CA Rennes, 3e ch. com., 14 janvier 2020, n° 16-09486
RENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Galliance Volaille Fraiche (SA)
Défendeur :
Inaudi (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Contamine
Conseiller :
M. Garet
Avocats :
Mes Beucherie, Simon
FAITS ET PROCÉDURE
Courant 1991, la société Gelavi, aux droits de laquelle est d'abord venue la société Synavi, puis la société Gastronome Distribution aujourd'hui dénommée Galliance Volaille Fraîche (ci-après la société Galliance), donnait mandat à la société GI Distribution, aux droits de laquelle vient désormais la société Inaudi, de la représenter pour la commercialisation de ses produits sur le secteur géographique du grand quart sud-ouest de la France.
Par deux conventions en date du 6 octobre 2005, les deux sociétés décidaient :
- d'une part de mettre fin au mandat d'agent commercial en régularisant un protocole d'accord transactionnel aux termes duquel la mandante acceptait de régler à sa mandataire une somme de 480 000 à titre d'indemnité de rupture ;
- d'autre part de conclure un nouveau contrat dit de " prestation commerciale " qui, dérogeant expressément aux dispositions des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce, avait pour périmètre " l'ensemble de la gamme de tous les produits à base de volaille (canard, poulet, dinde, etc) " commercialisés par la société Galliance ; ce contrat, à durée indéterminée, prévoyait entre autres dispositions un préavis de résiliation d'une durée de neuf mois, ainsi que le mode de calcul de l'indemnité à prévoir en cas de nouvelle rupture, cette indemnité décroissant au fur et à mesure de l'ancienneté du contrat, pour disparaître totalement au-delà d'une durée de sept ans.
Ce contrat allait être modifié par deux avenants, d'abord le 13 février 2006, ensuite le 31 octobre 2011, le premier ayant notamment pour objet d'exclure du périmètre contractuel les produits " fabriqués ou diffusés sous marque de distributeurs ou de premiers prix, sauf dispositions contraires ", le second ayant pour objet d'y intégrer la gamme "lapin" désormais distribuée par la société Inaudi dans le réseau Leader Price Lafi.
Courant 2014, le Groupe Leader Price soumettait son marché d'approvisionnement à un appel d'offres à l'issue duquel la société Galliance allait perdre son référencement sur l'ensemble des produits vendus sous marques de fournisseurs, mais remporter au contraire le marché des produits vendus sous marques de distributeurs (MDD).
Par lettre du 23 avril 2015, en réponse à une lettre de la société Inaudi qui se plaignait de ce que le réseau Leader Price passait désormais l'ensemble de ses commandes directement auprès de la société Galliance, cette dernière lui rappelait que cette pratique s'expliquait par le fait que Leader Price avait choisi de se dispenser d'intermédiaire, la société Galliance ajoutant d'ailleurs que cette nouvelle pratique était indifférente pour la société Inaudi puisque celle-ci ne pouvait prétendre à aucune rémunération sur les produits vendus sous MDD et ce, aux termes mêmes du contrat de partenariat du 6 octobre 2005 modifié par avenant du 13 février 2006.
Par lettre du 5 mai 2015, la société Inaudi contestait cette interprétation et, se prévalant par ailleurs du rôle déterminant qu'elle avait joué dans l'appel d'offres pour permettre à la société Galliance de remporter le marché des produits MDD vendus sous la marque Leader Price, la société Inaudi invitait finalement sa cocontractante à respecter ses engagements envers elle.
Par lettre du 2 juin 2015, la société Galliance maintenait sa position, précisant toutefois que le contrat de partenariat n'était pas remis en cause concernant la diffusion des produits auprès des autres enseignes.
Par acte du 13 juillet 2015, la société Inaudi, se prévalant alors d'un statut d'agent commercial, faisait assigner la société Galliance devant le tribunal de commerce de Nantes en paiement d'une indemnité de cessation du contrat ainsi que d'une indemnité de préavis.
Par lettre du 28 octobre 2015, la société Galliance, prenant acte de l'attitude contentieuse de la société Inaudi, résiliait le contrat dans son ensemble, s'engageant cependant à respecter le préavis de neuf mois convenu entre les parties ; pour justifier sa décision, la société Galliance invoquait une rupture de l'esprit de collaboration et de loyauté qui prévalait jusqu'alors entre les parties, reprochant ainsi à la société Inaudi de l'avoir assignée en justice sans tentative préalable de concertation et sans égard pour les accords conclus entre elles, notamment quant au périmètre d'intervention de la société Inaudi et quant aux règles de commissionnement de celle-ci.
Par jugement du 3 octobre 2016, le tribunal :
- procédait à la requalification du contrat de partenariat commercial du 6 octobre 2015 en contrat d'agent commercial au sens des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce ;
- considérait que ce contrat avait été résilié à l'initiative de la société Galliance ;
- déboutait la société Inaudi de sa demande d'indemnité de préavis, la cour ayant en effet estimé que la société Galliance avait respecté son préavis en continuant à servir les commissions dues à sa mandataire jusqu'au terme du contrat ;
- ordonnait toutefois à la société Galliance de fournir à la société Inaudi le relevé exhaustif des ventes opérées pendant la durée du préavis, soit d'octobre 2015 à juillet 2016, ainsi que le calcul des commissions dues à la mandataire au cours de cette période en application du contrat initial et de ses avenants, le tribunal condamnant finalement la société Galliance à payer à la société Inaudi, sans pour autant en liquider le montant, le solde des commissions susceptibles de rester dues à la date du 31 juillet 2016 après déduction de celles qui avaient déjà été réglées ;
- condamnait en outre la société Galliance à payer à la société Inaudi une somme de 1 032 000 à titre d'indemnité compensatrice de rupture du contrat ;
- déboutait la société Inaudi de sa demande tendant à la publication du jugement ;
- ordonnait l'exécution provisoire de la décision ainsi que la consignation de l'indemnité de 1 032 000 sur un compte séquestre, sauf à ce que la société Inaudi fournisse une caution bancaire pouvant garantir la représentation de cette somme ;
- condamnait enfin la société Galliance au paiement d'une somme de 5 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance.
