TA Lyon, 2e ch., 8 février 2018, n° 1509724
LYON
Jugement
PARTIES
Demandeur :
Distribution Casino France (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Zupan
Rapporteur public :
M. Gros
Conseillers :
M. Gilbertas, Mme Raymond (rapporteur)
Avocat :
Me Augagneur
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE LYON (2e CHAMBRE) : - Vu la procédure suivante :
Par ordonnance n° 1518815 du 19 novembre 2015, la présidente du tribunal administratif de Paris a transmis au tribunal la requête présentée par la société Distribution Casino France.
Par cette requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 16 novembre 2015, et des mémoires enregistrés le 29 décembre 2016 et le 13 septembre 2017, la société Distribution Casino France, représentée par Me Augagneur, demande au tribunal :
1°) à titre principal, d'annuler la décision du 16 septembre 2015, par laquelle le ministre de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique lui a infligé une amende administrative d'un montant de 375 000 euros ;
2°) à titre subsidiaire, de réformer cette sanction en réduisant le montant de l'amende ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision attaquée résulte d'une procédure irrégulière, conduite par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ;
- elle méconnaît le principe constitutionnel de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère ;
- la procédure instituée par les articles L. 443-1 et L. 465-2 du Code de commerce n'est pas conforme à la Constitution ;
- cette procédure méconnaît l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle n'instaure pas de séparation entre les autorités de poursuite et de jugement, en méconnaissance des principes d'impartialité et d'indépendance ;
- la décision attaquée est entachée d'inexactitude matérielle des faits ;
- elle est entachée d'erreur de qualification juridique des faits dès lors que les dépassements de délai de paiement constatés ne lui sont pas imputables ;
- elle méconnaît les principes d'individualisation et de proportionnalité de la sanction ;
Par des mémoires en défense enregistrés le 15 janvier 2016 et le 9 août 2017, le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le moyen tiré du défaut de procédure contradictoire est inopérant en tant qu'il vise la décision ministérielle prise sur recours hiérarchique ;
- le moyen tiré de l'inconstitutionnalité de la procédure de sanction administrative est également inopérant et en tout état de cause infondé ;
- les autres moyens invoqués par la société Distribution Casino France sont infondés.
Le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes a produit le 28 août 2017 un nouveau mémoire qui, identique à celui du 9 août 2017, n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son préambule, et la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le Code de commerce ;
- le Code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Raymond, conseiller,
- les conclusions de M. Gros, rapporteur public,
- les observations de Me Augagneur, avocat de la société Distribution Casino France, société requérante, et celles de M. X, représentant le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes.
1. Considérant que la société Distribution Casino France a fait l'objet d'un contrôle des services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Auvergne-Rhône-Alpes en vue de vérifier le respect des dispositions du titre IV du livre IV du Code de commerce en matière de pratiques commerciales restrictives de concurrence ; qu'à l'issue de ce contrôle, qui a comporté notamment deux visites sur place effectuées le 16 juillet 2013 et le 29 janvier 2014, des manquements aux dispositions de l'article L. 443-1 1° et 2° du Code de commerce relatives aux délais de paiement de leurs fournisseurs ont été constatés et consignés dans un procès-verbal dressé le 15 octobre 2014 ; que, par une décision du 10 juin 2015, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Auvergne-Rhône-Alpes a, en application de l'article L. 465-2 du Code de commerce alors en vigueur, prononcé à l'encontre de la société Distribution Casino France une amende administrative d'un montant de 375 000 euros ; que par la décision attaquée du 16 septembre 2015, le ministre de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique a, sur recours hiérarchique, confirmé cette sanction ; que la société Distribution Casino France demande, à titre principal, l'annulation de cette décision et, à titre subsidiaire, la minoration de l'amende prononcée à son encontre ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de la sanction :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 465-2 du Code de commerce, en vigueur à la date de la décision en litige et aujourd'hui repris par son article L. 470-2 : " IV. - Avant toute décision, l'administration informe par écrit la personne mise en cause de la sanction envisagée à son encontre, en lui indiquant qu'elle peut prendre connaissance des pièces du dossier et se faire assister par le conseil de son choix et en l'invitant à présenter, dans le délai de soixante jours, ses observations écrites et, le cas échéant, ses observations orales. Passé ce délai, l'autorité administrative peut, par décision motivée, prononcer l'amende. " ; qu'aux termes de l'article R. 465-2 du même Code, alors applicable et devenu aujourd'hui son article R. 470-2 : " I. - L'autorité administrative mentionnée à l'article L. 465-2 est : 2° Le chef du service national des enquêtes de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ou son représentant nommément désigné ; (...) / II .- La décision mentionnée à l'article L. 465-2 peut être contestée par la personne qui en fait l'objet devant le ministre chargé de l'economie. Ce recours est exclusif de tout autre recours hiérarchique " ;
