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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 5, 23 octobre 2019, n° 16-06241

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Proco - Iloe (SARL), Generali Assurances Iard (SA)

Défendeur :

Proco - Iloe (SARL), Generali Assurances Iard (SA), BASF France (SAS), Construction Chemicals France (SAS), Hervé Vague (SNC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chaumaz

Conseillers :

Mmes Tapin, Morlet

Avocats :

Mes Regoli, Laforcade, Ribaut, Rudermann, Regnier, Perez, De La Robertie

FAITS ET PROCÉDURE

Les SNC Hervé Vague et Le Plein Air des Chênes, faisant toutes deux parties du groupe Sanday, sont propriétaires chacune d'un camping dans le département de l'Hérault, la première à Vendres Plage, la seconde à Clapiers, et qu'elles exploitent directement.

Chaque camping comporte une vaste piscine d'agrément.

Courant 2010, la SARL Proco ILOE, ci-après la société Proco, assurée auprès de la compagnie Generali Iard, ci-après Generali, tant en " responsabilité civile professionnelle " qu'en " responsabilité décennale des constructeurs ", est intervenue pour des travaux de réfection totale de l'étanchéité des deux piscines. Ces travaux sont similaires sur les sites des deux SNC.

Les deux devis s'élevaient respectivement à 120 000 € (pour la SNC Hervé Vague) et 100 000 € HT (pour la société Le Plein Air des Chênes).

La société Proco a mis en œuvre un revêtement d'étanchéité nommé Elsatiloe, mis au point par elle à partir d'une résine A fabriquée et commercialisée par la société BASF Chemical Construction France, devenue la société BASF France, ci-après la société BASF qui le lui a vendu selon factures de 2009 et 2010.

Au final et après divers travaux supplémentaires, le montant des factures adressées par la société Proco était respectivement de 147 108 € (pour la SNC Hervé Vague) et de 121 394 € TTC (pour la société Le Plein Air des Chênes).

A l'issue de la seconde saison estivale en 2011 après l'achèvement des travaux, il a été constaté la dégradation du revêtement des deux piscines se manifestant par un décollement de celui-ci, par un contact abrasif du fond des bassins et par des présences de résine adhérant aux pieds des baigneurs et sur leur maillot de bains.

A la demande des deux SNC, la société Proco est intervenue en 2011 pour réparer ces désordres.

Mais lors de l'été 2012, les mêmes dégradations ont été constatées.

Deux procès-verbaux d'huissier ont été dressés le 21 septembre 2012.

C'est dans ces circonstances que les SNC Hervé Vague et Le Plein Air des Chênes ont sollicité en référé le 5 décembre 2012, devant le président du tribunal de commerce de Paris, la désignation d'un expert judiciaire au contradictoire de la société Proco et de Generali.

Le 4 janvier 2013, la société Proco a assigné devant la même juridiction la société BASF.

Par ordonnance du 15 janvier 2013, les deux procédures ont été jointes et Monsieur J G a été désigné en qualité d'expert judiciaire.

Lors du premier accedit du 9 mars 2013 et afin de remettre les piscines en service pour la réouverture des campings en juillet 2013, toutes les parties ont unanimement accepté que les SNC procèdent immédiatement, à leurs frais avancés, à la reprise intégrale du revêtement des deux piscines, sous le contrôle de bonne fin de l'expert judiciaire.

En contrepartie de quoi, les SNC se sont engagées d'une part, à ce que le coût global de la réfection des deux bassins pour les deux campings n'excède pas la somme de 300 000 euros HT, " sans reconnaissance implicite de responsabilité de l'une des parties ", d'autre part, à renoncer à toute demande de perte d'exploitation. (cf page 12 du rapport d'expertise).

Après réalisation des travaux, Monsieur G a déposé son rapport final le 17 avril 2014.

En ouverture de ce rapport, les deux SNC ont assigné en référé le 15 mai 2014 la société Proco et Generali devant le Président du tribunal de commerce de Paris pour obtenir paiement de diverses provisions à valoir sur la réparation définitive de leurs préjudices.

Par ordonnance du 16 septembre 2014, elles ont été déboutées, le juge des référés disant n'y avoir lieu à référé et considérant que l'affaire relève de la compétence du juge du fond.

Les deux SNC ont donc assigné au fond les 24 et 30 octobre 2014 la société Proco, Generali et la société BASF devant le tribunal de commerce de Paris pour obtenir paiement de diverses sommes représentant notamment pour chaque piscine : le coût des réparations, de la main d'œuvre, de l'expertise de Monsieur G, et de dommages et intérêts complémentaires.

Par jugement du 29 janvier 2016, le tribunal de commerce de Paris a notamment :

" - condamné in solidum la société Proco et Generali, prise en sa qualité d'assureur de la société Proco (police RC pro et RC décennale Proco ILOE N° AH72834), à payer à la SNC Hervé Vague la somme de 96 584 euros plus les taxes et 7 543 euros au titre des frais de l'expertise,

- condamné la SAS BASF France venant aux droits de la SAS BASF Construction Chemicals France à payer à la SNC Hervé Vague la somme de 24 146 euros plus les taxes et 1 885,75 euros au titre des frais de l'expertise,

- condamné in solidum la société Proco et Generali, prise en sa qualité d'assureur de la société Proco, à payer à la SNC Le Plein Air des Chênes la somme de 93 362,32 euros plus les taxes et 7 543 euros au titre des frais de l'expertise,

- condamné la SAS BASF France venant aux droits de la SAS BASF Construction Chemical France à payer à la SNC Plein Air des Chênes la somme de 23 340,58 euros plus les taxes et 1 885,75 euros au titre des frais de l'expertise,

- condamné in solidum les sociétés Proco, SAS BASF France venant aux droits de la SAS BASF Construction Chemicals France, et Generali, prise en sa qualité d'assureur de la société Proco, à payer à chacune des demanderesses les SNC Hervé Vague et Le Plein Air des Chênes la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts et débouté du surplus de leurs demandes,

- condamné la société Proco à payer à la SAS BASF France venant aux droits de la SAS BASF

Construction Chemicals France la somme de 33 290,78 euros,

- condamné in solidum les société Proco ILOE, SAS BASF France venant aux droits de la SAS BASF Construction Chemicals France, et Generali, prise en sa qualité d'assureur de la société Proco, à payer à chacune des demanderesses les SNC Hervé Vague et Le Plein Air des Chênes la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement en toutes ses dispositions, sans constitution de garantie,

- condamné la société Proco aux dépens dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 152,64 euros dont 25,22 euros de TVA. "

Le 11 mars 2016, la société Proco a interjeté " un appel total " du jugement, enregistré sous le n° 16/06241 du répertoire général, appel dirigé contre la société BASF France venant aux droits de la SAS BASF Construction Chemicals France et la SA Generali Assurances Iard.

Generali a régularisé un second appel le 14 mars 2016, enregistré sous le n° 16/06327, appel dirigé contre la SNC Hervé Vague, la SNC Le Plein Air des Chênes, la société Proco ILOE et la Société BASF France.

Le 16 mai 2017, les deux procédures ont été jointes sous le n° 16/06241.

