CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 8 janvier 2020, n° 17-15157
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Mahle Aftermarket (SAS)
Défendeur :
AG Distribution (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Conseiller :
M. Gilles
Avocats :
Mes Guerre, Hotte, Ribaut, Amsellem
FAITS ET PROCÉDURE
La société Mahle Aftermarket SAS est la filiale française du Groupe Mahle, spécialisé dans la fabrication et la commercialisation en gros de pièces moteur et mécaniques automobiles.
La société AG Distribution (anciennement dénommée AG Entreprise) exerce une activité d'import export à destination des pays du Maghreb. Elle assure la distribution de pièces automobiles sur le marché algérien.
Reprochant à son fournisseur des actes de concurrence déloyale par le démarchage de sa clientèle en proposant des produits concurrents et des prix plus bas, la société AG Distribution a informé la société Mahle Aftermarket SAS, par lettre du 16 décembre 2010 faisant suite à celle du 26 août 2010, de la rupture immédiate de leurs relations commerciales.
Par acte extrajudicaire en date du 28 mars 2011, la société AG Distribution a assigné la société Mahle Aftermarket SAS devant le tribunal de commerce de Paris afin de voir reconnaître le caractère déloyal des agissements de la société Mahle Aftermarket SAS et obtenir réparation du préjudice subi.
Par jugement du 6 juillet 2017, le tribunal de commerce de Paris a :
- condamné la SAS Aftermarket à reprendre le stock de produits Mahle en possession de la société AG Distribution et d'en restituer le prix correspondant réglé par cette dernière ;
- condamné la SAS Aftermarket à payer à la société AG Distribution la somme de 346 780 euros à titre de dommages et intérêts ;
- débouté la société AG Distribution de sa demande de paiement d'une somme provisionnelle de 1 000 000 euros ;
- débouté la société AG Distribution de sa demande d'expertise ;
- débouté la société AG Distribution de sa demande de communication de pièces ;
- dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de paiement des factures impayées présentée par la SAS Aftermarket ;
- débouté la SAS Aftermarket de ses autres demandes reconventionnelles ;
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement ;
- condamné la SAS Aftermarket à payer à la société AG Distribution la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;
- condamné la SAS Aftermarket aux dépens de la présente instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 199,44 euros dont 33,02 de TVA.
Par déclaration du 25 juillet 2017, la société AG Distribution a interjeté appel de ce jugement.
Par déclaration du 26 juillet 2017, la société Mahle Aftermarket SAS a également interjeté appel de cette décision.
Les affaires ont été jointes.
Vu les dernières conclusions de la société AG Distribution, déposées et notifiées le 8 octobre 2019 par lesquelles il est demandé à la cour de :
Vu les articles 1134 et 1147 du Code civil (ancienne version),
Vu l'article 1382 du Code civil,
Vu l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce,
Vu l'article 101 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,
Vu les articles 10 et 11 du Code de procédure civile,
- débouter la société Mahle Aftermarket de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris du 6 juillet 2017 en ce qu'il a retenu que la société Mahle Aftermarket avait commis une faute engageant sa responsabilité à l'égard de la société AG Distribution et en ce qu'il a condamné ladite société à régler la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris du 6 juillet 2017 en ce qu'il a condamné la société Mahle Aftermarket à reprendre le stock en possession de la société AG Distribution et de restituer le prix correspondant réglé par la société AG Distribution
- dire que la société Mahle Aftermarket est en outre responsable depuis 2006 d'une rupture brutale des relations commerciales entretenues avec la société AG Distribution
- dire que la société Mahle Aftermarket a commis des actes de concurrence déloyale
En conséquence
- réformer le jugement déféré sur le quantum des condamnations
- condamner la société Mahle Aftermarket au paiement de la somme de 1 000 000 euros à titre provisionnel en réparation des préjudices subis découlant de la rupture abusive du contrat et des actes de concurrence déloyale
- désigner tel expert qu'il plaira aux fins de donner à la Juridiction de céans, les éléments permettant de déterminer le préjudice subi par la société AG Distribution découlant des faits dénoncés dans les présentes conclusions, et notamment l'expert devra également avoir pour mission de fournir à la Cour les éléments d'appréciation du préjudice subi par la société AG Distribution au regard du coût de l'entreposage et de gardiennage du stock déjà inventorié contradictoirement et des frais financiers qui en découlent, ainsi que les conséquences de la résiliation du contrat et la captation de la clientèle de la société AG Distribution
- dire et juger que dans le cadre de l'accomplissement de sa mission, l'expert devra se faire remettre copie de l'ensemble des factures de vente de la société Mahle Aftermarket et du groupe Mahle à destination des clients de la société AG Distribution en Algérie depuis le 1er janvier 2005
- subsidiairement dans l'hypothèse où la Cour viendrait à réformer la décision rendue par le tribunal de commerce de Paris sur la reprise du stock, il conviendra de condamner la société Mahle à régler la somme de 1 717 527 euros à titre de dommages intérêts correspondant à la valeur du stock
- condamner la société Mahle au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais d'appel outre les entiers dépens de première instance et d'appel.
Vu les dernières conclusions de la société Mahle Aftermarket SAS, déposées et notifiées le 7 octobre 2019 par lesquelles il est demandé à la dour de :
vu les articles 1382 et 1383 du Code civil,
vu les articles L. 410-2 et L. 420-2 du Code de commerce
vu l'article 1134 et 1142 du Code civil
vu L. 442-6 I 5°) du Code de commerce,
A titre principal :
- rejeter l'intégralité des demandes de AG Distribution ;
- rejeter des débats la pièce AG Distribution n° 58 ;
- dire que l'intégralité des griefs ne sont pas imputables à Mahle, en application du principe de l'autonomie des personnes morales ;
- dire que AG. Distribution ne bénéficie d'aucune exclusivité territoriale accordée par Mahle ou d'un engagement de non-concurrence souscrit par Mahle ;
- dire que Mahle n'a pas manqué à ses obligations contractuelles ni adopté un comportement fautif préjudiciable à AG Distribution ;
- dire que Mahle n'a pas rompu brutalement ses relations commerciales avec AG Distribution ;
- dire que les rapports Syrec ne sont pertinents ni pour l'évaluation des stocks de AG Distribution, ni pour l'évaluation du préjudice allégué par AG Distribution ;
En conséquence ;
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 6 juillet 2017 en ce qu'il a dit que AG Distribution ne pouvait prétendre à bénéficier de l'exclusivité revendiquée ;
- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit que les échanges entre les parties révélaient une grande incertitude quant à la mise en place et au démarrage de la nouvelle organisation commerciale revendiquée par Mahle et ne sauraient s'assimiler à un préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis ;
- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit que cette incertitude avait permis à Mahle de vendre ses produits à AG Distribution et dans le même temps de conforter sa position de fournisseur direct auprès de ses clients ;
- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné Mahle à reprendre le stock en possession de AG Distribution et d'en restituer le prix correspondant ;
- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné Mahle à payer à AG Distribution la somme de 346 870 euros au titre de son préjudice et à la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
A titre reconventionnel :
- condamner AG Distribution à prendre possession, à ses frais, des produits qu'elle a achetés et qui se trouvent encore en stock dans les entrepôts de la société Mahle ;
- condamner AG Distribution au paiement de la somme de 172 403 euros pour avoir rompu brutalement la relation commerciale avec la société Mahle, sans respecter les exigences de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ;
En tout état de cause :
- condamner AG Distribution au paiement de la somme de 40 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner AG Distribution aux entiers dépens qui pourront être recouvrés, pour ceux d'appel, par PMG Avocats conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
SUR CE LA COUR
Sur la demande tendant à voir écarter la pièce 58 produite par AG Distribution
La société Mahle Aftermarket SAS demande justement de voir rejeter la pièce 58 des débats produite par AG Distribution, s'agissant d'un courrier confidentiel échangé dans le cadre d'une procédure de conciliation avec un administrateurr judiciaire.
Il convient d'y faire droit.
Sur le fond
La société AG Distribution demande la somme de 1 000 000 euros, à titre provisionnel en réparation des préjudices résultant de la rupture abusive du contrat et des actes de concurrence déloyale par Mahle Aftermarket (Mahle) ainsi que la désignation d'un expert aux fins d'évaluer son préjudice.
