Cass. 1re civ., 28 novembre 2018, n° 17-28.272
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Batut
Avocat :
SCP Richard
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 11 sept. 2017), qu'en 1988, Mme Z... a subi trois séances de sclérose de varices pratiquées par Jean Y..., médecin ; qu'à la suite de la découverte de contaminations par le virus de l'hépatite C chez un nombre important de patients soignés par ce praticien, Mme Z... a, en 2003, effectué, à la demande de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, un dépistage de l'hépatite C, qui a révélé une telle contamination ; qu'après avoir sollicité une expertise en référé, elle a assigné en responsabilité et indemnisation Mme Jacqueline X..., veuve Y..., M. Jean-Marie Y... et M. Jean-Philippe Y...(les consorts Y...) en leur qualité d'héritiers du praticien, décédé entre temps ; que la contamination de Mme Z... a été imputée aux séances de sclérothérapie subies ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé : - Attendu que ce moyen n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble le principe d'une réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime ;
Attendu que le préjudice spécifique de contamination par le virus de l'hépatite C comprend l'ensemble des préjudices de caractère personnel tant physiques que psychiques résultant du seul fait de la contamination virale ; qu'il inclut notamment les perturbations et craintes éprouvées, toujours latentes, concernant l'espérance de vie ainsi que la crainte des souffrances ; qu'il comprend aussi le risque de toutes les affections opportunistes consécutives à la découverte de la contamination ; qu'il comprend également les perturbations de la vie sociale, familiale et sexuelle ; qu'il comprend enfin les souffrances, le préjudice esthétique et le préjudice d'agrément provoqués par les soins et traitements subis pour combattre la contamination ou en réduire les effets ;
Attendu qu'en condamnant les consorts Y... à payer à Mme Z... une indemnité au titre des souffrances endurées et une indemnité au titre du préjudice spécifique de contamination incluant les souffrances, la cour d'appel a réparé deux fois les éléments d'un même préjudice et violé le texte et le principe susvisés ;
Et sur la seconde branche de ce moyen : - Vu l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble le principe d'une réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime ;
Attendu que, pour fixer l'indemnité allouée à Mme Z... au titre du préjudice spécifique de contamination, l'arrêt relève que, si elle est considérée comme guérie et n'a pas à ce jour présenté de déclaration de la maladie, la crainte de cette maladie et des affections opportunistes, présente depuis quatorze ans, est destinée à se poursuivre ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser l'existence, après la date de la guérison, d'un risque d'altération de l'état de santé lié à la contamination, justifiant la réparation d'un tel préjudice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Par ces motifs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il condamne Mme Jacqueline X..., veuve Y..., M. Jean-Marie Y... et M. Jean-Philippe Y..., ès qualités, à payer à Mme Z... en réparation de son préjudice les sommes de 4 000 euros en réparation des souffrances endurées et 10 000 euros pour le préjudice de contamination, l'arrêt rendu le 11 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.