Moyens et pretentions des parties

Dans ses dernières conclusions signifiées le 25 juin 2018, la société Proco demande de :

A titre principal

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a opéré un partage de responsabilité entre Proco et BASF France, et statuant à nouveau :

- juger que la société BASF France est seule responsable des sinistres subis par la SNC Hervé Vague et la SNC Le Plein Air des Chênes,

En conséquence,

- juger que la SA BASF France devra relever et garantir indemne la SARL Proco de toute condamnation,

- condamner BASF au paiement en faveur de la SARL Proco de la somme de 300 000 euros au titre des travaux réalisés par Proco,

- débouter BASF de sa demande reconventionnelle,

- accueillir l'appel incident de la SARL Proco,

En conséquence,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué des dommages et intérêts aux SNC Le Plein Air des Chênes et F L,

- condamner la société BASF France à verser à la SARL Proco la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, en ce compris ceux de l'article 10 du " décret du 8.03.2001-2012 " (sic) modifié par le décret 2007-1851 du 26 décembre 2007,

A titre subsidiaire

- juger que la responsabilité de la société BASF France est engagée à hauteur de 50 % minimum des conséquences des désordres survenus,

En conséquence,

- condamner la société BASF France à relever et garantir à hauteur de 50% minimum la société Proco, elle-même garantie par Generali,

- accueillir l'appel incident de la SARL Proco,

En conséquence,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué des dommages et intérêts aux SNC Le Plein Air des Chênes et F L,

- condamner BASF au paiement en faveur de la SARL Proco de la somme de 300 000 euros au titre des travaux réalisés par Proco,

A titre infiniment subsidiaire

- condamner BASF au paiement en faveur de la SARL Proco de la somme de 300 000 euros au titre des travaux réalisés par Proco,

- juger que les sommes dues par Proco à BASF se compenseraient avec les sommes dues par BASF au titre des travaux de reprises exposés par Proco,

En tout état de cause, condamner la société BASF France à verser à la SARL Proco la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance, en ce compris ceux de l'article 10 du décret du " 8.03.2001-2012 " (sic) modifié par le décret 2007-1851 du 26 décembre 2007.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 12 octobre 2018, Generali, assureur de la société Proco, demande de :

Vu les articles 1134 et suivants du Code civil,

Vu les articles 563 et 564 du Code de procédure civile,

A titre principal. :

- juger que la société BASF est seule responsable des sinistres subis par les SNC Hervé Vagues et Le Plein Air des Chênes,

- juger par conséquent l'absence de responsabilité de la société Proco,

- juger que la garantie " Responsabilité Civile " souscrite auprès de Generali exclut les frais de remplacement/reprise des travaux réalisés par l'assuré,

Par conséquent,

- réformer le jugement en ce qu'il a prononcé des condamnations à l'égard de la société Proco et son assureur Generali,

- juger non mobilisables les garanties de Generali,

- débouter les SNC Hervé Vagues, Le Plein Air des Chênes et Proco de l'ensemble de leurs demandes en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de Generali,

- rejeter toute demande dirigée à l'encontre de Generali,

A titre subsidiaire :

- rejeter la demande des SNC Hervé Vagues et Le Plein Air des Chênes au titre des dommages et intérêts chiffrés à la somme excessive de 40 000 euros,

- condamner la société BASF à relever et garantir indemne Generali de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre à hauteur de 90 % des condamnations qui seraient mises à sa charge, et à tout le moins à hauteur de 70 % conformément aux termes du jugement du 1er juin 2018 rendu par le tribunal de commerce de Paris dans l'affaire connexe,

- faire application des limites de garantie du contrat d'assurance et notamment de la franchise,

En tout état de cause :

Vu les articles 695 et suivants et 700 du Code de procédure civile,

- condamner les SNC Hervé Vague et Le Plein Air des Chênes ou tout succombant à payer à Generali la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens de l'instance lesquels pourront être recouvrés par Maître Gilles Vincent Ribaut, avocat au barreau de Paris.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 15 octobre 2018, la société BASF France demande de :

Vu les articles 1382 et suivants du Code civil,

Vu les articles 564 et 565 du Code de procédure civile,

Vu la jurisprudence citée,

Vu le jugement du 29 janvier 2016,

Vu les pièces du dossier,

Vu le rapport de l'expert,

- déclare la société BASF recevable et bien fondée en son appel incident,

Y faisant droit

- juger que la société BASF n'était pas soumise une obligation d'information à l'égard de la société Proco, d'une part, et que d'autre part, elle a parfaitement rempli ses obligations vis-à-vis de l'acheteur,

En consequence,

- infirmer le jugement du 29 janvier 2016, en ce qu'il a considéré que la responsabilité de la société BASF était engagée à hauteur de 20 %,

Et Statuant A Nouveau :

- mettre hors de cause la société BASF,

- débouter la société Proco, Generali et les SNC Hervé Vague et le Plein Air des Chênes de toutes leurs demandes à toutes fins qu'elles comportent à l'encontre de la société BASF (sic),

- juger que les demandes formulées par Generali tendant à ce que la cour d'appel de Paris déclare les garanties de la police Generali n° AH728234 non mobilisables en l'espèce correspondent à des demandes nouvelles soulevées pour la première fois en cause d'appel,

- déclarer irrecevables les demandes formulées par Generali tendant à ce que la cour d'appel de Paris déclare les garanties de la police Generali n° AH728234 non mobilisables en l'espèce,

- juger que la garantie " Responsabilité Décennale des Constructeurs " souscrite par la société Proco auprès de Generali est parfaitement mobilisable en l'espèce,

En tout etat de cause :

- confirmer le jugement du 29 janvier 2016, en ce qu'il a condamné la société Proco à payer à la société BASF la somme de 33 290,78 euros au titre des factures impayées,

- condamner la société Proco ou tout succombant au paiement de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, en ce compris les frais d'expertise.

Dans leurs dernières conclusions signifiées le 20 février 2017, les SNC Hervé Vague et Le Plein Air des Chênes demandent de :

Vu les articles 564 et 565 du Code de procédure civile,

- dire irrecevable comme nouvelle en cause d'appel la demande de Generali tendant à sa mise hors de cause,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

- débouter Generali, la société Proco et la société BASF France de toutes leurs demandes,

Et y ajoutant

- condamner in solidum les sociétés Generali, Proco et BASF France à payer à chacune des deux demanderesses 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens dont distraction au profit de Maître Olivier de La Robertie.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 13 novembre 2018.

Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie à leurs écritures conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS

I) Sur les désordres affectant les deux piscines

La société Proco qui reconnaît le caractère décennal des désordres affectant les piscines, et le droit à réparation des deux SNC, développe les moyens et arguments suivants pour contester toute responsabilité de sa part dans la survenue des désordres et demander de ne retenir que celle de la société BASF :

- il est surprenant que l'expert judiciaire opère un partage de responsabilités entre elle et la société BASF alors qu'il a constaté que " la faute, cause exclusive du dommage, est la fourniture d'un produit non adapté [en l'occurrence le produit d'étanchéité A] par un fournisseur [la société BASF] connaissant l'utilisation qui allait en être faite ", et ce, " malgré la connaissance qu'il avait (ou en tout état de cause était censé avoir) de son caractère inadapté " dans un milieu immergé de par ses caractéristiques thisotropiques ;

- l'utilisation et la présence de sable, incorporé au A par la société Proco dans le complexe d'étanchéité posé sur les bassins des deux piscines, ne constituent qu'un facteur aggravant des désordres, qui, par définition, ne peut être considéré comme ayant un rôle causal initial, ni exclusif au préjudice de l'applicateur de ce complexe qu'elle est ;

- la société Proco se contente de revendre à ses clients, comme les deux SNC, les produits fabriqués par la société BASF suivant un système de mise en œuvre élaboré par celle-ci ;

- alors que la société BASF la fournissait en résine Conipur. depuis plusieurs années, c'est le commercial de cette société, Monsieur Y, qui lui a conseillé sur une liste importante de résines fabriquées par BASF, de la remplacer par le A, finalement cause des désordres ;

- la société Proco n'est pas un acheteur professionnel averti dont les connaissances déchargeraient le vendeur, la société BASF, de toute obligation de conseil et d'information, ni un fabricant de produits chimiques, ni un professionnel de la chimie, contrairement à cette dernière société ;

- enfin la société Proco rapporte la preuve qu'elle a réagi à la mise en garde écrite, incomplète, du 11 février 2010 de la société BASF d'une utilisation du A inadaptée à l'étanchéité des piscines, tout en continuant de gérer ses chantiers en cours, et de développer une solution pérenne pour ses chantiers à venir ; elle précise qu'il était impossible de changer de produit en cours d'application, les produits " résine " étant rarement compatibles entre eux, et d'arrêter un chantier réalisé dans des délais contraints.

La société Proco au vu de ces éléments demande que la société BASF la relève indemne de toute condamnation sur le fondement des articles 1134 et 1147 du Code civil.

Generali, assureur RC et RD de la société Proco, reprend les mêmes moyens et arguments que celle-ci pour contester sa responsabilité dans la survenue des désordres, et pour ne voir retenue que celle de la société BASF.