Par jugement du 7 novembre 2016, le tribunal de commerce procédait à une rectification d'erreur purement matérielle affectant le jugement du 3 octobre 2016.
Suivant déclaration reçue au greffe de la cour le 15 décembre 2016, la société Galliance interjetait appel de ces deux décisions.
Ultérieurement, un nouveau contentieux allait opposer les parties sur les modalités et limites de l'exécution provisoire du jugement, alors en effet que la société Inaudi avait fait pratiquer plusieurs saisies-attribution au détriment de la société Galliance.
Par arrêt du 29 mars 2019, la cour de Rennes, statuant sur appel d'une décision rendue par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nantes, confirmait l'annulation et la mainlevée des saisies-attribution précitées, de même que l'irrecevabilité des demandes de la société Inaudi tendant à la production par la société Galliance de nouveaux éléments comptables ainsi qu'au paiement d'un reliquat de commissions, la cour ayant enfin condamné la société Inaudi au paiement de dommages-intérêts pour saisies abusives.
Parallèlement, appelante des jugements des 3 octobre et 7 novembre 2016, la société Galliance concluait sur le fond une première fois le 15 mars 2017.
La société Inaudi y répondait par conclusions du 12 mai 2017.
La société Galliance répliquait par de nouvelles conclusions le 12 juillet 2017.
Le 10 octobre 2019, alors que les parties avaient reçu un avis de fixation depuis plusieurs mois déjà, la société Galliance concluait une dernière fois, ces dernières conclusions étant d'ailleurs strictement identiques à celles du 12 juillet 2017, sauf en ce qu'elles prenaient en compte le changement de dénomination de l'appelante (" Gastronome Distribution " étant devenue entre-temps " Galliance Volaille Fraîche ").
Dans l'après-midi du 22 octobre 2019, soit l'avant-veille de la date annoncée de la clôture, la société Inaudi notifiait de nouvelles conclusions et pièces.
L'ordonnance de clôture intervenait le 24 octobre 2019, soit à la date précédemment indiquée aux parties.
Par conclusions de procédure du 14 novembre 2019, la société Galliance demandait à la cour de rejeter les dernières conclusions et pièces notifiées par la société Inaudi, l'appelante se prévalant en effet de l'impossibilité dans laquelle elle s'était trouvée d'y répondre avant que la clôture intervienne et, par là même, de la violation du principe contradictoire par l'intimée.
Par conclusions de procédure du 15 novembre 2019, la société Inaudi demandait à la cour de rejeter la demande de la société Galliance, l'intimée faisant essentiellement valoir qu'elle avait changé d'avocat en cours d'instance et qu'il était dès lors légitime que son nouveau conseil prenne de nouvelles conclusions, que les pièces communiquées à l'appui de ces dernières étaient déjà connues de la société Galliance pour lui avoir été communiquées à l'occasion du contentieux relatif aux saisies-attribution pratiquées par la société Inaudi en exécution provisoire du jugement, enfin que la société Galliance avait toute latitude pour demander le report de la clôture, ce qu'elle s'était pourtant abstenue de faire.
Sur la demande tendant au rejet des dernières conclusions et pièces notifiées par la société Inaudi :
La société Galliance est légitime à solliciter que ces conclusions et pièces soient écartées des débats, la cour observant en effet :
- qu'alors que la société Inaudi connaissait l'intégralité de l'argumentation développée par son adversaire depuis ses conclusions du 12 juillet 2017, étant en effet rappelé que celles du 10 octobre 2019 sont strictement identiques aux précédentes quant aux demandes et moyens qu'elles comportent, elle a attendu le 22 octobre 2019, soit 36 heures seulement avant la clôture, pour déposer de nouvelles conclusions, plaçant ainsi la société Galliance dans l'impossibilité d'y répondre avant que la clôture intervienne ;
- que dans ces conditions, la société Galliance n'était pas tenue de solliciter le report de la clôture, alors en effet que les parties avaient été informées de la date de celle-ci depuis plusieurs mois déjà, le conseiller de la mise en état n'étant pas non plus tenu de déférer à cette demande ;
- que la société Inaudi est seule responsable de son changement de conseil comme des variations de sa stratégie procédurale, ne pouvant pas, dès lors, exiger de voir modifier un calendrier de procédure arrêté contradictoirement depuis plusieurs mois déjà ;
- qu'il était d'autant plus impossible pour la société Galliance de se mettre en état avant l'ordonnance de clôture que les arguments voire les demandes mêmes de la société Inaudi ont considérablement évolué entre ses conclusions du 12 mai 2017 et celles du 22 octobre 2019, l'intimée ayant en effet modifié le montant des sommes qu'elle réclame et substitué quelques 44 pages d'argumentation aux 23 pages précédemment développées ;
- qu'ainsi, il est amplement établi que ces dernières conclusions n'ont pas été communiquées en temps utile et ce, en violation des dispositions de l'article 15 du Code de procédure civile, de telle sorte qu'elles doivent être déclarées irrecevables ;
- qu'il en est de même des pièces n° 67 à 106 qui, du seul fait qu'elles sont produites au soutien de conclusions irrecevables, le sont elles-mêmes, peu important à cet égard qu'elles aient déjà été communiquées dans le cadre d'une autre instance opposant les mêmes parties.
En conséquence, la cour écartera des débats les conclusions notifiées par la société Inaudi le 22 octobre 2019 ainsi que les pièces n° 67 à 106 communiquées par elle le même jour, et statuera au seul vu des conclusions notifiées par l'intimée le 12 mai 2017 ainsi que des pièces n° 1 à 66.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
La société Galliance demande à la cour :
Vu les articles 1165 et suivants, 1134 et suivants, 1116 et suivants du Code civil ancien,
Vu les articles 5 et suivants du Code de procédure civile,
Vu les articles L. 134-13 et suivants du Code de commerce,
A titre liminaire :
- juger irrecevables les demandes présentées par la société Inaudi en première instance et portant sur des commissions objet de contrats le liant aux sociétés Fermiers du Gers et Fermiers du Périgord non assignées à l'instance ;
- en conséquence, soustraire la somme de 198 515,56 de toute base de calcul d'indemnités présentée par la société Inaudi pour " retrait " de clientèle / préavis et cessation du contrat ;
- rectifier le jugement de première instance et supprimer les condamnations suivantes :
" Ordonne à la SA Gastronome Distribution de fournir à la SARL Inaudi le relevé exhaustif des ventes opérées, entre octobre 2015 et juillet 2016, avec le calcul des commissions acquises pour les produits désignés sur le contrat du 6 octobre 2005 et des avenants des 13 février 2006 et 31 octobre 2011, pour le territoire attribué à la société Inaudi " et " Condamne la SA Gastronome Distribution à payer à la SARL Inaudi le solde des commissions dues au 31 juillet 2016, suivant détails fournis, sous déduction des sommes versées relatives à la période " en ce qu'elles ont été prononcées ultra-petita ;
Sur le fond :
- confirmer le jugement en ce qu'il a : Débouté la société Inaudi de ses demandes au titre d'une indemnité de préavis (retrait de clientèle), Débouté la société Inaudi de sa demande de publication de la décision à intervenir ;
- infirmer le jugement en toutes ses autres dispositions et, statuant à nouveau : Dire et juger que la rupture du contrat du 6 octobre 2005 est intervenue à l'initiative de la société Inaudi ; Dire et juger que les produits marques de distributeurs (MDD) étaient exclus du périmètre du contrat du contrat ; Dire et juger la société Gastronome Distribution (aujourd'hui Galliance) n'a pas commis de faute et notamment qu'elle n'a pas retiré les clients Leader Price à Inaudi ; Dire et juger qu'aucune indemnité n'est due à la société Inaudi ;
A titre subsidiaire :
- dire et juger que le contrat du 6 octobre 2005 n'est pas un contrat d'agent commercial et que sa rupture n'emporte droit à aucune indemnisation au profit de la société Inaudi ;
- dire et juger valide la clause de renonciation au statut d'agent commercial et à ses conséquences figurant au contrat ;
- dire et juger que la rupture n'est pas intervenue à l'initiative de la société Gastronome Distribution, qui n'a fait que constater la rupture initiée par la société Inaudi ;
- dire et juger que les produits MDD étaient exclus du périmètre du contrat du 6 octobre 2005 tel que modifié par avenant n° 1 ;
- constater que la société Inaudi a commis des fautes graves dans l'exécution du contrat, justifiant une rupture sans indemnité, quelle que soit la qualification de ce contrat ;
A titre infiniment subsidiaire, s'il était considéré qu'une indemnité était due à la société Inaudi :
- dire et juger que les produits MDD étaient exclus du périmètre du contrat du 6 octobre 2005 modifié par avenant n° 1 ;
- dire et juger que, compte tenu des faits de l'espèce, le montant de cette indemnité ne peut être supérieur à 375 506 ;
- dire et juger que le protocole transactionnel conclu entre GI Distribution (devenu Inaudi) et Gastronome est nul pour être entaché d'erreur et que cette nullité n'est pas prescrite ;
- en conséquence, condamner la société Inaudi à verser à la société Galliance la somme de 480 000 payée dans le cadre de cette transaction ;
En tout état de cause,
- ordonner la restitution à la société Galliance par Me X, séquestre à qui la société Galliance a versé en cette qualité de séquestre la somme de 1 032 000 en exécution du jugement du 3 octobre 2016, à première demande, de tout ou partie de la somme de 1 032 000 conformément aux réformations et condamnations prononcées par la présente cour ;
- condamner la société Inaudi à payer la somme de 20 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile s'agissant de la procédure d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
Au contraire, la société Inaudi demande à la cour de :
Vu les articles 1134, 1135, 1382 et 1356 du Code civil ancien,
Vu les articles L. 134-1 à L. 134-16, R. 134-3 et R. 134-4 du Code de commerce,
Vu l'article 1 du protocole annexe 1 à la Convention Européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
Vu l'article 700 du Code de procédure civile,
- confirmer les jugements des 3 octobre et 7 novembre 2016 en ce qu'ils ont reconnu le droit à indemnité compensatrice de rupture sur la base de l'article L. 134-12 du Code de commerce au profit de la société Inaudie et reconnu le droit à la société Inaudi de recevoir les commissions versées sur l'ensemble du périmètre contractuel entre elle-même et la société Galliance jusqu'à la fin du contrat en date du 31 juillet 2016 ;
- mais les réformant pour le surplus, notamment sur les montants des condamnations prononcées par le tribunal, et rejetant toutes demandes, fins et conclusions de la société Galliance, condamner la société Galliance à verser à la société Inaudi : La somme de 1 189 345 en application de l'article L. 134-12 du Code de commerce ; La somme de 550 003 en réparation du préjudice causé par la perte de commissions sur l'ensemble du périmètre contractuel jusqu'au 31 juillet 2016 ;
- ordonner à Me Y et à la Société Générale, agence de Poitiers, de se libérer immédiatement entre les mains de la société Inaudi de la somme de 1 032 000 euros, montant de la consignation réalisée, à titre d'acompte sur la totalité des sommes dues par la société Galliance ;
- ordonner la publication du dispositif de la décision à intervenir dans trois journaux ou hebdomadaires au choix de la société Inaudi et aux frais de la société Galliance, sans que le coût de chaque publication puisse dépasser la somme de 7 500 hors taxes ;
- condamner la société Galliance à verser à la société Inaudi la somme de 25 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner la société Galliance en tous les dépens.
