CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 16 janvier 2020, n° 17-12424
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Coopérative Approvisionnement Scapmarée (SCA)
Défendeur :
Pêcheries Nordiques (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Prigent
Conseillers :
Mmes Schaller, Soudry
Avocats :
Mes Henry, Reye, Boccon Gibod, Sassi
FAITS ET PROCÉDURE :
La société Scapmarée est une société coopérative ayant pour fonction l'achat de produits de la mer destinés à l'approvisionnement de treize centrales régionales d'achat dépendant du mouvement E. Leclerc. Elle référence ainsi chaque année de multiples fournisseurs.
La société Pêcheries nordiques exerce une activité de négoce de produits de la mer et d'eau douce, de transformation, de conditionnement, d'entreposage et d'expédition de ces produits.
A compter de 2009, des contrats-cadre annuels ont été conclus en application de l'article L. 441-7 du Code de commerce entre la société Scapmarée et la société Pêcheries nordiques pour la fourniture de produits issus de la mer, d'eau douce et produits annexes, en vrac et pré emballés.
Le 5 novembre 2013, la société Scapmarée a fait réaliser par la société Agréal un audit concernant la société Pêcheries nordiques.
Cet audit, réalisé dans des locaux <adresse> exploités par la société Boulogne Fish Process réalisant des prestations pour la société Pêcheries Nordiques, a révélé des non conformités au cahier des charges de la société Scapmarée.
Après cet audit, un nouveau contrat-cadre annuel a été conclu le 28 février 2014 entre la société Scapmarée et la société Pêcheries nordiques pour une durée d'une année à compter du 1er janvier 2014.
Le 11 mars 2014, la société Scapmarée a fait réaliser par la société Agréal un nouvel audit concernant la société Pêcheries nordiques. Cet audit a été effectué dans les locaux <adresse> exploités par la société Boulogne Fish Process, au siège social de la société Pêcheries nordiques et auprès d'un prestataire de transport.
Ce nouvel audit a révélé des non conformités au cahier des charges de la société Scapmarée.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 10 juillet 2014, la société Scapmarée invoquant un défaut de collaboration de la société Pêcheries nordiques au cours des procédures d'audit réalisées a pris acte de la résiliation du contrat les liant aux torts de cette dernière.
Lors d'une assemblée générale extraordinaire du 30 septembre 2014, les associés de la société Pêcheries nordiques ont décidé la dissolution anticipée de la société et nommé M. X en qualité de liquidateur amiable.
Le 23 janvier 2015, la société Pêcheries nordiques représentée par son liquidateur amiable a assigné la société Scapmarée devant le tribunal de commerce de Lille en réparation du préjudice subi du fait de la brusque rupture des relations commerciales établies.
Par jugement du 16 mai 2017, le tribunal de commerce de Lille a :
- jugé recevable et bien fondée la société Pêcheries nordiques en ses demandes, fins et conclusions ;
- jugé la rupture des relations commerciales établies avec la société Scapmarée brutale et fautive, en l'absence d'un quelconque délai de préavis ou d'un délai de préavis suffisant ;
- condamné la société Scapmarée à payer à la société Pêcheries nordiques la somme de 314 513 euros au titre de la perte de marge brute subie par la société Pêcheries nordiques ;
- jugé que ladite somme portera intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;
- jugé que les intérêts porteront eux mêmes capital dans le délai d'un an ;
- débouté la société Scapmarée de l'ensemble de ses demandes ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
- condamné la société Scapmarée à payer à la société Pêcheries nordiques la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamné la société Scapmarée aux entiers frais et dépens ;
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires.
Par déclaration du 21 juin 2017, la société Scapmarée a interjeté appel de ce jugement.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Dans ses dernières conclusions du 15 janvier 2018, la société Scapmarée demande à la cour de :
Au principal,
- infirmant le jugement entrepris, dire et juger que la résiliation par la société Scapmarée du contrat-cadre conclu avec la société Pêcheries nordiques trouve sa cause dans la faute de cette dernière,
En conséquence,
- débouter purement et simplement la société Pêcheries nordiques de ses demandes, fins et conclusions,
Subsidiairement,
- dire et juger que les dispositions de l'article L. 442-6 I 5° ne trouvent pas à s'appliquer à raison de l'absence de relation commerciale établie à raison de l'obligation annuelle de conclure les conventions uniques,
Encore plus subsidiairement,
- dire et juger que les produits concernés n'ont pas été fournis sous marque de distributeur, en sorte que le doublement du délai de préavis n'est aucunement justifié,
- dire et juger également qu'il n'existait pas d'état de dépendance économique,
- condamner la société Pêcheries nordiques à lui verser la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
A l'appui de ses prétentions, la société Scapmarée reproche divers manquements à la société Pêcheries nordiques. Elle rappelle que les fournisseurs sont tenus de respecter un cahier des charges et que des audits sont réalisés pour s'assurer du respect de ce cahier des charges. Elle indique qu'un premier audit a été effectué le 5 novembre 2013 qui a relevé de nombreuses non conformités. Elle explique que malgré cet audit, elle a décidé de conclure un nouveau contrat-cadre le 2 février 2014 avec la société Pêcheries nordiques compte tenu de l'ancienneté des relations et en l'absence de manquements significatifs pendant cette collaboration. Elle ajoute avoir néanmoins souhaité réaliser un nouvel audit destiné à s'assurer du respect du cahier des charges qualité. Elle soutient avoir rompu les relations en raison des résultats de ce nouvel audit manifestant des non-conformités et du refus de coopération à cet audit du dirigeant de la société Pêcheries nordiques. Elle invoque des risques sanitaires importants résultant de ces éléments. Elle précise en effet que l'audit a notamment mis en évidence un défaut de traçabilité des marchandises.