3. Considérant que la société Distribution Casino France soutient que la procédure contradictoire n'a pas été conduite de manière effective, au motif que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi n'a pas tenu compte de l'ensemble de ses observations et qu'elle n'a pas été reçue par l'auteur de la décision en personne ; que toutefois, après avoir été invitée, par un courrier de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Auvergne-Rhône-Alpes du 6 février 2015, à présenter ses observations dans un délai de soixante jours, la société Distribution Casino France a bénéficié d'un délai supplémentaire s'achevant le 27 avril 2015 ; qu'elle a formulé des observations orales et écrites le 13 avril 2015 ; que si elle reproche à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Auvergne-Rhône-Alpes de ne pas avoir tenu compte d'un courrier et de pièces complétant ces observations, il résulte de l'instruction que ceux-ci, transmis seulement le 28 avril 2015, donc après l'expiration du délai, déjà prorogé, mentionné ci-dessus, apportaient seulement des compléments de détail sans contenir d'éléments nouveaux susceptibles d'infléchir l'appréciation de l'administration, qui n'a dès lors commis à ce titre aucune irrégularité ; qu'au demeurant, il ressort des mentions de la décision attaquée que le ministre de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique a accepté quant à lui, dans le cadre de l'examen du recours hiérarchique dont il était saisi, de prendre en compte les observations complémentaires ainsi tardivement communiquées le 28 avril 2015 ; qu'aucune disposition du Code de commerce ne prévoit que les représentants de l'entreprise visée par une procédure de sanction administrative doivent être amenés à rencontrer en personne l'auteur de la future décision ; que, par ailleurs, si la société requérante soutient que le ministre a ventilé le montant de la sanction selon le type de manquement relevé, modifiant en cela la décision initiale du 10 juin 2015 sans qu'elle ait été mise à même de faire valoir des observations sur ce point, une telle ventilation ne ressort aucunement des termes de la décision attaquée ni d'aucune autre pièce du dossier ; qu'ainsi, la société Distribution Casino France n'est pas fondée à arguer de manquements au principe du contradictoire ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 443-1 du Code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation : " Le délai de paiement, par tout producteur, revendeur ou prestataire de services, ne peut être supérieur : 1° A trente jours après la fin de la décade de livraison pour les achats de produits alimentaires périssables et de viandes congelées ou surgelées, de poissons surgelés, de plats cuisinés et de conserves fabriqués à partir de produits alimentaires périssables, à l'exception des achats de produits saisonniers effectués dans le cadre de contrats dits de culture visés aux articles L. 326-1 à L. 326-3 du Code rural et de la pêche maritime ; 2° A vingt jours après le jour de livraison pour les achats de bétail sur pied destiné à la consommation et de viandes fraîches dérivées ; / Les manquements aux dispositions du présent article ainsi qu'aux dispositions relatives aux délais de paiement des accords mentionnés au b du 4° sont passibles d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 pour une personne physique et 375 000 pour une personne morale. L'amende est prononcée dans les conditions prévues à l'article L. 465-2 du présent Code. Le montant de l'amende encourue est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive. " ;
5. Considérant que la loi du 17 mars 2014 substitue à l'amende pénale antérieurement prévue une amende administrative afin de sanctionner les manquements à l'article L. 443-1 du Code de commerce ; que la société Distribution Casino France, poursuivie en l'espèce pour des agissements antérieurs à l'entrée en vigueur de ladite loi, soutient que ce nouveau dispositif institue un régime répressif plus sévère qu'auparavant dès lors que les sanctions administratives sont immédiatement exécutoires, que la procédure administrative présente des garanties moindres que celles offertes par la procédure judiciaire et que les sanctions peuvent être assorties de leur publication ; que toutefois, une telle modification de la règlementation n'affecte ni l'incrimination en cause, les éléments constitutifs des infractions n'étant pas modifiés, ni la sanction encourue dans la mesure où le montant maximum de l'amende et les sanctions accessoires dont elle peut être assortie, y compris la publication contrairement à ce