CAA Marseille, 6e ch. - formation a 3, 13 janvier 2020, n° 18MA00450
MARSEILLE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Ministre de l'Economie et des Finances
Défendeur :
Comasud (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Zupan
Rapporteur :
M. Gautron
Rapporteur public :
M. Thiele
LA COUR : - Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Comasud a demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, d'annuler la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur du 2 novembre 2015 lui infligeant une amende administrative de 87 900 euros pour non-respect des délais de paiement et, à titre subsidiaire, de réduire le montant de cette amende. Par un jugement n° 1510718 du 5 décembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur du 2 novembre 2015.
Procédure devant la Cour :
Par un recours et un mémoire enregistrés les 31 janvier et 24 août 2018, le ministre de l'Economie et des Finances demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Marseille par la société Comasud.
Il soutient que :
- le VI de l'article L. 441-6 du Code de commerce issu de la loi du 17 mars 2014 est applicable au présent litige, y compris en tant qu'il concerne des faits antérieurs ;
- l'ancien article L. 442-6 7° du même Code n'est, au contraire, pas applicable ;
- le II de l'article 68 de la loi du 18 juin 2014 n'est pas non plus applicable ;
- la décision contestée n'est entachée d'aucune illégalité.
Par des mémoires en défense enregistrés les 19 avril et 15 juin 2018, la société anonyme Comasud, représentée par Me X, conclut, à titre principal, au rejet du recours, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de l'amende administrative prononcée contre elle et, en tout état de cause, à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative. Elle soutient que :
- les moyens soulevés par le ministre de l'Economie et des Finances ne sont pas fondés ;
- en ce qu'elle prévoit la publication des décisions de sanction, la loi du 17 mars 2014 n'était pas applicable avant que soit pris son décret d'application, prévu par l'article L. 465-2 du Code de commerce issu de cette loi ;
- les soixante-huit factures payées antérieurement au 19 mars 2014 ne pouvaient donner lieu à une sanction administrative ;
- l'autorité administrative n'a pas tenu compte des justifications apportées ;
- elle a commis une erreur manifeste d'appréciation en la qualifiant de " plus mauvais payeur de France " dans le cadre de sa communication institutionnelle ;
- elle n'a pas pris en compte un problème technique de paramétrage de son logiciel comptable, identifié postérieurement au contrôle à l'origine de la sanction litigieuse ;
- elle a entaché la décision contestée d'erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de prendre en compte les erreurs grossières de date affectant plusieurs factures ;
- elle a entaché cette même décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'atteinte portée à l'ordre public économique par les retards de paiement qui lui sont reprochés ;
- le montant de l'amende qui lui a été infligée est excessif au regard des seuls manquements susceptibles de lui être imputés.
Par ordonnance du 28 août 2018, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 17 septembre 2018. Un mémoire présenté par la société Comasud a été enregistré le 14 septembre 2018 et, en l'absence d'éléments nouveaux, n'a pas été communiqué au ministre.
Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la Constitution, notamment son préambule ; - le Code de commerce ; - la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 ; - la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 ; - le décret n° 2014-1109 du 30 septembre 2014 ; - le Code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. A Gautron, rapporteur, - les conclusions de M. B. Thiele, rapporteur public, - et les observations de Mme Y représentant le ministre de l'Economie et des Finances. Considérant ce qui suit :
1. La société Comasud, spécialisée dans le commerce en gros de bois et matériaux de construction, a fait l'objet, le 30 avril 2014, d'un contrôle opéré par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur, portant sur ses pratiques en matière de paiement des fournisseurs et autres prestataires sur la période allant du 1er janvier au 28 avril 2014. A l'issue de ce contrôle, l'administration a constaté, dans un procès-verbal dressé le 30 juin 2015, que, sur la période concernée, vingt-sept fournisseurs sur vingt-neuf avaient été payés avec un retard moyen pondéré de vingt-sept jours. Par une décision du 2 novembre 2015, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a prononcé à l'encontre de la société Comasud une amende administrative de 87 900 euros sur le fondement de l'article L. 465-2 et du VI de l'article L. 441-6 du Code de commerce et décidé de la publication de cette sanction sous forme de communiqué, par voie électronique, sur le site internet de sa direction générale, pour une durée d'un mois. Le ministre de l'Economie et des Finances relève appel du jugement du tribunal administratif de Marseille du 5 décembre 2017 qui a annulé cette décision.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : " La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires (...) ". Le fait de ne pas appliquer aux infractions commises sous l'empire de la loi ancienne la loi pénale nouvelle, plus douce, revient à permettre à l'autorité compétente de prononcer des sanctions ayant le caractère d'une punition alors que, prévues par la loi ancienne, elles ne sont plus nécessaires selon l'appréciation même du législateur. Dès lors, sauf à ce que la répression antérieure plus sévère soit inhérente aux règles auxquelles la loi nouvelle s'est substituée, le principe de nécessité des peines implique que la loi pénale plus douce soit rendue immédiatement applicable aux faits commis avant son entrée en vigueur qui n'ont pas donné lieu à des sanctions devenues définitives.
3. Aux termes du neuvième alinéa du I de l'article L. 441-6 du Code de commerce dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 2013 : " Le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours à compter de la date d'émission de la facture. ". Le 3° du I de l'article 123 de la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation a modifié ces dispositions ainsi qu'il suit : " Le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours à compter de la date d'émission de la facture. En cas de facture périodique, au sens du 3 du I de l'article 289 du Code général des impôts, ce délai ne peut dépasser quarante-cinq jours à compter de la date d'émission de la facture. ".
4. Avant l'intervention de la loi du 17 mars 2014, le I de l'article L. 442-6 du Code de commerce disposait : " Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : / (...) 7° De soumettre un partenaire à des conditions de règlement qui ne respectent pas le plafond fixé au neuvième alinéa de l'article L. 441-6 ou qui sont manifestement abusives, compte tenu des bonnes pratiques et usages commerciaux, et s'écartent au détriment du créancier, sans raison objective, du délai indiqué au huitième alinéa de l'article L. 441-6. Est notamment abusif le fait, pour le débiteur, de demander au créancier, sans raison objective, de différer la date d'émission de la facture (...) ". Le III du même article disposait : " L'action est introduite devant la juridiction civile ou commerciale compétente par toute personne justifiant d'un intérêt, par le ministère public, par le ministre chargé de l'Economie ou par le président de l'Autorité de la concurrence lorsque ce dernier constate, à l'occasion des affaires qui relèvent de sa compétence, une pratique mentionnée au présent article. / Lors de cette action, le ministre chargé de l'Economie et le ministère public peuvent demander à la juridiction saisie d'ordonner la cessation des pratiques mentionnées au présent article. Ils peuvent aussi, pour toutes ces pratiques, faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites et demander la répétition de l'indu. Ils peuvent également demander le prononcé d'une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 2 millions d'euros. (...). / La juridiction peut ordonner la publication, la diffusion ou l'affichage de sa décision ou d'un extrait de celle-ci selon les modalités qu'elle précise. (...) ".
5. Ces dispositions ont été modifiées par le V de l'article 123 de la loi du 17 mars 2014, qui a abrogé le 7° du I de l'article L. 442-6 du Code de commerce, rendant ainsi inapplicable l'action prévue par le III de ce même article aux faits ainsi définis. Le III de ce même article a par ailleurs modifié le VI de l'article L. 441-6 du Code de commerce ainsi qu'il suit : " Sont passibles d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale le fait de ne pas respecter les délais de paiement mentionnés aux neuvième alinéas du I du présent article, ainsi que le fait de ne pas respecter les modalités de computation des délais de paiement convenues entre les parties conformément au neuvième alinéa dudit I. L'amende est prononcée dans les conditions prévues à l'article L. 465-2. Le montant de l'amende encourue est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive ". Par ailleurs, aux termes du I des dispositions de l'article L. 465-2 du Code de commerce : " I. - L'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation est l'autorité compétente pour prononcer les amendes administratives sanctionnant les manquements mentionnés au titre IV du présent livre ainsi que l'inexécution des mesures d'injonction prévues à l'article L. 465-1. (...) V. - La décision prononcée par l'autorité administrative peut être publiée (...) ".