Outre que Generali indique " ne pas discuter " le bien fondé des réclamations faites par les deux SNC au titre de toutes les réparations matérielles, elle ajoute toutefois :

- que la société BASF connaissait parfaitement la non adaptation du A aux piscines " comme en témoigne [selon l'expert] le changement dans la fiche technique du produit de 1997 mentionnant un usage en piscine et celle de BASF de 2006 où cette mention a disparu (sans être pour autant être nommément proscrite) ", et à aucun moment n'en avertissait la société Proco ;

- que ce n'est que postérieurement à la commande et à la livraison du produit A sur les chantiers (en janvier et février 2010) que la société BASF a adressé un courrier de réserve " signalant " et non rappelant, que la réalisation de l'étanchéité des piscines ne fait pas partie du champ d'application du A, alors que par ce courrier, la société BASF ne s'acquittait pas de son obligation de conseil ou de mise en garde ;

- que le partage de responsabilités tel qu'opéré par l'expert est surprenant puisqu'il s'inscrit en contradiction avec ses propres conclusions ;

- et qu'il lui apparaît que la société BASF est seule responsable de l'entier sinistre subi par les SNC.

Generali conclut donc pour ce dernier motif à sa mise hors de cause, et dénie également sa garantie " responsabilité civile " souscrite par la société Proco, affirmant ne pas avoir vocation à prendre en charge les réclamations des sociétés exploitantes au titre du coût des réparations des travaux de Proco.

A titre subsidiaire, Generali réclame la garantie de la société BASF, pour les motifs exposés ci-dessus, à hauteur de 90 %, et à tout le moins à celle de 70 %, précisant demander l'application des limites de garantie de son contrat d'assurance dont sa franchise, en présence de garanties facultatives.

La société BASF qui explique avoir livré à la société Proco entre janvier et juin 2010 divers lots de produits A en ne sachant pas exactement l'utilisation qu'elle comptait en faire et lui a rappelé par courrier RAR. du 11 février 2010 que " la réalisation d'étanchéité de piscine ne fait pas partie du champ d'application de A ", dénie toute responsabilité dans la survenue des désordres ayant affecté les piscines des deux SNC et demande de ne retenir que celle de la société Proco pour les motifs suivants :

- cette dernière, en contradiction avec la fiche technique du produit A de 2006 dont elle a eu incontestablement connaissance, avec le certificat de l'Apave édité en janvier 2007 excluant l'utilisation du A en piscine, et du courrier RAR. de réserve du 11 février 2010, a tout de même utilisé, en toute connaissance de cause, le dit produit dans le cadre de réhabilitation des piscines, postérieurement puisqu'à compter de mars 2010 ;

- la société BASF n'a jamais participé à la construction des deux piscines litigieuses, ni préconisé le produit A pour qu'il soit utilisé dans celles-ci ;

- la société BASF n'était nullement tenue d'un quelconque devoir d'information à l'égard de la société Proco, professionnelle des piscines, qui met elle-même au point et fabrique ses produits dont celui dénommé Iloe, à partir de résines de base comme le A, pour créer des revêtements particuliers qu'elle met ensuite en place, comme les documents commerciaux de Proco l'établissent ;

- la société Proco est un acheteur professionnel qui possède les connaissances nécessaires en chimie pour fabriquer ses propres produits, qu'elle vend d'ailleurs sous sa marque, et pour lesquels elle a souscrit une assurance spécifique ;

- la société Proco devait se renseigner, en sa qualité de professionnelle des piscines, sur le champ d'application du produit A ou bien l'informer en sa qualité de vendeur de l'utilisation qu'elle comptait en faire.

Enfin, la société BASF demande de déclarer irrecevable le déni de sa garantie civile professionnelle par Generali, par application de l'article 564 du Code de procédure, dès lors qu'elle invoque ce moyen pour la première fois en cause d'appel.

Elle ajoute qu'en tout état de cause, la police de responsabilité décennale souscrite par la société Proco auprès de Generali s'applique puisque les travaux affectés de désordres qui rendent les ouvrages impropres à leur destination tel que définie par les articles 1792 et suivants du Code civil, ont été réceptionnés sans réserve par les deux SNC.

Ces dernières qui demandent la confirmation du jugement y compris sur le montant des réparations qu'aucune défenderesse n'a contesté en première instance et en appel, soutiennent que " le fondement de leur droit à réparation contre l'entreprise responsable des désordres est double " :

- sous " l'angle de l'obligation de résultat qui pèse sur l'entreprise d'exécution de ce type de travaux ",

- et par application des articles 1792 et suivants du Code civil dès lors que les travaux de réalisation d'une dalle pour une piscine sous soumis à ces articles.

Elles réclament l'application de l'action directe contre l'assureur de la société Proco prévue à l'article L. 124-3 du Code des assurances, rappelant à Generali qui conteste sa responsabilité civile professionnelle, qu'elle est également tenue par " le volet Responsabilité décennale ", ainsi que le régime de la responsabilité délictuelle contre la société BASF, en l'absence de contrat entre elles et cette entreprise contre laquelle doit être retenue une absence de bonne et loyale information de son client Proco.

Après avoir indiqué que la répartition des responsabilités entre les défendeurs ne les concerne pas, les deux SNC soutiennent que la société Proco est tenue in solidum à l'entière réparation des dommages, comme l'assureur Generali, indépendamment de son recours contre la société BASF.

Au terme de l'article 1792 du Code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Est ainsi posé un régime de garantie légale, sans faute, due pendant 10 ans à compter de la réception des travaux (article 1792-4-1 du Code civil) pour les désordres non apparents à cette date et affectant la solidité ou la destination des ouvrages.

Sont notamment tenus à garantie à ce titre, notamment les entreprises liées au maître d'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage visées par l'article 1792-1-1° du Code civil.

Ce régime légal de garantie décennale, est, dès lors que les conditions de son applicabilité sont réunies, exclusif de tout autre régime de responsabilité.

Lorsque les conditions d'application de la garantie légale décennale ne sont pas remplies, parce que les désordres étaient apparents à la réception ou parce qu'ils n'affectent ni la solidité ni la destination de l'ouvrage, l'indemnisation des divers intervenants peut être recherchée sur le fondement de leur responsabilité civile de droit commun contractuelle ou délictuelle selon les liens de droit entre les parties. Il ne s'agit plus alors de mettre en œuvre un régime de garantie, mais un régime de responsabilité, pour manquement prouvé à une obligation ou pour faute.

Seuls doivent être examinés les manquements contractuels ou fautes des intervenants, commis dans le cadre de leurs missions, en lien avec les dommages allégués. La nature des désordres, qui affectent ou non la solidité ou la destination de l'ouvrage, est alors inopérante dans ce cadre.

Les articles 1134 et 1147, dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur, le 1er octobre 2016, de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations, seuls applicables en l'espèce à des contrats conclus en 2010 en vertu du dernier alinéa de l'article 9 de ce texte, posent le régime de la responsabilité contractuelle, énonçant que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, doivent être exécutées de bonne foi et se résolvent en dommages et intérêts à raison de l'inexécution ou de la mauvaise exécution par le débiteur de son obligation.

La responsabilité contractuelle des constructeurs après réception exige la démonstration qu'ils ont, par leur faute, causé la survenance des désordres.

L'article 1382 du Code civil, en sa version antérieure au 1er octobre 2016, reprise dans l'article 1240 du Code civil après la réforme, pose quant à lui le régime de la responsabilité civile délictuelle. Tout manquement d'une partie à ses obligations contractuelles qui cause à un tiers au contrat un dommage, l'oblige à réparation.

Les intervenants sur le chantier non contractuellement liés au maître d'ouvrage, tel les sous-traitants ou le fabricant d'un produit utilisé dans l'ouvrage, peuvent voir rechercher leur responsabilité civile délictuelle.

Enfin, il convient également de faire application des articles 1602 et suivants du Code civil, outre de l'article 1147 précité, dans leur rédaction antérieure au 1er octobre 2016, dans les rapports entre le vendeur professionnel d'un produit, en l'espèce la société BASF, et son acheteur la société Proco.