Elle invoque successivement :
- la rupture brutale des relations commerciales établies en demandant un préavis de 3 ans,
- la violation de l'obligation de bonne foi dans la relation contractuelle par violation de l'engagement de non-concurrence, par violation d'engagements contractuels de coopération et détournement de clientèle,
- le démarchage par des procédés déloyaux en raison de l'utilisation d'informations privilégiées sur les clients algériens de AG Distribution et de propositions de prix plus avantageux
- la désorganisation de son activité résultant des griefs précédents,
- l'abus de position dominante et la pratique d'un ciseau tarifaire suite à l'acquisition par Mahle de la société Dana qui distribue la marque Perfect circle, Mahle devenue dominante sur le marché continuant à vendre ses produits de marque Mahle à un prix surélevé de 20 % ne lui laissant pas une marge suffisante.
Elle estime que le fournisseur fautif doit lui reprendre son stock et le lui rembourser.
La société Mahle conteste tous les manquements qui lui sont reprochés et soutient que c'est la société AG distribution qui a rompu brutalement leurs relations commerciales, demandant la somme de 172 403 euros, à titre de dommages-intérêts.
Elle s'oppose à la restitution des stocks aux motifs que, s'ils existent encore, ils proviennent d'une mauvaise gestion de AG Distribution et qu'une partie proviendrait d'achats auprès de la société allemande Mahle.
Sur la violation de l'exclusivité territoriale
AG Distribution reproche à Mahle la violation de l'exclusivité territoriale qui lui avait été consentie par les sociétés du groupe Mahle pour la distribution de pièces moteur Peugeot et Renault sur le secteur géographique de l'Algérie.
Cependant, la société Mahle soutient à juste raison qu'aucune preuve d'une exclusivité de distribution n'est rapportée.
En effet, AG Distribution se borne à produire une télécopie de la société de droit espagnol Mahle du 28 juin 1993 (sa pièce 1) indiquant avoir le plaisir de lui envoyer le certificat pour l'exclusivité en faveur de AG Entreprise (devenue AG Distribution) pour la vente des jeux de segments Mahle pour les marchés de l'Algérie et de la Lybie, précisant que le certificat original d'exclusivité lui sera livré.
Cette pièce est insuffisante à établir l'exclusivité dont se prévaut AG Distribution alors que ce certificat n'est pas produit.
En outre, si une lettre de Mahle SA du 25 juin 1993 (pièce 51 de AG Distribution) certifie que depuis le 1er juillet 1993 et pendant une année, celle-ci ne livrera des jeux de segments pour moteurs Renault et Peugeot à destination de l'Algérie et de la Lybie qu'à travers AG Entreprise, dit que cet accord est valide jusqu'au 30 juin 1994 et sera automatiquement renouvelé pour une année de plus en cas d'accroissement du chiffre d'affaires de 25 % par rapport à la période antérieure tout en précisant qu'à partir du 1er juillet 1995, de nouvelles conditions seront négociées pour proroger l'exclusivité, aucune pièce ne vient établir une prorogation de l'exclusivité revendiquée.
Sur la rupture brutale des relations commerciales établies
Les deux parties s'imputent mutuellement une telle rupture.
AG Ditribution invoque à ce titre l'appropriation de ses clients, en particulier A et B ainsi que la cessation brutale de l'approvisionnement, faisant état à cet égard des retards de livraison en 2010 et d'une augmentation des prix par Mahle.
Il résulte des pièces produites que :
- Mahle SA informait par lettre du 5 novembre 2003 AG Distribution du changement d'organisation en ce qu'à compter du 1er janvier 2004, celle-ci devrait traiter avec la société de droit allemand Mahle Aftermarket GmbH qui s'occupera des ventes (pièce 3 AG Distribution)
- AG distribution était informée par une télécopie de Mahle Aftermarket GmbH du 15 novembre 2006 (pièce 5 de cette dernière) d'un management de la société allemande privilégiant la vente directe vers les distributeurs et de sa décision de livrer directement les importateurs algériens répartis à travers le territoire
- la société allemande mentionnait dans cette télécopie qu'elle allait continuer à livrer AG Distribution de façon à ce que celle-ci continue à livrer ses clients, ajoutant avoir noté que M. B était son client et serait livré par elle.
