Commerce).
A titre subsidiaire, sur le fondement des articles 1147 et suivants du Code Civil et L 442-6 5° du Code du Commerce :
-2 847 156 euros au titre du préjudice subi suite à la rupture du contrat,
-632 701 euros au titre du préjudice spécial consécutif a la rupture,
-474 526 euros au titre du préavis dont elle a été privée.
En toutes hypothèses,
-145 204.31 euros TTC au titre des commissions dues,
-20 269 02 euros TTC au titre des commissions dues concernant les factures un temps impayées par les clients pour être in fine payées totalement ou partiellement 1412.58 euros au titre des commissions dues pour les commandes qu'elle a effectuées au titre des dégustations,
-3 937.45 euros TTC [France Boissons] au titre de commission due pour des ventes réalisées directement par la Maison R. dans les Bouches-du-Rhône
La cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties à leurs écritures précitées.
Motifs de la décision
Sur le renvoi de l'affaire devant la cour d'appel de Paris.
Les conclusions déposées par Madame Michèle B. épouse M. DE B. devant le tribunal de commerce comme devant la cour se réfèrent, à titre subsidiaire à l'article L 442-6 5° du Code du Commerce.
Pour la première fois, par conclusions du 2 octobre 2018, soit antérieurement à la clôture de l'instruction prévue le 8 octobre 2018, la société MHCS a soulevé l'irrecevabilité de l'appel devant la présente juridiction au regard de l'article D 442-3 du Code de commerce.
Ce moyen a été repris dans ses dernières conclusions du 12 octobre 2018, étant rappelé qu'avant l'ouverture des débats, l'ordonnance précitée a fait l'objet d'une révocation.
L'article 914 du Code de procédure civile prévoit que jusqu'à son dessaisissement, c'est à dire jusqu'à l'ouverture des débats, le conseiller de la mise en état est seul compétent pour déclarer un appel irrecevable.
L'irrecevabilité de l'appel n'ayant pas été soulevée devant ce magistrat le moyen présentée par la société appelante est irrecevable et l'appel devant la présente juridiction est recevable.
En outre, L 442-6 5° du Code du Commerce ne s'applique pas lors de la cessation des relations ayant existé entre un agent commercial et son mandant pour lesquelles la durée de préavis qui doit être respectée est fixée par l'article L. 134 -11 du Code de commerce en fonction du nombre d'années d'exécution du contrat.(com.3 avril 2012 n°11-13527).
Il s'en déduit que la recevabilité de l'appel n'aurait pu être examinée qu'une fois tranchée la nature du mandat liant la société appelante à Madame Michèle B. épouse M. DE B..
Sur l'incompétence du tribunal de commerce de Marseille soulevée par la société MHCS.
Cette demande n'est plus soutenue dans les dernières écritures de la société MHCS.
Sur la qualification du contrat conclu entre la société MHCS
Un contrat de mandat, similaire à celui dont bénéficiait Monsieur M. de B., a pris effet le1er octobre 1990 entre Madame Michèle de B. et la Maison R..
Ce contrat indiquait:
- Nature du contrat : agent commercial,
- Durée : indéterminée à compter du 1er octobre 1990,
- Objet : vendre pour le compte du mandant des vins de champagne
- Secteur : Bouches-du-Rhône
- Exclusivité : vins de champagne (à l'exception du champagne Montaudon, dont Madame de B. assurait déjà la commercialisation)
- Clause de non concurrence : deux ans
- Rémunération :
. 14 % de commission sur le chiffre d'affaires réalisé (à l'exception du chiffre d'affaires réalisé concernant le Champagne Dom R.),
. 15 % de commission sur le chiffre d'affaires réalisé uniquement avec le champagne Dom R.
. une allocation compensatrice spécifique aux agents commerciaux d'un montant égal à 50 °/o sur l'ensemble des commissions perçues,
- Résiliation : préavis 6 mois.
L'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leurs conventions, mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée.
Il convient donc de rechercher, eu égard aux stipulations contractuelles comme aux modalités d'exécution du contrat, quel est le véritable statut de la personne qui se présente comme agent commercial.
Selon l'article L. 134-1 du Code de commerce, l'agent commercial, est un mandataire qui, de façon permanente, traite avec la clientèle au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels ou de commerçants.
Ce n'est donc que de manière exceptionnelle que l'agent commercial concluera un contrat, sa mission se cantonnant à la négociation des stipulations d'un contrat que son " mandant " finalisera lui-même par la suite.
