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Décisions

ADLC, 16 janvier 2020, n° 20-D-01

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à une pratique mise en œuvre dans le secteur de la diffusion de la télévision numérique terrestre

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré à la suite de l'instruction de Mme Élisabeth Marescaux-Bertrand, de M. David Dubois, rapporteurs, sur le rapport oral de M. Pablo Gonzalez Perez, M. Cédric Nouël de Buzonnière, rapporteurs, l'intervention de M. Stanislas Martin, rapporteur général, par Mme Isabelle de Silva, présidente, Mme Fabienne Siredey-Garnier, Mme Irène Luc, M. Henri Piffaut, vice-présidents, Mme Valérie Bros, Mme Sandra Lagumina, Mme Séverine Larere, Mme Catherine Prieto, M. Alexandre Menais, membres de la concurrence

ADLC n° 20-D-01

16 janvier 2020

L'Autorité de la concurrence (section IA),

Vu la lettre enregistrée le 15 novembre 2017 sous le numéro 17/0219 F, par laquelle la société towerCast a saisi l'Autorité de la concurrence de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la diffusion hertzienne de la télévision numérique terrestre ; Vu l'avis n° 2018-0148 du 6 février 2018 émis par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ; Vu l'avis n° 2018-02 du 21 février 2018 émis par le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel ; Vu le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), et notamment, son article 102 ; Vu le règlement (CEE) n° 17/62 du 6 février 1962 d'application des articles 85 et 86 du traité CEE ; Vu le règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité CE ; Vu le règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil du 21 décembre 1989 relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises ; Vu le règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises ; Vu le livre IV du Code de commerce, et notamment son article L. 420-2 ; Vu les décisions de secret d'affaires n° 17-DSA-529 du 5 décembre 2017, n° 18-DSA-061 du 28 février 2018, n° 18-DSA-076 du 9 mars 2018, n° 18-DSA-077 du 9 mars 2018, n° 18-DSA-083 du 13 mars 2018, n° 18-DSA-110 du 12 avril 2018, n° 18-DSA-111 du 12 avril 2018, n° 18-DSA-115 du 17 avril 2018, n° 18-DSA-329 du 5 octobre 2018, n° 18-DSA-383 du 30 octobre 2018, n° 19-DSA-220 du 19 juin 2019 ; n° 19-DSA-299 du 2 septembre 2019, n° 19-DSA-405 du 2 septembre 2019, n° 19-DSA-577 du 21 octobre 2019, n° 19-DSA-578 du 21 octobre 2019 ; Vu les décisions de déclassement n° 18-DECR-128 du 26 avril 2018, n° 18-DEC-130 du 26 avril 2018, n° 18-DECR-140 du 18 mai 2018, n° 18-DEC-143 du 25 mai 2018, n° 18-DEC-148 du 28 mai 2018, n° 18-DEC-177 du 8 juin 2018, n° 18-DECR-178 du 8 juin 2018 ; Vu les observations présentées par les sociétés TDF Infrastructure S.A.S, TDF Infrastructure Holding S.A.S, Tivana France Holdings S.A.S, Tivana Midco S.A.R.L., Tivana Topco S.A., towerCast et le commissaire du Gouvernement ; Vu la lettre du 10 mai 2019 par laquelle les sociétés TDF Infrastructure S.A.S, TDF Infrastructure Holding S.A.S, Tivana France Holdings S.A.S ont saisi le conseiller-auditeur ; Vu le rapport du conseiller-auditeur du 3 juillet 2019 ; Vu la lettre du 16 juillet 2019 par laquelle les sociétés TDF Infrastructure S.A.S, TDF Infrastructure Holding S.A.S, Tivana France Holdings S.A.S ont sollicité une demande d'audition au titre de l'article L. 463-7 du Code de commerce ; Vu la note en délibéré des sociétés TDF Infrastructure S.A.S, TDF Infrastructure Holding S.A.S, Tivana France Holdings S.A.S du 28 novembre 2019 ; Vu les autres pièces du dossier ; Les rapporteurs, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés TDF Infrastructure S.A.S, TDF Infrastructure Holding S.A.S, Tivana France Holding S.A.S, Tivana Midco S.A.R.L., Tivana Topco S.A., towerCast, entendus lors de la séance de l'Autorité de la concurrence du 5 novembre 2019, Adopte la décision suivante :

Résumé (1)

Aux termes de la décision ci-après, l'Autorité de la concurrence considère que le grief d'abus de position dominante notifié à l'encontre de la société TDF sur le fondement des articles 102 du TFUE et L. 420-2 du Code de commerce n'est pas établi.

Dans cette affaire, l'Autorité a été saisie par la société towerCast, qui estimait que la prise de contrôle de la société Itas par la société TDF, le 13 octobre 2016, constituait un abus de position dominante, contraire aux dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce.

