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Décisions

CA Versailles, 3e ch., 20 décembre 2018, n° 17-03364

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Maaf Assurances (SA)

Défendeur :

Safi (SAS), FMC automobiles (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Boisselet

Conseillers :

Mmes Bazet, Derniaux

TGI Versailles, 2e ch., du 18 avr. 2017

18 avril 2017

Faits et procédure

M. X a acquis le 15 mars 2011 un véhicule Ford Kuga T, mis en circulation le 23 décembre 2010 et ayant parcouru 7 000 km, auprès de la société Safi, au prix de 34 823 euros.

M. X a fait réviser le véhicule aux dates suivantes :

- le 10 août 2011 à 20 804 km par le garage Axe Bleu Laxou,

- le 20 février 2012 à 42 148 km par les établissements Speedy,

- le 22 novembre 2012 à 65 000 km par les établissements Midas de Nancy,

- le 11 avril 2013 à 85 293 km par les établissements Midas de Nancy,

- le 16 août 2013 à 99 267 km le véhicule a été confié au garage Saint Christophe Lorraine Laxou pour une panne de moteur (perte de puissance et affichage d'un défaut moteur) ; le 27 août le garage a procédé au changement du capteur de pression différentielle du filtre à particules,

- le 13 novembre 2013, révision à 109 669 km par les établissements Midas de Nancy.

Le 22 mars 2014, après un parcours de 20 km, M. X a constaté une perte de puissance du véhicule. A l'arrêt, une fumée blanche est apparue au niveau du capot, puis des flammes au niveau de la batterie. M. X a évacué les occupants et le véhicule s'est embrasé totalement avant l'arrivée des pompiers.

La société Sogetec, missionnée par la société Maaf, assureur de M. X, a convoqué la société Ford, la société Saint Christophe Lorraine et les établissements Midas de Nancy pour une expertise.

L'examen du véhicule s'est déroulé le 23 mai 2014 en présence d'un ingénieur technique de la société Ford, du directeur après-vente de la société Saint Christophe Lorraine et d'un expert mandaté par l'assureur de cette dernière.

La société Sogetec a conclu que "le fait générateur du sinistre est une défaillance de l'injecteur de régénération. La responsabilité du constructeur peut être recherchée".

Par lettre du 30 juillet 2014, la société Ford a contesté les conclusions de la société Sogetec.

La Maaf a indemnisé M. X à hauteur de 15 600 euros selon quittance subrogatoire du 17 décembre 2014.

Le 22 mai 2015, la société Maaf, M. et Mme X, agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de civilement responsables de Nathan et Mattéo X mineurs, ont assigné la société Safi et la société FMC Automobiles - Ford France (Ford France) devant le tribunal de grande instance de Versailles.

Par jugement du 18 avril 2017, le tribunal a rejeté la fin de non recevoir, débouté la société Maaf, M. et Mme X de toutes leurs demandes, débouté les sociétés Safi et Ford France de leurs demandes et condamné la société Maaf, M. et Mme X aux dépens avec recouvrement direct.

Par acte du 27 avril 2017, la société Maaf, M. et Mme X agissant tant en leur nom propre qu'en qualité de civilement responsables de Nathan et Mattéo X mineurs, ont interjeté appel de cette décision et, aux termes de conclusions du 27 juillet 2017, demandent à la cour de :

confirmer le jugement rendu en ce qu'il a déclaré l'action des consorts X en résolution de la vente recevable, en application des articles 1641 à 1647 du Code civil,

l'infirmer en ce qu'il a débouté la Maaf et les consorts X de l'intégralité de leurs moyens,

les juger recevables et bien fondés en toutes leurs demandes,

juger la vente en date du 15 mars 2011 entre M. et Mme X et la société Safi résolue,

condamner solidairement la société Safi et la société Ford France à verser à la société Maaf la somme de 15 600 euros au titre de l'indemnisation du véhicule versée à M. et Mme X,

condamner solidairement la société Safi et la société Ford France au paiement de la somme de 2 030,05 euros à la société Maaf à titre de dommages et intérêts,

condamner solidairement la société Safi et la société Ford France au paiement de la somme de 336,31 euros à M. et Mme X en réparation de leur préjudice matériel,

condamner solidairement la société Safi et la société Ford France au paiement de la somme de 4 000 euros à M. et Mme X, à titre personnel et es qualité de civilement responsables de Nathan et Mattéo V. en réparation de leur préjudice moral,

"ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir",

condamner solidairement la société Safi et la société Ford France à leur payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

condamner la société Safi et la société Ford France aux dépens.

Par dernières écritures du 16 décembre 2017, la société FMC Automobiles exerçant sous l'enseigne Ford France demande à la cour de :

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable la demande en résolution de vente des époux V.,

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la preuve certaine d'un vice caché n'était pas rapportée par les époux V. et la Maaf, débouté les époux V. et la Maaf de l'ensemble de leurs demandes, déclaré sans objet l'appel en garantie du garage Safi à l'encontre de Ford France,

et statuant à nouveau : juger que la demande en résolution de vente formée par les époux V. est irrecevable n'étant plus propriétaires du véhicule et faute de pouvoir le restituer en l'état d'un véhicule détruit,

à titre subsidiaire : débouter les appelants de leur action en résolution de vente au visa de la garantie légale des vices cachés, faute pour eux de rapporter la preuve certaine qui leur incombe de l'existence d'un vice caché à l'origine de l'incendie, qui serait, de surcroît, antérieur à la vente, débouter par voie de conséquence la société Safi de son appel en garantie dirigé a son encontre,

à titre infiniment subsidiaire, débouter la Maaf et les époux V. de leurs demandes indemnitaires, celles-ci n'étant justifiées ni dans leur principe, ni dans leur montant,

à titre infiniment plus subsidiaire, juger le garage Safi mal fondé à solliciter d'être relevé et garanti d'une résolution de vente et l'en débouter, débouter le garage Safi de son appel en garantie dirigé à son encontre au visa des dispositions de 1'article 1147 ancien du Code civil en l'état d'une garantie contractuelle du constructeur expirée lors de la survenance de l'avarie,

en toutes hypothèses, débouter toutes parties de l'ensemble de leurs demandes dirigées à son encontre, condamner tout succombant à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens avec recouvrement direct.