Il convient de relever que le contrat passé entre les parties présente un caractère permanent n'a pas été conclu pour un acte ou plusieurs actes déterminés ce qui correspond à l'un des critères du contrat d'agent commercial.
L'agent commercial doit avoir le pouvoir de négocier avec la clientèle en toute indépendance.
La société appelante qui demande d'écarter des débats les nouvelles pièces produites par Madame M. DE B. n'a pas expressément visé dans le dispositif de ses écritures les pièces dont elle sollicite le rejet.
La demande présentée à ce titre est rejetée.
Madame M. DE B. produit des échanges de correspondances avec l'appelante faisant apparaître qu'elle disposait d'un pouvoir de négociation avec la clientèle. La société appelante ne remet aucun élément probant permettant de constater toute absence de pouvoir de négociation de son mandataire. En outre, l'agent doit respecter les prix fixés par son mandant et ne peut accorder des rabais qu'avec l'accord de celui-ci. Comme dans tout contrat d'agents commerciaux, les commandes passées par Madame M. DE B. devaient être validées par la société MHCS.
C'est ainsi, notamment que par courrier électronique du 26 février 2014 envoyé par la société MHCS à Madame M. DE B., il était mentionné : " que proposez-vous qui connaissez le client...et merci de ne pas indiquer au client que c'est la maison qui reviendra vers eux, c'est l'agent qui gère la relation commerciale ".
Par courrier électronique du 4 juin 2014, la société MHCS indiquait " vous n'appliquez pas les 15% sur les coffrets +2 verres à votre clientèle ' ", ce qui laisse présumer une possibilité de négociation de tarifs par Madame M. DE B.. La société MHCS sollicitait son accord pour valider une commande.
Ce pouvoir de négociation est à nouveau établi par un courrier du 27 mars 2000 envoyée par l'appelante et ainsi libellé : " Nous accusons réception de votre liste de clients, sociétés et particuliers pour lesquels nous souhaitez des conditions spéciales. Après avoir examiné cette liste, nous vous donnons notre accord de principe pour l'année en cours afin de vous apporter une aide exceptionnelle à la vente. "
Par lettre du 10 janvier 2014, Madame M. DE B. reprochait à la société appelante de ne pas avoir respecté ses instructions concernant les délais de facturation.
Dans un courrier électronique du 26 février 2014, la société MHCS rappelait à Madame M. DE B. que " c'est l'agent qui gère la relation commerciale ".
Dans un courrier électronique du 29 juillet 2014, la société MHCS demandait son accord à Madame M. DE B. pour le coût d'une bouteille. Celle-ci répondait : " vous pensez bien que mon client ne va pas accepter de payer 150 euros pour avoir sa marchandise vendredi ".
L'intimée justifie qu'elle pouvait sans l'accord de son mandant discuter et modifier les prix de vente avec les clients les contrats ne prenant effet qu'avec l'accord de la société MHCS.
Madame M. DE B. avait la faculté de négocier les conditions de vente auprès des personnes qu'elle prospectait. Il est donc démontré que Madame M. DE B. disposait donc du pouvoir de négociation exigé par l'article L. 134 -1 du Code de commerce.
La société MHCS, qui avait conclu un " contrat d'agent commercial " avec Madame Michèle B. épouse M. DE B. a reconnu que celui-ci avait perduré pendant toute la durée ses activités puisque dans la lettre de rupture, elle indiquait " Nous amène à vous notifier par la présente lettre de résiliation, de " notre " contrat d'agent commercial... ", confirmant ainsi le statut découlant les prérogatives dont le mandataire était doté.
L'appelante au cours des 15 années pendant lesquelles Madame Michèle B. épouse M. DE B. avait exercé son activité n'a jamais remis en cause sa qualité d'agent laquelle n'a été contestée que lorsque celui-ci a réclamé les indemnités prévues par la loi.
C'est donc par une exacte application de l'article L. 134-1 du Code de commerce que le tribunal, à la motivation duquel il convient de se référer pour le surplus, a retenu qu'avait été conclu entre la société MHCS et Madame Michèle B. épouse M. DE B. un contrat d'agent commercial.
En conséquence, l'appel interjeté devant la présente cour aurait été déclaré recevable en toutes hypothèses.
Sur l'existence d'une faute grave de l'agent.
Aucune disposition légale n'exige que le mandant adresse une mise en demeure à son agent préalablement à l'envoi d'un courrier de résiliation du contrat étant précisé qu'une telle clause n'est pas insérée dans la convention passée entre les parties.
La faute justifiant la cessation du contrat d'agent commercial est celle qui porte atteinte à la finalité du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel.
