CA Bordeaux, 4e ch. civ., 21 novembre 2018, n° 16-07090
BORDEAUX
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
New Mill International (SARL)
Défendeur :
Livingston Services (Sasu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chelle
Conseillers :
Mme Fabry, M. Pettoello
Avocats :
Mes Serege, Leroy
FAITS ET PROCÉDURE
Le 2 juin 2009 la SAS Livingston Services et la SARL New Mill International ont conclu un contrat de commission aux termes duquel la première confiait à la seconde la représentation pour la commercialisation de ses produits et services sur un territoire et auprès d'une clientèle définie. Des commissions étaient prévues sur le chiffre d'affaires hors taxes réalisé. Le contrat était conclu pour une durée de deux ans puis tacitement reconductible par période d'une année.
Le 9 février 2015 la société Livingston Services a notifié à la société New Mill International sa décision de mettre un terme définitif à leur relation. La société New Mill International s'est prévalue d'une qualification de contrat d'agent commercial et a sollicité l'indemnité compensatrice de l'article L. 134-12 du Code de commerce.
C'est dans ces conditions que la société New Mill International a assigné la société Livingston Services devant le tribunal de commerce de Libourne en paiement à titre principal de la somme de 233 040,86 euros.
Par jugement du 19 octobre 2016 le tribunal de commerce de Libourne a ainsi statué :
Déclare la SARL New Mill International recevable en ses demandes,
Déboute la SARL New Mill International de sa demande de requalification du contrat de " commission " en contrat d'agent commercial,
Déboute la SARL New Mill International de sa demande en paiement de la somme de 233 040,80 euros à titre d'indemnité pour rupture d'un contrat d'agent commercial,
Condamne la SARL New Mill International à payer à la Sasu Livingston Services la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne la SARL New Mill International aux entiers dépens.
Par déclaration du 1er décembre 2016 la société New Mill International a relevé appel de la décision.
Suite à l'accord des parties, le conseiller de la mise en état a, par ordonnance du 31 janvier 2017, désigné un médiateur. Les parties ne sont pas parvenues à un accord dans le cadre de la médiation.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions en date du 2 octobre 2018, auxquelles il convient de se référer pour le détail des moyens et arguments, la société New Mill International demande à la cour de :
Recevant la SARL New Mill International en son appel, le déclarant bien fondé,
Réformer le jugement entrepris rendu par le tribunal de commerce de Libourne le 19 octobre 2016.
Statuant à nouveau,
Vu les dispositions des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce,
Et notamment les articles L. 134-12 et L. 134-16 du Code de commerce,
Voir requalifier en contrat d'agent commercial l'acte sous seing privé intitulé " Contrat de Commission " conclu entre les sociétés New Mill International et Livingston Services le 2 juin 2009 et renouvelé par avenant du 28 juillet 2011.
En conséquence de cette requalification,
Vu les dispositions des articles L. 134-12 et L. 134-16 du Code commerce,
Voir condamner la SAS Livingston Services à payer à la SARL New Mill International la somme de 233 040,86 euros au titre de l'indemnité compensatrice en réparation du préjudice par elle subit outre les intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 26 juin 2015, date de la mise en demeure.
Voir condamner la SAS Livingston Services à payer à la SARL New Mill International la somme de 6 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Voir condamner la SAS Livingston Services en tous les dépens tant de première instance que d'appel.
Elle fait valoir que le statut d'agent commercial ne dépend pas de la volonté exprimée par les parties mais uniquement des conditions dans lesquelles l'activité est exercée. Elle soutient que c'est à tort que les premiers juges ont retenu une activité de commissionnaire et non d'agent commercial. Elle invoque le critère de l'indépendance commerciale et fait valoir que c'est bien un mandat de représentation qui lui avait été confié. Elle précise que contrairement à ce qui a été retenu par les premiers juges elle avait un pouvoir de négociation sur les conditions tarifaires. Elle revendique la qualification de contrat d'agent commercial et soutient pouvoir prétendre à l'indemnité de l'article L 134-12 du Code de commerce faisant valoir qu'elle n'est pas propriétaire de la clientèle développée. Elle s'explique sur les commissions des deux dernières années.
Dans ses dernières conclusions en date du 18 octobre 2018, auxquelles il convient de se référer pour le détail des moyens et arguments, la Sasu Livingston Services demande à la cour de :
Vu les articles L. 132-1, alinéa 1 et L. 134-1 du Code de commerce,
Vu les pièces selon bordereau,
À titre principal,
Dire que la société New Mill International ne disposait d'aucun pouvoir de négociation dans le cadre de sa relation contractuelle avec la société Livingston Services,
Confirmer le jugement déféré,
À titre subsidiaire,
Dire qu'il existe en tout état de cause d'autres éléments contractuels et factuels empêchant la requalification du contrat de commission consenti à New Mill International en contrat d'agence commerciale,
Confirmer le jugement déféré,
En conséquence,
Dire que le Contrat conclu le 2 juin 2009 entre les sociétés Livingston Services et New Mill International n'est pas un contrat d'agence commerciale,
Constater que la résiliation du Contrat conclu le 2 juin 2009 est valablement intervenue le 10 mai 2015,
Dire qu'aucune indemnité de quelque nature que ce soit n'est due par la société Livingston Services à la société New Mill International,
En tout état de cause,
Débouter la société New Mill International de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Condamner la société New Mill International à payer à la société Livingston Services la somme de 10 000 Euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamner la société New Mill International aux entiers dépens.