Cette opération de concentration, qui ne franchissait ni les seuils européens de notification obligatoire définis à l'article 1er du règlement n° 139/2004, ni les seuils français prévus à l'article L. 430-2 du Code de commerce, n'avait pas fait l'objet d'une notification, ni d'un examen au regard du contrôle des concentrations.

Cependant, la société towerCast soutenait que cette opération aurait substantiellement entravé la concurrence sur les marchés de gros amont et aval de la diffusion de la TNT, en renforçant de façon significative la position dominante de TDF sur ces marchés et constituait, de ce fait, une violation des dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce. La saisine fondait notamment son argumentation sur l'arrêt de la Cour de justice du 21 février 1973 Continental Can (aff. C-6/72, Rec. 1973 00215), portant sur l'appréciation d'une concentration d'entreprises au regard de l'article 102 du TFUE.

Dans cette affaire, la Cour avait estimé que la Commission européenne pouvait légalement appliquer, en l'absence de textes régissant spécifiquement le contrôle des concentrations, l'article 86 du traité CEE (devenu article 102 du TFUE) aux opérations de concentrations.

Elle avait notamment estimé, à cet égard, qu'est " susceptible de constituer un abus le fait, par une entreprise en position dominante, de renforcer cette position au point que le degré de domination ainsi atteint entraverait substantiellement la concurrence, c'est-à-dire ne laisserait subsister que des entreprises dépendantes, dans leur comportement, de l'entreprise dominante ".

Toutefois, cet arrêt a été rendu antérieurement à l'adoption d'un dispositif de contrôle des concentrations au niveau de l'Union européenne, introduit par le règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil du 21 décembre 1989, ultérieurement remplacé par le règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004. L'Autorité a donc considéré que l'institution, au niveau européen, d'un système de contrôle préalable des concentrations par le règlement n° 4064/89 précité, éclairé notamment par les déclarations du Conseil et de la Commission lors de son adoption, a rendu sans objet l'application de l'article 102 du TFUE à une opération de concentration, en l'absence d'un comportement distinct de l'entreprise en cause à la suite de cette opération. Il en résulte que l'application de la jurisprudence Continental Can est, de facto, devenue obsolète, ainsi qu'en atteste notamment le fait que la Commission n'ait plus appliqué l'article 86 du traité CEE (devenu article 102 du TFUE) à une opération de concentration postérieurement à l'entrée en vigueur du règlement n° 4064/89.

Au regard du droit interne, l'Autorité a rappelé qu'il résulte de la pratique décisionnelle du Conseil de la concurrence puis de l'Autorité, confirmée par la jurisprudence de la cour d'appel de Paris et de la Cour de cassation, que les procédures relatives au contrôle des ententes et abus de position dominante d'une part, et au contrôle des concentrations, d'autre part, sont différentes et inconciliables entre elles. À la date des faits examinés dans la présente affaire, le Code de commerce comporte, de façon exclusive, d'une part, un ensemble de règles applicables aux concentrations d'entreprises, soumises à notification obligatoire dès lors que les conditions définies par la loi, notamment le franchissement de seuils en valeur de chiffres d'affaires, sont remplies ; d'autre part, des règles applicables à d'autres comportements d'entreprises, desquelles il résulte que sont notamment prohibés les ententes et abus de position dominante. Il résulte de ces dispositions qu'une concentration ne saurait, en l'état des règles applicables, être considérée en elle-même comme un abus de position dominante. En revanche, les comportements abusifs détachables de l'opération même de concentration peuvent constituer des pratiques anticoncurrentielles susceptibles d'être sanctionnées. Ils peuvent, notamment, tomber dans le champ de l'article L. 430-9 du Code de commerce, qui permet de défaire une concentration lorsque celle-ci a permis les abus. Tel peut être le cas, ainsi, alors même que la concentration aurait été autorisée ex ante, lorsque l'entreprise en cause a commis une exploitation abusive d'une position dominante ou d'un état de dépendance économique.

Ainsi, tant en droit de l'Union européenne qu'en droit interne, les opérations de concentration sont régies par un ensemble de règles propres, distinct de celles applicables au contrôle des pratiques anticoncurrentielles.

Au titre des règles régissant le contrôle des concentrations d'entreprise, une opération de concentration peut faire l'objet d'un contrôle ex ante par l'Autorité ou par la Commission européenne, dès lors que les seuils posés par l'article L. 430-2 du Code de commerce ou l'article 1er du règlement n° 139/2004 sont franchis. Néanmoins, une opération de concentration qui n'atteindrait pas les seuils définis à l'article 1er du règlement n° 139/2004 peut être renvoyée par l'Autorité à la Commission lorsque les conditions prévues à l'article 22 du règlement précité sont remplies et ce, alors même qu'elle ne serait pas soumise à une notification obligatoire au regard des dispositions du Code de commerce. Mais, au cas d'espèce, l'opération de concentration litigieuse n'a pas donné lieu à un tel renvoi à la Commission.