1 Sur les désordres et leur qualification

Il résulte du rapport d'expertise qu'avant l'exécution des travaux litigieux, les deux piscines, affectées de désordres, étaient similaires et en béton projeté de forme libre, avec goulotte de débordement périphérique. Elles étaient revêtues d'un " plaster " caractérisé par un enduit silico marbreux projeté, et fuyardes.

Selon les deux devis du 24 janvier 2010 adressés aux SNC, la société Proco leur a proposé de refaire la maçonnerie des bassins et de mettre en place un revêtement dénommé " Elsatiloe Strong ".

" Elsatiloe Strong " est suivant les documents commerciaux de Proco (pièces 1 à 3 des SNC) un " revêtement utilisé en toiture, terrasse, bassin, piscine, fontaine, place avec différentes finitions possibles ". Il est un " système associant : un primaire d'accrochage, une résine souple polyester ou polyréthane, un accélérateur, durcisseur (ou non), une trame d'armature polyester adaptée, et quartz céramisés ... "

Le responsable de Proco a décrit à l'expert le mode opératoire suivant de réalisation du revêtement de chacune des piscines, description confirmée par les documents commerciaux de cette entreprise (page 9 du rapport d'expertise) :

" 1) la piscine est lavée à l'acide chlorhydrique, puis séchée et rincée ;

2) vaporisation d'un primaire fongicide à base d'ammonium 50% de la société GACHES Chimie ;

3) application d'un primaire d'accrochage MASTERTOP 621 [nb : fabriqué et commercialisé par BASF] ;

4) contrôle visuel de l'aspect de surface ;

5) application ponctuel d'une deuxième couche de primaire sur les zones d'aspect mat ;

6) sablage à refus du primaire sur support saturé ;

7) application d'une première couche de A [nb : fabriqué et commercialisé par BASF] avec une taloche crantée 2 mm ;

8) mise en place d'un tramage polypropylène ;

9) roulage du tramage au débuleur pour incorporation dans la matière ;

10) sablage à refus du support ;

11) séchage et durcissage ;

12) ponctuellement pour finir de noyer la trame, passage d'une " patte de lapin " ou raclette ;

13) ponctuellement sablage à nouveau ;

14) passage d'une troisième couche uniforme en une passe, avec un rouleau sur les parois, une raclette caoutchouc sur le fond et au pinceau pour les points singuliers ;

15) dans la foulée on passe un rouleau de peintre pour égaliser et séchage rapide ;

16) sablage à refus par sableuse sur les parois et jeté à la main sur le fond ;

17) après durcissement le sable non adhérent est balayé. "

Les délais d'exécution des travaux convenus entre Proco et les SNC étaient les suivants :

- pour la SNC Hervé Vague, début des travaux courant février 2010, trois mois d'exécution et " baignade fin mars 2010 " ;

- pour la SNC Le Plein Air des Chênes, début des travaux fin mars 2010, trois mois d'exécution et " baignade fin mai 2010 ".

Ces délais ont été respectés puisque les factures ont été émises le 26 mars 2010 pour les travaux de la SNC Hervé Vague, et le 20 mai 2010 pour ceux de la SNC Le Plein Air des Chênes. D'ailleurs aucune réclamation des SNC n'a été émise sur ces délais.

Les deux piscines sont mises en eau au début de la saison 2010 et exploitées durant celle-ci.

La direction de chaque camping fait alors le constat similaire d'une dégradation " légère et aléatoire " du revêtement, ainsi que de l'apparition de tâches vertes sur le fond et les parois.

Lors de la seconde saison d'exploitation en 2011, il est constaté une accentuation des dégradations avec " un décrochage de la résine sur plusieurs endroits " (cf lettre de réclamation du 16 octobre 2012). Après la fermeture des établissements, des travaux de reprise ponctuels sont effectués par Proco.

a) Sur la description des désordres

Au cours de la troisième saison en 2012, il est constaté une généralisation des dégradations du revêtement des piscines. Elles sont inesthétiques, et le revêtement se détache, se colle aux maillots de bain et sur les pieds des vacanciers.

Un huissier a effectué les constats suivants dans chaque piscine le 21 septembre 2012 auxquels il a joint une trentaine de photographies :

- au fond des piscines se trouve une poussière à aspect sableux en de nombreux endroits ;

- une grande quantité de micro algues d'aspect sombre, sale et verdâtre se trouve sur les parois et les sols ;

- la peinture se désagrège au toucher " jusqu'au béton " des morceaux du revêtement jonchent le bassin (de F L), la trame est visible ;

- le revêtement est collant et rugueux ;

- les réparations effectuées en 2011 sont de couleurs différentes par rapport aux travaux de 2010 ; la silice de surface de ces réparations se désagrège ;

- les maillots de bain sont poncés par le côté abrasif des parois et imprégnés de peinture beige ;

- le dessous des pieds est recouvert de peinture beige.

Enfin dans l'aire de jeux aquatiques des enfants, la peinture se décolle à plusieurs endroits ; le béton brut apparaît ; la peinture est collante au toucher dans le tunnel et une importante odeur de solvant est ressentie.

L'expert, quant à lui, a constaté (page 9 de son rapport) :

- que la résine sous toile est pure, et la dernière est saturée de silice ;

- que la troisième couche a disparu, laissant une trame visible, et par endroit totalement décollée ;

- les zones attaquées étaient le siège de colorations vertes ou sombres, signes de colonisations organiques ;

- il existe une différence forte de résistance du revêtement sur les parties encore recouvertes de flaques d'eau (pluie récente) et les parties sèches du fond du bassin, ce qui exclut la responsabilité du traitement chloré du bassin dans la dégradation du revêtement ;

- enfin, les parties réparées par Proco lors de l'inter saison 2011-2012 étant le siège de pollution organique forte, cela indique que le revêtement est poreux.

b) Sur les causes des désordres

Monsieur G en accord avec Monsieur I qu'il a sollicité comme sapiteur avec l'accord de toutes les parties, sur les causes des désordres, a indiqué que les deux piscines présentent le même diagnostic :

- le revêtement mis en place est totalement inadapté à son usage ;

- le produit utilisé A ne présente pas les qualités requises pour rester en permanence au contact de l'eau, " sans parler des propriétés mécaniques nécessaires à assumer une étanchéité parfaite pour ce genre de chantier " (selon le sapiteur). La résine A est bien aliphatique (tenant à la lumière solaire sans dégradation). Mais, elle a un caractère thixotropique fort, c'est-à- dire dure en surface lorsqu'elle est émergée et redevient fragile voir poisseuse quand elle est immergée. Il existe également une légère reprise d'eau après évaporation des solvants porteurs contenus dans cette résine. Ce processus de reprise d'humidité est d'autant plus sensible que le temps de séchage est court entre deux couches d'application et la mise finale en eau ;

- la présence de sable comme antidérapant constitue un facteur nuisible à une éventuelle bonne tenue de l'ensemble, le sable diminuant considérablement la résistance à l'allongement de la résine. Cette présence a trois effets pervers selon l'expert :

1) elle rend la matière non homogène ;

2) elle favorise la pénétration de l'eau en profondeur dans les vides créés par la mauvaise adhérence de la résine sur la silice ;

3) le sable peu à peu libéré par la dégradation mécanique de la résine devient à son tour facteur abrasif et accélère cette dégradation.

La résine, redevenant un peu molle au contact de l'eau, n'opère plus son pouvoir de cohésion. Une simple pression du doigt libère du sable et aussi du colorant qui n'étant plus enrobé dans la résine reprend sa fonction première : colorer, et provoquant des tâches sur les maillots de bain.

En conclusion l'expert, qui n'est contesté sur ce point par aucune partie, indique qu'il existe une faute dans l'emploi du A comme revêtement de piscine, et un facteur aggravant dans la présence de sable lors de sa mise en œuvre.

L'expert indique page 14 de son rapport :

" - la responsabilité de la société Proco est évidente en ce qu'elle a proposé au demandeur un revêtement non adapté à cet usage, qu'elle a fourni ce procédé et qu'elle l'a mis en œuvre.