Il appartient au mandant de démontrer l'existence d'une telle faute.
La société appelante argue du fait que Madame Michèle B. manifestait de l'agressivité avec son personnel. Comme l'a relevé à juste titre le tribunal les quelques exemples rapportés sont notoirement insuffisants pour établir les allégations de la société MHCS à ce titre.
Les exemples données par la société appelante même si le ton employé par l'agent est ferme du fait de difficultés engendrés par son mandant soit au titre du paiement soit au titre de livraisons, démontrent que le mandataire s impliquaient pour pourvoir concrétiser des ventes et ce dans l'intérêt de la société MHCS.
Les correspondances sur lesquelles se fonde cette société ne peuvent constituer les fautes graves.
L'appelante prétend aussi que son agent a refusé d'appliquer les consignes et la politique commerciale de la société. Elle reproche à Madame de B. de ne pas avoir respecté les consignes sur l'évolution des ventes pour l'année 2014 et de l'avoir contrainte à refuser des ventes à certains clients.
Comme l'a relevé à juste titre le tribunal l'article 5c du contrat de mandat prévoyait que le mandant se réservait le droit d'accepter ou de refuser les ordres transmis par son agent.
La société appelante fait état d'un non respect de la politique de vente au titre de l'année 2014.
La société MHCS a mis en place une nouvelle politique de vente à la suite de la nomination d'un nouveau directeur des ventes prévoyant un étalement des commandes et un " développement prioritaire dans la clientèle prestige ".
Le tableau récapitulatif fourni par l'intimée et non contesté, fait apparaître qu'elle a, entre 1997 et 2014 toujours dépassé les objectifs de vente qui lui étaient fixés.
La société appelante ne prouve pas que Madame de B. n'aurait pas respecté la politique visant à obtenir la clientèle de prestige.
La société MHCS reconnaît dans ses écritures qu'elle a du opposer des refus partiels ou totaux enparticulier aux clients :
- Rossi Pere & Fils (dont le niveau des commandes avait atteint, au 18 août 2014, celui de l'année 2013 entière),
- Millesimes (dont les commandes représentaient, au 20 août 2014, 76% des volumes globaux octroyés avec 2.271 bouteilles contre les 2.970 attribuées pour l'année entière précédente),
- M. et La Preuve Par Vin (dont les commandes, au 25 septembre et au 13 novembre 2014, avaient respectivement dépassé, et de loin, leur niveau de l'année 2013),
- BF Distribution (dont les commandes, dès la fi n mai 2014, avaient dépassé de plus de 76 % leur niveau de la période de l'année précédente).
Les observations du mandant démontrent que Madame de B. a effectué un travail de prise de commandes conséquent dans l'intérêt commun des parties.
Il n'est pas démontré que le fait que la société MHCS ait refusé des livraisons serait imputable à son agent mais résulte d'un changement de politique commercial ne tenant pas compte des relations anciennes existant entre les clients et le fournisseur de champagne.
Il ne peut donc être sérieusement reproché une faute de l'agent pour non respect de la politique de vente alors que celui-ci a pris des commandes supérieures à celles de l'année précédente.
La société MHCS indique dans ses conclusions que des clients n'ont pu être livrés et mentionnent leur correspondance :
" Nos clients ne comprennent pas votre politique commerciale qui consiste à refuser de vendre " (Client M.) ;
" J'ai contacté à plusieurs reprises Mme et Mr de B., qui m'informent que vous ne souhaitez plus me livrer car j'ai commandé plus de 1 000 bouteilles de R. BLANC DE BLANCS à ce jour par rapport à l'année 2013 ('). Je n'ai jamais eu d'information concernant les quotas de vente de R. (') " (Société INTER CAVES);
" Je t'envoie cet email suite au message que tu m'as laissé hier ! Je suis vraiment consterné par cette façon de travailler que la Maison R. (') " (Société LA PREUVE PAR VIN ) ;
-" Compte tenu de votre refus de livrer sans raison notre commande du 4 novembre autre que " QUOTAS " supposés atteints ! sans qu'il nous ait été annoncée l'existence de quotas chez R. " (Société MILLESIMES ).
Ces correspondances démontrent la mise en place trop rapide d'une nouvelle politique commerciale, et l'agent ne saurait être tenu pour responsable des erreurs de son mandant.
Il est pour le moins paradoxal que la société MHCS reproche à la fois à son agent de ne pas avoir respecté la nouvelle politique de vente visant une clientèle " de prestige " et lui fasse grief dans le même temps pour l'année 2014 d'avoir refusé des commandes de clients.