Compte-tenu de ce qui précède, l'Autorité a écarté le grief d'abus de position dominante et déclaré qu'il n'y avait pas lieu de poursuivre la procédure.

I. Les constatations

A. RAPPEL DE LA PROCEDURE

1. Par lettre enregistrée le 15 novembre 2017 sous le numéro 17/0219F (2), la société towerCast a, en application du II de l'article L. 462-5 du Code du commerce, saisi l'Autorité de la concurrence (ci-après " l'Autorité ") d'une pratique mise en œuvre dans le secteur de la diffusion hertzienne de la télévision numérique terrestre (ci-après " la TNT ").

2. Elle soutient qu'en prenant le contrôle d'Itas (ci-après " l'opération "), la société TDF a substantiellement entravé la concurrence sur les marchés de gros amont et aval de la diffusion de la TNT, en renforçant significativement sa position dominante sur ces marchés, et, ce faisant, méconnu les dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce.

3. Après avoir été sollicités par courriers du rapporteur général de l'Autorité du 1er décembre 2017 (3), l'ARCEP et le CSA ont transmis, respectivement le 23 février 2018 et le 26 février 2018, leur avis sur la saisine de l'Autorité par la société towerCast (4).

4. Le 25 juin 2018, les services d'instruction ont adressé une notification des griefs aux sociétés TDF Infrastructure S.A.S, TDF Infrastructure Holding S.A.S, Tivana France Holdings S.A.S, Tivana Midco S.A.R.L., Tivana Topco S.A., puis un rapport le 19 avril 2019.

B. LE SECTEUR ET LES ENTREPRISES CONCERNEES

1. LE SECTEUR

a) La chaîne de valeur du secteur audiovisuel

5. Il ressort de la pratique décisionnelle de l'Autorité que la chaîne de valeur du secteur audiovisuel comporte quatre activités principales (voir notamment les décisions de l'Autorité n° 16-D-11 du 6 juin 2016 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la diffusion de la télévision par voie hertzienne terrestre, paragraphe 6 et n° 17-D-11 du 25 juillet 2017 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la publicité télévisuelle, paragraphes 5 à 9).

6. En premier lieu, l'activité de production vise à concevoir et réaliser des programmes tels que des films ou des émissions de télévision. Les chaînes de télévision constituent le principal mode d'exploitation et de financement des productions audiovisuelles.

7. En deuxième lieu, l'activité d'édition des contenus consiste en la réalisation de grilles de programmes. Les éditeurs de services de télévision définissent la thématique et la ligne éditoriale de leurs chaînes et, sur cette base, produisent en interne leurs propres programmes et acquièrent auprès de producteurs des droits de diffusion de contenus de diverses natures. Les éditeurs de services de télévision offrent ensuite aux différents distributeurs le droit de commercialiser leurs chaînes.

8. En troisième lieu, les distributeurs assurent la commercialisation des offres de télévision, sous forme de bouquets de chaînes accessibles par abonnement ou " à la carte ", auprès des consommateurs finals ainsi que la gestion de la relation avec ceux-ci. Les activités d'édition et de distribution dans le secteur de la télévision payante tirent l'essentiel de leurs revenus des abonnements payés par les consommateurs finals, alors que l'édition de chaînes gratuites est principalement rémunérée par les recettes générées par la publicité télévisuelle.

9. En quatrième et dernier lieu, les activités de transport et de diffusion correspondent aux prestations techniques consistant à acheminer des contenus de la régie des chaînes de télévision jusqu'aux récepteurs des téléspectateurs ou abonnés, qui accèdent aux contenus par l'intermédiaire de différentes plateformes : le câble, le satellite, l'ADSL, la fibre optique ou encore la plateforme hertzienne.

b) L'offre de chaînes de la plateforme hertzienne terrestre

La télévision numérique terrestre

10. L'offre gratuite de la TNT a été lancée le 31 mars 2005. La numérisation du signal permettant de diffuser plusieurs chaînes sur une même fréquence, l'offre hertzienne de télévision gratuite s'est, depuis, considérablement élargie.