Elle rappelle l'intitulé du contrat et la volonté clairement exprimée des parties de ne pas se placer sous le régime des agents commerciaux. Elle soutient que l'appelante ne disposait pas de la capacité de négocier et précise que ceci était rappelé dans les stipulations contractuelles sans que les faits viennent remettre en cause cette clause du contrat. Elle invoque d'autres éléments empêchant la requalification et tenant à la circonstance que la société New Mill International est propriétaire de son fonds de commerce. Elle conteste que le contrat puisse être requalifié en contrat d'agent commercial de sorte que les demandes sont mal fondées.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 octobre 2018.
La société Livingston a déposé des conclusions d'incident le 18 octobre 2018 aux termes desquelles, elle demande le rabat de la clôture au jour des plaidoiries afin de répliquer aux dernières écritures de l'appelante en date du 2 octobre précédent. Elle a déposé ses dernières conclusions n° 2 le même jour.
Par note du 19 octobre suivant, la société New Mill a indiqué s'associer à la demande de l'intimée.
Une pièce n° 38 a été communiquée le 22 octobre par l'appelante.
A l'audience, avant l'ouverture des débats, compte tenu des intérêts en cause et de l'accord exprès des parties, il a été prononcé la révocation de l'ordonnance de clôture et l'admission de la communication de pièce de l'appelante ; la procédure a été de nouveau clôturée, l'intimée étant toutefois autorisée à présenter une note en délibéré sous huit jours à la seule fin de commentaire de cette nouvelle pièce.
L'intimée a adressé par RPVA sa note en délibéré le 31 octobre 2018.
EXPOSE DES MOTIFS
Les parties ont conclu le 2 juin 2009 un contrat de commission. Elles indiquaient expressément ne pas entendre se référer au statut des agents commerciaux. Il est cependant exact que le statut des agents commerciaux est d'ordre public de sorte que peu importe la qualification que les parties ont entendu donner au contrat. Il convient de déterminer dans quelles conditions le contrat s'est exécuté et si l'appelante exerçait des fonctions d'agent commercial relevant des dispositions des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce ou de commissionnaire relevant des dispositions des articles L. 132-1 et suivants du même Code.
La cour ne saurait toutefois présumer la qualification d'agent commercial et c'est donc sur la société New Mill International qui la revendique de rapporter la preuve qu'elle exécutait un contrat d'agence commercial.
La cour ne peut que rappeler que le pouvoir de négocier les contrats est essentiel à la fonction d'agent commercial. Or, il résulte des stipulations contractuelles que l'appelante devait respecter strictement les directives de l'intimée pour les tarifs, conditions de vente et de paiement à faire à la clientèle. L'appelante ne méconnaît pas ces stipulations mais soutient que dans les faits et bien évidemment elle disposait d'un pouvoir de négociation. Ce pouvoir de négociation doit être établi et ne saurait résulter d'une quelconque évidence. Les échanges produits par la société New Mill International ne démontrent pas ce pouvoir de négociation puisqu'il en résulte des interrogations des clients ou des transmissions faites à l'intimée ou encore des retransmissions des prix adressées par l'intimée.
Les attestations des clients ne remettent pas en cause ces constatations. Alors qu'elles sont très générales, il n'est pas possible de déterminer en quoi c'est bien le représentant de la société New Mill International qui négociait les contrats et non pas qui transmettait les éléments de la société Livingston Services.
En outre, l'agent commercial ne dispose pas d'une clientèle propre, ce que rappelle d'ailleurs l'appelante en faisant valoir que la contrepartie en est l'indemnité de l'article L. 134-12 du Code de commerce. Toutefois en l'espèce, il apparaît que la société New Mill International a été immatriculée le 1er juin 2009 au registre du commerce et des sociétés, soit la veille de la signature du contrat liant les parties, avec comme activité vente de tous biens ou services sous forme de courtage, commissionnement, négoce. Le 3 juin 2009, il était créé un site internet sous le nom X, nom que le représentant légal de l'appelante faisait apparaître dans ses communications avec les coordonnées de la société New Mill International pour commercialiser en son nom les produits de l'intimée.
Si l'appelante soutient que les attestations produites par l'intimée doivent être envisagées avec la plus grande circonspection au regard des liens existant entre les témoins et l'intimée, il en est autant de l'attestation de Mme Y dont elle indique elle-même qu'elle a fait l'objet d'un licenciement par l'intimée. L'attestation de cette ancienne salariée ne peut donc à elle seule rapporter la preuve de ce que les parties exécutaient un contrat d'agent commercial au regard des éléments relevés ci-dessus.
Dès lors, l'appelante ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de sorte qu'il n'y a pas lieu à requalification du contrat. Les demandes financières qui ne sont que la conséquence de la qualification non retenue par les premiers juges puis par la cour ne pouvaient donc prospérer.
Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions comprenant l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en première instance.
L'appel étant mal fondé, la société New Mill International sera condamnée à payer à la société Livingston Services la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirmes-en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Libourne du 19 octobre 2016, Y ajoutant, Condamne la SARL New Mill International à payer à la Sasu Livingston Services la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SARL New Mill International aux dépens.