CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 16 janvier 2020, n° 17-11236
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Romagnoli Rondinella Srl (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Prigent
FAITS ET PROCÉDURE :
La société de droit italien Romagnoli Rondinella fabrique et commercialise des chaussures pour enfants.
En juin 2009, elle a chargé M. X de la promotion et de la vente de ses produits en France à l'exception du secteur nord-est déjà confié à une autre personne.
À partir du mois de janvier 2011, la société Romagnoli Rondinella a également confié à M. X le secteur nord-est de la France.
Par deux actes d'huissier délivrés le 30 juillet 2013, la société Romagnoli Rondinella a notifié à M. X la fin immédiate de leurs relations contractuelles invoquant diverses fautes de ce dernier.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception datée du 8 août 2013, M. X a, par l'intermédiaire de son conseil, contesté cette résiliation et mis en demeure la société Romagnoli Rondinella de lui régler une somme de 15 000 euros au titre des commissions dues pour les ventes réalisées au 1er semestre 2013.
Par acte du 10 mars 2014, M. X a assigné la société Romagnoli Rondinella devant le tribunal de commerce de Vienne sur le fondement de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce.
Par jugement du 20 novembre 2014, le tribunal de commerce de Vienne s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Lyon.
Par jugement du 14 avril 2017, le tribunal de commerce de Lyon a :
- dit qu'il n'a existé entre M. X et la société Romagnoli Rondinella aucune relation commerciale établie,
- jugé les demandes présentées par M. X au titre de l'article L. 442 6 I 5° du Code de commerce mal fondées et l'en a débouté,
- jugé que M. X ne rapportait pas la preuve d'avoir exercé son activité dans le cadre d'un contrat d'agent commercial,
- dit que la relation contractuelle ayant existé entre les parties était un simple mandat de représentation au sens des articles 1984 et suivants du Code civil, qui pouvait être révoqué à tout moment,
- débouté M. X de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, sauf en ce qui concerne le solde résiduel de 33,32 euros de commissions restant dû,
- constaté que la société Romagnoli Rondinella était prête à lui verser cette somme sur présentation d'une facture,
- condamné M. X à payer à la société Romagnoli Rondinella la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné M. X aux dépens.
Par déclaration du 7 juin 2017, M. X a interjeté appel de ce jugement.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Dans ses dernières conclusions, notifiées le 22 novembre 2017, M. X demande à la cour de :
Vu les articles sous la section 2 chapitre II du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000,
Vu la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux Nouvelles Régulations Economiques (NRE),
Vu les articles L. 134-11 et suivants, l'article L. 442-6 du Code de commerce,
Vu les articles 1984 et suivants, l'article 2004 du Code civil,
- déclarer recevable et bien fondé son appel,
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon en date du 14 avril 2017,
Statuant à nouveau,
- dire et juger que les deux notifications de rupture des relations commerciales le liant à la société Romagnoli Rondinella en date du 30 juillet 2013 sont :
- à titre principal, une rupture de contrat commercial fautive,
- à titre subsidiaire, une rupture de contrat d'agent commercial injustifiée,
- à titre infiniment subsidiaire, une rupture abusive du contrat de mandat d'intérêt commun,
En conséquence,
- condamner la société Romagnoli Rondinella à lui payer :
A titre principal,
- 2 215 euros, au titre de remboursement des frais exposés pour les salons 2013,
- 45 000 euros, au titre de l'indemnisation du préjudice subi du fait de la rupture brutale, sans préavis et fautive,
A titre subsidiaire,
- 2 215 euros, au titre de remboursement des frais exposés pour les salons 2013,
- 11 250 euros à titre de préavis,
- 33 750 euros à titre d'indemnisation afférente à la rupture,
En tout état de cause,
- condamner la société Romagnoli Rondinella à payer la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP AFG prise en la personne de Maître Y pour ceux d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
A l'appui de ses demandes, M. X prétend que le contrat le liant à la société Romagnoli Rondinella doit être qualifié de contrat commercial, peu important le fait que lui-même n'ait pas la qualité de commerçant, et sollicite une indemnisation de la part de l'intimée sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales. Il critique ainsi le jugement entrepris en ce qu'il a écarté l'application des dispositions de l'article L. 442-6 5° du Code de commerce. Il soutient à cet égard qu'il entretenait des relations commerciales régulières et continues avec la société Romagnoli Rondinella depuis quatre ans au moment de la rupture. Il indique qu'eu égard à l'ancienneté des relations, un préavis minimum de quatre mois aurait dû être observé, ce qui correspond à une perte de marge brute équivalant à quatre mois de commissions, soit 11 143,92 euros. Toutefois en raison de sa dépendance économique à l'égard de la société Romagnoli Rondinella, il revendique le versement d'une année de commissions, soit 45 000 euros.
