CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 12 décembre 2018, n° 16-19853
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Concurrence (SARL)
Défendeur :
Sony Europe Limited (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Luc
Conseillers :
Mmes Mouthon Vidilles, Comte
Avocats :
Mes Meynard, Marie, Boccon Gibod, Choffel
FAITS ET PROCÉDURE
La société Concurrence distribue des appareils électroniques grand public dans un magasin situé à l'origine 19, place de la Madeleine à Paris et en ligne, via son site www.concurrence.fr.
La société Sony Europe Limited, ci-après Sony, fabrique et commercialise des produits électroniques sous sa marque et, en France, via sa succursale Sony France.
La société Sony Europe Limited a entretenu, par le biais de sa succursale Sony France, des relations commerciales avec la société Concurrence, jusqu'au 31 juillet 2007, date à laquelle elle a mis fin à celles-ci en invoquant de nombreux différends commerciaux avec son distributeur.
La société Concurrence a contesté cette décision de rupture mais n'a pas obtenu gain de cause par décision définitive de la Cour de cassation du 16 décembre 2008.
La société Sony a modifié sa politique commerciale au début de l'année 2010 en mettant en place un système de distribution sélective pour ses téléviseurs les plus haut de gamme, et en avril 2012 a instauré une remise commerciale de 8 %, dénommée SERP, pour rémunérer les services rendus par ses revendeurs.
Par courrier du 3 janvier 2013, la société Concurrence s'est adressée à la société Sony, en vue d'obtenir un agrément mais cette dernière lui a indiqué ne pas souhaiter reprendre les relations commerciales dans les conditions proposées et notamment le 16 octobre 2015, après de nouvelles demandes de la société Concurrence.
Par assignation du 14 juin 2013, la société Concurrence a assigné la société Sony devant le tribunal de commerce de Nanterre.
Par jugement du 10 décembre 2013, le tribunal de commerce de Nanterre, saisi sur le fondement du droit de la concurrence français et européen (article L. 420-1 du Code de commerce et article 101§1 TFUE), s'est déclaré incompétent et a renvoyé l'affaire devant le tribunal de commerce de Paris.
Par jugement du 12 septembre 2016, le tribunal de commerce de Paris a :
- débouté la société Concurrence de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la société Concurrence à verser à la société Sony Europe Limited prise en sa filiale Sony France la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la société Concurrence aux dépens dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 121,44 euros dont 20,02 euros de TVA.
La société Concurrence a interjeté appel du jugement par déclaration au greffe du 5 octobre 2016.
Parallèlement, la société Concurrence a saisi l'Autorité de la concurrence d'une plainte au fond et d'une demande de mesures conservatoires impliquant la quasi-totalité des fournisseurs de produits électroniques grand public, dont la société Sony, en contestant, notamment, la validité de leur mode de distribution sélective, ainsi que le boycott dont elle serait l'objet.
Par la décision de l'Autorité de la concurrence 14-D-07 rendue le 23 juillet 2014, la saisine de la société Concurrence a été déclarée irrecevable en tant qu'elle concerne les pratiques de manque de loyauté dans l'information reprochées aux sociétés Kelkoo et Data Concept, rejeté la saisine de la société Concurrence, faute d'éléments suffisamment probants, en tant qu'elle concerne les pratiques d'abus de dépendance économique, de refus de vente et de boycott, de rupture brutale des relations commerciales, d'ententes verticales et horizontales sur les prix, et dit que l'instruction se poursuivait pour le surplus.
Le 1er septembre 2014, la société Concurrence a introduit un recours en annulation de cette décision. La cour d'appel de Paris a débouté la société Concurrence de sa demande par un arrêt du 3 décembre 2015.
La procédure devant la cour a été clôturée le 30 octobre 2018.
Vu les conclusions du 22 octobre 2018 par lesquelles la société Concurrence, appelante, invite la cour, au visa de l'article L. 420-1 du Code de commerce, de l'article 101 § 1 TFUE, de l'article 1382 du Code civil, de l'article 4 de la DDHC, de l'article 7 du décret d'Allarde des 2 et 17 mars 1791, à :
- recevoir l'appel du jugement du tribunal de commerce de Paris du 12 septembre 2016.