Une procédure judiciaire a été engagée par l'un des clients de la société MHCS, la société BF Distribution sur le fondement de l'article L 442-6 du Code de commerce.
Dans son assignation, la société BF Distribution rapporte que le 24 novembre 2014, monsieur C., nouveau directeur des ventes de la société MHCS a demandé au représentant de la société BF Distribution que s'il lui donnait des information sur le comportement de Madame de B., il lui ferait signer un nouveau un nouveau contrat aux mêmes conditions que précédemment et même meilleures.
La société BF Distribution ajoute dans son acte introductif d'instance qu'il lui a été indiqué que " Madame de B. dispose d'un contrat avec la société MHCS conclu depuis des décennies, à des conditions très avantageuses pour elle, trop avantageuses pour MHCS et pour son nouveau Directeur des ventes qui souhaite imposer son savoir-faire commercial et ainsi le montrer et le démontrer à sa hiérarchie ".
La société appelante ne conteste pas les termes contenus dans cet acte.
Les deux réclamations émanant de clients remis aux débats par la société MHCS sont insuffisantes pour démontrer un mécontentement de la clientèle.
La société appelante se prévaut de difficultés dans la gestion de la relation avec la société BF Distribution qui a effectué une commande le 15 septembre 2014 par l'intermédiaire de Madame de B., laquelle à cette date avait en sa possession un chèque de 180.107 euros correspondant factures impayées de cette société qu'elle n'a transmis que le 24 septembre, effet qui s'est révélé dépourvu de provision.
À cette date, l'intimée suite à la commande de cette société transmise à la société MHCS indiquait : " Le client nous a remis un chèque pour solder la ou les factures échues avec instruction de vous l'adresser seulement lorsqu'il aura reçu l'assurance de recevoir sous huitaine sa commande en marge ainsi que la pub demandée...Réponse par retour SVP ''.
Le mandant n'établit pas avoir donné pour instruction à madame DE B. de lui transmettre immédiatement le chèque.
Il n'est nullement démontré que Madame Michèle B. épouse M. DE B. était informée de la situation financière difficile de la société BF Distribution et que l'encaissement du chèque à une date antérieure aurait permis son règlement.
La société MHCS prétend aussi que madame DE B. aurait violé la clause de non-concurrence qui lui était imposée.
L'article 4 du contrat précise que :
" après la signature du présent contrat, l'agent s'interdit de prendre de nouvelles représentations et s'intéresser directement à des maisons fabriquant ou vendant des articles similaires ou susceptibles de concurrencer les articles du mandant.
Une telle attitude serait constitutive, de la part de l'agent, d'une faute grave et entraînerait la résiliation de plein droit du contrat, à ses torts exclusifs ".
Les pièces 36 à 38 sur lesquelles elle se fonde n'ont aucun rapport avec le grief allégué, la pièce 36 étant une lettre circulaire adressée par madame DE B. postérieurement à la rupture du contrat passé avec la société MHCS dans laquelle elle indiquait représenter la marque Bollinger.
La société MHCS produite une pièce n° 83 qui est une facture datée du 21 juillet 2014 établie par madame DE B. à " Cherry Rocher " et destinée à un traiteur pour la livraison de 84 bouteilles de champagne de marque " Blin ".
Cette unique pièce n'établit pas que madame DE B. aurait pris une nouvelle représentation. Le terme " intéresser " est suffisamment imprécis et il ne peut être retenu que cet acte unique intervenu quelques mois avant la rupture du contrat, alors que les relations entre les parties s'étaient détériorées, constituerait une faute grave rendant impossible la poursuite du mandat d'intérêt commun.
En outre, compte tenu du chiffre d'affaires réalisé par l'agent en 2014, le montant de la facture litigieuse à hauteur de 15 euros HT la bouteille est tout à fait dérisoire.
La transgression de l'obligation de non-concurrence n'est donc pas établie.
C'est donc par une exacte application de l'article L. 134 ' 13 du Code de commerce que les premiers juges, à la motivation desquels il est expressément référé pour le surplus, ont constaté que le mandant ne prouvait pas l'existence d'une faute grave de son agent le privant des indemnités légalement prévues.
Sur le montant des indemnités réclamées par Madame DE B..
Celle-ci justifie avoir perçu les commissions suivantes :
-2011 : 819 878 03 euros HT soit 980 574.10 euros TTC,
-2012 : 865 516.53 euros HT soit 1 035 157.63 euros TTC,
-2013 : 1 019 854.54 euros HT soit 1 219 746.27 euros TTC,
-2014 : 961 784.89 euros HT soit 1 154 141.87 euros TTC.