6. Enfin, les dispositions du II de l'article 68 de la loi du 18 juin 2014, aux termes desquelles " Les faits mentionnés au premier alinéa du VI de l'article L. 441-6 du Code de commerce commis antérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi restent régis par l'article L. 441-6 du même Code dans sa rédaction en vigueur au moment des faits. ", ne portent que sur les conditions d'entrée en vigueur des sanctions modifiées par le I de cet article 68, lesquelles ne visent pas le non-respect des délais de paiement, et sont donc sans incidence, contrairement à ce que soutient la défenderesse, sur les conditions d'entrée en vigueur des dispositions de l'article 123 de la loi du 17 mars 2014 relatives à ce non-respect.
7. Il résulte des dispositions qui précèdent que l'article 123 de la loi du 17 mars 2014 a, sans modifier les délais maximaux de paiement entre commerçants fixés par le neuvième alinéa du I de l'article L. 441-6 du Code de commerce, ni réduire ou étendre la consistance de l'infraction aux règles de la concurrence que constitue la méconnaissance de ces délais, institué un nouveau régime de peine sanctionnant ce manquement. Ces dispositions mettent fin à la possibilité auparavant ouverte à la juridiction civile saisie de prononcer une amende d'un montant maximal de 2 000 000 euros, peine dont l'application ne pouvait être demandée que par le ministre de l'Economie et des Finances ou le ministère public et qui pouvait être assortie d'une peine complémentaire de publication de cette sanction. Les dispositions de la loi du 17 mars 2014 substituent à ce dispositif un régime de sanction administrative pécuniaire ayant le même objet, confié au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, agent du ministère de l'Economie et des Finances, et se traduisant par une amende d'un montant maximal de 375 000 euros, également susceptible d'être publiée. Ces dispositions n'ont donc pas procédé à la suppression d'un régime de sanction indissociable d'une réglementation antérieure à laquelle il aurait été mis fin, mais se sont limitées à modifier les règles de compétence et de procédure au terme desquelles sont adoptées les sanctions infligées, tout en réduisant le plafond des peines encourues, l'initiative en revenant toujours à un agent du ministre de l'Economie et des Finances.
8. La société Comasud fait valoir, en outre, que le caractère exécutoire des sanctions civiles prononcées sur le fondement des dispositions antérieurement applicables supposait que le jugement les prononçant acquît un caractère définitif, après la mise en œuvre d'une procédure contradictoire garantissant le respect des droits de la défense devant la juridiction saisie. Toutefois et d'une part, la mise en œuvre d'une telle procédure préalablement au prononcé de la sanction administrative instituée par les dispositions précitées de la loi du 17 mars 2014 est également prévue par celles du IV de l'article 465-2 du Code de commerce issues de cette même loi, en vertu desquelles : " Avant toute décision, l'administration informe par écrit la personne mise en cause de la sanction envisagée à son encontre, en lui indiquant qu'elle peut prendre connaissance des pièces du dossier et se faire assister par le conseil de son choix et en l'invitant à présenter, dans le délai de soixante jours, ses observations écrites et, le cas échéant, ses observations orales. / Passé ce délai, l'autorité administrative peut, par décision motivée, prononcer l'amende. ". D'autre part, si la loi du 17 mars 2014 n'a pas prévu de mécanisme particulier permettant aux personnes morales sanctionnées sur le fondement du VI de l'article L. 441-6 du Code de commerce d'obtenir la suspension de l'exécution des sanctions administratives dont elles font l'objet dans l'attente qu'une juridiction statue sur leur légalité, il demeure loisible à ces personnes morales de mettre en œuvre les procédures de droit commun, instituées notamment par les dispositions des articles L. 521-1 et L. 521-2 du Code de justice administrative, en vue d'obtenir cette suspension. Par ailleurs, si la même société fait valoir que le prononcé desdites