Par dernières écritures du 20 novembre 2017, la société Safi demande à la cour de :

dire que la preuve de l'existence d'un vice caché n'est pas établie,

confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

subsidiairement, en cas de résolution de la vente, dire qu'elle emporte résolution de la vente conclue entre elle-même et Ford France,

rejeter la demande formée par la Maaf à titre de dommages et intérêts à hauteur de 2 030,05 euros,

rejeter ou, à tout le moins réduire à de plus justes proportions, les demandes des époux V. et de leurs enfants,

faire droit à son appel en garantie à l'encontre de Ford France et dire que cette dernière devra la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre, en ce compris la restitution du prix de vente du véhicule,

condamner la Maaf, les époux V. et, subsidiairement Ford France, au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec recouvrement direct.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 octobre 2018.

SUR QUOI, LA COUR

Le tribunal a retenu pour l'essentiel que :

- la restitution en nature de la chose étant impossible, la Maaf est en droit de poursuivre une créance de restitution qu'elle estime à la valeur vénale du véhicule au jour du sinistre, sous réserve de démontrer que le vice allégué est à l'origine de la perte.

- la cause de l'incendie reste indéterminée et ne permet pas de retenir un vice caché préexistant à la vente du 15 mars 2011.

Ford France fait valoir que la demande en résolution de la vente des époux V. n'est pas recevable dès lors qu'elle implique qu'ils soient toujours propriétaires du véhicule, ce qui n'est pas le cas (le bien a en effet été racheté par la Maaf en décembre 2014 et la Maaf l'a ensuite revendu en janvier 2015 aux Ets Robinet) et en capacité de le restituer ce qui n'est pas possible puisqu'il a été détruit par incendie.

La Maaf réplique qu'elle est subrogée dans les droits des époux V. et qu'elle est donc recevable à agir dans le cadre de la présente procédure.

Toutefois, la demande de résolution de la vente n'est recevable que si le demandeur à cette action est encore propriétaire du bien vendu.

M. et Mme X ont cédé le véhicule à leur assureur et la Maaf n'a plus non plus la qualité de propriétaire puisqu'elle l'a revendu. Ils sont donc irrecevables en leur demande de résolution de la vente.

Invoquant l'existence d'un vice caché, et subrogée dans les droits et actions de M. et Mme X, la Maaf est en revanche recevable à solliciter la réparation des préjudices causés par le vice caché qu'elle invoque. M. et Mme X sont également recevables à solliciter la réparation des dommages non indemnisés par leur assureur et causés par ce même vice.

Il appartient aux appelants de rapporter la preuve de l'existence d'un vice caché antérieur à la vente.

Or, le seul élément de preuve dont ils disposent est le rapport d'expertise réalisé à leur demande par le cabinet Sogetec.

La société Safi observe qu'elle n'a pas été convoquée aux opérations menées par ce cabinet qui lui sont par conséquent inopposables.

Ford France soutient quant à elle que le rapport de Sogetec ne saurait en aucun cas être pris en considération dès lors qu'il ne remplit pas les conditions d'objectivité et d'impartialité que doit revêtir tout document susceptible de constituer une preuve judiciaire.

La Maaf et les consorts X répliquent que ce rapport amiable peut valoir à titre de preuve dès lors qu'il est soumis à la libre discussion contradictoire des parties.

Il est de principe que, si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties, peu important qu'elle l'ait été en présence de l'ensemble de celles-ci.

Or, force est de constater que le seul élément invoqué par les appelants au soutien de leurs prétentions est ce rapport du Cabinet Sogetec, réalisé à leur seule initiative et à leurs frais.

En conséquence, ce seul document ne saurait suffire à établir l'existence d'un vice caché affectant le véhicule avant la vente à M V..

De manière surabondante, il sera observé que c'est aux termes d'une exacte analyse de ce rapport d'expertise que le tribunal a jugé que faute d'explications suffisantes, il n'était pas probant et que la cause de l'incendie du véhicule restait indéterminée.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la Maaf et M. et Mme X de toutes leurs demandes et n'a pas examiné l'appel en garantie de la société Safi, désormais sans objet.

Il le sera également en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.

Succombant en appel, la société Maaf et M. et Mme X seront condamnés aux dépens y afférents.

Ils verseront en outre une indemnité de 3 000 euros à la société Safi et la même somme à la société Ford France au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

Par ces motifs, LA COUR, confirme le jugement en toutes ses dispositions à l'exception de celle ayant rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société FMC automobiles exerçant sous l'enseigne Ford France, statuant à nouveau du chef infirmé : déclare irrecevable la demande de résolution de la vente formée par la société Maaf et M. et Mme X, y ajoutant : condamne la société Maaf et M. et Mme X à payer la somme de 3 000 euros à la société Safi et la somme de 3 000 euros à la société fmc automobiles exerçant sous l'enseigne ford france au titre des frais irrépétibles exposés en appel, condamne la société maaf et M. et Mme X aux dépens d'appel lesquels pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.