C'est à juste titre que le tribunal, compte tenu des pièces versées aux débats, et en calculant la moyenne des commissions sur les trois dernières années, a fixé l'indemnité compensatrice de clientèle due à l'agent commercial à la somme de 2.372.625,37 euros.
L'indemnité compensatrice de clientèle ayant pour but de réparer l'entier préjudice subi par l'agent du fait de la fin de son contrat, madame DE B. ne peut réclamer une indemnité spécifique au titre de la rupture du contrat d'agent commercial.
Au titre de l'indemnité de préavis prévue par l'article L. 134-11 du Code de commerce, du fait du non-respect du délai de préavis de six mois cette indemnité est fixée à la somme de 474.525,07 euros.
Ces sommes produiront intérêts à compter de l'assignation du 15 décembre 2014.
Sur le paiement des commissions.
Madame Michèle M. de B. demande le paiement de la somme de 145 204.31 euros TTC pour les commandes passées et qui ont été refusées intégralement ou partiellement par la société MHCS.
L'article 5c des conditions d'exercice du mandat passé entre les parties prévoit que la société MHCS a la possibilité de refuser tout ou partie des ordres transmis par Madame Michèle de B..
Dès lors, en application des dispositions contractuelles, Madame Michèle M. de B. est infondée à solliciter le paiement de la somme précitée.
Elle demande aussi le versement de la somme de 20.269,02 euros T.T.C, sur des factures impayées, puis régularisées. (le tribunal a alloué la somme de 19.96,02 euros TTC.).
Selon l'article 6c du contrat de mandat est ainsi libellé : " Rémunération ; En cas d'impayé, la commission sera reprise sur cette affaire et rendue au prorata des sommes nettes récupérées ''.
Compte tenu de la rectification effectuée par la société MHCS qui en justifie, c'est à juste titre que les premiers juges ont alloué à l'intimée la somme de 16 413, 35 euros H.T.
Celle-ci réclame paiement de la somme de 1412.58 euros, correspondant aux frais qu'elle a exposés au titre des dégustations (le tribunal a accordé la somme de 1318,49 euros à ce titre).
Madame Michèle M. de B. ne justifie aucunement de cette dépense étant précisé que la société intimée rappelant qu'elle s'était vu allouer chaque année un quota de bouteilles gratuites dites " d'aide à la vente ", qu'elle avait tout loisir d'affecter à des dégustations ou encore à des cadeaux et cette société établit qu'il lui a été attribué pour 2013 300 bouteilles de champagne R de R. et 12 bouteilles de DOM R..
Cette demande est rejetée.
Madame Michèle B. épouse M. DE B. sollicite aussi paiement de la somme de 3 937.45 euros TTC au titre de commission due pour des ventes réalisées directement par la Maison R. dans les Bouches-du-Rhône à la société France Boisson en 2014.
Pour étayer cette demande, l'intimée produit une facture du 8 juin 2011 pour 480 bouteilles correspondant à la sommé de 3 937.45 euros.
Cet unique document ne démontre pas les allégations de l'agent dont la réclamation présentée à ce titre est rejetée.
Le jugement attaqué est confirmé attaqué, sauf en ce qu'il a condamné la société MHCS à payer à Madame Michèle B. épouse M. DE B. les sommes de 1.318,49 euros et de 3 937.45 euros.
Les sommes que la société MHCS devra payer à Madame Michèle B. épouse M. DE B. produiront intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 15 décembre 2014.
Il convient de condamner la société MHCS à payer à Madame Michèle B. épouse M. DE B. une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La demande formulée sur ce fondement pas la société MHCS est rejetée.
Par ces motifs LA COUR, Déclare recevable l'appel interjeté devant la présente cour, Confirme le jugement attaqué, sauf en ce qu'il a condamné la société MHCS à payer à Madame Michèle B. épouse M. DE B. les sommes de 1 318,49 euros et de 3 937.45 euros, L'infirmant à ce titre et statuant à nouveau, Déboute Madame Michèle B. épouse M. DE B. des demandes présentées au titre des commissions dues pour dégustations soit la somme de 1412,58 euros au titre de commissions pour les ventes qui auraient été réalisées directement par la société MHCS et pour la somme de 3937,45 euros. Y ajoutant, Condamne la société MHCS à payer les intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 15 décembre 2014 sur les sommes auxquelles elle a été condamnée, Condamne la société MHCS à payer à Madame Michèle B. épouse M. DE B. une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples, Condamne la société MHCS aux dépens recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.