sanctions civiles impliquait le déclenchement préalable de l'action publique, elle-même soumise au principe d'opportunité des poursuites, il ne résulte ni des dispositions du VI de l'article L. 441-6 du Code de commerce issues de la loi du 17 mars 2014, ni de celles de son article L. 465-2 issues de la même loi, ni d'aucune disposition légale ou réglementaire que l'autorité compétente serait désormais tenue d'infliger les sanctions administratives qui s'y sont substituées, l'opportunité de leur infliction faisant ainsi l'objet, elle aussi, d'une appréciation de la part de cette autorité. Enfin, s'il résulte des termes du VI de l'article L. 441-6 du Code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 17 mars 2014, que le montant de la sanction administrative encourue est doublé en cas de récidive dans un délai de deux ans suivant la date à laquelle une première sanction semblable a été prononcée à l'encontre d'une personne morale, ce montant n'excéderait pas, ainsi, 750 000 euros, alors que le montant maximal de l'amende civile précédemment encourue était de 2 000 000 euros ainsi qu'il a été dit. Il s'ensuit que contrairement à ce que soutient la société Comasud, le plafond des peines encourues sous l'empire des dispositions nouvelles demeure inférieur à ce qu'il était sous l'empire des dispositions antérieurement applicables, même en cas de récidive.
9. Dans ces conditions, les dispositions de la loi du 17 mars 2014, quand bien même elles ont été adoptées dans le but d'assurer une meilleure efficacité du contrôle des pratiques commerciales et de la répression des manquements commis en la matière, ont instauré une loi pénale plus douce, de sorte que les dispositions du VI de l'article L. 441-6 du Code de commerce, telles que modifiées par la loi du 17 mars 2014, devaient, comme le soutient à bon droit le ministre de l'Economie et des Finances, s'appliquer à l'ensemble des manquements reprochés à la société Comasud, y compris ceux commis entre le 1er janvier 2014, date de début de la période contrôlée, et le 18 mars 2014, date d'entrée en vigueur de ladite loi.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'Economie et des Finances est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du 2 novembre 2015 au motif que les dispositions de l'article L. 441-6 du Code de commerce, dans leur rédaction en vigueur à compter du 17 mars 2014 ne pouvaient s'appliquer aux faits constatés par la direction survenus antérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi.
11. Toutefois, lorsque le juge d'appel, saisi par le défendeur de première instance, censure le motif retenu par les premiers juges, il lui appartient, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'ensemble des moyens présentés par l'intimé en première instance, alors même qu'ils ne seraient pas repris dans les écritures produites, le cas échéant, devant lui, à la seule exception de ceux qui auraient été expressément abandonnés en appel.
Sur la légalité de la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du 2 novembre 2015 :
12. En premier lieu, si la société Comasud soutient que les dispositions des articles L. 441-6 et L. 465-2 du Code de commerce, dans leur rédaction issue de la loi du 17 mars 2014, auraient été inapplicables avant l'intervention du décret du 30 septembre 2014 portant application des dispositions de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, renforçant les moyens de contrôle de l'autorité administrative chargée de la protection des consommateurs et adaptant le régime de sanctions, prévu par le X de l'article L. 465-2 dudit Code, les dispositions de ce décret, publié au Journal officiel du 2 octobre 2014, étaient, en tout état de cause, en vigueur à la date de la décision attaquée. Dans ces conditions, la société Comasud ne soulève pas utilement ce moyen qui ne peut, dès lors, qu'être écarté.
13. En deuxième lieu, en vertu des dispositions du I de l'article R. 465-2 du Code de commerce : " L'autorité administrative mentionnée à l'article L. 465-2 est : (...) 3° Le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ou son représentant nommément désigné ; (...) ".
14. Comme l'administration l'a fait valoir à juste titre devant le tribunal administratif, ces dispositions, applicables à la date de la décision contestée, permettent au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de déléguer sa signature, pour prononcer la sanction administrative prévue au VI de l'article L. 441-6 du Code de commerce, à un représentant nommément désigné. Or, il résulte de l'instruction que, par une décision du 20 mai 2015, régulièrement publiée le surlendemain au recueil n° 32 des actes administratifs de la préfecture de la région Provence-Alpes-Côte d'azur, ce directeur a désigné M. Z, signataire de ladite décision, comme son représentant " pour prononcer les sanctions administratives prévues par les articles (...) L. 465-2 du Code de commerce. ". Le moyen tiré du vice d'incompétence ne peut dès lors qu'être écarté.
15. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 9 que la société Comasud n'est pas fondée à soutenir que les factures qu'elle a réglées antérieurement au 19 mars 2014, date d'entrée en vigueur de la loi du 17 du même mois, ne pouvaient être prise en compte par l'autorité administrative pour lui infliger la sanction contestée.
16. En quatrième lieu, la décision en litige vise expressément le courrier du 22 septembre 2015 par lequel la société Comasud a adressé à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur ses observations en réponse au courrier de cette dernière du 16 juillet précédent lui transmettant le procès-verbal établi à l'issue du contrôle et l'informant de la sanction envisagée à son encontre. La même décision fait également état des observations orales présentées par l'un des responsables de la société Comasud, reçu en entretien le 23 septembre 2015, et des pièces justificatives complémentaires qu'elle a transmises à l'administration le 14 octobre de la même année. Cette décision écarte expressément, par ailleurs, la facture n° 10349876 du fournisseur Monier, d'un montant de 268,44 euros, " en raison des justificatifs apportés ", tout en précisant que " le montant de cette facture et donc son impact sur le manquement constaté n'est pas de nature à modifier " l'appréciation de son auteur quant à " la sanction à apporter aux faits relevés dans le procès-verbal du 30/06/2015 ". Le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a, qui plus est, fait valoir sans contredit sérieux qu'une dizaine de factures avaient ainsi été écartées au vu des explications de la société. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'auteur de la décision attaquée n'aurait pas tenu compte des justifications apportées par la société Comasud en réponse au courrier du 16 juillet 2015 ne saurait être accueilli.
17. En cinquième lieu, il ne résulte pas de l'instruction, notamment de la revue de presse versée aux débats par la société Comasud, que les services de l'Etat, dans le cadre de leur communication institutionnelle, l'auraient qualifiée, comme elle le prétend, de " plus mauvais payeur de France ", les articles de presse ainsi produits ne permettant aucunement de regarder les qualificatifs dont cette société y a fait l'objet comme imputables auxdits services. Fût-ce le cas, au demeurant, cette circonstance serait nécessairement postérieure à la décision contestée et, par là-même, dépourvue de toute incidence sur sa légalité, la société Comasud n'arguant pas, pour le surplus, d'un manque d'impartialité à son endroit. Par suite, le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation commise à ce titre ne peut qu'être écarté.
18. En sixième lieu, si la société Comasud entend faire valoir que le retard de paiement d'un seul jour affectant selon elle 94,4 % des factures prises en compte par l'autorité administrative pour prononcer à son encontre la sanction contestée résulterait d'un problème technique lié au paramétrage de son logiciel comptable et qu'elle aurait procédé aux modifications paramétriques requises dès la découverte de ce problème, ces circonstances sont, en tout état de cause, dépourvues d'incidence sur la légalité de la décision en litige, dès lors qu'elles ne sont pas de nature à remettre en cause la réalité des dépassements de délais concernés. Au demeurant, la société Comasud, qui indique elle-même dans ses écritures n'avoir identifié l'existence du problème technique en question que postérieurement au contrôle réalisé par les services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, n'apporte aucun élément de nature à justifier de la réalité de ce problème, non plus d'ailleurs que des mesures correctives qu'elle dit avoir adoptées. Par ailleurs, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a fait valoir devant les premiers juges, sans être contredit, que seules cinq des soixante-dix-huit factures retenues ont été acquittées avec un retard de paiement d'un jour, soit 6,41 % des factures retenues à sa charge, ce que confirment, au demeurant les mentions du procès-verbal du 30 juin 2015. Le moyen tiré de ce que l'autorité administrative n'aurait pas pris en compte le problème dont s'agit ne peut ainsi qu'être écarté.