- infirmer le jugement,
- rejeter les demandes, fins et moyens de la société Sony,
- dire que la signature du protocole d'accord du 24 avril 1998, interdit de prendre en compte des faits de la période antérieure au 24 avril 1998, et, en conséquence, rejeter le motif de la société Sony basé sur l'état des relations commerciales depuis 34 ans comprenant une période prescrite de 25 ans, en lien direct ou indirect avec les faits antérieurs au 24 avril 1998,
- constater que la société Sony ne produit aucun fait, document, jugement sur la période de 25 ans à l'appui de ses critiques, qui elles aussi devraient être retirées,
- réserver le préjudice lié au non-respect de la transaction du 24 avril 1998,
- dire que l'argumentation de la société Sony est irrecevable et que les refus de vente et d'agréer sont infondés,
- dire que les refus de la société Sony Europe Limited, et notamment celui du 16 octobre 2015, d'avoir toute relation avec elle, sont illicites et non justifiés,
- constater que les nouvelles conditions de 2015, ne comportent pas de précisions sur l'agrément des revendeurs pour le contrat sélectif, et pour la remise SERP, alors que la société Sony a refusé, notamment le 16 octobre 2015, de l'agréer et de la livrer,
- dire que son impossibilité absolue d'être agréée est illicite et lui cause un préjudice résultant de l'impossibilité totale de commercer,
- subsidiairement, pour le cas où la motivation de la société Sony devrait être examinée, dire que la société Sony ne produit aucun élément de preuve pour la période antérieure au 24 avril 1998, et très peu de faits pour la période postérieure, et en conséquence, juger le refus non fondé,
- ordonner à la société Sony Europe Limited :
* d'engager sa procédure d'agrément dans le cadre de son contrat de distribution sélective,
* en cas d'agrément, de la livrer sous astreinte de 100 euros par produit commandé et non livré, par jour de retard,
* de payer une provision de 200 000 euros sur le préjudice causé par la clause d'agrément du contrat sélectif de distribution et par le refus de la société Sony de lui appliquer la procédure d'agrément,
- dire que le refus de la société Sony de procéder à son agrément, au motif qu'elle ne veut plus avoir de relation avec elle, constitue une pratique illicite,
- réserver le montant du préjudice causé par ces refus,
- condamner la société Sony à lui payer la somme de 10.000 euros, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Sony en tous les dépens dont distraction au profit de Me Jean-Didier Meynard de la SCP Brodu Cicurel Meynard Gauthier Marie, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Vu les conclusions du 15 octobre 2018 par lesquelles la société Sony Europe Limited, intimée ayant formé appel incident, demande à la cour, de :
- rejeter l'ensemble des demandes de la société Concurrence comme étant infondées,
- confirmer le jugement déféré à la cour en toutes ses dispositions,
- condamner la société Concurrence à lui payer la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et
- condamner la société Concurrence aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Lexavoué Paris Versailles ;
SUR CE, LA COUR,
La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
En application de l'article 954 alinéa 2 du Code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.
Sur le refus d'agrément de la société Concurrence par la société Sony
La société Concurrence fait valoir que :
- la société Sony ne peut valablement invoquer à son encontre des griefs antérieurs au 24 avril 2008, date de la transaction conclue entre elles concernant leurs difficultés rencontrées dans la période antérieure,
- la plupart des griefs invoqués à son encontre sont antérieurs au 24 avril 2008, griefs qui ne peuvent donc être valablement invoqués contre elle,
- les différentes actions menées par elle à l'encontre de la société Sony ne peuvent caractériser un harcèlement judiciaire fautif,
- le fournisseur a comme seule obligation de livrer le revendeur respectant les critères du contrat sélectif, et tout revendeur, qui remplit les conditions d'un contrat sélectif, peut accéder au réseau sélectif même en l'absence de relations,
- la société Sony ne refuse pas seulement de la livrer mais lui impose une impossibilité d'accéder totalement au marché de ses produits haut de gamme, en ce que les produits Sony ne peuvent être vendus qu'entre revendeurs agréés et que ces derniers ne peuvent lui vendre lesdits produits Sony,
- en vertu du principe reconnaissant le principe de sa liberté d'entreprendre, elle a le droit, en tant que revendeur, de vendre sur le marché des téléviseurs les marques demandées, marché sur lequel la société Sony a le droit de vendre à côté des autres marques,
- la société Sony lui interdit donc l'accès à une partie du marché des téléviseurs, celui de la marque Sony, ce qui contrarie sa liberté d'entreprendre,
- son activité portait sur les produits haut de gamme, correspondant aux téléviseurs de plus de 1 690 euros, marché différent de celui des téléviseurs, la gamme des téléviseurs Sony étant très vaste,
- selon les prix et les produits, il s'agit de marchés distincts,
- les produits haut de gamme Sony ne sont pas substituables, ne pouvant trouver de produits alternatifs satisfaisants.
