CA Aix-en-Provence, 2e ch., 20 décembre 2018, n° 16-23275
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
Depil Tech (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Aimar
Conseillers :
MM. Fohlen, Prieur
Vu les articles 455 et 954 du Code de procédure civile,
Vu le jugement contradictoire du 12 décembre 2016 du tribunal de commerce de Nice,
Vu l'appel interjeté le 28 décembre 2016 par Madame X,
Vu les dernières conclusions de Madame X, appelante, en date du 22 novembre 2018,
Vu les dernières conclusions de la SAS Depil Tech, de la Selarl BG & Associés prise en la personne de Maître Y ès qualités d'administrateur judiciaire à la procédure de sauvegarde de la société Depil Tech et la SCP Z mandataire à la procédure de sauvegarde de la société Epit Tech, intervenantes volontaires en date du 23 novembre 2018,
Vu l'ordonnance de clôture en date du 26 novembre 2018,
Sur ce, LA COUR,
Il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures des parties,
Il sera simplement rappelé que :
Madame X a pris contact avec la société Depil Tech qui propose des méthodes de dépilation définitive par lumière pulsée et de photo rajeunissement de la peau. Elle a proposé d'ouvrir un institut dans le 7e arrondissement de Paris.
Le 13 novembre 2014 elle a reçu le Document d'Information Précontractuel, document essentiel et légal propre à la réglementation des franchises. A cette même date était réservée la zone géographique souhaitée et ce pour 30 jours.
Le 4 décembre 2014 était signé un contrat de franchise entre les parties et Madame X versait un droit d'entrée de 28 400 euros.
Madame X a vainement cherché un financement auprès des banques à hauteur de la somme de 245 000 euros pour le projet du Centre du 7e arrondissement, puis de 272 000 euros pour celui du 6e arrondissement.
Entre les mois de mars et juillet 2015 l'ensemble des banques contactées ont informé par écrit Madame X de leur refus.
Selon acte d'huissier du 24 novembre 2015 Madame X a fait assigner la société Depil Tech devant le tribunal de commerce de Nice principalement en nullité du contrat de franchise pour objet illicite, remboursement de son droit d'entrée et 8 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Par jugement contradictoire du 12 décembre 2016 dont appel, le tribunal a :
- débouté Madame X de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- débouté la SAS Depil Tech de l'ensemble de ses autres demandes,
- condamné Madame X à payer à la SAS Depil Tech la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance
- laissé les dépens à la charge de Madame X.
Madame X, appelante, demande dans ses dernières conclusions en date du 22 novembre 2018 de :
vu les articles 1131, 1133, 1134 et 1147 du Code civil
- dire et juger que le règlement 2017/745 UE n'est pas applicable faute d'être entré en vigueur,
- débouter la société Depil Tech de sa demande de transmission des questions préjudicielles,
- débouter la société Depil Tech de sa demande de sursis à statuer,
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- dire et juger que le contrat de franchise est nul pour objet illicite,
- dire et juger que le contrat de franchise est nul en raison des manœuvres dolosives dont la société Depil Tech s'est rendue coupable et qui ont vicié le consentement de Madame X.
en conséquence :
- débouter la société Depil Tech de toutes ses demandes aussi irrecevables que mal fondées ainsi que de son appel incident,
- prononcer la nullité du contrat de franchise,
- fixer au passif de la société Depil Tech la créance de Madame X à hauteur de 26 400 euros TTC au titre du remboursement du droit d'entrée, avec intérêt "de droit" à compter du 6 juillet 2015, date de la mise en demeure,
- fixer au passif de la société Depil Tech la créance de Madame X à hauteur de la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte de chance de faire une meilleure utilisation de ses fonds et pour résistance abusive,
- débouter la société Depil Tech de toutes ses demandes aussi irrecevables que mal fondées,
- fixer au passif de la société Depil Tech la créance de Madame X à hauteur de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC,
- statuer ce que de droit sur les dépens.
La SAS Depil Tech, Selarl BG & Associés prise en la personne de Maître Y ès qualités d'administrateur judiciaire à la procédure de sauvegardede la société Depil Tech et la SCP Z mandataire à la procédure de sauvegarde de la société Depil Tech, intimées demandent dans leurs dernières conclusions en date du 23 novembre 2018, de :
- in limine litis,
- constater et dire que le Règlement UE 2017/745 est applicable à la présente affaire,
- ordonner le renvoi préjudiciel vers la CJUE pour répondre aux questions préjudicielles ainsi posées,
- ordonner le sursis à statuer dans l'attente de la décision du conseil d'Etat saisi par une requête en abrogation,
en tout état de cause,
sur le fond,
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
- dire et juger que le contrat de franchise est parfaitement licite ;
- dire et juger qu'aucune manœuvre dolosive ayant vicié le consentement de Madame X n'a été entrepris par la société Depil'Tech ;
- condamner Madame X au paiement de la somme de 16 200 euros, correspondant aux redevances mensuelles dues au titre du contrat de franchise,
- condamner Madame X au paiement de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux dépens.
Sur la question préjudicielle relative à l'application directe du Règlement UE n° 2017/745 du 5 avril 2017,
La société Depil Tech se prévaut de l'application du Règlement UE 2017/745 relatif aux dispositifs médicaux, modifiant la Directive 2001/83/CE, le Règlement CE n° 178/2002 et le Règlement (CE) n° 1223/2009 et abrogeant les directives du Conseil 90/385/CEE et 93/42/CEE.
Elle indique que l'article XVI paragraphe 5 prévoit la liste des groupes de produits n'ayant pas de destination médicale :"Équipements émettant des rayonnements électromagnétiques à haute intensité (infrarouge, lumière visible, ultraviolet par exemple) et destinés à être utilisés sur le corps humain, y compris les sources cohérentes et non cohérentes, monochromes et à large spectre, tels que les lasers et les équipements à lumière intense pulsée utilisés pour le resurfaçage cutané, la suppression de tatouages, l'épilation ou d'autres traitements cutané".
Elle expose qu'il existe une incompatibilité manifeste de l'arrêté de 1962 avec le règlement européen qui bénéficie de la primauté.
Elle ajoute que l'application de l'arrêté de 1962 empêcherait le développement de tout commerce ou prestataire de service d'un autre Etat membre cherchant à exercer son activité de dépilation en France, dès lors que le service offert ne correspond pas à une épilation à la pince ou à la cire, ce qui est contraire aux articles 49 et 56 du TFUE qui s'oppose à toute mesure de discrimination à la liberté d'établissement.
Elle poursuit en indiquant que l'arrêté de 1962 présente deux incohérences majeures car les machines à lumière pulsée ne font l'objet d'aucune interdiction générale et ce texte ancien ne décrit pas les bases sur lesquelles il se fonde pour déterminer que les deux modes d'épilation autorisées seraient sécurisées et qu'il présume la dangerosité de technologies qui n'ont pas encore vu le jour ; que ni le danger pour la santé, ni le caractère nécessaire ou proportionnel de l'arrêté de 1962 appliqué par Madame X, n'a été prouvé.
Elle précise que la CJUE a établi des faisceaux d'indices relatifs à une nomenclature distinguant des appareils à visée médicale de ceux qui ont une destination purement esthétique d'après lesquels un appareil utilisé dans un salon de beauté, sans l'intervention d'un praticien ne sont pas de nature à être destinés à des fins médicales.
Elle souhaite, dans le corps de ses écritures, que 7 questions préjudicielles soient soumises à la Cour de justice de l'Union européenne :
- l'activité de photo dépilation constitue-t-elle un acte médical ou un acte à visée purement esthétique selon le règlement UE 2017/745 ?,
- quelle est la valeur légale de la distinction entre un acte à visée purement médicale et un acte à visée purement esthétique ?
- la restriction par un Etat membre de toute activité de dépilation aux seules techniques de la cire ou de la pince, à l'exclusion des médecins, constitue-t-elle une restriction à l'article 49 TFUE ?
- l'usage des appareils à lumière pulsée a-t-il vocation à être le monopole des seuls médecins, en vertu de supposées considérations tirées de la santé publique ?
- la distinction opérée par le règlement 2017/745 entre appareil à destination médicale et non médicale permet-elle de rendre nul, tout texte national restreignant l'usage des machines à lumière pulsée aux seuls médecins ?
- un état membre peut-il déroger aux dispositions du Règlement UE 2017/745 pourtant d'application directe ? Si oui, dans quelle mesure ?
- les articles 49 et 56 du TFUE doivent-ils être interprétés dans le sens où une législation nationale interdisant toute activité d'épilation, excepté la pince et la cire, aux personnes ne disposant pas d'un droit d'exercer en tant que médecin, constitue une restriction justifiée à la liberté d'établissement et à la libre prestation de services ?
Madame X soutient que le Règlement UE n° 2017/745 du 5 avril 2017 n'est pas encore entré en vigueur car selon son article 123 il ne sera applicable qu'à partir du 26 mai 2020 et ne s'applique pas au présent litige car il ne concerne que les fabricants de dispositifs médicaux, aux importateurs de dispositifs médicaux et aux distributeurs, ce qui n'est pas le cas de la société Depil Tech qui, en qualité de franchiseur, commercialise un concept de dépilation à lumière pulsée ;
Que ses articles 1.14 et 1.15 prévoient que le Règlement ne saurait contrevenir à une réglementation nationale plus stricte.
Elle ajoute que ces demandes sont dilatoires car le droit de l'Union européenne ne s'applique qu'en présence d'un élément d'extranéité et que la dépilation à la lumière pulsée est parfaitement réglementée en France, la santé publique relevant d'une compétence exclusive des Etats membres de l'Union européenne et qu'il n'existe aucune carence justifiant l'intervention de l'Union européenne au titre du principe de subsidiarité.
Ceci rappelé, à défaut d'élément d'extranéité dès lors que le présent litige ne concerne qu'un litige entre deux personnes françaises liées par un contrat de nature commerciale de droit interne, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la société Depil Tech tendant à voir saisir la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles non formalisées dans le dispositif de ses écritures.
Sur la demande de sursis à statuer,
La société Depil Tech demande qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la décision du Conseil d'Etat visant l'abrogation de l'arrêté de 1962.
Madame X indique que l'activité de dépilation par lumière pulsée est régie par l'article L. 4161-1.1 du Code de la Santé Publique et par l'arrêté du 6 janvier 1962 (modifié par l'arrêté du 22 février 2000 et par l'arrêté du 13 avril 2007).
Qu'aux termes de l'article L. 4161-1.1 du Code de la Santé publique, est considérée comme exerçant illégalement la médecine : " Toute personne qui (...) pratique l'un des actes professionnels prévus dans une nomenclature fixée par arrêté du ministre chargé de la Santé, pris après avis de l'Académie nationale de médecine ". La nomenclature réside dans l'arrêté du 6 janvier 1962 " fixant la liste des actes médicaux ne pouvant être pratiqués que par des médecins ou pouvant être pratiqués également par des auxiliaires médicaux ou des directeurs de laboratoires d'analyses médicales non médecins " ;
Qu'aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 6 janvier 1962 : " Ne peuvent être pratiqués que par les docteurs en médecine, conformément à l'article L. 372 (1°) du Code de la santé publique, les actes médicaux suivants : (...)
5° Tout mode d'épilation, sauf les épilations à la pince ou à la cire (...) ".
Qu'ainsi, seuls les médecins peuvent pratiquer la dépilation par lumière pulsée et les esthéticiennes ne peuvent pratiquer que l'épilation à la pince ou à la cire.
Elle fait valoir que le Conseil d'Etat a déjà eu l'occasion de se prononcer sur la parfaite légalité de l'arrêté du 6 janvier 1962 dans un arrêt du 28 mars 2013 considérant qu'il n'avait été ni abrogé, ni modifié et a jugé qu'il résulte de l'article L. 4161-1 du Code de la Santé publique et de l'article 2 de l'arrêté du 6 janvier 1962 que les actes d'épilation doivent être pratiqués par des docteurs en médecine, à la seule exception des épilations pratiquées à la pince ou à la cire ;
Que les articles L. 1151-2 et L. 1151-3 du Code de la Santé publique issus de la loi du 21 juillet 2009 ne sauraient avoir abrogé l'article 2 de l'arrêté du 6 janvier 1962
Elle poursuit en indiquant que de nombreuses autorités ont relevé les risques de brûlures et parce que l'épilation définitive peut être dangereuse pour la santé humaine, le droit français en réserve l'exercice aux médecins ; que l'arrêté du 6 juillet 1962 a déjà été jugé applicable et légal.
Elle souligne que si le Conseil d'Etat devait abroger cet arrêté cela ne vaudrait que pour l'avenir et ne saurait impacter le présent litige.
Ceci rappelé dès lors que le Conseil d'Etat a déjà statué sur l'applicabilité de l'arrêté du 6 juillet 1962 et que s'il devait l'abroger cela n'aurait d'effet que pour l'avenir, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de sursis à statuer, à ce titre.
Sur la demande de nullité du contrat de franchise
Madame X expose qu'elle a pris contact courant juin 2014 avec la société Depil'tech qui exploite un concept de dépilation définitive utilisant la technologie de la lumière pulsée à l'effet d'ouvrit un institut d'esthétique à Paris ;
Qu'en lisant la plaquette remise par le franchiseur, elle était convaincue de :
- la haute technicité de la méthode vendue par le franchiseur : " Le réseau de franchise Depil'Tech est spécialisé en Haute Dépilation Définitive en seulement 5 séances et est au sommet d'une avancée technologique révolutionnaire : la lumière pulsée intense ".
- la forte rentabilité du concept : " Les centres réalisent en moyenne 300 k de chiffre d'affaires la 1re année avec une seule cabine et deux personnes. Les franchisés réalisent en moyenne 30 k de chiffre d'affaires mensuel dès les premiers mois. Le dirigeant peut ainsi percevoir une rémunération dès le 1er mois ".
- des points forts mis en avant par le franchiseur : "pas de saisonnalité. Traitement de toutes les personnes et de toutes les peaux".
Qu'après la remise du Document d'Information Précontractuelle le 13 novembre 2014 elle a signé le contrat de franchise le 4 décembre 2014 et versé le droit d'entrée à hauteur de 26 400 euros TTC le même jour ; que toutefois malgré la qualité de son business plan et le montant de son apport de fonds propres à hauteur de 80 000 euros les 6 banques sollicitées lui ont, courant mars et juillet 2015, toutes opposé un refus.
Elle soutient que le contrat est nul car son objet est illicite car le concept de Depil'Tech repose sur la dépilation définitive à la lumière pulsée ainsi que le rajeunissement de la peau ; les lampes à lumière pulsée et lasers fonctionnent sur le même principe de la photo thermolyse, c'est-à-dire la destruction du poil par la chaleur ; il s'agit de brûler le bulbe qui fabrique le poil.
Elle poursuit en indiquant que la société Depil'tech ne démontre pas que son concept n'est pas contraire aux dispositions de l'article 2 de l'arrêté du 6 janvier 1962 alors que plusieurs décisions de justice ont jugé illégale l'activité de dépilation à lumière pulsée pratiquée par une esthéticienne.
Elle ajoute que toutes les banques qu'elle a sollicitées ont refusé de financer l'activité Depil Tech en raison de l'activité basée sur la lumière pulsée et le manque de rentabilité du concept, y compris la Crédit Mutuel qui est pourtant mentionné dans le document d'information précontractuelle comme sa banque partenaire et qui a précisé que son refus concernant l'enseigne et non un prétendu manque d'apport de la demanderesse ;
Que dès le 5 mai 2015 elle informait la société intimée des refus bancaires systématiques des banques, sollicitées par courriels en février et mars 2015, dès après la signature du contrat, notamment, en raison de la problématique juridique et qu'elle a demandé aux banques de lui fournir une réponse écrite lorsqu'elle a pris conscience de l'illégalité du concept ;
Que d'autres franchisés se sont heurtés au même refus du Crédit Mutuel ;
Que le contrat doit être annulé pour illiceité de l'objet et il est exclu de considérer que le droit d'entrée qui avait pour contre-partie la transmission du savoir-faire et le droit d'utiliser la marque, serait irrécupérable. Elle conteste la demande en paiement des redevances non payées fondées sur une activité illicite constitutive d'un recel d'exercice illégal de la médecine.
Elle reproche également les manœuvres frauduleuses commises par la société Depil'tech car d'une part elle ne lui a pas clairement indiqué que la dépilation par lumière pulsée relevait du monopole des docteurs en médecine et d'autre part elle affirmait, dans sa plaquette de présentation, que le chiffre d'affaires moyen d'un Centre sous enseigne était de 300 K euros dès la première année alors qu'elle a reconnu à l'égard d'une autre franchisée, Madame A, que la rentabilité du concept était très éloigné de ses affirmations ; qu'elle l'a sciemment trompée ; que d'ailleurs malgré les sommations faites à cet effet elle refuse de communiquer les bilans de tous les franchisés du réseau sur l'année 2013 ;
Que les recherches sur infogreffe permettent de constater que de très nombreux franchisés Depil'Tech présentent des résultats nuls ou déficitaires ; que le franchiseur a sciemment inséré dans le DIP, le bilan de 2012 de celui de Blois qui affichait un CA positif et non celui de 2013 qui affichait des pertes.
Elle soutient qu'elle a été victime d'une erreur sur la rentabilité du concept lors de la signature du contrat, la société s'obstinant d'ailleurs à ne pas justifier du chiffre d'affaires moyen du réseau, et que Depil'Tech l'a sciemment trompée en indiquant dans le DIP que le "corpus juridique" qui fait interdiction à une esthéticienne de pratiquer la lumière pulsée serait "rigide et désuet".
Que le contrat doit être annulé pour dol.
La SAS Depil Tech, Maître Y ès qualités d'administrateur à la procédure de sauvegardede la société Depil Tech et la SCP Z mandataire à la procédure de sauvegarde de la société Depil Tech, font valoir que concomitamment à la signature du contrat de franchise Madame X a versé une somme de 23 920 euros TTC dans le but de réserver pendant 30 jours la zone convenue conventionnellement.
Elles font état du règlement UE 2017/745 du 5 avril 2017 dont l'article 1 dispose "le présent règlement s'applique à compter de la date d'application des spécifications communes adoptées conformément à l'article 9, aux groupes de produits n'ayant pas de destination médicale, dont la liste figure à l'annexe XVI, en tenant compte de l'art, et en particulier des normes harmonisées existant pour des dispositifs analogues ayant une destination médicales et reposant sur une technologie similaire".
Que l'article XVI dudit règlement et plus particulièrement le paragraphe 5, prévoit la liste des groupes de produits n'ayant pas de destination médicale :'Équipements émettant des rayonnements électromagnétiques à haute intensité (infrarouge, lumière visible, ultraviolet par exemple) et destinés à être utilisés sur le corps humain, y compris les sources cohérentes et non cohérentes, monochromes et à large spectre, tels que les lasers et les équipements à lumière intense pulsée utilisés pour le resurfaçage cutané, la suppression de tatouages, l'épilation ou d'autres traitements cutané'.
Qu'un rapide examen de cette disposition ne laisse aucune ambiguïté quant à la visée purement esthétique de la dépilation à lumière pulsée, étant donné que le Règlement européen considère la technologie utilisée par la société Depil Tech comme n'ayant pas de visée médicale ; que par voie de conséquence, elle entre donc dans la catégorie des actes purement esthétiques et ne peut relever du seul monopole de fait des médecins.
Qu'en l'espèce ce Règlement est directement applicable dans l'ordre juridique des Etats membres et s'impose à tous les sujets de droit.
Elles soutiennent que le contrat de franchise et son objet sont licites et font valoir à cet effet que le contrat de franchise précise que le procédé de la lumière pulsée est utilisé aussi bien pour la dépilation que pour le photo-rajeunissement de la peau ; qu'il s'agit de deux finalités bien distinctes et que l'on ne peut ramener le contrat de franchise à la seule dépilation que d'ailleurs, le photo-rajeunissement n'est pas remis en cause par la partie adverse et pour cause, la licéité de cette activité ne souffre d'aucune ambiguïté.
Que la nullité ne pourrait être que partielle ;
Elles soulignent que la dépilation par lumière pulsée est considérée comme un acte esthétique dans la plupart des pays du monde ; que Depil'Tech développe sa franchise en Belgique, au Luxembourg, en Suisse, au Mexique, sans la moindre difficulté et qu'en France la société a ouvert une centaine de Centres.
Qu'il n'y a pas de texte visant expressément ce procédé en France ; que l'article L. 372 (1°) du Code de la santé publique est en contradiction avec les textes plus récents comme les articles L. 1151-2 et L. 1151-3 du Code de la santé publique qui encadrent les actes à visée esthétique et qu'à ce jour aucun décret d'application n'est venu encadrer l'épilation au moyen de la lampe flash.
Elles soutiennent que l'activité de dépilation à la lumière pulsée ne saurait être considérée comme illicite puisqu'aucune disposition réglementaire prise en application des articles du Code de la santé publique n'est venue limiter ou interdire la pratique de la dépilation à la lumière pulsée.
Que ce caractère licite de l'activité est renforcé par le fait que les appareils d'épilation à la lumière pulsée sont en libre-service dans le commerce ; que des particuliers peuvent utiliser ces appareils hors de tout contrôle opéré par les médecins ;
Que la société continue à se développer et l'implantation de ces nouveaux centres est encouragée par les banques.
Elles contestent en conséquence le fait que les refus bancaires aient pour origine le caractère illicite du projet ou son manque de rentabilité et ce notamment par le Crédit Mutuel qui contribue au financement de l'activité du franchiseur ; que d'ailleurs la Caisse d'Epargne a donné son avis favorable pour le financement d'un nouveau centre Depil'tech à Toulon et qu'il existe actuellement 110 centres exploités sous la franchise Depil'tech; qu'il ne peut lui être reproché l'absence de soutien bancaire.
Concernant le dol qui est reproché à Depil'tech, elles font valoir que le franchiseur a remis à Madame X le Document d'Information Précontractuelle dans lequel se trouvent toutes les informations concernant la franchise, le cadre de son activité et ses résultats ; que ce document rassemble toutes les informations dont elle avait besoin pour signer le contrat de franchise en toute connaissance de cause à savoir, l'identité du franchiseur et la nature de l'activité, la présentation de l'entreprise, la présentation du réseau, la présentation du marché, les résultats de l'entreprise ;
Que concernant le cadre juridique de l'activité, toutes les informations étaient contenues dans le DIP qui ne fait qu'exposer la situation du droit positif et le débat toujours en cours sur l'épilation à la lumière pulsée et que Madame X a disposé d'un délai de réflexion de 21 jours avant la signature du contrat et qu'il lui appartenait de se renseigner, notamment auprès des autres franchisés, afin d'apprécier la fiabilité et la rentabilité des informations données par le franchiseur.
Elles précisent que le DIP mentionne un chiffre d'affaires moyen calculé sur la base de chiffres d'affaires de tous les centres ; chiffre d'affaires qui peut varier d'un centre à l'autre en fonction du type de clientèle, de l'emplacement et que la sincérité de ces chiffres est confirmée par une attestation comptable.
