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Décisions

Cass. 2e civ., 13 décembre 2018, n° 17-26.538

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Briquet

Défendeur :

CNP assurances (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Flise

Rapporteur :

M. Boiffin

Avocat général :

M. Lavigne

Avocats :

SCP Lyon-Caen, Thiriez, SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia

Limoges, ch. civ., du 29 juin 2017

29 juin 2017

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 29 juin 2017), que pour garantir le remboursement de deux prêts contractés auprès de la Caisse d'épargne Auvergne Limousin, M. Briquet, alors employé par ERDF en tant qu'opérateur exploitation, a adhéré les 17 mai 2006 et 19 juillet 2006 à une assurance de groupe souscrite par cette banque auprès de la société CNP assurances (l'assureur), couvrant les risques décès, perte totale et irréversible d'autonomie, invalidité totale et définitive, et incapacité totale de travail (ITT) ; qu'ayant subi un arrêt de travail à la suite d'une lombo-sciatique consécutive à un accident de sport survenu le 19 août 2009, puis ayant été placé le 1er septembre 2014 en invalidité de deuxième catégorie, il a sollicité la prise en charge des échéances des prêts au titre de la garantie ITT ; que l'assureur la lui ayant refusée à compter du 16 avril 2012 au motif que son état de santé ne correspondait plus à la définition contractuelle de l'ITT, M. Briquet l'a assigné en exécution de cette garantie et en paiement de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen : - Attendu que M. Briquet fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande tendant à être garanti par l'assureur, alors, selon le moyen : 1°) que selon l'article 8 des " principales dispositions contractuelles " du contrat d'assurance du 17 mai 2006 auquel avait adhéré M. Briquet : " l'Assuré est en état d'ITT lorsque, à l'expiration d'une période d'interruption continue d'activité de 120 jours consécutive à la maladie ou l'accident, appelé délai de franchise, il se trouve dans l'impossibilité absolue constatée médicalement d'exercer une quelconque activité professionnelle ou non, même à temps partiel " ; que pour décider que M. Briquet n'était pas fondé à solliciter la garantie de l'assureur au titre du risque " incapacité totale de travail (ITT) " défini par ce texte, la cour d'appel a énoncé qu'il résultait du rapport d'expertise médicale de M. Belcour que M. Briquet " qui est capable de travailler avec ses membres supérieurs, de rester assis un certain temps, et peut marcher sur de courtes distances avec l'aide d'un corset ", " n'est pas dans l'incapacité d'exercer une quelconque activité non professionnelle à temps partiel " ; qu'en se prononçant en ce sens, sans répondre aux conclusions de M. Briquet qui démontrait que le critère tiré de l'impossibilité d'exercer " une quelconque activité non professionnelle " ne s'appliquait pas à sa situation, dès lors qu'il exerçait une activité professionnelle au jour du sinistre, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 2°) qu'une clause n'est claire et précise que si elle n'est susceptible que d'un seul sens ; que selon l'article 8 des " principales dispositions contractuelles " du contrat d'adhésion auquel avait souscrit M. Briquet en 2006, " l'Assuré est en état d'ITT lorsque, à l'expiration d'une période d'interruption continue d'activité de 120 jours consécutive à la maladie ou l'accident, appelé délai de franchise, il se trouve dans l'impossibilité absolue constatée médicalement d'exercer une quelconque activité professionnelle ou non, même à temps partiel " ; qu'en énonçant dès lors que la définition contractuelle de l'incapacité totale de travail était rédigée de façon claire, précise et dénuée de toute ambiguïté, quand le texte litigieux n'était pas clair et compréhensible en ce qu'il ne définissait pas précisément l'incapacité temporaire de travail ou ITT, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1134 du Code civil pris dans sa rédaction applicable au litige ; 3°) qu'en énonçant que la définition contractuelle de l'incapacité temporaire de travail ou ITT recouvrait " nécessairement la notion, habituelle en la matière, d'incapacité totale de travail personnel ", sans s'expliquer sur cette notion habituelle d'incapacité totale de travail personnel et, en particulier, sans préciser si elle consistait en l'incapacité à accomplir les actes les plus élémentaires de la vie quotidienne ou si elle concernait l'incapacité à accomplir des activités sociales non professionnelles, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ; 4°) qu'il résulte de l'article L. 133-2, alinéa 2, du Code de la consommation, pris dans sa rédaction applicable au litige, que les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou aux non-professionnels s'interprètent, en cas de doute, dans le sens le plus favorable au consommateur ou au non-professionnel ; que selon l'article 8 des " principales dispositions contractuelles " du contrat d'assurance groupe auquel M. Briquet a adhéré en 2006, " L'Assuré est en état d'ITT lorsque, à l'expiration d'une période d'interruption continue d'activité de 120 jours consécutive à la maladie ou l'accident, appelé délai de franchise, il se trouve dans l'impossibilité absolue constatée médicalement d'exercer une quelconque activité, professionnelle ou non, même à temps partiel " (...) ; que la cour d'appel a décidé par motifs expressément adoptés que " dès lors que M. Briquet peut exercer des activités dans les actes de la vie courante au moins partiellement, c'est-à-dire dans des conditions limitées (marcher, conduire, s'asseoir, manger, s'habiller...), la SA CNP Assurances ne doit pas à Guy Briquet la garantie (...) " ; qu'en se prononçant en ce sens, la cour d'appel a interprété la clause litigieuse dans le sens le plus favorable à l'assureur, en violation de l'article L. 133-2, alinéa 2, du Code de la consommation, pris dans sa rédaction applicable au litige ;

Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que l'ITT était définie à l'article 8 des " principales dispositions contractuelles " comme " l'impossibilité absolue constatée médicalement d'exercer une quelconque activité, professionnelle ou non, même à temps partiel ", à l'expiration d'un délai de franchise, de sorte qu'elle ne se limitait pas, de manière expresse et parfaitement compréhensible pour un profane, au champ professionnel et se distinguait de l'invalidité totale et définitive, exclusivement définie par l'impossibilité totale et définitive d'exercer une activité ou un travail pouvant procurer gain ou profit, ainsi que de la perte totale et irréversible d'autonomie correspondant à une impossibilité totale et définitive d'exercer une activité professionnelle rémunérée et à une situation imposant de manière définitive et permanente l'assistance d'un tiers pour se lever, s'habiller, se nourrir et se déplacer, c'est sans procéder à l'interprétation d'une clause claire et précise du contrat que la cour d'appel, répondant aux conclusions dont elle était saisie, a, par une décision motivée, souverainement estimé que M. Briquet n'était pas dans un état d'ITT correspondant à la définition qu'en donnait le contrat d'assurance ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que M. Briquet fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à voir considéré comme une clause abusive l'article 8 des " principales dispositions contractuelles du contrat d'assurance groupe n° 9883 S " auquel il avait adhéré les 17 mai 2006 et 19 juillet 2006 et voir dire et juger ces clauses réputées non écrites, alors, selon le moyen, qu'en considérant que, " inscrite dans un ensemble de clauses définissant divers risques couverts par un contrat d'assurance de groupe adossé de manière optionnelle aux prêts souscrits, (la clause litigieuse) n'a pas créé au détriment du consommateur, au moment de sa conclusion, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties et ne peut, dès lors, être considérée comme une clause abusive au sens des dispositions également invoquées de l'article L. 132-1 du Code de la consommation " sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si l'assuré était en mesure d'évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlaient pour lui, alors même que l'assurance de l'emprunteur étant destinée à faire face à une perte de rémunération, de sorte que l'assuré pouvait s'attendre à ce que la définition de l'incapacité totale de travail corresponde à une activité professionnelle pouvant, au moins potentiellement, faire l'objet d'une rémunération suffisante afin qu'il puisse honorer les échéances mensuelles de ses emprunts, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 132-1 du Code de la consommation dans sa version applicable au litige ;

Mais attendu que la clause litigieuse, qui définit l'objet principal du contrat, étant rédigée de façon claire et compréhensible, ne pouvait donner lieu à une appréciation de son caractère abusif, conformément à l'article L. 132-1, alinéa 7, devenu L. 212-1, alinéa 3, du Code de la consommation ; d'où il suit que le grief est inopérant ;

Sur le troisième moyen : - Attendu que M. Briquet fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral, alors, selon le moyen, que la cassation qui ne manquera pas d'intervenir sur les premier et/ou deuxième moyens entraînera inévitablement, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du Code de procédure civile, l'annulation de l'arrêt sur le troisième moyen en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande en paiement de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral causé par la résistance excessive opposée par l'assureur à la mise en œuvre de la garantie ;

Mais attendu que le rejet des deux premiers moyens rend sans portée le grief qui invoque une cassation par voie de conséquence ; d'où il suit qu'il ne peut être accueilli ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.