Sa responsabilité provient d'abord du choix du complexe d'étanchéité proposé, le A " qui n'est pas adapté à une immersion prolongée, ensuite par la présence dans ce complexe d'étanchéité " ILOE " de sable et d'une trame qui fragilise le A lui-même ; "

" - la responsabilité de la société BASF est également patente au titre du défaut d'information et conseil en ce qu'elle connaissait la destination et le type de mise en œuvre des produits livrés à Proco ... " c) Sur la qualification juridique des désordres

Avant de qualifier ces désordres, il convient de relever qu'aucun procès-verbal de réception des travaux effectués par Proco en 2010 n'a été signé par les parties.

Selon l'article 1792-6 du Code civil réception est l'acte par lequel le maître d'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve. Elle marque le point de départ de la garantie légale décennale des constructeurs et réputés tels et de leur responsabilité civile de droit commun. La réception intervient, à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, et dans ce cas un procès-verbal de réception est signé par les parties, soit, à défaut, judiciairement, et est dans ce cas fixée par le tribunal qui doit alors vérifier que les ouvrages sont en état d'être réceptionnés. L'article 1792-6 du Code civil n'exclut pas en outre la possibilité d'une réception tacite qui se distingue de la réception judiciaire. Cette réception tacite n'est pas ordonnée, mais constatée par le juge s'il est démontré que le maître d'ouvrage a marqué une volonté non équivoque de recevoir les travaux en l'état.

Certes il n'existe pas de réception expresse pour les travaux des deux piscines en 2010, mais l'expert indique que les piscines ont été mises en eau dès la fin de ces travaux et que la saison 2010 s'est relativement bien déroulée, seuls des désordres minimes sus décrits ayant été constatés selon les déclarations des maîtres d'ouvrage à l'expert.

Si le règlement intégral des travaux ne suffit pas à lui seul à démontrer la volonté non équivoque des maîtres d'ouvrage de recevoir les travaux et ne vaut donc pas de facto réception de l'ouvrage, il n'est cependant en l'espèce justifié, au-delà du paiement intégral des travaux effectués par les deux SNC, que celles-ci auraient émis auprès de Proco la moindre réserve à l'issue des travaux fin mars 2010 pour la SNC Hervé Vague et fin mai 2010 pour la SNC Le Plein Air des Chênes. Elles ont pris possession des ouvrages sans aucune observation après l'achèvement des travaux et n'ont formulé leurs premières réclamations qu'en 2011, après les saisons 2010 et 2011 au cours desquelles les deux piscines ont été utilisées par les estivants. Les sociétés maîtres d'ouvrage se sont ainsi comportées comme ayant accepté les travaux réalisés au moment du paiement de l'intégralité de leur facture respective fin mars et fin mai 2010, marquant ainsi leur volonté non équivoque d'approuver chaque ouvrage en l'état, c'est à dire le nouveau revêtement des deux piscines.

Une réception tacite est donc intervenue au plus tard fin mars 2010 pour les travaux sur la piscine de la SNC Hervé Vague, et fin mai 2010 pour les travaux sur la piscine de la SNC Le Plein Air des Chênes, et à chaque fois sans réserve. En effet, en l'absence de réception expresse, aucune réserve n'a été formulée à ces dates.

Il n'est pas discuté que les désordres précités apparus après la réception tacite des deux SNC n'étaient pas apparents à ces dates.

Même si aucune fuite d'eau ou perte d'eau des deux piscines, ouvrages au sens des articles 1792 et suivants du Code civil précités, n'a été constatée par l'expert, celles-ci qui présentent une dégradation généralisée de l'ensemble de leur revêtement ne permettant pas aux personnes de s'y baigner sans risque, sont impropres à leur destination.

A ce titre, les désordres entrent dans le champ d'application de l'article 1792 du Code civil.

2 Sur les demandes des deux SNC

Certes les SNC demandent la confirmation du jugement qui dans son dispositif a prononcé des condamnations divises entre chaque entreprise (Proco et BASF) au bénéfice de chaque SNC. Mais il est établi que les SNC avaient demandé en première instance une condamnation in solidum de ces deux entreprises, comme cela est possible lorsque plusieurs personnes ont par leurs faits respectifs causé un seul et même dommage.

Au vu de ces éléments, le jugement déféré est infirmé de ce chef.

a) Sur les demandes des SNC à l'encontre de Proco et la garantie de Generali

1 - Il convient tout d'abord de retenir la responsabilité décennale de la société Proco, entreprise générale qui a fabriqué et posé le revêtement des deux piscines litigieuses, présumée responsable à l'égard des deux maîtres d'ouvrage, la SNC Hervé Vague et la SNC Le Plein Air des Chênes, du fait de l'apparition de ces désordres affectant ce revêtement, sur le fondement de l'article précité.

La société Proco ne justifie d'aucune cause exonératoire de responsabilité.

Le fait que la société BASF supporte une part de responsabilité technique à l'origine des désordres ne constitue pas une cause exonératoire de responsabilité de la société Proco, constructeur.

2 Ensuite Generali qui ne dénie pas sa garantie décennale à son assurée la société Proco, voit en conséquence celle-ci retenue, sans limitation de garantie à l'égard des tiers (franchise et plafond de garantie) s'agissant d'une garantie obligatoire. Les assureurs ne peuvent en effet opposer leur franchise qu'à leur assuré.

Dès lors que la garantie décennale de Generali est appliquée sur le fondement de l'action directe édictée par l'article L. 124-3 alinéa 1er du Code des assurances, au bénéfice des maîtres d'ouvrage, tiers lésés, il n'y pas lieu de statuer sur sa garantie civile professionnelle qu'elle dénie au profit de la société Proco, et de répondre aux moyens en défense des parties la concernant (cf notamment sur une demande nouvelle présentée pour la première fois en appel).

b) Sur les demandes des SNC à l'encontre de BASF

En première instance, les deux SNC ont agi directement contre la société BASF avec laquelle elles n'ont aucun lien contractuel, comme expliqué précédemment. Elle n'a pas en effet qualité de " constructeur " à leur égard au sens de l'article 1792-1 du Code civil et ne peut voir sa garantie décennale engagée. Dans ces conditions, cette société, fabricant et fournisseur du produit A constituant le composant principal du revêtement litigieux des deux piscines, peut voir sa responsabilité délictuelle recherchée par les deux SNC sur le fondement de l'article 1382 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Pour engager la responsabilité de la société BASF qui se désigne dans ses documents commerciaux " 1er chimiste au monde ... " il incombe aux maîtres d'ouvrage de rapporter la preuve de sa faute en lien avec le préjudice qu'ils invoquent.

Le manquement de la société BASF à une obligation contractuelle vis-à- vis de la société Proco, qui cause aux deux SNC, tiers au contrat, un dommage, l'oblige à réparation au profit de ces derniers.

Il est établi par les pièces produites que la société BASF a fabriqué et vendu entre janvier et juin 2010 à la société Proco le produit dénommé A à destination des piscines des deux SNC.

Ce produit, selon sa fiche technique datant de 2008 produite par Proco, " corrigée le 29 septembre 1997 en annulant toutes les autres " est " un produit d'étanchéité monocomposant formulé à partir d'élastomère polyuréthanne allphatique ". Son domaine d'application est " l'étanchéité en neuf ou réfection pour : terrasse avec circulation piétonne, terrasse parking, gradin de stade, réservoirs d'eau et bassins ". Aucune contre-indication ne figure dans cette fiche (pièce 16 de Proco).

Cette absence d'information sur une contre-indication d'emploi du produit dans les piscines, constitue une faute à l'égard des deux SNC qui leur a causé les dommages décrits précédemment. Elles ont cru que la résine A, fabriquée et livrée par BASF, pouvait être utilisée pour le revêtement de leurs piscines, alors que l'expert et le sapiteur ont mis en évidence qu'elle était inadaptée et présentait des désordres au contact continu de l'eau des piscines.

La preuve étant ainsi rapportée de la faute délictuelle commise par BASF à l'égard des deux SNC dans le choix du A, inadapté au revêtement des piscines, du préjudice qu'elles ont subi par la dégradation généralisée de ces piscines, et du lien de causalité entre les deux, la responsabilité de BASF est à l'égard des SNC.