Elles indiquent qu'en l'absence de dol l'appelante est infondée en sa demande de remboursement des droits d'entrée.
Elles ajoutent que la signature du contrat de franchise ouvre au franchisé un délai de six mois pour ouvrir un centre sur une zone géographique déterminée qui lui a été réservée et qu'en l'espèce Madame X avait jusqu'au 4 juin 2015 pour ouvrir un centre ce qu'elle n'a pas fait, et qu'ils sont donc fondés à solliciter le paiement des redevances mensuelles de 1 350 euros contractuellement prévues à hauteur de la somme de 16 200 euros pour la période de juillet 20015 à juin 2016.
Ceci rappelé, selon le contrat de franchise le procédé de la lumière pulsée est utilisé pour la dépilation et pour le photo-rajeunissement dont le caractère licite, pour cette dernière utilisation, n'est pas contesté.
Concernant la dépilation par lumière pulsée les textes contradictoires du Code de la santé publique régissant ce domaine doivent être interprétés à la lumière du Règlement européen UE 2017/745 du 5 avril 2017 adopté qui sera prochainement applicable dans le secteur des appareils litigieux, notamment son article XVI paragraphe 5, qui n'assimile pas aux actes médicaux les équipements à lumière pulsée utilisés sur le corps humain.
Que d'ailleurs de nombreux centres d'épilation à lumière pulsée sont ouverts sans que les pouvoirs publics en interdisent l'activité et des appareils d'épilation à lumière pulsée sont en vente libre auprès du public.
Qu'aucun décret d'application tel que visé à l'article L. 1151-3 du Code de la Santé Publique n'est intervenu pour interdire l'usage des appareils à lumière pulsée à visée esthétique.
Par ailleurs, il n'est pas justifié que les refus de financement des banques sollicitées pour l'obtention d'un prêt pour permettre l'exécution des travaux d'aménagement et la fourniture d'une caution en garantie du paiement des loyers commerciaux, soient liés directement et exclusivement à l'activité envisagée par l'emprunteuse.
Il s'ensuit que c'est à bon droit que le premier juge a considéré que le caractère illicite de l'activité du contrat de franchise n'est pas établi.
Concernant le dol qui est invoqué, en application de l'article L. 330-3 du Code du commerce le franchiseur est tenu de remettre au futur franchisé un Document d'Information Précontractuel lui donnant des informations sincères qui lui permettent de s'engager en connaissance de cause.
Celui communiqué à Madame X outre les informations sur la présentation de l'entreprise, du réseau, du marché, a mentionné les aléas qui pesaient sur l'activité et le débat qui s'en suivait.
Si la rentabilité du concept était présentée de façon optimiste, il s'agissait d'une moyenne des chiffres d'affaires des centres qui était exacte et Madame X, diplômée de l'école de Sciences Politiques Paris, ancienne directrice de Communication Corporate et Changement, disposait d'un délai suffisant pour affiner les informations qui lui étaient transmises par le franchiseur.
La société Depil'tech est mal venue à soutenir que le versement de la somme de 23 920 euros correspond à la réservation de la zone d'installation pendant 30 jours dès lors que cette réservation est prévue par le DIP et non par le contrat de franchise signé ultérieurement ; que ce droit d'entrée correspond au savoir-faire et au droit d'utiliser la marque Depil'tech ; que ce versement contractuellement prévu n'était pas lié à l'obtention d'un financement et reste donc acquis à la société Depil'tech.
Le contrat n'ayant pas reçu d'exécution quant à la création d'une activité et Madame X ayant informé très rapidement la société Depil'tech de son impossibilité de l'exercer faute de financement, cette dernière est infondée en ses demandes de paiement des redevances.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.
L'équité commande d'allouer à l'intimée la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et de rejeter la demande formée à ce titre par l'appelante.
Les dépens resteront à la charge de l'appelante qui succombe.
Par ces motifs : Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, Rejette l'ensemble des demandes de l'appelante, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Condamne l'appelante à payer à l'intimée la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne l'appelante aux entiers dépens.