11. Alors que six chaînes seulement étaient diffusées en analogique, l'offre de la TNT gratuite comprend aujourd'hui les 26 chaînes suivantes (hors chaînes locales de France Télévisions), toutes diffusées en haute définition (ci-après " HD ") depuis le 5 avril 2016, à l'exception de LCI (5) :

- les chaînes nationales publiques France 2, France 3 (la chaîne propose également des programmes régionaux et locaux), France 4, France 5, France Ô et France info (groupe France Télévisions), Arte et La Chaîne Parlementaire (LCP-Assemblée nationale et Public Sénat) ;

- TF1, TMC, TFX, TF1 Séries Films et LCI (groupe TF1) ;

- M6, W9 et 6ter (groupe Métropole Télévision) ;

- C8, CStar et CNews (Groupe Canal Plus) ;

- NRJ12 et Chérie 25 (groupeNRJ) ;

- BFM TV, RMC Découverte et RMC Story (cette chaîne appartenait à la société Diversité TV France jusqu'à son rachat par le groupe NextRadioTV en juillet 2017) ;

- L'Équipe (groupe Amaury) ;

- Gulli (cette chaîne appartenait au groupe Lagardère avant son rachat par le groupe M6 en juin 2019).

12. Lors de son lancement en 2005, l'offre payante de la TNT était composée de onze chaînes. Elle s'est ensuite progressivement réduite et inclut aujourd'hui cinq chaînes, à savoir Canal+, Canal+ Cinéma, Canal+ Sport, Paris Première et Planète+. À l'exception de Paris Première, toutes ces chaînes sont diffusées en HD (6).

Le regroupement des chaînes en multiplex

13. Les chaînes de télévision gratuite et payante qui se partagent une même fréquence sont regroupées au sein de " multiplex ". Chaque multiplex a pour principal objet de conclure des contrats de diffusion avec les opérateurs présents sur le marché.

14. Le nombre de multiplex a évolué à plusieurs reprises depuis 2005, suivant l'évolution de l'offre, mais aussi les normes de compression de l'image et du son retenues (7).

15. Les chaînes sont désormais regroupées en six multiplex de la manière suivante :

[SCHEMA]

Une plateforme accessible à l'ensemble de la population

16. Entre mars 2005 et décembre 2007, la TNT a été progressivement déployée pour couvrir 85 % de la population métropolitaine (8). 129 zones de diffusion ont été nécessaires pour y parvenir. Ces zones composent le réseau dit " principal " de la TNT (ci-après " réseau principal ") qui couvre aujourd'hui 87 % de la population (9) et représente environ 66 % de la valeur du secteur de la diffusion de la TNT (10).

17. La loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur a défini un objectif de couverture de la population par les chaînes historiques en clair d'au moins 95 %, selon des modalités et un calendrier établis par le CSA, et introduit un dispositif incitatif pour les nouvelles chaînes de la TNT, menant celles-ci à souscrire des engagements complémentaires de couverture.

18. Au total, en décembre 2008, 1 626 zones de diffusion ont été définies par le CSA pour couvrir la population métropolitaine (11).

19. Afin de mettre en œuvre ce déploiement, un réseau dit " complémentaire " ou " secondaire " (ci-après " réseau complémentaire ") a été progressivement déployé sur environ 1 500 zones de diffusion, de taille plus restreinte que celles du réseau principal. Le réseau complémentaire couvre environ 10 % de la population métropolitaine (12) et représente environ 34 % de la valeur du secteur de la diffusion de la TNT (13).

20. À l'exception du multiplex R3 regroupant des chaînes payantes de la TNT, tenu de ne diffuser que sur 1 136 zones, les multiplex métropolitains couvrent les 1 626 zones précitées (14). L'ensemble de ces déploiements représente aujourd'hui 9 266 points de service (15), correspondant chacun à la diffusion d'un des six multiplex actuels sur une zone de diffusion.

21. Déployée sur environ 1940 zones de diffusion, la TNT couvre aujourd'hui 97,3 % de la population métropolitaine (16).

c) La diffusion technique de la TNT

La chaîne technique de diffusion

22. Une fois les signaux audiovisuels transportés des têtes de réseaux des multiplex, où sont agrégés les signaux en provenance des régies des chaînes, aux sites de diffusion, s'opère la diffusion des signaux jusqu'aux antennes des téléspectateurs. Les activités de transport et de diffusion constituent ainsi des prestations connexes.

23. La TNT est un moyen de diffuser en mode numérique la télévision via des ondes électromagnétiques appelées ondes hertziennes. Les sites de diffusion hertzienne terrestre sont généralement des points hauts, auxquels sont associés des bâtiments techniques au sol.

24. Sur ces sites, la chaîne technique de diffusion fonctionne généralement de la manière suivante :

- les signaux doivent être reçus sur le site, soit par un système de réception sans fil satellitaire ou terrestre, soit par des moyens filaires ;

- une fois les signaux reçus, un émetteur opère leur modulation et leur amplification ;

- les signaux sont ensuite pris en charge en sortie d'émetteur pour diffusion par voie hertzienne à partir d'un système antennaire (comprenant un multiplexeur au sol, ainsi significative sur ce marché et sur les obligations imposées à cet opérateur sur ce marché, p.18. qu'un support conducteur pour la propagation des ondes entre le multiplexeur et l'antenne, appelé " feeder ", et une antenne sur un pylône, une tour ou un bâtiment) ;

- l'ensemble des équipements et des installations nécessite une alimentation électrique qui peut être ou non sécurisée, ainsi qu'un système de ventilation et de climatisation (17).