Elle prétend que la société Pêcheries nordiques ne saurait se prévaloir de l'indépendance de la société Boulogne Fish Process à son égard alors que ces deux sociétés entretiennent des liens capitalistiques et que la société Pêcheries nordiques a déclaré que la société Boulogne Fish Process était sa sous-traitante. Elle considère ainsi que la première est pleinement responsable des agissements de la seconde. Elle affirme encore que les conditions dans lesquelles l'audit a été réalisé ne sont pas critiquables.
A titre subsidiaire, elle conteste l'existence même d'une relation commerciale établie avec la société Pêcheries nordiques dès lors que le référencement d'un fournisseur est remis en question chaque année conformément aux dispositions de l'ancien article L. 441-7 du Code de commerce. Elle ajoute que le préavis de six mois accordé par le jugement entrepris est incompatible avec le caractère annuel des contrats imposé par la loi.
Elle dénie enfin toute dépendance économique de la société Pêcheries nordiques à son égard.
Dans ses dernières conclusions du 12 juin 2019, la société Pêcheries nordiques demande à la cour de :
Vu l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce,
Vu les anciens articles 1382 et 1383 du Code civil,
Vu les dispositions des anciens articles 1142 et 1147 du Code civil,
- débouter la société Scapmarée de l'intégralité de ses demandes ;
Et ce faisant,
- confirmer en tous points le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lille du 16 mai 2017 en ce qu'il a :
- jugé recevable et bien fondée la société Pêcheries nordiques en ses demandes, fins et conclusions ;
- jugé la rupture des relations commerciales établies avec la société Scapmarée brutale et fautive, en l'absence d'un quelconque délai de préavis ou d'un délai de préavis suffisant ;
- condamné la société Scapmarée à lui payer la somme de 314 513 euros au titre de la perte de marge brute subie ;
- jugé que ladite somme portera intérêt aux taux légale à compter du jour de l'assignation ;
- jugé que les intérêts porteront eux mêmes capital dans le délai d'un an ;
- débouté la société Scapmarée de l'ensemble de ses demandes.
Y ajoutant,
- condamner la société Scapmarée à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner la société Scapmarée aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Lexavoué Paris Versailles.
La société Pêcheries nordiques se prévaut de relations commerciales établies avec la société Scapmarée. Elle affirme qu'une telle relation est caractérisée lorsque la durée et l'intensité des relations font naître chez le partenaire commercial une croyance légitime dans leur continuité. Elle ajoute que la preuve du caractère précaire de la relation incombe à l'auteur de la rupture. Elle explique qu'en l'espèce les relations commerciales ont été suivies pendant six ans et que tant le chiffre d'affaires réalisé que le volume des opérations réalisées étaient en constante augmentation de sorte que la croyance en la stabilité des relations commerciales était légitime.
Sur les fautes qui lui sont reprochées, elle observe que les résultats de l'audit du mois de novembre 2013 n'ont pas dissuadé la société Scapmarée de conclure un nouveau contrat en 2014 et ne peuvent en conséquence justifier la rupture des relations. Elle ajoute que cet audit n'a pas été réalisé dans ses locaux mais dans ceux de la société Boulogne Fish Process, qui réalise des prestations de découpe et de conditionnement de produits de la mer. Elle dément avoir reconnu que la société Fish Process intervenait en qualité de sous-traitant dans le contrat-cadre de 2014. Elle fait valoir que seule 0,1 % de la marchandise auditée en 2013 était destinée à la société Scapmarée. Elle affirme que le rapport d'audit 2013 ne lui a pas été transmis, ce qui démontre qu'il ne nécessitait pas d'actions correctrices. Elle prétend que dans ces conditions, ce rapport ne peut justifier la rupture sans préavis des relations commerciales.