- la société Mahle Aftermarket SAS indiquait le 21 novembre 2007 ( pièce 7) :
"Notre politique Mahle sur le marché Algérien reste claire et inchangée. Nous sommes convaincus que le développement sur ce territoire passe et passera majoritairement par la distribution en direct sur le territoire, ce que d'ailleurs vous avez tout à fait compris et approuvé lors de notre entretien à Marseille en juillet dernier",
ajoutant :
"Nous vous remercions de votre compréhension et sommes sûrs que des solutions seront apportées afin de maintenir un partenariat gagnant gagnant entre les 2 parties" (souligné par la Cour).
- Malhe Aftermarket GmbH informait AG Distribution, par lettre du 10 décembre 2007 (pièce 8), avoir diminué ses prix pour tenir compte de la difficulté de celle-ci à écouler sur le marché les produits qu'elle commercialisait plus chers par rapport à la concurrence. Elle rappelait qu'elle allait travailler en direct avec les importateurs en Algérie et indiquait avoir démarché les clients potentiels pour organiser son réseau de distribution "avec des livraisons en direct", ajoutant :
"Afin de mieux vous aider à écouler le stock et compte tenu des objectifs spécifiés dans E-mail du 18.09.2007, nous nous engageons pour l'année 2008 :
. A - livraison et facturation directe (déjà effectué depuis 2006)
. C - facuration directe au client et livraison via AG Distribution Marseille
. D, E, F - livraison et facturation AG Distribution Marseille"
précisant:
" En revanche au salon de Frankfurt, Automechanika 2008, les modalités de distribution devront être rediscutées".
- par lettre du 7 avril 2008 en réponse à celle du conseil de la société AG Distribution, Mahle GmbH déniait toute exclusivité accordée et, disant ne pouvoir accepter les reproches formulés, indiquait résilier les conditions de vente actuellement consenties à effet du 31 décembre 2008.
Il résulte de ces éléments, que AG Distribution a été informée dès l'année 2006 de la mise en place d'une nouvelle politique de vente en direct des produits Mahle sur le marché algérien ainsi que de nouvelles modalités de distribution à compter de l'année 2009 à rediscuter, Malhe reconnaissant l'existence d'une clientèle propre de la société AG Distribution pour la distribution des produits de la société sur ce marché et offrant son aide pour l'écoulement des stocks auprès de ses clients en 2008.
Il s'ensuit qu'aucune rupture brutale même partielle des relations commerciales établies ne peut être imputée à Malhe qui a respecté un préavis suffisant, en informant AG Distribution dès le mois de novembre 2006 de la mise en place d'une nouvelle politique de vente en direct sur la marché algérien et le 10 décembre 2017 de nouvelles modalités de distribution à compter de 2009 à discuter.
En revanche, il résulte du courriel du 6 mars 2009 (pièce 15), qu'à l'issue d'une réunion du 27 février 2009, il a été convenu que, s'agissant des ventes et stocks AG Distribution, serait communiqué le détail des ventes 2007 et 2008 par client ainsi que l'état des stocks et que "suite à la demande de M. X" (dirigeant de AG Distribution) Mahle Aftermarket Poissy s'est engagée à ne pas collaborer avec ces entités en direct. Au nombre des actions, il était indiqué que "M. X s'engage à confirmer une commande de 800K euros (paiement d'avance) dès réception des reliquats actuels (586K euros)".
Ainsi, Mahle s'était engagée à ne pas concurrencer AG Distribution concernant ses clients, et cette dernière s'était engagée à passer commande de pièces.