A titre subsidiaire, il se prévaut de l'existence d'un contrat d'agent commercial avec la société Romagnoli Rondinella et affirme qu'il avait le pouvoir de représenter cette dernière pour la conclusion de contrats de vente. Il demande en conséquence une indemnisation au titre de l'article L. 134-12 du Code de commerce, soit une somme de 33 750 euros correspondant à neuf mois de résultats, et affirme qu'aucune déchéance ne peut lui être opposée dès lors qu'il a revendiqué ses droits par courrier du 8 août 2013 ainsi que dans le cadre de son assignation du 10 mars 2014. Il réclame également une somme de 11 250 euros à titre d'indemnité de préavis correspondant à trois mois de préavis en vertu de l'article L. 134-11 alinéa 3 du Code de commerce.
A titre infiniment subsidiaire, il se prévaut de l'existence d'un mandat d'intérêt commun avec la société Romagnoli Rondinella qui ne pouvait rompre le mandat que pour un motif légitime. Or il estime qu'aucun des griefs qui lui sont reprochés par la société Romagnoli Rondinella n'est établi.
En ce qui concerne le défaut d'atteinte des objectifs fixés, il dément que le contrat ait été conclu sur la base d'un objectif de 10 000 paires de chaussures par saison, objectif que la société intimée a elle-même reconnu comme étant hors d'atteinte. Il prétend en outre que l'objectif convenu de 10 000 paires sur trois ou quatre saisons avait été fixé sur la base d'un prix de vente de 40 euros par paire. Or il affirme que les prix pratiqués par la société Romagnoli Rondinella ont été en réalité bien supérieurs. En tout état de cause, il affirme que le défaut de réalisation de l'objectif contractuel ne peut être constitutif d'une faute justifiant la résiliation du contrat sauf à ce que cela révèle une insuffisance d'activité, ce qui n'est pas démontré en l'espèce puisque les commandes passées étaient en constante progression. Enfin il relève que la société intimée est elle-même à l'origine d'une désaffection de certains clients en raison de retards de livraison et de prix pratiqués trop élevés.
Il conteste l'absence de progression des ventes qui lui est reprochée alors qu'il justifie avoir développé une clientèle nouvelle importante au profit de la société Romagnoli Rondinella.
Il soutient qu'il se déplaçait annuellement en Italie pour rendre compte de son activité et avait des entretiens réguliers avec le service commercial de la société Romagnoli Rondinella. Il conteste le témoignage de Mme Z produit aux débats par la société intimée et prétend justifier des diligences accomplies au profit de la société Romagnoli Rondinella.
Il affirme qu'il n'entrait pas dans sa mission de gérer les défauts de paiement de factures des clients de la société Romagnoli Rondinella et qu'aucune faute ne peut lui être reprochée de ce chef.
Il dénie avoir autorisé de la part des clients de la société Romagnoli Rondinella des modifications de commandes en cours mais seulement des modifications au moment de la prise de commandes.