La société Sony réplique que :
- son refus de renouer des relations contractuelles avec la société Concurrence n'est pas constitutif d'une atteinte à la concurrence,
- au mois de juillet 2007 elle a décidé de rompre ses relations commerciales trentenaires avec la société Concurrence, et de ne plus contracter à l'avenir avec elle,
- le bien-fondé de cette rupture a été validé définitivement, notamment au motif que la société Concurrence peut toujours avoir d'autres sources d'approvisionnement,
- en 2013, sa part de marché sur le seul segment des téléviseurs était de 4,6 % en volume et 7,7 % en valeur, données qui n'ont presque pas changé depuis,
- la marque Sony n'est pas indispensable à l'activité de la société Concurrence, qui peut non seulement s'adresser aux autres fournisseurs représentant plus de 90 % du marché de produits d'électronique grand public, mais aussi continuer à s'approvisionner auprès de grossistes pour la majeure partie des produits de la marque Sony,
- ses relations avec la société Concurrence ont toujours été émaillées de litiges et de contentieux,
- ce n'est pas seulement la période antérieure à la signature du protocole d'accord qui justifie son refus de contracter avec la société Concurrence, mais il s'agit du comportement agressif et anormal de cette dernière, que ce soit avant ou après le 24 avril 1998, date du protocole d'accord signé entre les parties pour régler les litiges antérieurs à cette date, la société Concurrence ayant notamment, après cette date, systématiquement contesté ses conditions commerciales, l'ayant accusé de manière permanente de discriminations ou de non-respects de la réglementation et menacé régulièrement d'engager des actions contentieuses,
- les principaux critères d'agrément permettant d'intégrer son réseau de distribution sélective mis en place à compter de 2010 concernant ses produits les plus complexes (les téléviseurs LCD incorporant la technologie 3D ainsi que les premiers téléviseurs connectés) sont la nécessité de détention d'un point de vente physique, la surface de vente dédiée à l'exposition des produits et les produits exposés, la qualification et la formation des personnels de vente, l'offre d'un service de démonstration au sein du point de vente, l'offre d'un service de livraison et d'installation chez le consommateur et l'offre d'un service après-vente,
- ses produits sous distribution sélective ne constituent pas l'essentiel de la gamme de ses produits,
- son refus de contracter directement avec la société Concurrence pour ses produits soumis à distribution sélective ne conduit pas à l'impossibilité totale de vendre des produits Sony par la société Concurrence,
- son système de remises SERP mis en place en 2012 est indépendant de son système de distribution sélective,
- il ressort de la décision 14-D-07 de l'Autorité de la concurrence que son refus de contracter avec la société Concurrence n'est pas constitutif d'une faute en droit de la concurrence, ce qui a été confirmé par la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 3 décembre 2015,
- en l'absence de toute infraction aux règles de concurrence et de toute discrimination, les principes de la responsabilité civile délictuelle ne permettent pas de contraindre un opérateur à contracter avec un autre, et ce d'autant moins lorsqu'il dispose d'un motif légitime justifiant sa position,
- un fournisseur à la tête d'un réseau de distribution sélective reste libre de refuser de contracter avec un revendeur, à la condition que ce refus ne soit pas le résultat d'une infraction aux règles du droit de la concurrence ou d'une application discriminatoire de ses critères de sélection,
- son contrat ne contient aucune clause " noire " au sens du Règlement d'exemption par catégorie sur les restrictions verticales n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010,
- ses parts de marché ainsi que celles de la société Concurrence sont inférieures à 30 %.
La société Concurrence ne demandant qu'à bénéficier de l'agrément qui porte sur les produits hauts de gamme de la société Sony, seul ce segment de marché sera examiné par la cour.
Sur le refus d'agrément constitutif d'une pratique anti-concurrentielle
Les parties s'accordent à reconnaître que le réseau, mis en place par la société Sony, qui consiste à agréer des distributeurs selon des critères de sélection objectifs, est un système de distribution sélective qualitative. Elles ne contestent pas l'application du droit européen de la concurrence.
Le refus étant daté de 16 octobre 2015, il y a lieu de faire application du règlement (UE) n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 concernant l'application de l'article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées applicable à compter du 1er juin 2010.
Il est constant que la distribution sélective limite nécessairement la concurrence entre les différents acteurs économiques en entravant l'accès au marché des revendeurs non membres du réseau.
Un système de distribution sélective qualitative peut être considéré comme licite au regard des prévisions du 1° de l'article 101 du TFUE ou de l'article L. 420-1 du Code de commerce, si trois conditions sont réunies cumulativement :
1. la nature du produit en question doit requérir un système de distribution sélective, c'est-à-dire qu'un tel système doit constituer une exigence légitime eu égard à la nature du produit concerné afin d'en préserver la qualité et d'en assurer l'usage,
2. les revendeurs doivent être choisis sur la base de critères objectifs de caractère qualitatif, fixés de manière uniforme pour tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire,
3. les critères définis ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire.
La société Concurrence reproche à la société Sony de lui refuser l'agrément tant pour bénéficier des remises SERP que pour commercialiser les téléviseurs avec de nouvelles technologies, ce que celle-ci ne conteste pas.
Il convient de relever que la gamme de produits concernés par le système de remises SERP est plus large que celle concernée par le réseau de distribution sélective. De même, il doit être précisé que la société Sony impose à ses revendeurs pour bénéficier des remises SERP de justifier une valeur ajoutée à la vente de ses produits, par des services de démonstration sur le point de vente, d'installation et de services après-vente. Cependant, à défaut pour les sociétés Sony et Concurrence de distinguer dans leurs développements l'agrément pour bénéficier des remises SERP et pour commercialiser les téléviseurs, la cour abordera les deux agréments ensemble, les critères apparaissant similaires.
En l'espèce, la société Concurrence ne fait aucunement état de l'existence de critères discriminatoires susceptibles de permettre d'écarter du marché une catégorie de distributeurs de téléviseurs grand public tant dans le système de remises SERP que dans le réseau de distribution sélective. Elle ne démontre ni même n'allègue que les critères retenus par la société Sony ne sont pas justifiés par les nécessités d'une distribution adéquate des produits.
Les refus d'agrément discriminatoires sont donc de nature à rendre le réseau illicite au regard des critères ci-dessus et constituer une entente verticale anticoncurrentielle entre le fournisseur et les membres de son réseau s'ils ont a un objet ou un effet anticoncurrentiel, c'est-à-dire s'ils s'insèrent dans une politique générale du fournisseur visant à exclure une ou des formes déterminées de distribution qui seraient aptes à distribuer les produits en cause, à créer des barrières artificielles à l'entrée sur le marché de la distribution des produits concernés ou à éliminer des distributeurs menant une pratique de prix bas.
Or, en l'espèce, la pratique soumise à la cour consiste dans un refus isolé d'agrément opposé par la société Sony à la société Concurrence le 16 octobre 2015.
Le refus d'agréer la société Concurrence est justifié par des conflits récurrents y compris après la signature du protocole d'accord signé entre elles le 24 avril 1998. Par ailleurs, c'est à juste titre que la société Sony explique que les différentes actions judiciaires et administratives menées par la société Concurrence à son encontre depuis 2013 ne permettaient pas d'assurer des relations commerciales normales entre les parties et qu'elle ne souhaitait donc plus entrer en relation commerciale avec la société Concurrence.
Il en résultait une perte de confiance justifiant le refus d'agrément.
Le refus d'agrément n'a donc pas d'objet anticoncurrentiel.
Pour constituer une entente par effet, un refus d'agrément doit être de nature à éliminer la concurrence ou permettre cette élimination.
Or, la société Concurrence, qui ne représente qu'une très faible part de la distribution des téléviseurs, distribue d'autres produits que ceux de la marque Sony et ne démontre pas que les téléviseurs Sony constituent des produits d'appel, nécessaires pour attirer les clients. Elle peut donc s'approvisionner auprès d'autres marques.
Dès lors, l'appelante ne rapporte pas la preuve que le refus d'agrément au réseau serait de nature à affecter le fonctionnement concurrentiel du marché de la distribution des téléviseurs.
Le refus d'agrément litigieux n'ayant ni pour objet ni pour effet de porter atteinte à la concurrence n'est donc pas contraire à l'alinéa 1 de l'article 101 et à l'article L. 420-1 du Code de commerce.
Sur l'exonération automatique
Les sociétés s'opposent sur le bénéfice de l'exemption automatique.
En droit de la concurrence, le refus d'agréer un candidat remplissant les critères de sélection est exonéré au titre de l'article L. 420-4 du Code de commerce ou de l'article 101§3 du TFUE si les parts de marché des sociétés sur leur marché respectif sont inférieures à 30 %. Si la part de marché de l'une des parties excède ce seuil, l'exonération automatique du règlement d'exemption ne peut s'appliquer.
La société Concurrence soutient que le marché à prendre en considération est celui des téléviseurs haut de gamme et évalue la part de marché de la société Sony sur ce marché à 36 %, alors que cette dernière soutient que sa part de marché est inférieure à 30 %.
Sur le marché concerné
Le marché, au sens où l'entend le droit de la concurrence, est défini comme le lieu sur lequel se rencontrent l'offre et la demande pour un produit ou un service spécifique.
Une substitualité parfaite entre produits et services s'observant rarement, sont considérés comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l'usage auquel ils sont destinés, les produits et services dont on peut raisonnablement penser que les consommateurs les regardent comme des moyens alternatifs entre lesquels ils peuvent arbitrer pour satisfaire une même demande.
Se plaçant sur le marché amont de la distribution qui confronte les fournisseurs et les distributeurs, et non sur le marché aval qui met en relation les distributeurs avec les consommateurs finaux, il y a lieu de considérer que le marché de produits pertinent dans ce présent litige est celui des téléviseurs à écrans plats ou téléviseurs couleur, segment de marché reconnu par la pratique européenne, tel que l'a rappelé l'Autorité de la concurrence dans sa décision 14-D-07, et sur la définition duquel il est d'ailleurs relevé par l'Autorité que les sociétés Samsung et Concurrence se sont accordées. En effet, la sous-segmentation proposée par la société Concurrence selon laquelle il faudrait retenir un découpage du marché entre le haut de gamme et le bas de gamme n'est pas justifiée, aux motifs que :
- la gamme complète des produits bas et haut de gamme des téléviseurs est commercialisée en général par les magasins du secteur,
- le différentiel de prix invoqué par la société Concurrence n'est pas suffisant en soi, le prix le plus bas étant considéré comme étant 300 euros et le prix de base du haut de gamme étant fixé par la société Concurrence, sans le justifier, à la somme de 1 690 euros.
Il n'est pas contesté par les parties que le marché géographique du marché des téléviseurs est national.
Sur la part de marché de la société Sony
La société Sony soutient que ses parts de marché sur le secteur des téléviseurs est de 9 % en 2013. Il convient de relever que ce taux relatif à la part de marché de la société Sony a été retenu par l'Autorité de la concurrence dans sa décision précitée et que la société Concurrence ne conteste pas utilement ce taux. Dans ces conditions, la société Sony démontre que sa part de marché sur le secteur à considérer est inférieure à 30%.
Par ailleurs, dans ses conclusions, la société Concurrence soutient représenter 1 % du marché national des produits électroniques grand public et ne prétend pas avoir une part de marché sur le marché des téléviseurs supérieure à 30 %.
Cette conclusion n'a cependant aucun effet sur la solution à donner au présent litige, puisque la pratique est conforme à l'article 101, alinéa 1 du TFUE et à l'article L. 420-1 du Code de commerce.
Sur le refus d'agrément constitutif d'un abus de droit
Il doit être rappelé qu'en suite de la loi du 1 juillet 1996 (loi Galland) qui a supprimé le principe de l'interdiction du refus de vente entre professionnels, la loi du 4 août 2008 a mis fin à l'interdiction des pratiques discriminatoires (ancien texte de l'article L. 442-6, I, 1° du Code de commerce) à compter de son entrée en vigueur, soit le 5 août 2008.
A compter du 5 août 2008, la discrimination ne constitue donc plus, en soi, une faute civile et elle n'est prohibée que si elle constitue une entente illicite visée aux articles 101 du TFUE et L. 420-1 du Code de commerce, un abus de position dominante visé aux articles 102 du TFUE et L. 420-2 du Code de commerce (ce qui n'est pas le cas en l'espèce) ou un abus de droit.
Le principe fondamental de liberté contractuelle autorise tout opérateur économique à organiser son réseau de distribution comme il l'entend sous la seule réserve de ne commettre aucune pratique anticoncurrentielle.
La société Sony était donc libre de ne pas examiner la candidature de la société Concurrence sans avoir à en justifier, peu important que celle-ci remplisse les critères de sélection. La société Sony étant seule en droit de déterminer son orientation commerciale, c'est vainement que la société Concurrence lui fait grief de ne pouvoir avoir accès aux produits Sony et donc de porter atteinte à sa liberté de commercer, au motif qu'elle ne peut distribuer des produits Sony.
Dans ces conditions, le refus de la société Sony d'agréer la société Concurrence n'est pas fautif.
Dès lors, il y a également lieu de rejeter la demande sur ce fondement. Le jugement doit être confirmé sur ce point.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été faite des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Concurrence doit être condamnée aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société Sony la somme supplémentaire de 10 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.
Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du Code de procédure civile formulée par la société Concurrence.
Par ces motifs, LA COUR, confirme le jugement ; Y ajoutant ; condamne la société Concurrence aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société Sony la somme supplémentaire de 10 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ; rejette toute autre demande.