Or, AG Distribution rapporte la preuve que Malhe Aftermarket SAS n'a pas respecté les engagements pris lors de la réunion du 27 février 2009 puisque celle-ci a démarché ses clients en lui offrant des prix plus bas alors qu'elle s'était interdit "de collaborer avec ces entités en direct". AG Distribution produit deux attestations (p. 26) à cet égard, en particulier celle de M. G, gérant de la société Beni Boussaid, relatant avoir été directement démarché au mois de novembre 2010, par la société Malhe pour acheter ses produits à un prix très inférieurs à ceux de AG Distribution, son fournisseur habituel, étant observé que la société allemande Mahle s'était déjà appropriée deux de ses plus gros clients A et Barèche (pièce 8 précitée)
Par ailleurs, s'il ne peut être reproché à Mahle de ne pas avoir donné suite à la demande du 30 juin 2010 (pièce 18) de AG Distribution de devenir le distributeur export exclusif des produits de la gamme PC ( Perfect Circle) sur le marché algérien (sa lettre du 9 juillet 2010 pièce 11), étant maître de sa politique commerciale, tel n'est pas le cas de sa décision d'augmentation de prix générale à hauteur de 15 % applicable à compter du 1er août 2010 y compris aux produits actuellement en commande (sa lettre du 6 juillet 2010).
Dans ces conditions, ne peut être considérée comme brutale la rupture notifiée à Malhe Aftermarket SAS le 16 décembre 2010 par AG Distribution, signifiant à l'intéressée la cessation de son activité au bénéfice de cette dernière des produits de marque Mahle en Algérie, du fait de ses agissements, notamment d'un détournement de clientèle, étant observé que cette lettre faisait suite à celle du 26 août 2010, faisant état des difficultés rencontrées depuis l'année 2008 pour assurer la commercialisation des produits Mahle sur le marché algérien, d'une concurrence déloyale du fait de la commercialisation de produits concurrents moins chers sur son secteur d'activité notamment à certains de ses clients et l'informant qu'elle n'entendait plus poursuivre ses relations commerciales avec elle et qu'elle lui retournait l'intégralité du stock en sa possession.
En effet, le comportement gravement fautif de Malhe à son égard, justifie la rupture sans préavis par AG Distribution de la relation commerciale entretenue avec cette société.
En conséquence, Malhe comme AG Distribution sont déboutées de leur demande respective fondée sur l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce dans sa version applicable à la cause.
Sur la faute contractuelle de Malhe Aftermarket SAS
Malhe a violé son engagement de non-concurrence pour avoir commercialisé ses produits en direct aux clients de la société AG Distribution et à des prix plus bas que ceux appliqués à son distributeur alors qu'au cours de la même réunion du 27 février 2009, M. X s'engageait "à confirmer une commande de 800K euros".
AG Distribution sollicite la confirmation du jugement en ce que le tribunal a condamné Malhe à reprendre le stock en possession de AG Distribution et à restituer le prix correspondant réglé par cette dernière.
Mahle oppose l'absence d'obligation légale de reprise des stocks par le fournisseur sauf stipulation contractuelle en ce sens. Elle ajoute que les stocks, s'ils existent encore, proviendraient d'une mauvaise gestion et qu'une partie proviendrait de la société allemande Mahle qui ne lui a transféré son activité qu'au cours de l'année 2008 et qu'elle n'a commencé à travailler avec AG Distribution qu'à compter de l'année 2009.
Or, ainsi qu'il a été dit, la rupture est imputable à Mahle et il convient de rappeler que AG Distribution s'était engagé "à confirmer une commande de 600 K euros (paiement d'avance) dès réception des reliquats actuels (586K euros)" ainsi qu'il résulte du courriel du 6 mars 2009 (pièce 15) dans le cadre d'un accord que Mahle n'a pas respecté, de sorte que cette dernière est mal venue à lui reprocher une mauvaise gestion de ses stocks.
Par ailleurs, selon le tableau établi par M. Z (pièce 22 de Mahle) sur la base des chiffres avancés par AG Distribution, celle-ci a acheté en 2009 des stocks pour 826 K euros HT et en 2010 pour 439 K euros à Malhe Aftermarket SAS.
En outre, il résulte du rapport Syrec du 19 février 2018 lequel se fonde sur le constat d'huissier réalisé les 17, 18 et 19 juin 2015 que AG Distribution détient un stock acheté en 2009 de 727 897 euros et un stock acheté en 2010 de 348 593 euros.