Il conteste encore avoir délaissé les clients historiques de la société Romagnoli Rondinella et prétend que ces derniers ont été découragés par les prix élevés pratiqués.
Outre l'indemnisation liée à la fin du contrat, il revendique le remboursement des frais de salons exposés inutilement.
Dans ses dernières conclusions, notifiées le 4 juin 2019, la société Romagnoli Rondinella demande à la cour de :
Au principal,
Sur la demande de l'appelant relative à l'agent commercial,
Sur la déchéance,
Vu l'article L. 134-12 du Code de commerce,
- constater que la lettre du conseil de M. X en date du 8/8/2013 ne parle nullement ni d'un contrat d'agent commercial ni d'une " indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi " au sens de l'article L. 134-12 du Code de commerce, mais d'un contrat de vendre ;
- constater que M. X ne se réfère au contrat d'agent commercial pour la première fois que dans ses écritures devant le tribunal de commerce en date 24 avril 2015 ;
- dire et juger l'appelant déchu de son droit à indemnité conformément à l'article L. 134-12 du Code de commerce ;
Sur l'inapplicabilité de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce au contrat d'agent commercial,
- dire et juger inapplicable au contrat d'agent commercial les dispositions des articles L. 442-6-I-5° du Code de commerce ;
Sur le statut d'agent commercial,
Vu l'article L. 134-1 du Code de commerce et les articles 1 et 3 de la directive du 18/12/1986 ;
- dire et juger que M. X ne rapporte pas la preuve d'avoir été agent commercial à son profit ;
Sur les avantages substantiels conservés par l'intimée et dus à l'activité de M. X,
Vu l'article 17 § 2 et § 3 de la Directive du 18 décembre 1986 n° 86/653,
- dire et juger que l'article 17 § 3 de la Directive du 18 décembre 1986 n° 86/653 conditionne l'octroi à l'agent d'une indemnité à l'existence pour le mandant d'" avantages substantiels liés à l'activité de l'agent commercial " ;
- dire et juger que M. X ne rapporte pas la preuve de l'existence pour l'intimée :
* d'avantages
* substantiels
* liés à son activité précédente
- dire et juger en conséquence qu'il ne peut bénéficier d'aucune indemnité de cessation de contrat ;
Si par extraordinaire la cour de céans ne retenait pas la condition d'avantages substantiels art. 17 § 3 tiré 1er de la Directive du 18-12-1986 et si par extraordinaire la cour considérait " que la disposition communautaire en cause 1er tiré du paragraphe 3 de l'article 17 de la Directive du 18-12-1986 n'a pas déjà fait l'objet d'une interprétation de la part de la Cour " dans son arrêt du 19-4-2018 n° C-645/16 il conviendrait d'interroger la CJUE selon la procédure décrite à l'article 267, troisième alinéa du traité de fonctionnement de l'Union européenne TFUE ;
Sur la faute grave de M. X,
Vu les articles L. 134-4 et L. 134-13 du Code de commerce,
Vu les manquements de M. X,
- un chiffre d'affaires en stagnation sur seulement les clients historiques
- la non-obtention des objectifs annoncés par le prétendu agent,
- des visites épisodiques,
- le non-retour d'informations sur les tendances du marché et de la concurrence,
- le délaissement des gros clients historiques,
- le changement non autorisé des modèles en cours de fabrication,
- l'oubli de préciser dans les commandes les prix et les références d'articles, désorganisant de ce fait la production et mécontentant la clientèle ;
- de manière générale le manquement au devoir d'information et de bonne foi ainsi que de bon professionnel tels que prévus à l'article L. 134-4 du Code de commerce ;
- dire et juger que le cumul de ces faits constitue une faute grave au sens de l'article L. 134-13 du Code de commerce qui l'exonère du versement de toute indemnité de cessation de contrat et substitutive de préavis ;