Il est renvoyé à la lecture des conclusions précitées pour un plus ample exposé des demandes et argumentations des parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'exacte qualification du contrat conclu entre les parties :
Selon l'article 12 du Code de procédure civile, il appartient au juge de trancher le litige qui lui est soumis conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.
A cette fin, il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.
Toutefois, il ne peut changer la dénomination ou le fondement juridique lorsque les parties, en vertu d'un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition, l'ont lié par les qualifications et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat.
En l'occurrence, il est constant que le litige opposant les deux sociétés repose sur l'exécution et l'interprétation d'un contrat dit de " partenariat commercial " conclu entre elles le 6 octobre 2005 modifié par deux avenants en dates des 13 février 2006 et 31 octobre 2011, et que ce contrat stipule expressément :
- que la société Inaudi a pour mission d'assurer une présence commerciale forte des produits de la société Galliance auprès de la clientèle de celle-ci, cette prestation commerciale ne comportant pas d'activité de prospection proprement dite, mais en revanche une activité spécifique relative à la mise en place des produits dans les magasins et un accompagnement et une assistance aux négociations (article 1er) ;
- qu'au nombre de ces activités incombant à la société Inaudi sont énumérées, notamment, le suivi de la clientèle, la négociation des emplacements en linéaires et le suivi de ces derniers, la collecte et la transmission des commandes et offres lorsque celles-ci ne sont pas assurées par échange de données informatisé, l'accompagnement et l'assistance à la négociation auprès des centrales régionales de même qu'auprès de la centrale nationale du Groupe Carrefour pour la gamme " canard ", la participation publicitaire ou encore le règlement des litiges (article 5) ;
- qu'il est également précisé que le partenaire - Inaudi - aura les mêmes attributions que les chefs de secteur de la société Galliance ;
- que pour autant, l'article 1er précise en son dernier alinéa qu'il est convenu entre les parties que les dispositions des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce - relatifs au statut des agents commerciaux - ainsi que tous textes subséquents ne s'appliquent pas aux présentes.
Cependant, une telle disposition, même contractuellement convenue entre les parties, ne saurait lier l'appréciation de la cour, étant en effet rappelé que si l'article L. 134-15 permet aux parties à un contrat, qui n'a pas pour objet principal l'activité d'agence commerciale, de renoncer à ce statut pour la partie correspondant à cette activité, en revanche le même article dispose que cette renonciation est nulle lorsqu'il apparaît que l'activité d'agence commerciale est exercée, en réalité, à titre principal ou déterminant.
Or, tel est le cas en l'espèce dans la mesure où, au-delà de la qualification du contrat en cause, la mission réellement et effectivement exercée par la société Inaudi n'a jamais cessé d'être celle d'un agent commercial représentant les intérêts de la société Galliance auprès des clients de celle-ci, la société Inaudi ayant en effet toujours disposé, avant comme après la conclusion de ce contrat, et ce depuis 1991, d'un pouvoir de négociation tarifaire comme de définition des volumes à distribuer pour le compte de cette dernière.
Certes, la société Galliance se prévaut d'une rupture, intervenue le 6 octobre 2005, du précédent contrat qui, quant à lui, était clairement qualifié de contrat d'agence commerciale, et du versement de l'indemnité prévue en pareil cas.
Pour autant, la cour rappelle que cette rupture, qui a fait l'objet d'un protocole transactionnel concomitamment à la conclusion du nouveau contrat, s'explique par la volonté de la société Galliance qui était alors de diminuer le taux de commissionnement versé à la société Inaudi, ce taux étant ainsi passé d'une moyenne de 2,5 % sous l'empire du précédent contrat à environ 2 % sous l'empire du nouveau contrat, ce dont la société Inaudi justifie par sa pièce n° 1.
Ainsi, en contrepartie de la diminution de ce taux de commissionnement, à laquelle la société Inaudi a consenti, la société Galliance a accepté de lui verser une indemnité de 480 000, opportunément qualifiée d'indemnité de rupture, alors même que les parties s'engageaient concomitamment dans un nouveau contrat, en réalité identique au précédent, si ce n'est qu'il était caractérisé par une diminution du taux moyen de commissionnement reconnu à l'agent ;
Si cette pratique n'est pas contestable en soi, comme relevant de l'accord entre les parties, en revanche la renonciation par la société Inaudi aux avantages afférents au statut des agents commerciaux n'est pas valable quant à elle et ce, par application de l'article L. 134-15 alinéa 2 du Code de commerce, dès lors en effet qu'il est établi qu'en réalité, ladite société a continué à exercer la même activité d'agent commercial que précédemment.
