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Décisions

TA Amiens, 3e ch., 23 mars 2018, n° 1600712

AMIENS

Jugement

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Rapporteur :

Mme Leboeuf

Rapporteur public :

M. Banvillet

Avocat :

Me Toreau

TA Amiens n° 1600712

23 mars 2018

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF D'AMIENS (3e Chambre) : Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 3 mars, 18 juillet et 24 novembre 2016, la société X SAS, représentée par Me Toreau, demande au tribunal :

1°) à titre principal, d'annuler la décision du 30 décembre 2015 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Picardie lui a infligé une amende administrative de 140 000 euros en raison du non-respect des délais de paiement prévus à l'article L. 441-6 du Code de commerce et a prononcé la publication de la sanction ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer cette décision en réduisant le montant de l'amende administrative et d'annuler sa publication ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- la décision attaquée méconnaît les principes de proportionnalité et d'individualisation des peines ; l'amende infligée n'est pas proportionnée à la gravité des manquements constatés et aux avantages qu'elle en a tirés ; elle est disproportionnée au regard des sanctions prononcées à l'encontre d'autres entreprises ; l'administration n'a pas tenu compte des circonstances atténuantes dont elle s'est prévalue.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 14 juin 2016, 19 octobre 2016 et 2 février 2017, le préfet de la région Hauts-de-France conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société X SAS ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le Code de commerce ;

- le Code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Leboeuf, rapporteur,

- les conclusions de M. Banvillet, rapporteur public,

- et les observations de Me Toreau, représentant la société X SAS, et de Mme Y, représentant le préfet de la région Hauts-de-France.

1. Considérant que la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Picardie a diligenté le 12 mars 2015 un contrôle des délais de paiement des fournisseurs pratiqués par la société X ; qu'un procès-verbal a été dressé le 5 octobre 2015 ; que, par un courrier du 16 octobre 2015, la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Picardie a informé l'entreprise des sanctions envisagées à son encontre en l'invitant à présenter ses observations ; qu'après que l'entreprise a présenté ses observations le 15 décembre 2015, la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Picardie a décidé, le 30 décembre 2015, d'infliger à la société X une amende administrative d'un montant de 140 000 euros et la publication de cette sanction ; que la société X SAS demande au tribunal d'annuler cette décision ou, à défaut, de la réformer ;

Sur la régularité de la sanction :

2. Considérant qu'il résulte des termes du IV de l'article L. 465-2 du Code de commerce, dans leur rédaction applicable à la date de la décision attaquée, que les décisions prononçant une amende administrative sur le fondement de l'article L. 441-6 du même Code doivent être motivées ;

3. Considérant que la décision du 30 décembre 2015 mentionne les motifs de droit sur lesquels elle est fondée ; que, par ailleurs, elle se réfère, pour la description des manquements sanctionnés, au procès-verbal établi le 5 octobre 2015, adressé le 16 octobre 2015 à la société requérante, qui comportait notamment un tableau précisant, pour chaque facture payée avec retard, le nom du fournisseur, le montant de la facture, sa date, la date à laquelle la facture aurait dû être payée, la date de son paiement et la durée du retard de paiement constaté ; que cette décision comporte une réponse aux observations adressées le 15 décembre 2015 par la société X et explique les raisons pour lesquelles l'administration en a tenu compte en abaissant le quantum de la sanction par rapport à celui initialement envisagé ; qu'elle précise les circonstances de fait que l'administration a prises en considération pour arrêter tant le montant de l'amende que le principe et la durée de la publication de la sanction ; que, dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

Sur le bien-fondé de la sanction :

4. Considérant qu'aux termes des neuvième et onzième alinéas de l'article L. 441-6 du Code de commerce dans leur rédaction applicable aux faits de l'espèce : " I. - /.../ Le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours à compter de la date d'émission de la facture. /.../ Nonobstant les dispositions précédentes, pour le transport routier de marchandises, pour la location de véhicules avec ou sans conducteur, pour la commission de transport ainsi quepour les activités de transitaire, d'agent maritime et de fret aérien, de courtier de fret et de commissionnaire en douane, les délais de paiement convenus ne peuvent en aucun cas dépasser trente jours à compter de la date d'émission de la facture. /.../ " ; qu'il résulte du VI du même article que le fait de ne pas respecter les délais de paiement prévus par ces dispositions est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale ;

5. Considérant que la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation du travail et de l'emploi de Picardie a prononcé à l'encontre de la société X une amende d'un montant total de 140 000 euros dont 70 000 euros en raison du non-respect du délai de paiement contractuel, prévu au neuvième alinéa de l'article L. 441-6 du Code de commerce, et 70 000 euros en raison du non-respect du délai de paiement dans le secteur des transport, prévu par le onzième alinéa du I de l'article L. 441-6 du même Code ; qu'elle a également décidé la publication de cette sanction sur le site internet de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes pour une durée de trois mois ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction et, en particulier du procès-verbal dressé le 5 octobre 2015, que parmi l'échantillon de 30 factures sur lesquelles la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Picardie a plus particulièrement fait porter son contrôle, 29 factures représentant un volume d'affaires de 272 283 euros ont été payées avec retard ; que le retard de paiement moyen constaté s'établit à plus de 33 jours ; que ces retards de paiement se répartissent en 12 factures de transport pour un retard moyen de plus de 49 jours et 17 factures hors transport pour un retard moyen de plus de 22 jours ; que la société requérante ne conteste ni l'existence ni le quantum de ces retards de paiement ; que les sanctions prévues par l'article L. 441-6 du Code de commerce ayant notamment pour objet de prévenir l'effet diffus dans l'économie des retards de paiement des entreprises, l'absence d'effet immédiat des retards constatés en l'espèce sur l'équilibre financier des fournisseurs concernés n'est pas de nature à atténuer les manquements commis par la société X qui portent sur des factures d'un montant important ; que la société requérante n'établit pas avoir été soumise à des difficultés économiques particulières au cours de l'année 2014, à l'issue de laquelle elle a d'ailleurs dégagé un résultat positif ; qu'il n'est pas davantage établi qu'elle aurait été confrontée à des difficultés récurrentes de trésorerie au cours de cette même année alors que les comptes déposés de l'exercice clos le 31 décembre 2014 mentionnent à cette date des disponibilités d'un montant de 2 788 585 euros ; que les retards de paiement de ses propres clients, qui sont quantitativement moins importants que ceux qu'elle fait subir à ses fournisseurs, ne suffisent pas à les justifier ; que si la société requérante fait valoir qu'elle a mis en place des mesures correctrices afin d'améliorer sa trésorerie et a réduit ses délais de paiement postérieurement aux manquements constatés, il résulte de l'instruction que ces éléments ont été pris en compte par l'administration pour déterminer le montant de l'amende qui lui a été infligée ; qu'enfin, la requérante ne saurait utilement se prévaloir du montant des amendes prononcées à l'encontre d'autres entreprises dès lors que le caractère proportionné de la sanction doit s'apprécier par rapport à la gravité et à la nature des manquements qui lui sont reprochés ; que, par suite, compte tenu notamment du nombre des retards constatés, de leur durée, du montant des factures concernées et de la taille de la société X, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que les sanctions prononcées à son encontre sont disproportionnées, ni que l'administration a méconnu le principe de l'individualisation des peines ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête de la société X SAS doit être rejetée, y compris les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société X SAS est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Société X SAS et au ministre de l'Economie et des Finances.