Enfin, les faits et les fautes de la société Proco, garantie par Generali, et de la société BASF ayant contribué ensemble à la survenance du sinistre, les sociétés Proco et BASF sont responsables in solidum, Proco sous la garantie de Generali, des dommages subis par les SNC, et condamnées in solidum à réparer leurs dommages matériels.

3 - Sur les réparations

Pour l'expert, seule la mise en place d'un revêtement de résine polyester armé de fibre de verre est possible et fiable sur les bassins dégradés compte tenu notamment de la volonté des SNC de remettre en service les piscines avant l'ouverture au public des campings en 2013. Comme le revêtement doit impérativement être posé sur un support sain, celui dégradé doit être totalement déposé jusqu'au béton originel.

Les SNC ont procédé à leurs frais avancés aux travaux préconisés par l'expert, " sans reconnaissance implicite de responsabilité de l'une des parties ", comme indiqué précédemment.

Il résulte des devis et factures adressés à l'expert et vérifiés par lui que le coût total des travaux pour chaque SNC est le suivant :

- pour la SNC Hervé Vague : une somme de 120 730 euros HT comprenant le coût de la maitrise d'œuvre de 12 430 euros HT et le coût des travaux réparatoires de 108 300 euros HT ;

- pour la SNC Le Plein Air des Chênes : une somme de 123 502,90 euros HT comprenant le coût de la maitrise d'œuvre de 12 063,90 euros HT et le coût des travaux réparatoires de 111 439 euros HT.

Aucune partie ne conteste ces sommes que le tribunal a retenues, ni le coût de l'expertise judiciaire d'un montant de 18 857,50 euros, aucune ne contestant également que les travaux ont été réalisés conformément aux prescriptions expertales.

Ainsi, au vu de ces éléments, la cour retient tous ces montants étant précisé que le coût de l'expertise judiciaire figurera dans les dépens conformément à l'article 695 - 4° du Code de procédure civile qui indique que les frais d'expertise constituent, au titre de " la rémunération des techniciens ", des dépens, si bien que la société Proco et son assureur Generali, et la société BASF sont condamnées in solidum à payer :

- d'une part à la SNC Hervé Vague la somme totale de 120 730 euros HT,

- et d'autre part à la SNC Le Plein Air des Chênes la somme totale de 123 502,90 euros HT, toutes ses sommes étant majorées de la TVA en vigueur à la date des factures.

4 Sur les appels en garantie

Si les sociétés Proco et BASF sont tenues in solidum à réparation vis-à- vis des deux SNC, au titre de leur obligation à la dette, elles ne sont tenues in fine, dans le cadre de leur contribution définitive à cette dette, qu'à proportion de leurs responsabilités respectives à l'origine des désordres constatés.

En raison des liens contractuels unissant la société BASF à la société Proco puisque la première a vendu à la seconde le produit A qui est un des composants du revêtement des deux piscines fabriquées puis posé par la société Proco, elles peuvent toutes deux l'une à l'égard de l'autre voir rechercher leur responsabilité contractuelle sur le fondement de l'article 1147 du Code civil, devenu 1231-1. Proco n'invoque pas en effet un vice caché du produit A, mais le défaut d'information et de conseil de BASF, fabricant et vendeur professionnel de ce produit.

L'expert a conclu en disant qu'il lui a semblé " que l'origine du dommage se trouve partagée de manière égale entre l'attitude du fournisseur défaillant dans son devoir de conseil et l'action d'un applicateur aggravant la fragilité du produit par un mode d'application inapproprié. "

Il est acquis que le produit A, conseillé par la société BASF à la société Proco depuis au moins 2009 par l'intermédiaire de son commercial Monsieur Y (cf les échanges mails entre le directeur de Proco et Monsieur Y produits par Proco), n'était pas conforme à l'usage qui en a été fait par Proco, c'est à dire l'utiliser dans la composition du revêtement intérieur de piscines.

Contrairement à ce que soutient BASF, elle a commis une faute contractuelle à l'égard de Proco en ne l'avisant pas de l'inadaptation du A pour l'usage qu'elle comptait en faire au profit des deux SNC. Ce défaut d'information est établi par les éléments suivants qui ressortent des pièces produites :

- les documents (indiqués ci-après) dont Proco avait eu connaissance, n'excluaient pas l'utilisation du A pour les piscines :

* la fiche technique du A de 2008 précitée,

* le catalogue des tarifs 2009 des produits BASF indiquent bien que A se trouve dans la partie " étanchéité ".

Ils recommandaient même l'utilisation de ce produit pour l'étanchéité des réservoirs d'eau et les bassins.

Il y a lieu également de relever que BASF préconisait elle-même le sable dans son catalogue 2009 (pièce 21 de Proco) alors que l'expert et son sapiteur sont d'accord pour retenir l'aggravation des désordres en raison de la présence de sable dans le procédé Elsatiloe ;

- la société Proco, spécialiste de revêtement de piscines (et membre de la fédération des professionnels de la piscine), n'était pas en mesure de connaître les caractéristiques chimiques du produit A. Le fait qu'elle réalise, en l'utilisant, un revêtement d'étanchéité particulier dénommé " Elsatiloe " qu'elle pose elle-même, ne lui donne pas le statut de chimiste apte à connaître la composition et les capacités du A. Sa compétence en conception et réalisation de piscines ne lui donnait pas les moyens d'apprécier la portée des caractéristiques techniques du A vendu par BASF.

La mise en avant par Proco, dans ses documents commerciaux, non datés (pièce 1 des SNC), d'une assurance responsabilité civile " Gerling Konzern Zurich ", ne prouve pas qu'elle a elle-même souscrit cette assurance pour le A ou le dispositif du revêtement " Elastioloe " qu'elle a conçu, surtout qu'elle démontre par des documents commerciaux de la société BASF (pièce 8 de Proco) que celle-ci a souscrit des contrat d'assurance pour les produits qu'elle fabrique auprès de E D B dont la police est " complétée par la police " parapluie " responsabilité civile du Groupe souscrite auprès de la société d'assurance E D X ".

Il est également établi par l'attestation d'assurance de Generali (pièce 1 de Generali) que Proco est assurée non seulement pour " l'activité du bâtiment des piscines ... ", mais aussi " l'installation de produit de marque Elastiole (produit d'étanchéité pour recouvrir des bassins, toits plats, terrasses, étanchéité des piscines ... "

- certes BASF a adressé un courrier RAR le 11 février 2010 à Proco dans lequel elle indiquait que " Nous vous remercions de la confiance que vous nous accordez en choisissant les produits de notre gamme et en particulier le revêtement A. Néanmoins nous tenons à vous signaler que la réalisation d'étanchéité de piscine ne fait pas partie du champ d'application du A. Par conséquent nous déclinons toute responsabilité en cas de problème de ce champ d'application ... "

Mais ce courrier de " signalement ", et non d'information ou de rappel, comme le relève justement Proco, a pu légitimement surprendre cette dernière qui avait acheté une grande quantité de A entre 2009 et 2010 pour de nombreux clients chiffrés à 45 dans un tableau excel qu'elle a dressé, produit qui était livré sur site par BASF qui ne le conteste nullement.

Cette surprise est confortée par le fait que Proco avait acheté ce produit par l'intermédiaire du commercial de BASF, Monsieur Y, dont l'entreprise a refusé au cours de l'expertise qu'il y participât (cf pages 8 et 15 du rapport d'expertise), mais qui avait des relations commerciales suivies depuis plusieurs années avec la société Proco. BASF par son intermédiaire savait l'utilisation qui était faite du A, c'est à dire pour le revêtement de piscines ;

- le rapport du CET Apave, bureau de contrôle technique, dénommé " cahier des charges de définition d'emploi et de mise en œuvre du A et du A SP " édité en mars 2002, et le " cahier des charges du procédés BASF CC France d'étanchéité liquide circulable " A " ou sous protection dure " A SP " des planchers intermédiaires et murs intérieurs " édité le 15 janvier 2007 indiquent que :

* ces deux produits sont " des systèmes d'étanchéité liquide " destinés avec ou sans protection dure à assurer l'étanchéité à l'eau de supports horizontaux ou verticaux, neufs ou anciens, avec ou sans collecte et d'évacuation d'eau ... ",

* sont "exclus de la destination de ces produits comme étant inappropriés" : " les laiteries, les installations ouvertes à des trafics sévères de matériel et de manutention lourds, les parkings à trafic très importants de types publics ou centres commerciaux " selon le cahier des charges de 2007, et ils ne doivent pas être appliqués sur " les supports possédant déjà une étanchéité sous chape ou en sous face, les supports comportant un isolant thermique, les supports en pierre, et les supports à base de liants hydrocarbonés ", suivant celui de 2002.