La cour en veut pour preuves les nombreuses pièces produites par la société Inaudi qui témoignent de son pouvoir de négociation et de représentation complète de la société Galliance auprès des clients de celle-ci, dont le Groupe Leader Price, notamment :
- en pièce n° 4 : une lettre adressée par la société Lafi (Leader Price) à la société Inaudi le 1er avril 2009 : " Nous vous rappelons que vous êtes notre seul et unique interlocuteur concernant les produits de cette société [Galliance] que vous commercialisez. Par voie de conséquence, merci d'informer la société [Galliance] que tous les courriers qui ne nous seront pas transmis via la société Inaudi resteront lettre morte " ;
- en pièce n° 6 : une lettre adressée à la société Inaudi le 19 mai 2011 par laquelle la société Gastronome (Galliance) exprime son mécontentement face aux propositions tarifaires d'un tarif, la société demandant à la société Inaudi d'inciter le client - " ton acheteur " - à la revaloriser ;
- en pièce n° 7 : une lettre adressée à la société Inaudi le 27 septembre 2012 par laquelle un producteur de lapins (" Multilap ") discute avec celle-ci des " volumes promotionnels " de produits à écouler dans le réseau Lafi (Leader Price).
Ainsi, il résulte de ces pièces qu'au-delà de la qualification de " partenariat commercial " retenue par les parties le 6 octobre 2005, en réalité la société Inaudi n'a jamais cessé d'être l'agent commercial de la société Galliance, soit, au sens de l'article L. 134-1 du Code de commerce, un mandataire indépendant chargé, de façon permanente, de négocier et de conclure des contrats de vente au nom et pour le compte de cette société.
La cour observe d'ailleurs que cette activité s'est considérablement développée depuis la signature du contrat de 2005, la société Inaudi justifiant en effet, toujours par sa pièce n° 1 précitée, d'une très forte croissance du chiffre d'affaires de la société Galliance réalisé par l'intermédiaire de son agent, ce chiffre étant ainsi passé de quelques dix à douze millions d'euros par an au cours des années 2002 à 2005 à près de 32 millions d'euros en 2014 (chiffres d'affaires " Fermiers du Gers " et " Fermiers du Périgord " compris), le montant des commissions versées à la société Inaudi ayant simultanément progressé dans des proportions comparables, en dépit même de la diminution du taux de commissionnement convenu entre les parties le 6 octobre 2015.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a requalifié cet accord en contrat d'agence commerciale, et qu'il l'a soumis aux dispositions impératives des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce.
Sur l'imputabilité de la rupture :
L'article L. 134-12 dispose qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi, l'article L. 134-13 précisant à cet égard que cette réparation n'est pas due, notamment, lorsque la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial ou lorsqu'elle résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant.
Aussi et pour échapper au paiement de cette indemnité de rupture, la société Galliance devrait-elle établir :
- soit que la rupture résulte de l'initiative de la société Inaudi et ce, sans que cette rupture puisse se justifier par des circonstances imputables à la société Galliance,
- soit que cette rupture a été décidée par la société Galliance à raison d'une faute grave commise par sa mandataire, la faute grave étant traditionnellement définie comme celle qui, portant atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun, rend impossible le maintien du lien contractuel.
S'agissant de l'initiative de la rupture, il est établi qu'elle incombe à la société Galliance, et non à la société Inaudi.
En effet, en aucun cas la mandante n'établit que sa mandataire ait elle-même mis fin au contrat.
Certes, la société Inaudi a écrit à la société Galliance, en date des 20 avril et 5 mai 2015, pour dénoncer ce qu'elle vivait comme une forme d'éviction depuis qu'on lui refusait le paiement de commissions sur les ventes de produits commercialisés dans le réseau Leader Price sous la marque du distributeur.
Certes, la société Inaudi a fait assigner la société Galliance en justice, et ce dès le 13 juillet 2015, pour obtenir la condamnation de celle-ci au paiement, notamment, d'une indemnité de cessation de contrat.
Cependant, ce faisant, la société Inaudi n'a fait que prendre acte de ce qu'elle considérait, à tort ou à raison - la cour le dira infra, comme une violation d'une clause substantielle du contrat la liant à la société Galliance.
En effet, dans la mesure où elle considérait, à tort ou à raison, que sa cocontractante ne respectait plus ses engagements, la société Inaudi étant fondée à prendre acte d'une rupture qui, de fait, lui était imposée par la société Galliance et ce, sans qu'il puisse être considéré que la société Inaudi soit à l'origine de celle-ci.
La société Galliance ne s'y est d'ailleurs pas trompée, qui, par lettre postérieure puisqu'en date du 28 octobre 2015, a informé la société Inaudi qu'elle avait " décidé de résilier ce contrat ", la mandante ayant au surplus fixé elle-même la date de fin du délai de préavis au 31 juillet 2016, meilleure preuve qu'aucune rupture n'était encore consommée jusqu'alors et que c'est bien la société Galliance qui est à l'origine de celle-ci.