qui est soutenu, restent inchangées ; que, conformément au principe du respect des droits de la défense, la sanction administrative intervient après une procédure contradictoire, l'administration étant tenue d'informer l'entreprise concernée de la sanction envisagée à son encontre et de l'inviter à produire ses observations dans un délai de soixante jours ; que sont ouvertes aux personnes sanctionnées tant la voie du recours en référé suspension contre la décision de sanction que celle du recours suspensif contre le titre de perception tendant à son exécution ; qu'enfin, si la société requérante évoque à l'appui de son moyen une note de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes d'octobre 2014 soulignant elle-même le caractère globalement plus coercitif du nouveau livre IV du Code de commerce, cette instruction, dépourvue de valeur normative, se borne à traduire l'objectif d'efficacité qui a animé le législateur et qui ne caractérise pas, en tant que tel, un durcissement du dispositif répressif ; qu'ainsi, la loi du 17 mars 2014, en transférant à l'administration la compétence pour édicter des sanctions administratives en matière de pratiques commerciales prohibées, a uniquement pour effet de modifier le mode de constatation et les modalités de poursuites des manquements passibles de telles sanctions ; que, par suite, en tant qu'elle modifie les articles L. 443-1 et L. 465-2 du Code de commerce, elle ne constitue pas une loi pénale plus sévère dont le ministre de l'Economie n'aurait pu légalement faire application pour sanctionner des faits commis antérieurement à son entrée en vigueur ; que le moyen tiré de la méconnaissance du principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère ne saurait dès lors être accueilli ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) " ; que l'amende administrative prévue par les dispositions précitées du Code de commerce, qui présente le caractère d'une punition tendant à empêcher la réitération des agissements qu'elle vise et n'a pas pour objet la seule réparation pécuniaire d'un préjudice, appartient à la matière pénale au sens de ces dispositions, alors même que le législateur a laissé le soin de l'établir et de la prononcer à l'autorité administrative ;
7. Considérant que la société requérante soutient, par la voie de l'exception, que la procédure de sanction administrative instituée par les articles L. 443-1 et L. 465-2 du Code de commerce méconnaît le principe de séparation des autorités de poursuite et de jugement ; que toutefois, les sanctions administratives édictées tant par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi que, sur recours hiérarchique, par le ministre de l'Economie et des Finances, ne sont pas prononcées par un tribunal au sens du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, les principes d'indépendance et d'impartialité consacrés par ce texte ne peuvent être utilement invoqués à l'encontre de la procédure administrative critiquée ; que par ailleurs, comme il a été dit au point 6, la sanction administrative intervient après une procédure contradictoire, dans le respect du principe des droits de la défense et peut ensuite être soumise au contrôle de plein contentieux des juridictions administratives, dans le respect des principes d'indépendance et d'impartialité ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales doit dès lors être écarté ;
8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. " ; qu'aux termes de l'article R. 771-3 du Code de justice administrative : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé, conformément aux dispositions de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé. Ce mémoire, ainsi que, le cas échéant, l'enveloppe qui le contient, portent la mention : " question prioritaire de constitutionnalité". " ; que si la société Distribution Casino France invoque le défaut de conformité de la procédure instituée par les articles L. 443-1 et L. 465-2 du Code de commerce à la Constitution, elle n'a pas formulé de question prioritaire de constitutionnalité dans les formes exigées par les dispositions précitées ; que ce moyen est donc irrecevable ;
9. Considérant, en cinquième lieu, que, lors des opérations de vérification, l'administration a constaté, pour 5 091 factures émises par 38 fournisseurs, sur un total de 46 756 factures contrôlées, un dépassement par la société Distribution Casino France des délais de paiement légaux de ses fournisseurs, en méconnaissance du 1° et du 2° de l'article L. 443-1 du Code de commerce ; que ces dispositions précisent expressément le point de départ de la computation des délais de paiement, à partir de la fin de la décade de livraison pour les achats de produits alimentaires périssables et de viandes congelées ou surgelées, ou du jour de livraison pour les achats de bétail sur pied destiné à la consommation et de viandes fraîches dérivées ; que la société requérante, qui ne conteste pas les dates de livraison retenues pour chacune des factures, n'est pas fondée à soutenir que les dépassements de délai de paiement qui lui sont reprochés ne sont pas matériellement établis ;
10. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article L. 441-3 du Code de commerce : " Tout achat de produits ou toute prestation de service pour une activité professionnelle doivent faire l'objet d'une facturation. / Sous réserve des deuxième et troisième alinéas du 3 du I de l'article 289 du Code général des impôts, le vendeur est tenu de délivrer la facture dès la réalisation de la vente ou la prestation du service. L'acheteur doit la réclamer. / Sous réserve du c du II de l'article 242 nonies A de l'annexe II au Code général des impôts, dans sa version en vigueur au 26 avril 2013, la facture doit mentionner le nom des parties ainsi que leur adresse, la date de la vente ou de la prestation de service, la quantité, la dénomination précise, et le prix unitaire hors TVA des produits vendus et des services rendus ainsi que toute réduction de prix acquise à la date de la vente ou de la prestation de services et directement liée à cette opération de vente ou de prestation de services, à l'exclusion des escomptes non prévus sur la facture. " ;
11. Considérant que la société Distribution Casino France fait valoir que les manquements retenus à son encontre sont en réalité imputables à plusieurs causes extérieures, tenant principalement à l'inexécution, par ses fournisseurs, de leurs propres obligations ; que toutefois, d'une part, si elle reproche à ces derniers de ne pas systématiquement transmettre leurs factures dès la réalisation de la vente, elle n'établit ni même n'allègue avoir réclamé ces factures, comme l'y obligent les dispositions précitées de l'article L. 441-3 du Code de commerce ; qu'elle n'est dès lors pas fondée, en tout état de cause, à revendiquer à ce titre l'exception d'inexécution prévue par l'article 1219 du Code civil pour échapper à son obligation de régler les factures de ses fournisseurs dans les délais qui lui sont imposés ; qu'elle ne peut davantage utilement se prévaloir à cet effet des dispositions de l'article 3 de la directive 2011/7/UE du 16 février 2011, transposée en droit interne, et auxquelles les dispositions du Code de commerce sont conformes ; que d'autre part, la société Distribution Casino France n'établit pas que les factures reçues ne satisferaient pas aux exigences de l'article L. 441-3 du Code de commerce, en se prévalant uniquement d'erreurs de saisie dans son logiciel de gestion dont elle ne justifie pas et qui ne sauraient en tout état de cause l'exonérer de ses propres obligations ; qu'enfin, il résulte de l'instruction que l'administration, par souci d'éviter d'éventuelles marges d'erreur, n'a tenu compte ni des factures réglées par lettres de change transmises aux fournisseurs plus de sept jours avant la date d'échéance, ni des factures dont le règlement est intervenu plus de cent-dix jours après l'expiration des délais légaux de paiement ; que la société requérante ne peut dès lors imputer tout ou partie des dépassements de délai à un encaissement tardif de la part de ses fournisseurs ou à l'existence de litiges au long cours ; qu'ainsi, aucune des circonstances dont il est fait état n'est de nature à remettre en cause la computation des délais de paiement à laquelle les vérificateurs se sont livrés non plus que l'imputabilité à la société Distribution Casino France des retard retenus contre elle ; que ceux-ci sont constitutifs de manquements passibles de sanctions sur le fondement de l'article L. 443-1 du Code de commerce ;
Sur les conclusions à fin de réduction de l'amende :
12. Considérant que si la décision attaquée inflige à la société Distribution Casino France l'amende maximale de 375 000 euros prévue par l'article L. 443-1 précité du Code de commerce, il résulte de l'instruction que des dépassements de délai supérieurs à trois jours ont été retenus sur plus de 10 % des factures contrôlées, correspondant à un montant total de 11 745 114,37 euros ; que le décalage de trésorerie créé par cette pratique répétée, dont les effets néfastes ne sauraient être mesurés en fonction du montant relativement modique des intérêts capitalisés de ce fait par la société requérante, est susceptible de mettre en péril la viabilité des entreprises concernées, eu égard à l'importance du chiffre d'affaires que représentent pour elles les factures ainsi acquittées avec retard ; que la société Distribution Casino France n'allègue pas que le montant de cette amende excéderait ses capacités financières ; que, dans ces conditions, le montant de l'amende litigieuse ne méconnaît pas les principes d'individualisation et de proportionnalité de la sanction ;
13. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société Distribution Casino France n'est pas fondée à demander l'annulation ou la réformation de la décision du ministre de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique du 16 septembre 2015 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative :
14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Distribution Casino France au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Distribution Casino France est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la société Distribution Casino France et au ministre de l'économie et des finances ;
Copie en sera adressée au préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes.