CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 19 décembre 2018, n° 16-15318
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
SCP Coudray Ancel (ès qual.), LK Design (SAS), LK Développement (SARL)
Défendeur :
Louis Vuitton Malletier (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Luc
Conseillers :
Mmes Mouthon Vidilles, Comte
Avocats :
Mes Guizard, Hinoux, Jourde
Faits et procédure
La société LK Design, créée en 1997 par M. X, a pour activité la fabrication et la commercialisation d'articles et d'accessoires de mode et de décoration. Elle a développé un savoir-faire particulier en matière d' "inclusion résine", technique permettant d'incorporer des éléments, tels que des cristaux, des perles et des sigles en laiton, au sein même de la résine.
La société LK Développement, créée en 2004 par M. X dans l'intention première de développer l'exportation des accessoires fabriqués par la société LK Design, a pour activité la fabrication et la commercialisation d'articles et d'accessoires de mode et de décoration. La société Louis Vuitton Malletier (ci-après la société Vuitton) s'est alors adressée à elle pour la fabrication de ses accessoires bijoux en inclusion résine. La société LK Développement a sous-traité la fabrication de ces accessoires à la société LK Design.
Entre 2004 et 2009, la société Vuitton a augmenté le volume de ses commandes de façon continue auprès de la société LK Développement. A compter de 2009, elle a diminué significativement les commandes de la gamme en cours, tout en sollicitant la société LK Développement pour la production de nouvelles gammes.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 novembre 2010, M. X, ès qualités de président de la société LK Design, a informé la société Vuitton que la société LK Développement n'était plus autorisée à poursuivre la distribution des produits fabriqués par la société LK Design, et lui a proposé de poursuivre la relation commerciale en direct avec cette dernière.
La société Vuitton lui a répondu par courrier du 30 novembre 2010 que son cocontractant a toujours été la société LK Développement et qu'il appartenait à cette dernière de lui notifier la fin de leurs relations contractuelles. Le même jour, M. X, ès qualités de dirigeant de la société LK Développement, a alors confirmé que les produits seraient désormais distribués par la société LK Design.
Par courrier du 11 janvier 2011, la société Vuitton a pris note de la fin des relations contractuelles avec la société LK Développement et a accepté de poursuivre la relation commerciale avec la société LK Design.
Dans le courant du mois de juin 2012, la société LK Design a saisi la Médiation nationale interentreprises dans le but de trouver une solution amiable avec la société Vuitton en raison du " non-respect des cadences de commandes et de quantités convenues dans le cadre de contrats à commandes ouvertes ". Par courrier du 20 juillet 2012, le Médiateur national délégué a indiqué que les liens étaient actuellement rétablis entre les parties et qu'il considérait le litige comme résolu.
Estimant avoir été évincée de la production de façon déloyale au profit d'autres producteurs, notamment en Italie, sans préavis et sans avoir été à même de réorganiser ses relations commerciales, la société LK Design a mis en demeure la société Vuitton, par courrier d'avocat du 22 mars 2013, de reprendre ses relations commerciales avec elle sous peine d'engager sa responsabilité sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce pour rupture brutale des relations commerciales.
Par courrier d'avocat du 4 avril 2013, la société Vuitton a souligné la nécessité d'adaptation permanente des produits à sa demande, contesté une quelconque rupture des relations commerciales avec la société LK Design en invoquant les commandes qui restaient en cours et le développement de nouvelles lignes qu'elle lui a confié, souligné les efforts qu'elle effectuait pour accompagner au mieux la baisse des volumes auprès de la société LK Design et dénoncé l'attitude d'opacité de cette dernière. Elle a sollicité des excuses de son partenaire et indiqué qu'à défaut, elle serait à même de considérer que la rupture des relations commerciales incombait à la société LK Design.
C'est dans ce contexte que la société LK Design et la société Vuitton ont signé le 7 mai 2013 un protocole transactionnel aux termes duquel les parties mettaient fin à leur relation commerciale, à l'exception de l'exécution des commandes en cours, la société Vuitton versait à la société LK Design une somme de 625 000 euros, cette dernière se considérant remplie de tous ses droits, faisant son affaire personnelle de toutes réclamations éventuelles émanant de la société LK Développement, et s'abstenant de communiquer les informations confidentielles.
Toutefois, par assignation à bref délai délivrée le 16 octobre 2013 à l'encontre de la société Vuitton, les sociétés LK Design et LK Développement ont saisi le tribunal de commerce de Paris, sur le fondement des articles 2053 et 1382 anciens du Code civil et L. 442-6, I, 5° du Code de commerce aux fins de voir annuler le protocole signé le 7 mai 2013 entre la société LK Design et la société Vuitton et condamner cette dernière au paiement de diverses sommes à leur profit en raison de la brutalité de la rupture de la relation commerciale.
Par jugements des 12 février 2014 et 31 mars 2014 rendus par le tribunal de commerce de Melun, la société LK Développement et la société LK Design ont été placées en liquidation judiciaire. La SCP Coudray Ancel agissant en qualité de liquidateur judiciaire des deux sociétés est intervenue a l'instance et a repris l'instance introduite devant le tribunal de commerce de Paris.
Par jugement du 3 septembre 2014, le tribunal de commerce de Paris s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Paris pour statuer sur la demande préalable des demanderesses de voir déclarer nul le protocole conclu entre la société LK Design et la société Vuitton.
Dans ces conditions, l'affaire a été renvoyée devant le tribunal de grande instance de Paris, lequel a, par jugement du 12 mai 2016, sous le régime de l'exécution provisoire :
- débouté la SCP Coudray Ancel agissant en qualité de liquidateur judiciaire des sociétés LK Design et LK Développement de sa demande de nullité du protocole transactionnel signé le 7 mai 2013,
- dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, chacune des parties gardant à sa charge les frais exposés devant la présente juridiction et non compris dans les dépens,
- renvoyé la SCP Coudray Ancel agissant en qualité de liquidateur judiciaire des sociétés LK Design et LK Développement à mieux se pourvoir pour le surplus de ses demandes,
- condamné la SCP Coudray Ancel agissant en qualité de liquidateur judiciaire des sociétés LK Design et LK Développement aux dépens.
Par déclaration du 12 juillet 2016, la SCP Coudray Ancel, agissant en qualité de liquidateur judiciaire des sociétés LK Design et LK Développement, a interjeté appel de ce jugement.
L'instruction de l'affaire devant la cour a été clôturée par ordonnance du 16 octobre 2018.
Vu les dernières conclusions des sociétés LK Design et LK Développement, appelantes, prises en la personne de Me A., ès qualités de liquidateur judiciaire, déposées et notifiées le 5 octobre 2016, par lesquelles il est demandé à la cour, au visa des articles 2044 et suivants, 2053 et 1382 anciens du Code civil, L. 442-6, I, 5° du Code de commerce et 12 du Code de procédure civile, de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance du 12 mai 2016,
en conséquence,
s'agissant de la société LK Développement :
- constater l'existence d'une relation commerciale établie entre la société LK Développement et la société Louis Vuitton Malletier depuis 2004,
- dire que la brutalité de la rupture de la relation commerciale établie entre société LK Développement et la société Louis Vuitton Malletier est caractérisée,
- dire que le préavis qui aurait dû être respecté par la société Louis Vuitton Malletier ne pouvait pas être inférieur à 36 mois,
s'agissant de la société LK Design :
- constater que le consentement de la société LK Design au protocole transactionnel conclu le 7 mai 2013 avec la société Louis Vuitton Malletier a été vicié car obtenu par violence économique,
- constater que le protocole transactionnel conclu le 7 mai 2013 entre la société LK Design et la société Louis Vuitton Malletier est entaché de nullité en raison de l'absence de concessions réciproques entre les parties,
en conséquence,
- dire que le protocole conclu le 7 mai 2013 entre les sociétés LK Design et Louis Vuitton Malletier est nul pour nullité absolue,
- constater l'existence d'une relation commerciale établie entre la société LK Design et la société Louis Vuitton Malletier depuis 2004,
- dire que la brutalité de la rupture de la relation commerciale établie entre société LK Design et la société Louis Vuitton Malletier est caractérisée,
- dire que le préavis qui aurait du être respecté par la société Louis Vuitton Malletier ne pouvait pas être inférieur à 36 mois,
en conséquence,
s'agissant de la société LK Design :
- condamner la société Louis Vuitton Malletier à payer au profit de la SCP Coudray Ancel, prise en la personne de Maître Christophe Ancel, liquidateur judiciaire de la société LK Design, la somme de 6 485 691 euros au titre de l'indemnisation du préjudice économique résultant de la perte de marge commerciale calculée sur la base d'un préavis de 36 mois, ou sur la durée que le tribunal aura estimée être un préavis raisonnable,
- condamner la société Louis Vuitton Malletier à payer au profit de la SCP Coudray Ancel, prise en la personne de Maître Christophe Ancel, liquidateur judiciaire de la société LK Design, la somme de 89 619,35 euros au titre du préjudice résultant du coût des licenciements rendus nécessaires suite à la rupture de la relation commerciale par la société Louis Vuitton Malletier,
- condamner la société Louis Vuitton Malletier à payer au profit de la SCP Coudray Ancel, prise en la personne de Maître Christophe Ancel, liquidateur judiciaire de la société LK Design, la somme de 393 475,66 euros au titre de l'indemnisation du préjudice résultant des investissements réalisés indûment pour l'exécution des commandes de la société Louis Vuitton Malletier préalablement à la suite de la rupture brutale de la relation commerciale établie,
- condamner la société Louis Vuitton Malletier à payer au profit de la SCP Coudray Ancel, prise en la personne de Maître Christophe Ancel, liquidateur judiciaire de la société LK Design, la somme forfaitaire de 50 000 euros au titre du préjudice moral résultant du comportement déloyal et du comportement vexatoire de la société Louis Vuitton Malletier, et du préjudice d'atteinte à l'image subi par la société LK Design,
s'agissant de la société LK Développement :
- condamner la société Louis Vuitton Malletier à payer au profit de la SCP Coudray Ancel, prise en la personne de Maître Christophe Ancel, liquidateur judiciaire de la société LK Développement, la somme de 1 821 159 euros au titre de l'indemnisation du préjudice économique résultant de la perte de marge commerciale calculée sur la base d'un préavis de 36 mois, ou sur la durée que le tribunal aura estimée être un préavis raisonnable,
- condamner la société Louis Vuitton Malletier à payer au profit de la SCP Coudray Ancel, prise en la personne de Maître Christophe Ancel, liquidateur judiciaire de la société LK Développement, la somme de 19 948,78 euros au titre de l'indemnisation du préjudice résultant des investissements réalisés indûment pour l'exécution des commandes de la société Louis Vuitton Malletier préalablement à la suite de la rupture brutale de la relation commerciale établie,
- condamner la société Louis Vuitton Malletier à payer au profit de la SCP Coudray Ancel, prise en la personne de Maître Christophe Ancel, liquidateur judiciaire de la société LK Développement, la somme forfaitaire de 20 000 euros au titre du préjudice moral résultant du comportement déloyal et du comportement vexatoire de la société Louis Vuitton Malletier, et du préjudice d'atteinte à l'image subi par la société LK Développement,
en tout état de cause :
- condamner la société Louis Vuitton Malletier au paiement de la somme de 20 000 euros, au profit de la SCP Coudray Ancel, prise en la personne de Maître Christophe Ancel, liquidateur judiciaire des sociétés LK Design et LK Développement, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 5 décembre 2016, par lesquelles la société Vuitton, intimée, demande à la cour, au visa des articles D. 442-3 du Code de commerce, 2044 et 2052 du Code civil et 1134 ancien du Code civil de':
- recevoir la société Louis Vuitton en ses écritures, les déclarer bien fondées,
- débouter les sociétés LK Développement et LK Design représentées par leur liquidateur de l'intégralité de leur appel limité à l'examen préalable de leur demande en nullité du protocole transactionnel du 7 mai 2013 et de toutes fins qu'il comporte,
- condamner la SCP Coudray Ancel prise en la personne de Me Yves Coudray, ès qualités de mandataire liquidateur des sociétés appelantes à payer à la société Louis Vuitton la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
Sur ce, LA COUR,
Sur la nullité du protocole transactionnel du 7 mai 2013
Les sociétés LK Design et LK Développement représentées par leur liquidateur font valoir, en substance, que le protocole transactionnel du 7 mai 2013 est entaché de trois causes de nullité, à savoir, l'absence de concessions réciproques des parties, la violence économique ayant vicié le consentement de la société LK Design et l'absence de consentement éclairé de son représentant, compte tenu de l'existence de doutes sur la réalité du conseil apporté pour sa conclusion. Elles sollicitent donc l'infirmation du jugement sur ce point et concluent que le protocole litigieux est nul, de nullité absolue.
En réplique, la société Vuitton fait valoir essentiellement qu'il n'est pas sérieux de soutenir que la somme de 625 000 euros puisse être considérée comme une contrepartie dérisoire ou pratiquement inexistante et réfute toute cause de nullité. Elle ajoute qu'à supposer qu'il soit considéré qu'il ne puisse y avoir transaction en raison de l'absence de concession de sa part, elle estime dès lors que l'accord litigieux doit être requalifié en simple contrat et que partant, la somme de 625 000 euros doit venir en déduction de celle supposée correspondre au préjudice réel de la société LK Design.
Sur la nullité pour absence de contrepartie
L'article 2044 ancien du Code civil, applicable en la cause, dispose que "La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit".
Il y a lieu de rappeler que :
- la validité d'une transaction implique l'existence de concessions réciproques des parties,
- la réciprocité n'implique pas l'équivalence des concessions mais il n'y a pas de transaction lorsqu'une partie abandonne ses droits pour une contrepartie si faible qu'elle est pratiquement inexistante,
- l'existence de concessions réciproques s'apprécie au regard des prétentions des parties au moment de la signature de l'acte sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur le bien-fondé des prétentions.
En l'espèce il ressort des termes du protocole que :
- il avait pour objet de mettre fin au litige existant entre la société LK Design et la société Louis Vuitton à la suite d'une baisse sensible des commandes ces dernières années,
- la société LK Design s'estimait victime d'une rupture partielle des relations commerciales d'autant plus injustifiée que la société Louis Vuitton l'aurait placée dans une situation de dépendance économique, cette dernière assurant 95 % de son chiffre d'affaires,
- la société Louis Vuitton considérait que la baisse des commandes était due à la désaffection du public pour les modèles alors fabriqués par la société LK Design dont une grande partie n'avait pas été vendue et devrait être vraisemblablement détruite, et qu'ayant constamment incité la société LK Design à se diversifier, elle ne pouvait être responsable de sa dépendance économique, faisant valoir que, de surcroît, elle lui avait confié depuis plusieurs mois, le développement d'une nouvelle ligne susceptible de générer un chiffre d'affaires important,
- les parties ont convenu de mettre définitivement fin à leurs relations commerciales à l'exception des commandes en cours,
- sans reconnaissance de responsabilité, la société Louis Vuitton a accepté de verser une somme forfaitaire, définitive et transactionnelle de 625 000 euros,
- moyennant le paiement de cette somme, la société LK Design s'est considérée "remplie de tous ses droits", et s'est engagée à faire "son affaire personnelle" de toute réclamation éventuelle émanant de la société LK Développement et à s'abstenir de communiquer des informations confidentielles, "telles que, à titre d'exemples non limitatifs, les bases de données, les dessins, les croquis... auxquelles elle a eu accès dans le cadre de ses relations d'affaires avec la société LVM".
C'est, à juste titre, que les premiers juges n'ont pas retenu le grief de nullité de ce protocole transactionnel pour absence de concessions réciproques, pour des motifs que la cour adopte, aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause leur appréciation n'étant produits en appel.
En effet, ils ont, à raison :
- dit qu'eu égard à sa demande initiale de reprise des relations commerciales, exprimée dans sa lettre de mise en demeure du 22 mars 2013, et à la volonté affichée de la société Louis Vuitton de mettre fin prochainement à la vente de produits par la société LK Design, l'acceptation de la fin des relations commerciales apparaissait comme une concession consentie par la société LK Design,
- observé que le protocole et les échanges antérieurs entre les parties ne font référence à aucune demande chiffrée de la société LK Design et qu'il ne pouvait être référé aux demandes ultérieurement développées devant le tribunal de commerce pour apprécier l'ampleur des concessions réciproques,
- relevé que le protocole avait été signé quatre années après la première baisse des commandes en 2009, que durant cette période les relations commerciales entre les société LK Design et Louis Vuitton se sont poursuivies, le médiateur soulignant dans son courrier du 20 juillet 2012 que la société Louis Vuitton s'était montrée "réactive, très présente, à l'écoute et en permanence à la recherche de solutions" pour aider la société LK Design à surmonter ses difficultés financières, que de nouveaux développements ont été confiés à la société LK Design et que l'éviction de la société LK Développement incombe à la société LK Design, qui, le 19 février 2010, a rompu le contrat de distribution qui les liait (pièce intimée n° 6), la cour ajoutant que la société LK Développement a elle-même mis fin à ses relations commerciales avec la société Louis Vuitton le 30 novembre 2010 (pièce intimée n° 8),