Quant à la faute grave que la société Galliance prétend imputer à la société Inaudi, elle n'est pas non plus établie, étant en effet rappelé :
- qu'il n'est pas en soi constitutif d'une faute, a fortiori grave au sens de l'article L. 134-13, pour un agent commercial de contester le montant des commissions qui lui sont versées par sa mandante, un contentieux pouvant toujours opposer les parties sur le montant de celles-ci voire sur leur assiette de calcul, sans qu'une telle contestation puisse être reprochée à l'agent commercial ;
- que d'ailleurs, l'article R. 134-3 du Code de commerce consacre lui-même cette possibilité de contestation, en permettant à l'agent " d'exiger " de son mandant qu'il lui fournisse toutes les informations comptables nécessaires à la vérification des commissions qui lui sont dues ;
- que l'exercice d'une action en justice n'est pas non plus constitutif d'une faute, du moins dès lors qu'elle ne tend qu'à voir reconnaître les droits allégués par son auteur, seul l'abus du droit d'agir pouvant caractériser une faute ;
- qu'en l'occurrence, et quand bien même l'ensemble des revendications de la société Inaudi ne sont pas fondées ainsi que la cour le démontrera ultérieurement, pour autant une partie d'entre elles le sont néanmoins, alors au surplus qu'il n'est pas établi que l'agent commercial ait agi en justice dans un but autre que celui de faire reconnaître ce qu'il estimait être son bon droit ;
- que la société Galliance ne peut pas non plus reprocher à la société Inaudi de l'avoir assignée devant le tribunal sans tentative préalable de concertation ou de conciliation, alors au contraire que l'assignation a été délivrée plusieurs semaines après la naissance du contentieux et qu'elle a été précédée de plusieurs échanges épistolaires voire d'une rencontre qui s'est tenue le 2 juin 2015 entre les dirigeants des deux sociétés, rencontre à l'issue de laquelle chacune des parties a campé sur ses positions ;
- qu'elle ne peut pas davantage lui reprocher à la société Inaudi ses initiatives auprès des magasins du Groupe Leader Price pour essayer de se faire réintégrer dans le champ des négociations commerciales, la société Inaudi ayant par là même seulement tenté de faire valoir ce qu'elle croyait être son bon droit, sans que la société Galliance ne démontre que l'agent ait ainsi abusé de sa position ni tenté de lui nuire ;
- qu'enfin, elle ne peut pas non plus reprocher à sa mandataire d'avoir commis une faute grave en développant en justice des demandes et arguments qu'elle estime elle-même excessives, injustifiées voire de mauvaise foi, alors en effet que la société Inaudi demeure libre, par principe et sous la seule réserve d'un abus de droit qui n'est pas caractérisé en l'espèce, de défendre ses intérêts comme elle l'entend.
Ainsi, s'il est compréhensible, eu égard au contentieux qui les oppose désormais, que la société Galliance ait perdu confiance en sa mandataire, ce qui l'a logiquement conduite à mettre fin au contrat, pour autant l'attitude contentieuse de la société Inaudi ne constitue pas une faute grave, au sens de l'article L. 134-13, pouvant justifier que l'agent commercial soit privé de son droit à l'indemnité de rupture prévue à l'article L. 134-12.
Le jugement sera confirmé en ce sens, et la société Galliance tenue au paiement de cette indemnité, ne pouvant pas en effet se prévaloir des dispositions de l'article 6 du contrat conclu le 6 octobre 2015 prévoyant qu'aucune indemnité de rupture ne serait due au-delà de la septième année, étant en effet rappelé qu'en application de l'article L. 134-14 [sic], est réputée non écrite toute clause dérogeant, au détriment de l'agent commercial, aux dispositions de l'article L. 134-12.
Sur le solde de commissions réclamé par la société Inaudi :
Comme en première instance, l'agent commercial persiste à réclamer le paiement d'une somme de 550 003 pour " perte de commissions sur l'ensemble du périmètre contractuel jusqu'au 31 juillet 2016 ", étant rappelé à cet égard que le tribunal a ordonné à la société Galliance de produire le relevé exhaustif des ventes opérées entre octobre 2015 et juillet 2016, soit pendant la durée du préavis, devant donner lieu au commissionnement de la société Inaudi.
Cette dernière disposition ne pourra qu'être infirmée, dès lors en effet que la société Inaudi n'a jamais sollicité ce relevé, la cour observant au surplus que cette demande n'est pas non plus formulée en cause d'appel.
Il incombe en conséquence à la société Inaudi de justifier du bien-fondé de sa réclamation à paiement d'un solde de commissions, étant ici observé que la somme de 550 003 n'est réclamée qu'à titre " d'indemnité de préavis sur le retrait injustifié d'une partie de l'objet du contrat " (cf en ce sens la page 19 des conclusions de la société Inaudi).
Il s'en déduit qu'aucun contentieux n'oppose les parties quant aux commissions versées avant le 28 octobre 2015, date à laquelle la société Galliance a notifié la rupture du contrat.
De même, aucun contentieux n'oppose les parties sur la durée du préavis dû à la société Inaudi, étant ici rappelé, comme le tribunal l'a justement relevé, que la clause du contrat du 6 octobre 2005 fixant cette durée à neuf mois est plus favorable à l'agent commercial que le droit commun de l'article L. 134-11 qui limite cette durée à un mois pour la première année du contrat, deux mois pour la deuxième, et trois mois au-delà de la troisième année (soit six mois maximum).