En ce qui concerne le rapport d'audit de 2014, elle affirme que ce rapport ne peut pas faire suite au rapport de 2013 dès lors que l'un concernait la société Boulogne Fish Process et l'autre la concernait directement. Elle rappelle que la société Boulogne Fish Process est une entité juridiquement distincte. Elle ajoute qu'aucun défaut de traçabilité n'a pu être mis en évidence au cours de cet audit. Elle prétend en outre que l'agrément B lui a été délivré une semaine avant l'audit, ce qui prouve l'absence de fondement des fautes qui lui sont reprochées. Elle observe qu'aucun courrier ne lui a été adressé par la société Scapmarée préalablement à la rupture pour dénoncer une faute grave à ses obligations comme le prévoyait le contrat-cadre et qu'un délai de trois mois a espacé l'audit de la lettre de résiliation, ce qui manifeste l'absence de caractère impérieux de la rupture. Elle critique encore les conditions du déroulement de l'audit et l'attitude de l'auditrice. Elle dénonce également la volonté de la société Scapmarée de l'évincer pour contracter directement avec ses partenaires.
En conséquence, en l'absence de faute de sa part, elle estime qu'un préavis de six mois aurait dû lui être accordé compte tenu de l'ancienneté de relations (six années) et de sa dépendance économique à l'égard de sa partenaire. Elle soutient en effet qu'elle réalisait 41 % de son chiffre d'affaire avec la société Scapmarée.
Conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures susvisées pour l'exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 27 juin 2019.
MOTIFS :
Sur la rupture brutale des relations commerciales
L'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose qu' " engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'Economie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. Lorsque la rupture de la relation commerciale résulte d'une mise en concurrence par enchères à distance, la durée minimale de préavis est double de celle résultant de l'application des dispositions du présent alinéa dans les cas où la durée du préavis initial est de moins de six mois, et d'au moins un an dans les autres cas ".
La relation commerciale, pour être établie au sens de ces dispositions, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial. Une succession de contrats peut ainsi caractériser une relation commerciale établie dès lors qu'il en résulte une relation commerciale régulière, significative et stable.
En l'espèce, il n'est pas discuté que les relations entre les sociétés Scapmarée et Pêcheries nordiques ont duré entre 2009 et 2014. Il n'est pas davantage contesté que la société Pêcheries nordiques a réalisé avec la société Scapmarée un chiffre d'affaires de 837 356 euros en 2011, 2 754 420 euros en 2012 et 3 763 207 euros en 2013, soit un chiffre d'affaires en constante progression. Ces éléments caractérisent une relation significative, régulière et stable peu important l'obligation légale de négociation annuelle prévue à l'article L. 441-7 du Code de commerce dans sa rédaction applicable au litige qui ne saurait rendre précaire la relation commerciale entre un distributeur et son fournisseur.
La relation entre les sociétés Scapmarée et Pêcheries nordiques revêt donc bien un caractère établi.
La société Scapmarée invoque divers griefs à l'encontre de la société Pêcheries nordiques pour justifier la rupture des relations sans préavis.
Il convient de rappeler que l'inexécution justifiant la rupture doit revêtir un caractère suffisamment grave. En outre, il appartient à la société Scapmarée, qui invoque une telle faute, d'en rapporter la preuve.
La société Scapmarée se prévaut tout d'abord du rapport d'audit du 5 novembre 2013 réalisé sur le site de la société Boulogne Fish Process. Ce rapport conclut que : " Compte tenu des anomalies constatées : absence de confirmation de la possession d'un agrément sanitaire pour le site, agrément sanitaire du site de Boulogne sur des étiquettes alors que les produits sont manipulés au Danemark, information modifiée sur le filet de Y, absence de possibilité de réaliser des tests de traçabilité, absence de démarche B, le site ne peut être agréé pour la livraison de produits à Scapmarée ".
Toutefois la société Scapmarée ne démontre pas avoir notifié à la société Pêcheries nordiques les résultats de ce rapport ou avoir jugé ce rapport suffisamment alarmant pour mettre en garde sa partenaire sur la nécessité d'entreprendre des mesures correctrices. En outre, il y a lieu de relever que l'audit ne concerne qu'un seul atelier de découpe, appartenant à un prestataire extérieur, sur l'ensemble des ateliers de découpe auxquels la société Pêcheries nordiques avait recours et que la société Scapmarée reconnaît elle-même, dans ses conclusions, qu'elle a décidé de renouveler le contrat-cadre en 2014 " en l'absence de manquements significatifs de la société Pêcheries nordiques " depuis 2009. Dans ces conditions, les résultats de l'audit de 2013 ne peuvent justifier une résiliation des relations commerciales sans préavis.