Il convient de condamner Mahle à reprendre les stocks invendus d'AG Distribution de 2009 et 2010, d'un montant total de 1 076 490 euros en réparation du préjudice causé par l'impossibilité de poursuivre ses relations contractuelles avec AG Distribution.
Le jugement est donc confirmé sur le principe de la reprise des stocks par le fournisseur mais limité dans son montant aux stocks susvisés livrés en 2009 et 2010 par la société Mahle Aftermarket SAS et invendus par AG Distribution, sans qu'il y ait lieu de tenir compte d'une quelconque dépréciation des produits en cause.
De même, Malhe doit réparer le préjudice commercial subi par AG Distribution non réparé par la reprise des stocks, du fait de la violation de son engagement contractuel de coopération puisqu'elle s'était engagée à assurer un partenariat gagnant gagnant et à ne pas collaborer avec ses clients, étant observé que la société allemande avait détourné ses deux principaux clients A et Barèche (pièces 4 et 5) ce qu'a continué à faire la société française, qu'elle a modifié a posteriori ses prix relatifs à une commande de 2010 (pièces 15 et 16 de AG Distribution) et a usé de procédés déloyaux pour capter sa clientèle en proposant à ses clients des prix plus bas que ceux qu'elle lui appliquait, augmentant ainsi sa propre clientèle au détriment de son distributeur, ce qui l'a contrainte à rompre ses relations commerciales.
Selon le rapport Syrec du 19 février 2018 produits par AG Distribution, celle-ci aurait subi au cours de la période contractuelle une perte de chiffre d'affaires conduisant à une perte de marge de 1 109 577 euros de 2006 à 2010 sur la base d'un taux de marge de 9 %, (dont 838 000 euros pour les années 2008, 2009 et 2010), étant observé que le premier rapport Syrec du 14 septembre 2015 retenait à ce titre une somme de 346 870 euros.
M. Z dans son rapport du 11 septembre 2019 produit par Mahle retient notamment que les relations entre les deux sociétés n'ont commencé qu'au premier semestre 2008, que le chiffre d'affaires de Mahle n'aurait pas pu être réalisé par AG Distribution car avant même l'intervention en direct de Mahle, le chiffre d'affaires réalisé par AG Distribution sur les clients A et C était en diminution, ce dont il déduit que les clients avaient diversifié leur approvisionnement. Il ajoute que la perte de marge s'analyse sur coûts variables et non sur la marge brute.
Au vu des pièces produites, la cour dispose d'éléments suffisants, sans avoir à recourir à une mesure d'expertise, pour évaluer à 300 000 euros le préjudice subi par AG Distribution du fait des manquements contractuels de Mahle, étant observé que seule la période de 2008 à 2011 liant les parties peut être prise en compte.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
La somme de 5 000 euros est allouée sur ce fondement à AG Distribution en cause d'appel, en sus de la somme allouée à ce titre par le tribunal.
Le sens de l'arrêt conduit à débouter Mahle de sa demande de ce chef.
Sur les autres chefs du jugement
Les chefs du jugement non critiqués sont confirmés.
Par ces motifs, LA COUR, Rejette des débats la pièce n°58 de la société AG Distribution ; Confirme le jugement sauf en ce qu'il a : - condamné la SAS Mahle Aftermarket à payer à la société AG Distribution la somme de 346 780 euros à titre de dommages et intérêts ; - débouté la société AG Distribution de sa demande de paiement d'une somme provisionnelle de 1 000 000 euros ; Le Confirme pour le surplus sauf à préciser que la condamnation de la SAS Aftermarket à reprendre le stock de produits Mahle en possession de la société AG Distribution et d'en restituer le prix correspondant réglé par cette dernière, porte sur les stocks invendus de la société AG Distribution de 2009 et 2010, d'un montant total de 1 076 490 euros ; Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant, Déboute les parties de leur demande respective d'indemnisation au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies ; Condamne la SAS Mahle Aftermarket à payer à la société AG Distribution la somme de 300 000 euros à titre de dommages-intérêts en répartion du préjudice causé par ses manquements contractuels ; Condamne la SAS Mahle Aftermarket aux dépens et à payer la somme de 5 000 euros à la société AG Distribution au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Rejette toute autre demande.