En tout état de cause,
- débouter M. X de toutes ses demandes fins et conclusions ;
- confirmer le jugement dont appel ;
- condamner M. X à payer à la concluante la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et en tous les dépens ;
Au subsidiaire : sur le mandat d'intermédiaire et l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce,
Sur le mandat,
Vu les dispositions des articles 1984 et suivants du Code civil,
- dire et juger qu'en application de l'article 2004, elle pouvait révoquer son mandat comme bon lui semblait ;
Sur l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce,
Vu les dispositions de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce ;
Vu les faits reprochés à M. X :
- un chiffre d'affaires en stagnation sur seulement les clients historiques
- la non-obtention des objectifs annoncés par le prétendu agent
- des visites épisodiques
- le non-retour d'informations sur les tendances du marché et de la concurrence
- le délaissement des gros clients historiques
- le changement non autorisé des modèles en cours de fabrication
- l'oubli de préciser dans les commandes les prix et les références d'articles, désorganisant de ce fait la production et mécontentant la clientèle ;
- de manière générale le manquement au devoir d'information et de bonne foi ;
- dire et juger que ces faits constituent l'inexécution prévue à l'article L. 442-6-I-5°, exonérant la concluante de tout préavis ;
Sur le prétendu préjudice de M. X,
- constater que la relation a duré 4 années ;
- constater que M. X sollicite sa condamnation à lui payer non pas quatre mois de marge brute mais une année de commissions ;
Sur le solde de commissions et les frais de salon,
- constater que M. X reconnaît avoir reçu la somme de 11 348,27 euros à titre de commissions ;
- constater qu'elle se reconnaît débitrice de la somme de 33,32 euros, dont elle s'acquittera dès réception d'une facture en bonne et due forme ;
- dire et juger que M. X ne rapporte pas la preuve qu'elle resterait lui devoir la somme de 14 000 euros ;
- dire et juger encore que M. X ne rapporte pas la preuve qu'elle l'ait autorisé à prendre salon et ainsi exposer des frais à hauteur de 1 107 50 euros, ni d'avoir payé ladite somme ;
En tout état de cause,
- débouter M. X de toutes ses demandes fins et conclusions ;
- confirmer le jugement dont appel ;
- condamner M. X à lui payer la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et en tous les dépens distraits à la SCP W.
La société Romagnoli Rondinella soutient que le contrat la liant à M. X s'analyse en un contrat de mandat et non en un contrat d'agent commercial en l'absence de pouvoir de négociation. Or elle se prévaut de la liberté de révocation du mandat par le mandant pour justifier la rupture du contrat la liant à M. X et soutenir que les dispositions de l'article L. 442-6 5° du Code de commerce ne sont pas applicables. Elle conclut en conséquence au rejet des prétentions formées sur ce fondement. Si la cour considérait néanmoins les dispositions de l'article L. 442-6 5° du Code de commerce applicables au mandat, elle affirme que M. X ne serait toutefois pas fondé à réclamer une indemnité de ce chef en raison des fautes qui lui sont imputables. En tout état de cause, elle estime que M. X ne pouvait revendiquer tout au plus que l'observation d'un préavis de quatre mois et qu'il ne justifie pas de la réalité de la perte de marge brute alléguée puisqu'il omet de produire aux débats sa déclaration fiscale relative à ses bénéfices industriels et commerciaux. Elle s'oppose encore au remboursement des frais de salons revendiqué dès lors que la preuve de ces frais n'est pas rapportée et que ces dépenses ont été engagées sans son autorisation.
Si la cour devait qualifier le contrat la liant à M. X de contrat d'agent commercial, elle invoque tout d'abord la déchéance de celui-ci en vertu de l'article L. 134-12 du Code de commerce. Elle explique à cet égard que M. X ne lui a pas notifié, dans l'année de la cessation du contrat, qu'il entendait revendiquer une indemnité au titre de la rupture du contrat d'agent commercial. Elle précise qu'il ne lui est réclamé une telle indemnité ni dans la lettre du 8 août 2013 ni dans l'assignation du 10 mars 2014. A titre subsidiaire, elle invoque la faute grave de M. X exclusive de tout droit à indemnité de rupture. Elle lui reproche ainsi de ne pas avoir atteint les objectifs fixés de 10 000 paires de chaussures vendues par saison et de ne pas avoir développé une clientèle nouvelle de sorte que les ventes de ses marchandises en France n'ont pas progressé. Elle fait encore grief à l'appelant d'avoir manqué de diligences (défaut de visites régulières à la clientèle, absence d'informations sur le marché français, absence de gestion des impayés, délaissement de la clientèle historique, autorisation de modifications de commandes en cours). Elle fait par ailleurs valoir que M. X ne peut pas revendiquer d'indemnité à défaut de lui avoir procuré, par son activité, des avantages substantiels.
Conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures susvisées pour l'exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 juin 2019.
Par lettre du 4 septembre 2019, le conseil de la société Romagnoli Rondinella a adressé à la cour la copie d'un arrêt de la CJUE du 18 avril 2018 et les conclusions de l'avocat général devant ladite cour du 25 octobre 2017.
Par lettre du 5 septembre 2019, le conseil de M. X a demandé le rejet des débats de ces pièces versées après la clôture et non communiquées.
MOTIFS :
Sur la recevabilité des pièces versées par la société Romagnoli Rondinella après la clôture
Il convient de déclarer irrecevables les pièces produites par la société Romagnoli Rondinella postérieurement à la clôture en date du 20 juin 2019 conformément à l'article 783 alinéa 1er du Code de procédure civile.
Sur la qualification du contrat
M. X se prévaut à titre principal des dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce pour fonder ses demandes d'indemnisation.
Or l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ne s'applique pas lorsque la cessation des relations entre un agent et son mandant est soumise à l'article L. 134-11 du Code de commerce relatif aux agents commerciaux.
Dans ces conditions, il convient au préalable de qualifier le contrat litigieux afin de déterminer si les dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce sont ou non applicables.
L'article L. 134-1 alinéa 1er du Code de commerce dispose que : " L'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale. "
L'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée.
La qualité d'agent commercial suppose la capacité de négocier les contrats passés au nom du mandant et de disposer, à cet effet, de réelles marges de manœuvre par rapport à ce dernier pour influer sur les éléments constitutifs des contrats avant leur conclusion notamment quant aux tarifs pratiqués.
Il incombe à celui qui se prétend agent commercial d'en rapporter la preuve.
En l'espèce, M. X ne démontre aucunement qu'il détenait un pouvoir de négociation quant aux contrats de vente pour lesquels il est intervenu au profit de la société Romagnoli Rondinella. A cet égard, il ne rapporte pas la preuve qu'il détenait de réelles marges de manœuvre par rapport à son mandant pour influer sur les éléments constitutifs des contrats avant leur conclusion que ce soit en termes de prix ou en ce qui concerne les autres éléments constitutifs desdits contrats de vente. En outre, contrairement à ce qu'il soutient, il ressort des bons de commandes et des pièces versées aux débats que les contrats de vente étaient conclus directement entre la société Romagnoli Rondinella et ses clients et qu'il ne faisait que transmettre à son mandant les commandes de ces derniers.
Il s'en déduit que l'activité effectivement exercée par M. X ne relève pas des missions d'un agent commercial et ce, peu important le versement d'une rémunération sous forme de commissions sur les ventes réalisées.
Les deux parties au litige s'accordent sur l'existence d'un mandat exercé par M. X au profit de la société Romagnoli Rondinella en vue de promouvoir et de vendre les produits de cette dernière. Toutefois il résulte de ce qui précède que M. X ne disposait d'aucun pouvoir de conclure les contrats de vente au nom de la société Romagnoli Rondinella, de sorte que le contrat ne saurait s'analyser en un mandat simple. La convention liant M. X et la société Romagnoli Rondinella doit en conséquence être qualifiée de mandat d'intérêt commun ; contrat dans lequel mandant et mandataire sont liés par une convergence d'intérêts, l'un et l'autre contribuant par leur activité réciproque et par leur collaboration régulière à l'obtention et à l'accroissement d'un résultat qui leur est commun.
Sur la rupture brutale des relations commerciales établies
L'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. (...) Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.
La relation commerciale, pour être établie au sens des dispositions précitées, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.
En l'espèce, il n'est pas discuté que la relation entre M. X et la société Romagnoli Rondinella a duré quatre ans. En outre, il résulte des pièces versées aux débats par M. X que cette relation lui a procuré des commissions de 20 447,56 euros en 2011, 43 060,16 euros en 2012 et 36 787,61 euros en 2013, ce qui correspond à un chiffre d'affaires réalisé par la société Romignoli Rondinella grâce à l'intervention de M. X de 227 195 euros en 2011, 478 444 euros en 2012 et 408 744 en 2013, calculé sur la base d'une commission de 9 %. Dès lors, l'existence d'une relation commerciale établie entre M. X et la société Romagnoli Rondinella est caractérisée. Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.
Pour justifier la rupture de la relation sans préavis, la société Romagnoli Rondinella se prévaut de fautes imputables à M. X
Il convient de rappeler que l'inexécution justifiant la rupture doit revêtir un caractère de gravité suffisant. En outre, il appartient à la société Romagnoli Rondinella, qui invoque une telle faute, d'en rapporter la preuve.
La société Romagnoli Rondinella reproche à M. X de ne pas avoir atteint l'objectif de 10 000 paires de chaussures vendues par saison fixé au contrat tandis que M. X conteste cet objectif.
Il résulte pourtant des échanges de courriels entre M. X et la société Romagnoli Rondinella des 22, 25, 26 mai 2009 et 4, 8, 9 et 18 juin 2009 que les parties se sont accordées pour garantir à M. X une rémunération minimum fixe de 3 000 euros par mois pendant trois saisons sur la base d'une commission de 9 % sur 10 000 paires à 40 euros vendues par saison ; cet objectif de 10 000 paires par saison devant être atteint après trois à quatre saisons. Or il ressort des propres décomptes de M. X que cet objectif n'a jamais été atteint. Néanmoins l'absence de réalisation des objectifs fixés ne saurait caractériser le manquement du mandataire à ses obligations et il appartient à la société Romagnoli Rondinella de démontrer que cette absence de réalisation des objectifs résulte d'un défaut de diligences de la part de M. X Or les fautes et défauts de diligences allégués par la société Romagnoli Rondinella ne sauraient résulter du seul courriel du 21 décembre 2011 qu'elle a adressé à M. X ni de l'attestation peu objective et peu circonstanciée d'une de ses employées, Mme Z, ou encore des courriels expéditifs de cette dernière non corroborés par d'autres pièces.
En l'absence de preuve d'une faute suffisamment grave imputable à M. X, la société Romagnoli Rondinella se devait de respecter un préavis avant d'interrompre leurs relations. Or les deux actes d'huissier du 30 juillet 2013 mettant un terme à la relation n'ont laissé aucun préavis. La responsabilité de l'intimée doit donc être retenue de ce chef.
S'agissant du préjudice consécutif à la brutalité de la rupture, celui-ci est constitué du gain manqué pendant la période d'insuffisance du préavis et s'évalue donc en considération de la marge brute escomptée durant cette période, le dit préavis devant préalablement être estimé et fixé, étant précisé que la dépendance économique du partenaire victime de la rupture à l'égard de l'auteur de la rupture est un critère d'allongement de sa durée.