25. Le schéma ci-dessous illustre cette chaîne technique de diffusion :

[SCHEMA]

L'ouverture progressive du secteur à la concurrence

26. La diffusion audiovisuelle par voie hertzienne terrestre a historiquement fait l'objet d'un monopole d'État confié à l'Office de radio et télévision française (ORTF) puis, à partir de 1975, à Télédiffusion de France.

27. L'article 51 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication a conféré à TDF le monopole de la diffusion et de la transmission, en France et vers l'étranger, par tous procédés analogiques de télécommunication, des programmes de l'audiovisuel public : Radio France, RFI, RFO et le groupe France Télévisions. Parallèlement à l'exécution de ces missions de service public, TDF était en situation de concurrence avec d'autres opérateurs pour offrir aux chaînes privées de radio et de télévision des services de diffusion hertzienne terrestre en mode analogique.

28. La loi n° 2003-1365 du 31 décembre 2003 relative aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom a transposé la directive communautaire n° 2002/77/CE du 16 septembre 2002 relative à la concurrence dans les marchés des réseaux et des services de communications électroniques, ouvrant ainsi le secteur de la diffusion hertzienne terrestre à la concurrence. En abrogeant l'article 51 de la loi de 1986 précité, elle a fait perdre à la société TDF le monopole de diffusion en mode analogique des programmes des entreprises publiques du secteur audiovisuel (voir notamment la décision n° 16-D-11 de l'Autorité précitée, paragraphes 8 à 10).

29. TDF s'est trouvé en concurrence pour offrir des services de diffusion, sur la TNT, dès son lancement en mars 2005.

Le développement de la concurrence

Le processus de mise en concurrence

30. Les multiplex choisissent leur diffuseur librement, indépendamment les uns des autres, au terme d'appels d'offres, en fonction des offres qui leur sont faites pour chacune des zones. Ainsi, un multiplex peut retenir des diffuseurs différents selon les zones (18).

31. Les multiplex préparent des appels d'offres en prévision de l'échéance des contrats de diffusion qui ont une durée déterminée, en général de cinq ans (19). Ils sont alors susceptibles de retenir, sur les zones concernées par ces appels d'offres, d'autres diffuseurs que ceux en place.

32. Pour répondre à ces appels d'offres, les diffuseurs construisent des offres dans lesquelles ils précisent le site à partir duquel ils comptent opérer la diffusion, ainsi que les équipements qu'ils jugent les mieux adaptés pour remplir les critères techniques définis par le CSA, à un prix concurrentiel (20).

33. Sur une même zone, les multiplex peuvent être diffusés par des diffuseurs différents depuis des sites différents. Des diffuseurs différents peuvent également opérer depuis un même site. Dans le cas où l'un d'eux ne dispose d'aucune infrastructure en propre sur une zone donnée, il peut demander à accéder au site d'un autre.

Offres d'accès et modèles de développement de la concurrence

34. Selon la pratique décisionnelle de l'Autorité, deux marchés de gros des services de diffusion de la TNT doivent être distingués (21) :

- le marché de gros aval, lieu de rencontre de la demande des multiplex et de l'offre de services des diffuseurs ;

- le marché de gros amont, correspondant à un marché de l'accès aux infrastructures de diffusion, lieu de rencontre de la demande de diffuseurs ne disposant pas de leurs propres infrastructures de diffusion et de l'offre de diffuseurs gestionnaires de sites de diffusion.

35. Le marché de gros amont est régulé depuis 2006 par l'ARCEP qui a imposé un certain nombre d'obligations à TDF (voir développements infra aux paragraphes 45 à 56).

36. Dans son avis n° 2018-0148 précité, l'ARCEP indique que le marché de gros aval, constitué de 9 266 points de service, représentait en 2016 un chiffre d'affaires de 185 millions d'euros (22). Il ressort en outre des données communiquées par les opérateurs au cours de l'instruction que le marché de gros amont, constitué d'environ 1 300 points de service (23), représentait cette même année un chiffre d'affaires de [12-19] millions d'euros (24).