Outre que ces documents ne comportent aucune interdiction des produits A pour le revêtement de piscines, ils ne peuvent en tout état de cause être opposés à Proco dès lors qu'il n'est pas établi que cette société en ait eu connaissance avant de commander le produit à BASF, ou bien qu'ils lui ont été remis ;

- BASF produit une fiche du A éditée en avril 2006 dans laquelle elle indique que " les domaines d'application sont le revêtement pour la réalisation d'étanchéité pour sols et murs, circulable sur planchers intermédiaires intérieurs et extérieurs au-dessus des parties non classées des bâtiments ", sans précision de contre-indications. Mais BASF ne démontre pas que Proco ait eu connaissance de cette fiche au moment où elle a commandé les produits, ni qu'elle lui ait été remise par elle. Elle n'est donc pas opposable à Proco ;

- enfin, le reproche qui est fait à Proco par BASF selon lequel le pisciniste n'a pas réagi après son courrier recommandé du 11 février 2010, est écarté puisque Proco démontre avoir dû changer rapidement de produit pour son revêtement Elsatiloe, mais n'avoir pu le faire pour les piscines des deux SNC, les livraisons du produit ayant été faites, et les travaux ayant débuté.

Il est en effet établi que :

* dans un mail du 30 mars 2010 adressé à BASF (pièce 12 de Proco), Proco l'informe du 1er chantier sur lequel un test est réalisé avec le produit BASF Masterseal 640 en remplacement du A ;

* suivant des échanges de mails et de courriers entre Proco et Monsieur H, expert dans " les matériaux composites et la piscine ", de début août 2010 à début 2012, Proco a tout d'abord confié une mission à ce dernier " en vue d'améliorer, fiabiliser [son] principe de revêtement d'étanchéité in situ semi souple sur une base de résine d'élastomère de PU ", et ensuite d'effectuer une étude comparative des différents produits pour revêtement de piscine et de trouver un produit alternatif à celui de BASF qui lui a fait défaut (pièce 14 de Proco) ;

* et dans des mails adressés à d'autres entreprises entre les 2 et 10 décembre 2010, Proco cherche une autre résine pour remplacer le A pour le revêtement des piscines.

L'obligation d'information et de conseil qui pèse sur tous les professionnels dont particulièrement les fabricants/fournisseurs de produits comme l'est BASF, contient une obligation de mise en garde de l'acquéreur qu'est Proco sur les conséquences de son achat du produit A. BASF l'a fait tardivement dans son courrier du 10 février 2010 alors que les commandes et les livraisons du produit étaient faites, et de surcroît sans joindre le moindre document technique appuyant sa mise en garde. Par ailleurs, BASF n'a jamais refusé le paiement du produit A, acquis par Proco, alors qu'en tant que vendeur professionnel, elle était réputée connaître les conditions d'emploi du produit.

Il résulte de ces éléments que la société BASF a failli à son obligation d'information en conseillant, vendant et livrant la résine A à la société Proco pour que celle-ci fabrique le revêtement de piscines Elsatiloe, alors que BASF connaissait la destination du produit et savait qu'il était impropre pour le revêtement de piscines.

Enfin, de son côté, Proco, pisciniste connu dans le Sud de la France, mais non chimiste, a conçu un revêtement comportant le A, inadapté aux piscines et l'a associé à du sable, ce qui a aggravé les désordres.

Ainsi au regard des fautes imputables à chacune des deux entreprises et de leurs responsabilités dans la survenue des désordres, il convient de dire que le paiement définitif des travaux réparatoires, se fera selon le partage suivant :

- la société Proco avec la garantie de son assureur Generali : 50 %

- la société BASF : 50 %.

Dans leurs recours entre elles, les sociétés responsables et/ou l'assureur Generali pour la société Proco, seront garanties des condamnations prononcées à leur encontre à proportion du partage de responsabilités ainsi fixé.

Le jugement est infirmé de ce chef.

II " Sur les demandes en paiement de factures de la société BASF et de travaux par la société Proco

La société BASF qui réclame la confirmation du jugement sur la condamnation de la société Proco à lui payer le solde de ses 8 factures, soutient que celles-ci sont certaines liquides et exigibles, au vu des pièces qu'elle produit, mais qu'en revanche, la société Proco ne justifie pas avoir payé des sommes importantes pour la reprise des travaux de toutes les piscines sur lesquelles elle a travaillé, et pour lesquelles elle a employé le A.

La société Proco qui précise avoir payé le montant de la condamnation de première instance prononcée au bénéfice de la société BASF uniquement en application de l'exécution provisoire, conteste devoir payer cette somme qui est le coût des produits, lesquels sont la cause exclusive des désordres. Elle déclare produire toutes les pièces relatives aux dépenses qu'elle a faites en lien direct avec la défaillance des produits vendus par la société BASF.

Elle demande subsidiairement que les sommes qu'elle doit à la société BASF, se compensent avec celles qu'elle lui doit au titre des travaux de reprise qu'elle a exposés, c'est à dire 300 000 euros, selon le dispositif de ses dernières écritures.

1 Sur la demande en paiement de factures par la société BASF

Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi, conformément aux dispositions de l'article 1134 du Code civil, applicable en l'espèce à une situation contractuelle née avant le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

L'article 1315 ancien du Code civil précise notamment que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

En l'espèce, outre que la société Proco reconnaît tout au long de l'expertise et de ses dernières écritures avoir bien reçu et utilisé le produit A de la société BASF, sa venderesse, pour fabriquer le revêtement litigieux qu'elle a posé dans les deux piscines objets de la procédure et d'autres, la somme réclamée par cette dernière société au titre des factures de ce produit est également justifiée par :

- des bons de commande des 5 août et 8 novembre 2011 dressés par la société Proco ;

- les huit factures de fin septembre 2011 à mi-février 2012 établies par la société BASF (pièces 16 et 17 de BASF) ;

- l'attestation du Crédit Mutuel Midi Atlantique du 1er juin 2012 indiquant que le directeur de la société Proco, Monsieur C, avait consigné ce jour-là (avant le jugement déféré) la somme de 31.000 euros " pour le compte d'Iloe PISCINE " (pièce 15 de BASF) ;

- un chèque de 10 000 euros à l'ordre de BASF établi par Proco avec une lettre du 9 janvier 2012 dans laquelle elle dit à BASF " nous règlerons nos encours comme nous l'avons toujours fait ; vous trouvez ci joint une preuve de notre volonté par un premier chèque de 10 000 euros ... " qui constitue une reconnaissance de sa dette (pièce 13 de BASF) ;

- une lettre de mise en demeure de l'avocat de BASF à Proco du 31 juillet 2012 de payer le solde dû de 35 777,26 euros, restée sans effet (pièce 14 de BASF) ;

- le relevé du compte de Proco dans les livres comptables de BASF, certifié conforme, de la somme totale due de 33 290,78 euros TTC, après déduction des 10 000 euros payés par Proco, et de deux avoirs.

Il s'ensuit que le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné la société Proco à payer à la société BASF la somme de 33 290,78 euros.

2 Sur la demande de dommages et intérêts de la société Proco

Certes, il ressort des pièces suivantes produites par Proco qu'elle a dû faire face à plusieurs réclamations de clients dont le revêtement de leurs piscines, appliqué entre 2009 et 2010, contenait de la résine A, a subi des désordres importants qui l'ont conduite à effectuer des réparations en dehors de toute procédure judiciaire :

- lettre du 12 juillet 2011 des époux K à Millau sur la dégradation du revêtement Elsatiloe mis en place au cours de l'hiver 2010 ;

- courrier du 30 mai 2012 du camping Fram qui demande le remboursement de trois maillots de bain souillés par le revêtement de la piscine ;

- courrier du 28 octobre 2012 de la SARL La Chenelière propriétaire d'un camping à Marsan faisant état d'un " problème avec la résine " ;

- mails et courriers (avec des photographies) en novembre 2012 du pisciniste la société " les piscines Azur ", située à Ajaccio, et qui met en place le revêtement " Elsatiloe Strong " dans les piscines qu'il construit, indiquant les problèmes qu'elle rencontre avec la résine qui se décolle dans une piscine qu'elle a dû refaire gratuitement.