- considéré qu'il résultait du protocole qu'en acceptant de se considérer comme remplie de ses droits et s'était engagée à faire son affaire personnelle de toute réclamation de la société LK Développement, la société LK Design avait renoncé à toute prétention relative à la rupture partielle des relations commerciales invoquées et accepté de garantir la société Louis Vuitton de toute réclamation de la part de la société LK Développement, ce qui s'analysait comme des concessions de sa part,
- dit que l'engagement pris par la société LK Design de s'abstenir de communiquer les informations confidentielles auxquelles elle avait eu accès dans le cadre de ses relations avec la société Louis Vuitton, visait à aménager les conséquences de cette rupture et à prévenir tout litige ultérieur quant à l'utilisation des données confidentielles, et n'avait pas pour objet ou pour effet de s'approprier ou de déposséder la société LK Design de son savoir-faire industriel et n'avait pas valeur de concession,
- relevé qu'en contrepartie de ces concessions consenties par la société LK Design, la société Louis Vuitton s'était engagée à lui verser la somme forfaitaire de 625 000 euros, ce qui correspond, selon le bilan prévisionnel 2012 de la société LK Design, à près de 10 mois de la marge réalisée en 2012 ou près de 7 mois de la marge réalisée sur les années 2011 et 2012 ou, comme relevé par la société Louis Vuitton, à plus de 6 mois de charges d'exploitation,
- considéré en conséquence qu'eu égard à l'ancienneté des relations commerciales entre les parties et en dépit de la dépendance économique avérée de la société LK Design à l'égard de la société Louis Vuitton, la somme de 625 000 euros ne pouvait être considérée comme une contrepartie tellement faible qu'elle en serait inexistante.
La cour précise que, selon les chiffres avancés par la société LK Design :
- le chiffre d'affaires moyen annuel réalisé avec la société Louis Vuitton au cours des trois dernières années pleines d'exercice précédant le protocole mettant fin aux relations commerciales, s'établit à 1 263 K euros (1 607 K en 2010, 1 340 K en 2011, 844 en 2012/3),
- son taux de marge est d'environ 70 %,
- la marge annuelle moyenne de la société LK Design générée par l'activité avec la société Louis Vuitton durant les trois derniers exercices pleins s'élève à 884 000 euros de sorte que la somme de 625 000 euros, qui correspond à environ 9 mois de marge, ne peut être qualifiée de dérisoire au regard des concessions consenties par la société LK Design.
Sur la nullité du protocole pour violence économique lors de sa conclusion
C'est également par de justes motifs, que la cour adopte, que les premiers juges rappelant que la violence économique, cause de rescision d'une transaction prévue à l'article 2053 ancien du Code civil, suppose notamment l'exploitation abusive de la situation de dépendance économique de l'autre partie pour tirer profit de la crainte d'un mal menaçant directement les intérêts légitimes de cette dernière, ont considéré que la preuve d'un tel abus n'était pas rapportée en l'espèce, en dépit des difficultés financières rencontrées par la société LK Design, de l'imminence de l'ouverture d'une procédure collective à son bénéfice et de sa situation de dépendance économique avérée à l'égard de la société Louis Vuitton, qui ne la conteste pas mais considère qu'elle ne lui est pas imputable.
En effet, comme cela ressort du protocole, qui mentionne l'intention des parties de se rapprocher "sous l'égide de leur conseil respectif", la société LK Design a été assistée d'un conseil tout au long des négociations qui ont duré six semaines, entre avril et mai 2013. Les affirmations de la société LK Design selon lesquelles "le conseil qui devait l'assister n'a absolument pas été présent pendant toute la durée de sa mission...", (elle n'aurait été assistée qu'à un seul rendez-vous) ne sont étayées par la production d'aucun document (mail de relance, mise en demeure au conseil...). En revanche, il est établi que les conseils respectifs des parties ont échangé à de nombreuses reprises, y compris dans les jours proches de la conclusion de la transaction, et que notamment, le dimanche 5 mai 2013, le conseil de la société Louis Vuitton a indiqué, par mail (pièce intimée n° 30) au conseil de la société LK Design : "C'est bien volontiers que je vous confirme que nous sommes tombés d'accord sur les termes d'un protocole prévoyant pour votre client le versement d'une somme de 625 000 euros par LVM. Seuls des problèmes internes à LVM ont empêché qu'il soit régularisé avant l'audience du 6 mai".