37. Il est possible d'identifier trois modèles de développement de la concurrence, selon le niveau d'investissement réalisé par le diffuseur alternatif (voir l'avis n° 15-A-10 de l'Autorité précité, paragraphe 30) :

- la concurrence par les services : le diffuseur alternatif installe ses équipements de réception, de traitement de signal et d'émission (ci-après " équipements de base ") à l'intérieur ou à l'extérieur des bâtiments de TDF, puis utilise le système antennaire de TDF. Dans cette configuration, le diffuseur alternatif achète les offres de gros " Hébergement-TNT " (pour l'hébergement de ses équipements de base) et " DiffHF-TNT " (pour l'utilisation du système antennaire de TDF). L'ARCEP souligne à cet égard que, compte tenu du fait que les prestations de gros amont représentent 75 % des coûts supportés par les diffuseurs alternatifs pour fournir leurs services à l'aval, cette situation conduit à une marge de différenciation limitée entre les diffuseurs (25). Fin 2016, elle représentait 17% des points de service TNT opérés par towerCast, unique diffuseur alternatif (26) ;

- la concurrence partielle par les infrastructures : le diffuseur alternatif installe ses équipements de base à l'intérieur ou à l'extérieur des bâtiments de TDF, ainsi que son propre système antennaire. Dans cette configuration, le diffuseur alternatif achète uniquement l'offre de gros " Hébergement-TNT " pour l'hébergement de ses équipements de base, ainsi que pour l'hébergement de son système antennaire. Celle- ci, apparue en 2010 (voir l'avis n° 15-A-10 de l'Autorité précité, paragraphe 28), n'est plus promue depuis fin 2015 (voir infra). Fin 2016, elle représentait 45 % des points de service TNT opérés par towerCast (27) ;

- la concurrence totale par les infrastructures : le diffuseur alternatif exploite son propre site de diffusion. Dans ce cas, il ne souscrit pas aux offres de gros de TDF dont il est indépendant. Fin 2016, elle représentait 38 % des points de service TNT opérés par towerCast (28).

État des lieux du développement concurrentiel

38. S'agissant de la concurrence sur le marché aval, il ressort du rapport d'activité de l'ARCEP pour l'année 2016 qu'à la fin de cette même année, l'unique diffuseur alternatif, towerCast, opérait au niveau national 22,5 % des points de service de la TNT et que l'opération a conduit à cette date à une perte de 40 % des points de service opérés par des opérateurs alternatifs (29).

39. S'agissant de la concurrence par les infrastructures, il ressort de l'observatoire de la diffusion de la TNT en France publié par l'ARCEP que fin 2016, 8,9 % des points de service étaient diffusés depuis des sites alternatifs à ceux de TDF (30).

40. Au cours de l'instruction, towerCast a indiqué avoir déployé, fin 2016, des sites sur 172 zones de diffusion de la TNT (31), couvrant 10,6 % des 1626 zones métropolitaines. Parmi ces sites, 24 appartenaient au réseau principal (32), couvrant 36,4 % des zones du réseau principal réplicable. Parmi les 129 zones du réseau principal, 66 peuvent comporter des sites répliqués. En effet, parmi ces zones, 64 sont des zones comportant des sites réputés non réplicables par l'ARCEP (voir annexe tarifaire de l'offre de référence DiffHF-TNT pour l'année 2017, relative aux sites non réplicables du réseau principal (33)) dont 1 a été répliqué par Itas Tim (avis n° 2018-0148 de l'ARCEP précité (34)).

41. Le diagramme reproduit ci-dessous représente l'évolution du nombre de sites towerCast depuis 2008 (35).

[DIAGRAMME]

42. Les données communiquées par l'ARCEP dans son avis n° 2018-0148 précité conduisent à des pourcentages proches : selon l'ARCEP, les sites de towerCast couvraient, fin 2016, 10,9 % des 1626 zones métropolitaines et 34,8 % des zones du réseau principal réplicable (36).

43. Par ailleurs, towerCast a investi pour développer la concurrence partielle en infrastructures. Fin 2016, d'après les éléments communiqués par TDF, towerCast diffusait 951 points de service depuis des systèmes antennaires qu'il avait installés sur les sites gérés par TDF.

44. Le diagramme reproduit ci-dessous montre l'évolution du nombre de systèmes antennaires de towerCast installés sur des sites de TDF (37).

[DIAGRAMME]

La régulation mise en place par l'ARCEP

45. Dans sa recommandation du 11 février 2003 concernant les marchés pertinents de produits et de services dans le secteur des communications électroniques susceptibles d'être soumis à une réglementation ex ante (38), la Commission européenne avait considéré que le marché de gros de la diffusion audiovisuelle hertzienne terrestre faisait partie de ceux qui pouvaient se prêter à une régulation ex ante.

46. En 2006, considérant que " la mise en place d'un dispositif de régulation ex ante sur le marché de gros amont [avait] notamment pour objectif, en permettant à la concurrence entre diffuseurs de se développer, de rendre le marché de gros aval plus concurrentiel " (décision n° 06-0160 de l'ARCEP du 6 avril 2006, p. 8), l'ARCEP a mis en place un dispositif de régulation ex ante sur le marché de gros amont des services de diffusion de la télévision hertzienne terrestre.

47. L'ARCEP a défini quatre dispositifs successifs de régulation sectorielle, chacun applicable trois ans. Par décision en date du 16 avril 2019 (39), l'ARCEP a prolongé de deux ans le quatrième cycle de régulation.

48. Dans ce cadre, l'ARCEP a imposé à TDF des obligations :

- d'accès ;

- de non-discrimination, impliquant que TDF applique des conditions équivalentes dans des circonstances équivalentes aux opérateurs alternatifs fournissant des services équivalents (non-discrimination externe) et que TDF fournisse aux opérateurs alternatifs des services et informations dans les mêmes conditions et avec la même qualité que ceux qu'il assure pour ses propres services (non-discrimination interne) (voir, en ce sens, la décision n° 2015-1583 de l'ARCEP précitée, p. 64) ;

- de transparence impliquant notamment que TDF publie une offre de référence technique et tarifaire d'accès ;

- de comptabilisation des coûts et de séparation comptable ;

- de contrôle tarifaire.

49. Les modalités de cette régulation, en particulier celles relatives aux obligations de contrôle tarifaire, ont évolué au fil du temps.

50. Conformément aux dispositions du IV de l'article L. 38 du Code des postes et des communications électroniques, afin d'apprécier le caractère proportionné de l'obligation d'accès qu'elle est susceptible d'imposer à l'opérateur exerçant une influence significative sur un marché, l'ARCEP doit notamment prendre en considération " la nécessité de préserver la concurrence à long terme en apportant une attention particulière à la concurrence effective fondée sur les infrastructures ".

51. Lors du premier cycle de régulation (2006-2009), afin d'éviter que TDF soit en mesure d'augmenter indûment le tarif de son offre sur les sites où la concurrence en infrastructures était la moins probable et/ou de baisser son prix là où une concurrence en infrastructures était la plus probable, l'ARCEP a imposé à TDF l'obligation de ne pratiquer ni des tarifs d'éviction, ni des tarifs excessifs (décisions n° 06-160 et n° 06-161 de l'ARCEP du 6 avril 2006).

52. Lors du deuxième cycle de régulation (2009-2012), l'ARCEP, observant que " le déploiement d'infrastructures alternatives à celles de TDF [dépendait] fortement de la typologie des sites " (décision n° 2009-0484 de l'ARCEP précitée, p. 53), a imposé à TDF des obligations de contrôle tarifaire, distinctes selon que les tarifs s'appliquaient à des sites réplicables ou à des sites réputés non réplicables en application de critères objectifs. Sur ces derniers, afin d'éviter que TDF bénéficie d'une rente, il lui a été imposé de pratiquer des tarifs orientés vers les coûts. Sur les sites réplicables, l'ARCEP continuait d'interdire à TDF de pratiquer des tarifs d'éviction ou des tarifs excessifs.

53. Lors du troisième cycle de régulation (2012-2015), l'ARCEP a notamment maintenu l'obligation d'orienter les tarifs vers les coûts sur un certain nombre de sites réputés non réplicables et précisé les notions de non-éviction et de non-excessivité, " tant pour assurer à TDF une plus grande sécurité juridique que pour permettre aux opérateurs alternatifs de mieux anticiper les évolutions tarifaires de TDF " (décision n° 2012-1137 de l'ARCEP du 11 septembre 2012 portant sur la définition du marché pertinent de gros des services de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique, sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les obligations imposées à cet opérateur sur ce marché, p. 57). Par ailleurs, l'ARCEP a levé l'interdiction de pratiquer des tarifs excessifs sur les sites de TDF déjà répliqués, considérant que le jeu de la concurrence devait suffire à dissuader TDF de pratiquer des tarifs excessifs sur les zones concernées.

54. Pour définir le quatrième cycle de régulation (2015-2018), l'ARCEP a estimé, au vu notamment de la réduction du nombre de multiplex, qu'il était " justifié d'envisager une levée progressive de la régulation, tout en veillant à préserver l'équilibre économique de la plateforme TNT " (décision n° 2015-1583 de l'ARCEP précitée, p. 63). L'ARCEP a précisé que " l'objectif principal " du cycle était " de continuer à lever les freins à la concurrence par les infrastructures pour inciter à des investissements mutualisés selon un modèle de " tower company ", tout en encourageant les multiplex [...] à prendre pleinement conscience du rôle essentiel qu'ils ont à jouer pour faire vivre la concurrence " (40).

55. L'ARCEP a ainsi considéré qu'il convenait :

- " premièrement, de continuer à lever les freins à la concurrence par les infrastructures dès lors que les investissements consentis ne seraient pas spécifiques à la TNT ;

- deuxièmement, de simplifier et d'alléger les obligations mises en œuvre sur le marché, afin d'engager le marché dans un processus qui doit conduire à terme à une levée de la régulation ex ante ;

- troisièmement, d'assurer une prévisibilité nécessaire aux acteurs du marché ;

- quatrièmement, de sécuriser les investissements passés réalisés par les diffuseurs alternatifs.