En l'espèce, les relations entre les parties ont durée 4 ans, ont généré une commission annuelle moyenne de 39 923 euros entre 2012 et 2013 pour M. X et ont représenté 47 % de son chiffre d'affaires en 2012 calculés sur la base de la déclaration fiscale de M. X produite aux débats. Contrairement à ce que prétend M. X, sa dépendance économique à l'égard de la société Romagnoli Rondinella n'est pas démontrée puisqu'il avait d'autres partenaires et que le secteur dans lequel il exerce lui permettait de retrouver rapidement un autre partenaire.
Eu égard à ces éléments, le préavis qui aurait dû être accordé doit être fixé à quatre mois. Il résulte du détail de la déclaration fiscale 2035 produite aux débats que M. X a exposé des coûts de véhicule, frais de déplacements, fournitures de bureaux et frais divers d'un montant de 2 269 euros en 2013 de sorte que la marge brute réalisée peut être estimée à 75 %. La société Romagnoli Rondinella sera donc condamnée à verser à M. X une somme de 9 981 euros (39 923 euros/12 = 3 327 euros x 0,75 x 4 mois) à titre d'indemnisation du préjudice résultant de la brutalité de la rupture. Le surplus de la demande d'indemnisation de M. X n'étant pas justifié par des circonstances particulières sera écarté. Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a débouté M. X de ses demandes présentées au titre de l'article L. 442 6, I, 5° du Code de commerce.
En outre, M. X justifie avoir exposé inutilement les sommes de 385 euros (770 euros/2) et de 475 euros pour représenter la marque Rondinella au salon Promo Chaussures Rhône-Alpes des 15, 16 et 17 septembre 2013 et au salon Promo Chaussures de l'est des 1, 2 et 3 septembre 2013. Contrairement à ce que soutient la société Romagnoli Rondinella, elle était parfaitement avisée de cette représentation à ces salons par M. X et y avait consenti ainsi qu'en témoignent le courriel de Mme N. daté du 2 mai 2013 et la publicité au titre de ces salons. Il convient donc d'allouer à M. X une somme de 860 euros au titre des investissements exposés spécifiquement pour le compte de la société Romagnoli Rondinella. En revanche, M. X est mal fondé à réclamer le remboursement de frais de salons de Villefranche, Colmar et Martigues qui se sont déroulés aux mois de février et mars 2013 alors que le mandat était en cours. Il ne peut davantage demander le remboursement des frais de salon d'Aix-les-Bains des 6 et 7 octobre 2013 alors que la pièce 58 qu'il verse aux débats n'établit pas que ces frais ont été exposés au titre de la représentation de la société Romagnoli Rondinella. Les demandes de remboursement sur ces points ne peuvent donc prospérer.
Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile
La société Romagnoli Rondinella succombe à l'instance d'appel. Elle supportera en conséquence les dépens de première instance et d'appel et sera condamnée à régler à M. X une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel. Les dépens d'appel pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, Déclare irrecevables les pièces produites aux débats après la clôture de l'instruction correspondant à la copie d'un arrêt de la CJUE du 18 avril 2018 et à la copie de conclusions de l'avocat général devant ladite cour du 25 octobre 2017 ; Infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ; Statuant à nouveau, Dit que le contrat conclu entre M. X et la société Romagnoli Rondinella constitue un mandat d'intérêt commun ; Dit qu'il a existé une relation commerciale établie entre M. X et la société Romagnoli Rondinella entre juin 2009 et le 30 juillet 2013 ; Dit que la société Romagnoli Rondinella est à l'origine d'une rupture brutale des relations commerciales établies avec M. X et que sa responsabilité est engagée de ce chef ; Condamne la société Romagnoli Rondinella à régler à M. X une somme de 9 981 euros à titre d'indemnisation du préjudice résultant de la brutalité de la rupture ; Condamne la société Romagnoli Rondinella à régler à M. X une somme de 860 euros au titre des investissements exposés spécifiquement pour son compte ; Condamne la société Romagnoli Rondinella à régler à M. X une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Déboute les parties du surplus de leurs demandes ; Condamne la société Romagnoli Rondinella aux dépens de première instance et d'appel ; les dépens d'appel pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.