Les dispositions du protocole étaient claires et donc aisément compréhensibles. Contrairement à ce qu'affirme la société LK Design, M. X, qui a créé et dirigé les deux sociétés LK Design et LK Développement et était assisté de son conseil lors des négociations, ne pouvait se méprendre sur la portée des mentions "remplie de tous ses droits" et "fera son affaire personnelle".
Par ailleurs, la société LK Design affirme, sans le démontrer, que M. X aurait découvert que le document qui était soumis à sa signature était radicalement différent de celui qui lui avait été préalablement présenté. Il ne ressort d'aucun élément que, juste avant la signature, la société Vuitton ait apporté des modifications au protocole qui auraient eu pour objet d'alourdir substantiellement les engagements de la société LK Design.
Enfin, il n'est justifié d'aucune pression de la part de la société Louis Vuitton. En effet, l'affirmation selon laquelle celle-ci aurait "instauré un climat de pression" n'est nullement circonstanciée, n'est corroborée par aucun élément et ne saurait être établie par "similitude des faits et des pressions" dans des contentieux qui ont opposé la société Louis Vuitton à d'autres sociétés. Par suite, la société LK Design ne justifie nullement que son consentement ait été vicié par violence économique et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du protocole sur ce fondement.
Sur la nullité du protocole "en raison des doutes existant sur la réalité du conseil apporté pour sa conclusion"
Au visa du Code de déontologie de la profession d'avocat, de l'article 412 du Code de procédure civile et de la jurisprudence relative à la responsabilité professionnelle du conseil, les sociétés LK Design et LK Développement soutiennent que M. X n'a pas été suffisamment conseillé par son avocat dans le cadre de la conclusion du protocole et lors de sa signature. Elles se prévalent d'une attestation de M. Y de laquelle il ressortirait que le conseil de la société LK Design, Maître Z., aurait eu connaissance de la promesse de paiement d'une somme complémentaire par la société Louis Vuitton mais n'aurait pas jugé nécessaire de l'inclure dans la transaction de sorte que cette somme n'a pas été versée. Elles en concluent que le consentement de la société LK Design n'était ni éclairé, ni libre de toute violence exercée par la société Louis Vuitton et par suite que le protocole est nul, de nullité absolue.
Mais, d'une part, il a été vu que M. X était assisté de son conseil tout au long des négociations et qu'aucune violence économique n'était démontrée. D'autre part, l'attestation de M. Y, qui déclare avoir eu un entretien avec Maître Z, conseil de la société LK Design en charge de l'affaire, dans lequel celui-ci lui aurait indiqué avoir eu connaissance d'une nouvelle proposition de règlement compensatoire négocié avec la société Louis Vuitton, ne comporte aucune indication sur la date de cet entretien et le montant de l'indemnité proposée, de sorte qu'à supposer les faits relatés avérés, il ne peut en être tiré aucune conséquence quant à l'existence d'un vice du consentement lors de la conclusion du protocole. Enfin, la société LK Design ne démontre pas que l'absence de son avocat le jour de la signature du protocole ait vicié le consentement de son représentant. Par suite, les appelantes seront déboutées de leur demande de nullité formée de ce chef.
Sur les autres demandes
Le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il renvoyé la SCP Coudray Ancel, ès qualités de liquidateur de la société LK Design, à mieux se pourvoir pour le surplus de ses demandes qui relève du litige au fond introduit devant le tribunal de commerce et dont le tribunal de grande instance, et a fortiori, la présente cour, ne sont pas saisis.
Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile
Le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il a condamné aux dépens la SCP Coudray Ancel, ès qualités de liquidateur des sociétés LK Design et LK Développement et a débouté, en équité, la société Louis Vuitton de sa demande formée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Succombant en appel, la SCP Coudray Ancel, ès qualités, devra en supporter les dépens, et verser à la société Louis Vuitton la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, sa propre demande formée à ce titre étant rejetée.
Par ces motifs LA COUR, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; et y ajoutant, Déboute les sociétés LK Design et LK Développement du surplus de leurs demandes. Condamne la SCP Coudray Ancel, ès qualités de liquidateur des sociétés LK Design et LK Développement aux dépens de l'appel ; Condamne la SCP Coudray Ancel, ès qualités de liquidateur des sociétés LK Design et LK Développement à verser à la société Louis Vuitton Malletier la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.