19. En septième lieu, la société Comasud soutient que l'autorité administrative n'aurait pas pris en compte les " erreurs grossières ", notamment de datation, entachant plusieurs des factures retenues contre elle. Toutefois, il résulte des mentions du procès-verbal du 30 juin 2015 que la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur n'a aucunement retenu à l'encontre de cette société, au vu des quatre-vingt-quatre factures prises en compte, les retards de paiement de 14 564 jours s'agissant du fournisseur Fabemi, de 4 383 jours s'agissant du fournisseur Terreal, de 3 604 jours s'agissant du fournisseur Pradier Blocs, de 820 jours s'agissant du fournisseur Knauf et de 787 jours s'agissant du fournisseur Cemex Bétons, évoqués par elle dans ses écritures. En outre, la société Comasud ne démontre pas l'erreur de transcription comptable affectant, selon ses dires, la facture du fournisseur Cemex du 31 janvier 2013, pour laquelle a été constaté un retard de paiement de 319 jours. Enfin, si l'administration a reconnu, dans ses écritures devant le tribunal administratif, que la facture n° B7060 du fournisseur Monier avait été retenue à tort comme réglée avec un retard de 306 jours, il résulte de l'instruction, notamment du tableau rectifié annexé à son dernier mémoire en défense devant le Tribunal, dont les mentions ne sont pas contestées par la société, qu'après rectification de cette erreur et des autres erreurs reconnues par l'autorité administrative, un retard de paiement moyen pondéré de 27,42 jours correspondant à un délai moyen de paiement de 94,07 jours lui demeurait imputable, au regard d'un échantillon de soixante-dix-huit factures correspondant à un montant total de 613 238,36 euros. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation pour ne pas avoir tenu compte des erreurs ponctuelles ainsi relevées, doit être écarté.
20. En huitième lieu, la société Comasud, qui ne conteste pas sérieusement les conséquences de ses retards de paiement sur la situation économique de ses fournisseurs et tout particulièrement sur leur trésorerie, ne fait pas utilement état de ce que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur aurait mentionné à tort que ces fournisseurs appartiennent au secteur du bâtiment et des travaux publics, ni du fait que les entreprises ainsi lésées appartiennent " à des groupes industriels de taille mondiale ", ces circonstances n'étant pas, au demeurant, établies. Ainsi, le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation entachant à ce titre la décision contestée doit être écarté.
21. En dernier lieu, il résulte de l'instruction que l'autorité administrative a pris en compte l'ampleur des retards de paiement constatés, le volume d'affaire concerné, ainsi que la situation économique de la société Comasud et les spécificités de son secteur d'activité, afin de fixer le montant de l'amende infligée. A cet égard, compte tenu, d'une part, ce qui a été énoncé au point 18, ainsi que du chiffre d'affaires et du résultat d'exploitation de cette société, d'autre part, de l'importance du nombre de fournisseurs auxquels elle fait appel, il ne résulte pas de l'instruction que l'amende de 87 900 euros qui lui a été infligée ainsi que sa publication constitueraient une sanction disproportionnée.
22. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'Economie et des Finances est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont annulé la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur du 2 novembre 2015.
Sur les conclusions de la société Comasud tendant à la minoration du montant de l'amende qui lui a été infligée :
23. Il résulte de ce qui a été dit au point 20 que la société Comasud n'est pas fondée à demander la minoration du montant de l'amende qui lui a été infligée, lequel n'est pas excessif au regard des manquement commis.
Sur les frais liés au litige :
24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative s'opposent à ce que la somme réclamée par la société Comasud au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1510718 du 5 décembre 2017 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société Comasud devant le tribunal administratif de Marseille ainsi que ses conclusions devant la Cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'Economie et des Finances et à la société Comasud.