Proco a informé par mail Monsieur Y, le commercial référant de BASF, de toutes ces plaintes. Ce dernier lui a demandé le 15 septembre 2011 de lui transmettre " un récapitulatif des problèmes rencontrés avec le A ces derniers temps avec les adresses " des plaignants.

Proco lui a répondu le 16 septembre 2011 en lui expliquant que ces derniers lui ont fait remonter les doléances suivantes :

- les pieds et les maillots de bains sont tachés et se chargent de résine,

- il existe des traces de maillots de bains sur le revêtement des piscines.

Proco cite comme clients ayant souffert de ces désordres : le camping de Ramatuelle, les époux K, les époux Z à Cugneaux, le camping F L. à Vendres, et le cabinet de kinésithérapie Kinémage à Toulouse.

Par mail du 28 juin 2012, Proco explique à BASF qu'elle rencontre de " gros problèmes avec des bassins réalisés avec A ", qu'elle a " dû refaire des bassins de camping entre trois mois à deux d'utilisation " et qu'à chaque fois, elle a dû prélever des échantillons, effectuer des photographies, adresser des courriers aux clients, et effectuer les réparations avec une autre résine qu'elle a dû racheter.

Mais force est de constater que Proco ne produit aucun élément comptable fiable, comme par exemple les bons de commande et les factures d'achats d'une nouvelle résine, les bulletins de paie de ses salariés ayant réparé les désordres des autres piscines que celles des SNC, ou les devis et factures de ses sous-traitants qui ont travaillé pour lui sur ces piscines ... hormis un tableau excel d'une page (pièce 16) des chantiers dont il a dû reprendre le revêtement des piscines contenant du A. Selon ce tableau, les chantiers, au nombre de 45, ont été réalisés entre 2009 et 2010, avec des travaux de reprise effectués entre 2011 et 2015. Proco y chiffre à 490 000 euros le coût total de ses dépenses, dont 310 000 euros de frais de mise œuvre et du coût des produits utilisés.

Mais ce tableau, étayé par aucun document comptable probant, constitue une preuve que Proco se constitue pour elle-même qui ne peut être retenu en tant que tel par la cour d'appel. Ce tableau ne justifie nullement des factures d'un montant total de 300 000 euros dont Proco réclame le paiement.

Il convient dans ces conditions de confirmer le jugement qui l'a déboutée de sa demande faite de ce chef.

III Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

Les deux SNC demandent à nouveau la confirmation du jugement aux motifs :

- qu'elles " ont subi un préjudice financier (obligation de devoir préfinancer les réparations au lieu et place des responsables), un préjudice économique (le fait d'avoir dû exploiter des campings avec des bassins fortement dommageables aux baigneurs pendant plusieurs saisons) " ;

- et qu'elles " ont été contraintes par Proco et Generali à payer une deuxième fois des piscines pour plus de 240 000 euros pour simplement pouvoir reprendre leur exploitation au printemps 2013 ", indépendamment du fait qu'en contrepartie de leur rapidité de réaction, elles ont pu redresser leur situation commerciale fortement compromise. Elles expliquent que si elles n'avaient pas agi ainsi, les campings auraient souffert pendant plusieurs années d'une perte d'exploitation jusqu'à l'achèvement des réparations.

La société Proco conteste cette demande des SNC, soutenant que la résistance abusive n'est pas caractérisée, et qu'elles ne démontrent pas l'existence, ni encore moins l'étendue, d'un quelconque préjudice.

Elle demande subsidiairement que les dommages et intérêts pour résistance abusive ne soient mis qu'à la charge exclusive de la société BASF.

Generali qui indique qu'après la réalisation des travaux en 2013, les campings ont pu être ouverts au public, conclut également au rejet de la demande de dommages et intérêts des SNC qui vient en réalité compenser leur engagement de renoncer à toute demande de dommages et intérêts immatériels.

L'exercice d'une action en justice ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi.

L'appréciation inexacte que les deux entreprises, Proco et BASF, ont fait de leurs droits et de leurs responsabilités respectives ne sont pas, en soi, constitutives d'une faute ouvrant droit pour les deux SNC à dommages et intérêts.

Par ailleurs, les deux SNC ne caractérisent pas la mauvaise foi des deux entreprises, ni le préjudice qui, hors les frais de procédure, seraient résulté pour elles de répondre à leurs appels. Elles ne produisent d'ailleurs aucun document les justifiant.

Dans ces conditions, la cour d'appel, infirmant le jugement déféré de ce chef, déboutera les deux SNC de leurs demandes de dommages et intérêts pour résistance abusive et abus de droit dirigé contre les sociétés Proco et BASF ainsi que contre Generali.

IV Sur les autres demandes

En revanche, les sociétés Proco, BASF et Generali qui succombent, sont condamnée in solidum aux dépens de la présente instance d'appel, dépens qui comprendront les frais d'expertise de Monsieur G qui s'élèvent à 18 857,50 euros. Cette somme n'est contestée par aucune partie.

Enfin, il paraît inéquitable de laisser à la charge de chaque SNC les frais irrépétibles exposés dans la présente d'appel.

Les sociétés Proco et BASF ainsi que Generali qui sont déboutées de leurs demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile, sont condamnée in solidum de ce chef à payer la somme de 5 000 euros à chaque SNC.

Dans leurs rapports internes, la charge définitive des indemnités allouées tant au titre des frais irrépétibles que des dépens sera partagée entre les parties condamnées dans les proportions des condamnations principales laissées finalement à leur charge.

Les décisions de première instance sont confirmées en ce qui concerne les condamnations aux frais irrépétibles et aux dépens, comme le demandent les deux SNC.

Par ces motifs LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt Contradictoire, en dernier ressort et après débats publics, avec mise à disposition de l'arrêt, Infirmant partiellement le jugement rendu le 29 janvier 2016 par le tribunal de commerce de Paris, et y ajoutant : Condamne in solidum la société Proco et son assureur Generali, et la société BASF France à payer : - à la SNC Hervé Vague la somme totale de 120 730 euros HT représentant le coût de la maîtrise d'œuvre de 12 430 euros HT et le coût des travaux réparatoires de 108 300 euros HT, - et à la SNC Le Plein Air des Chênes la somme totale de 123 502,90 euros HT, représentant le coût de la maitrise d'œuvre de 12 063,90 euros HT et le coût des travaux réparatoires de 111.439 euros HT, toutes ses sommes étant majorées de la TVA en vigueur à la date des factures payées par les deux SNC ; Dit que dans leurs recours entre elles, les parties obligées à la dette seront garanties des condamnations ainsi prononcées à proportion du partage de responsabilité suivant: - pour la société Proco sous la garantie de Generali : 50 %, - pour la société BASF France : 50 %, Déboute la SNC Hervé Vague et la SNC Le Plein Air des Chênes de leurs demandes de dommages et intérêts pour résistance abusive et abus de droit, Condamne in solidum la société Proco sous la garantie de la compagnie d'assurance Generali, et la société BASF, aux dépens, incluant les frais d'expertise judiciaire de Monsieur G, et d'appel, avec distraction au profit des avocats qui en ont fait la demande par application de l'article 699 du Code de procédure civile, Condamne in solidum la société Proco sous la garantie de la compagnie d'assurance Generali, et la société BASF à payer chacune des SNC Hervé Vague et Le Plein Air des Chênes la somme de 5 000 euros en indemnisation de leurs frais irrépétibles d'appel, Dit que dans leurs rapports internes, la charge définitive des indemnités allouées tant au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, que des dépens sera partagée entre les parties condamnées dans les proportions des condamnations principales laissées finalement à leur charge, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions non contraires au présent arrêt, Déboute les parties de toutes leurs autres demandes.