Pour réclamer le paiement d'une somme complémentaire de 550 003 au titre de son préavis, la société Inaudi se plaint d'avoir été privée des commissions auxquelles elle aurait dû pouvoir prétendre sur les produits désormais vendus par la société Galliance au réseau Leader Price sous marques du distributeur, l'agent commercial faisant essentiellement valoir :
- d'une part qu'elle était déjà commissionnée jusqu'alors, au moins dans les faits, sur des marques de distributeurs, notamment sur la marque " Vallon d'Or " diffusée dans le réseau Leader Price ;
- d'autre part qu'elle a activement participé aux négociations qui ont permis le référencement de la société Galliance auprès du réseau Leader Price pour sa gamme de produits vendus sous MDD, la société Inaudi se prévalant même d'un rôle déterminant dans le succès de cette opération.
Pour autant et ainsi que la société Galliance le fait justement observer, l'avenant du 13 février 2006 a expressément exclu du périmètre d'intervention de l'agent commercial " les produits fabriqués ou diffusés sous marque de distributeurs ou de premiers prix, sauf dispositions contraires ".
Or, la marque " Vallon d'Or " s'avère être, non pas une " marque de distributeur ", mais une marque " dédiée " :
- la première se caractérisant par le fait qu'elle appartient au distributeur qui, à ce titre, dicte lui-même son cahier des charges au producteur (ingrédients, recette etc) ;
- la seconde, soit la marque dédiée, se définissant au contraire comme réservée à un distributeur déterminé sans toutefois lui appartenir, le producteur conservant ainsi la maîtrise, notamment technique, de son produit.
En sa qualité de professionnelle de la distribution, la société Inaudi ne saurait ignorer cette distinction, alors par ailleurs qu'elle produit la notice de l'INPI afférente à la marque " Vallon d'Or ", dont il résulte que cette marque appartient, non pas au réseau de distribution Leader Price, mais au producteur " Fermiers du Gers ".
Ainsi et quand bien même la société Inaudi aurait été commissionnée sur les ventes de produits marqués " Vallon d'Or ", voire qu'elle l'ait été, ponctuellement, sur des produits vendus sous une marque de distributeur, pour autant elle ne saurait se prévaloir d'un droit acquis et général sur de telles commissions, alors en effet que celles-ci ont été spécialement exclues du champ contractuel d'un commun accord entre les parties suivant avenant en date du 13 février 2006.
De même, est sans incidence sur le périmètre contractuel de ce commissionnement, la circonstance que la société Inaudi ait contribué par ses efforts, d'ailleurs contestés par son adversaire, au succès de l'appel d'offres remporté par la société Galliance dans la vente de produits MDD auprès du réseau Leader Price, dès lors en effet que cette contribution ne s'est pas accompagnée d'une modification du contrat d'agence, seule à même de justifier que la société Inaudi perçoive des commissions sur ce nouveau marché.
Au surplus, il apparaît qu'une partie des commissions aujourd'hui revendiquées à titre de préavis concerne des ventes effectuées au profit, non pas de la société Galliance elle-même, mais des sociétés Fermiers du Gers et Fermiers du Périgord, alors qu'il est constant :
- que ces deux sociétés sont des personnes morales distinctes de la société Galliance, peu important à cet égard qu'elles appartiennent au même Groupe voire qu'elles aient entre elles des liens capitalistiques, alors au surplus qu'il n'est pas contesté que la société Galliance ne détient qu'une participation minoritaire dans la société Fermiers du Sud-Ouest, maison-mère des filiales Fermiers du Gers et Fermiers du Périgord, lesquelles ne peuvent dès lors être considérées comme effectivement contrôlées par la société Galliance ;
- que le contrat d'agence à l'origine du présent litige n'a pas été souscrit par les sociétés Fermiers du Gers et Fermiers du Périgord ni même au nom de celles-ci, la société Inaudi ne pouvant pas dès lors se prévaloir de la qualité d'agent commercial à leur égard.
Il en résulte que la société Inaudi ne peut réclamer, au titre de l'indemnité de préavis, de commissions sur les ventes des produits commercialisés par ces deux sociétés.
En conséquence, et faute pour elle d'établir qu'elle demeurerait créancière d'un quelconque reliquat de commissions au titre de cette période, la société Inaudi sera déboutée de sa demande tendant au versement de la somme de 550 003 qu'elle réclame à ce titre.
Sur l'indemnité de rupture :
Pour justifier, en cause d'appel, sa demande d'une indemnité d'un montant qu'elle évalue désormais à 1 189 345 euros, la société Inaudi se fonde sur deux années de commissions calculées sur la base de celles perçues en 2013 et 2014, alors au contraire que le tribunal a retenu pour base de calcul les années 2014 et 2015, cette dernière période s'avérant évidemment moins intéressante pour l'agent commercial puisque l'année 2015 a été marquée par la perte du marché Leader Price des produits de marques de fournisseurs, alors que, simultanément, la société Inaudi ne pouvait pas prétendre au versement de commissions sur les ventes de produits de marques de distributeurs.
Cependant, et dans la mesure où l'indemnité de rupture a pour objet de compenser le préjudice résultant de la cessation du contrat pour l'avenir, il est logique de la liquider par référence aux commissions servies au moment de la rupture elle-même, et non par référence à celles correspondant à la période antérieure.
Ainsi, la société Inaudi ne saurait prétendre intégrer dans l'assiette de son indemnité les commissions qui lui étaient précédemment versées sur les ventes de produits de marques de fournisseurs au réseau Leader Price, dès lors en effet que, du fait de la perte de ce marché par la société Galliance, la société Inaudi n'aurait plus jamais perçu les commissions correspondantes, même en cas de poursuite du contrat d'agence.
De même, l'assiette indemnitaire ne saurait comprendre de commissions correspondant à des ventes de produits commercialisés par les sociétés Fermiers du Gers et Fermiers du Périgord, dès lors en effet que l'indemnité de rupture ne saurait compenser que la perte des seules commissions dues au titre du contrat d'agence, alors qu'il vient d'être démontré que ce contrat n'avait pas été souscrit par ces deux sociétés ni pour le compte de celles-ci.
En conséquence, il convient de prendre pour assiette de calcul de l'indemnité de rupture la somme de 751 013,36, soit la différence entre celle de 1 032 434 correspondant au total des commissions perçues par la société Inaudi en 2014 et 2015 et celle de 281 420,64 correspondant aux commissions servies sur les ventes Leader Price au cours de la même période.
En revanche et contrairement aux prétentions de la société Galliance, il n'y a lieu :
- ni d'appliquer à cette assiette une quelconque réduction (revendiquée par l'appelante à hauteur de 50 %) pour tenir compte de la faute qu'elle impute à son agent, alors en effet qu'il a été précédemment démontré que la société Inaudi n'avait pas commis de faute pouvant justifier la résiliation du contrat à ses torts ;
- ni de déduire de cette assiette la somme de 480 000 versée en octobre 2005 par la société Galliance à la société Inaudi lors de la rupture du précédent contrat d'agence, la cour rappelant en effet :
* que le versement de cette indemnité, dont le montant a été fixé en application d'un accord transactionnel assorti de l'autorité de la chose jugée en application de l'article 2052 du Code civil, ne saurait être remis en cause au nom d'une prétendue erreur qu'aurait commise la société Galliance qui, en souscrivant cet accord prévoyant la conclusion d'un nouveau contrat de partenariat, n'aurait pas imaginé qu'il puisse être requalifié en contrat d'agence commerciale et, par là même, ouvrir droit à une nouvelle indemnité de rupture ;
* qu'en effet, l'article 2052 dispose précisément qu'une transaction ne peut être attaquée pour cause d'erreur de droit ;
* qu'au surplus, l'indemnité alors accordée à la société Inaudi avait pour objet de réparer le préjudice subi par celle-ci du fait de la privation pour l'avenir des commissions qui lui étaient versées jusqu'alors en exécution du précédent contrat, soit à un taux moyen supérieur à celui fixé par le nouveau contrat de 2005 ;
* que cette première indemnité n'a donc pas le même objet que celle à laquelle la société Inaudi prétend en exécution de ce nouveau contrat, les deux sommes devant en conséquence s'additionner.
Par suite, le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Galliance au paiement d'une indemnité de rupture de 1 032 000, la cour y substituant une indemnité de 751 013,36 correspondant à deux années de commissions strictement comprises dans le périmètre contractuel du mandat résilié.
Sur les autres demandes :
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à publication de la décision, pareille mesure de publicité étant injustifiée, alors en effet que la société Inaudi ne saurait se prévaloir d'un préjudice d'image qu'il conviendrait de réparer au moyen de cette publication, puisqu'il vient d'être démontré que la société Galliance était fondée à lui refuser le paiement des commissions réclamées sur les ventes de produits de marques de distributeurs.
Par ailleurs, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande formée par la société Galliance tendant à la restitution des sommes trop-versées par elle en exécution provisoire du jugement déféré, étant rappelé que le présent arrêt, partiellement infirmatif, constitue lui-même le titre ouvrant droit à la restitution desdites sommes, sans qu'il appartienne à la cour de faire les comptes entre les parties.
Réciproquement, il n'appartient pas non plus à la cour d'ordonner expressément à l'huissier de justice institué séquestre des sommes consignées en exécution du jugement déféré, de se libérer au profit de la société Inaudi de celles auxquelles elle peut prétendre, le présent arrêt se suffisant à lui-même pour être exécuté à concurrence des sommes qui lui sont allouées en appel.
Partie globalement perdante, la société Galliance sera condamnée au paiement d'une somme de 5 000 au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, celle-ci s'ajoutant à celle de même montant fixée par le tribunal au titre de ceux exposés en première instance.
Enfin, la société Galliance supportera les entiers dépens de première instance et d'appel.
Par ces motifs, LA COUR : Déclare irrecevables les conclusions notifiées par la société Inaudi le 22 octobre 2019 ainsi que les pièces n° 67 à 106 communiquées par elle ; Confirme le jugement en ce qu'il a requalifié le contrat dit de partenariat commercial conclu entre les parties le 6 octobre 2005 en contrat d'agence commerciale relevant des dispositions impératives des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce, en ce qu'il a débouté la société Inaudi de sa demande de publication de la décision, et en ce qu'il a condamné la société Gastronome Distribution (aujourd'hui société Galliance Volaille Fraîche) au paiement d'une somme de 5 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance ; L'infirmant pour le surplus de ses dispositions, statuant à nouveau et y ajoutant : Déboute la société Inaudi de sa demande tendant à la condamnation de la société Galliance Volaille Fraîche au paiement d'un reliquat de commissions au titre du contrat résilié ; Condamne la société Galliance Volaille Fraîche à payer à la société Inaudi une somme de 751 013,36 à titre d'indemnité de rupture du contrat d'agence commerciale ; Condamne la société Galliance Volaille Fraîche à payer à la société Inaudi une somme de 5 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ; Déboute les parties du surplus de leurs demandes ; Condamne la société Galliance Volaille Fraîche aux entiers dépens de la procédure d'appel.