La société Scapmarée invoque ensuite les résultats d'un rapport d'audit de 2014. Ce rapport conclut : " L'audit inopiné avait pour but de vérifier la traçabilité de toute la gamme de produit vendu à Scapmarée par Pêcherie Nordique ainsi que la conformité du site de production au standard de sécurité alimentaire. (...)
Le niveau de sécurité alimentaire assuré par le site de découpe et de filetage, ainsi que le manque de transparence et de collaboration ne permettent pas de donner confiance aux pratiques et à la fiabilité de Pêcherie nordique. "
Toutefois il sera relevé que la société Scapmarée n'a pas donné connaissance à la société Pêcheries nordiques de ce rapport et a attendu près de quatre mois après le contrôle pour notifier la rupture des relations alors qu'elle se prévaut d'un risque sanitaire important.
A cet égard, il sera relevé que le cahier des charges qualité la liant à la société Pêcheries nordiques prévoyait la possibilité de dénoncer le contrat immédiatement et sans mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception en cas de manquement grave pouvant générer un risque pour la santé et/ou la sécurité des consommateurs. Le même cahier des charges stipulait qu'en cas de non-respect, le contrat-cadre serait résilié automatiquement après une mise en demeure restée sans effet pendant quinze jours. Il sera encore noté que le site <adresse> exploité par la société Boulogne Fish Process a obtenu un agrément sanitaire le 3 mars 2014 à la suite d'un contrôle effectué le 28 février 2014, soit quelques jours avant le second audit de la société Agréal.
Il en résulte que la société Scapmarée échoue à rapporter la preuve d'une inexécution imputable à la société Pêcheries nordiques justifiant la rupture des relations commerciales établies sans préavis. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a reconnu la brutalité de la rupture des relations commerciales.
S'agissant du préjudice consécutif à la brutalité de la rupture, celui-ci est constitué du gain manqué pendant la période d'insuffisance du préavis et s'évalue donc en considération de la marge brute escomptée durant cette période, le dit préavis devant préalablement être estimé et fixé, étant précisé que la dépendance économique du partenaire victime de la rupture à l'égard de l'auteur de la rupture est un critère d'allongement de sa durée.
En l'espèce, les relations entre les parties ont duré plus de cinq années (de 2009 au 10 juillet 2014) et ont généré pour la société Pêcheries nordiques un chiffre d'affaires de 837 356 euros en 2011, 2 754 420 euros en 2012 et 3 763 207 euros en 2013, soit un chiffre d'affaires moyen de 2 451 661 euros par an ou 204 305,08 euros par mois. Par ailleurs, il ressort des pièces versées aux débats que la société Scapmarée a représenté 11,38 % du chiffre d'affaires de la société Pêcheries nordiques en 2011, 26,43 % en 2012 et 41,57 % en 2013. Ces éléments ne permettent pas de caractériser l'existence d'une dépendance économique de la société Pêcheries nordiques à l'égard de la société Scapmarée.
Au vu de ce qui précède, le préavis qui aurait dû être accordé à la société Pêcheries nordiques doit être fixé à six mois.
Il résulte d'une attestation d'expert comptable que l'activité réalisée par la société Pêcheries nordiques dégageait une marge brute de 14,74 %.
En conséquence, la société Scapmarée sera condamnée à verser à la société Pêcheries nordiques une somme de 180 687,41 euros (204 305,08 x 0,1474 x 6 mois) à titre d'indemnisation du préjudice résultant de la brutalité de la rupture avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision. Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a condamné la société Scapmarée à payer à la société Pêcheries nordiques la somme de 314 513 euros au titre de la perte de marge brute subie par la société Pêcheries nordiques et a jugé que ladite somme porterait intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation.
Par ailleurs, il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du Code civil dans sa rédaction applicable au litige.
Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile
La société Scapmarée succombe à l'instance d'appel. Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et les frais irrépétibles. L'appelante supportera les dépens d'appel et sera condamnée à régler à la société Pêcheries nordiques une somme supplémentaire de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel. Les dépens d'appel pourront être recouvrés par la Selarl Lexavoué Paris Versailles conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement sauf en ce qu'il a condamné la société Scapmarée à payer à la société Pêcheries nordiques la somme de 314 513 euros au titre de la perte de marge brute subie par la société Pêcheries nordiques et a jugé que ladite somme porterait intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation ; Statuant à nouveau de ces chefs, Condamne la société Scapmarée à verser à la société Pêcheries nordiques une somme de 180 687,41 euros à titre d'indemnisation du préjudice résultant de la brutalité de la rupture avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ; Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du Code civil dans sa rédaction applicable au litige ; Y ajoutant, Condamne la société Scapmarée à verser à la société Pêcheries nordiques une somme supplémentaire de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel ; Déboute les parties du surplus de leurs demandes ; Condamne la société Scapmarée aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par la Selarl Lexavoué Paris Versailles conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.