L'ARCEP estime que, de cette manière, elle contribuera à l'émergence d'un marché efficace, économiquement et techniquement, en permettant à la concurrence d'atteindre une masse critique sur le marché de gros amont de la diffusion TNT, et de jouer ainsi pleinement son rôle au regard des missions et objectifs de régulation que le législateur lui a assignés " (décision n° 2015-1583 de l'ARCEP précitée, p. 63-64).

56. S'agissant des obligations de contrôle tarifaire, l'ARCEP a décidé de maintenir l'obligation d'orientation des tarifs vers les coûts sur les sites réputés non réplicables, ainsi que l'obligation de non-éviction sur les sites réplicables et l'obligation de non-excessivité sur les sites réplicables non répliqués, tout en n'affichant plus de critères conduisant à présumer de la non-excessivité des tarifs d'accès (décision n° 2015-1583 de l'ARCEP précitée, p. 82). En outre, l'ARCEP a considéré que, dans un contexte d'attrition du marché, il était justifié de ne plus inciter les diffuseurs alternatifs à investir dans des infrastructures non transférables et non mutualisables avec des activités comme la diffusion de la radio ou l'hébergement des équipements des opérateurs mobiles. À cet égard, elle a levé l'obligation imposée à TDF, sur l'ensemble de ses sites, de proposer une offre d'hébergement d'antennes alternatives sur ses pylônes. Elle a en revanche imposé à TDF le maintien des prestations d'hébergement antennaire déjà offertes (décision n° 2015-1583 de l'ARCEP précitée, p. 69). Enfin, l'ARCEP a décidé de ne plus imposer à TDF de publier des tarifs d'accès pour les sites ayant fait l'objet d'une réplication totale. Dans ce cas, TDF doit transmettre ces informations à l'ARCEP et, sur demande, à un diffuseur alternatif autre que celui qui a répliqué son infrastructure (décision n° 2015-1583 de l'ARCEP précitée, article 6).

Le mouvement continu de concentration du secteur

57. Ouvert à la concurrence dès son lancement en 2005, le secteur de la diffusion de la TNT a connu depuis un mouvement de concentration continu.

58. En octobre 2006, TDF a acquis son concurrent Antalis TV, puis, près de deux ans plus tard, un autre de ses concurrents Emettel, opérateur de diffusion en mode analogique (41).

59. En octobre 2014, Onecast, filiale à 100 % du groupe TF1 qui fournissait depuis 2007, uniquement sur le réseau principal, des offres de diffusion de la TNT à partir des sites de TDF (à l'exception de deux sites détenus en propre), a cédé la totalité de ses actifs à Itas Tim, filiale du groupe Itas, spécialisée dans les infrastructures de diffusion et la construction de pylônes. Le nombre de concurrents de TDF pour diffuser la TNT est ainsi passé de trois à deux (voir la décision n° 16-D-11 de l'Autorité précitée, paragraphe 56).

60. Le 13 octobre 2016, TDF a annoncé avoir acquis Itas Tim (42).

61. Il ne reste par conséquent aujourd'hui sur le marché que deux diffuseurs : TDF et Towercast.

2. LES ENTREPRISES CONCERNEES

a) TowerCast

62. La société towerCast, partie saisissante, est une société par actions simplifiée à associé unique, créée en 1986, immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 338 628 134 (43) et filiale à 100% du groupe NRJ. Historiquement positionnée sur la diffusion de la radio FM, elle propose des services de diffusion de la TNT depuis le lancement de celle-ci en 2005. Pour l'ensemble de ses activités, towerCast disposait d'un parc de 498 sites en propre au 31 décembre 2016 (44).

63. Pour la diffusion de la TNT, towerCast disposait, au 31 décembre 2017 de 183 sites en propre (soit une augmentation de 11 sites par rapport à fin 2016 et de 22 sites par rapport à fin 2015), dont 13,7 % sur le réseau principal de la TNT (45).

64. Au 31 octobre 2017, 40 % des points de service de towerCast étaient diffusés depuis ses propres sites (46), les autres points de service étant diffusés depuis des sites de TDF, à partir du système antennaire de ce dernier (16 % des points de service de towerCast) ou de son propre système antennaire (44 % des points de service de towerCast) (47).

65. En 2016, towerCast a réalisé un chiffre d'affaires de 73 millions d'euros (48), dont environ 41millions d'euros grâce à son activité de diffusion de la TNT (49).

66. Pour l'année 2017, NRJ Group avait anticipé une diminution du chiffre d'affaires de towerCast sur l'activité de diffusion de la TNT, compte tenu de la répercussion, en année pleine, de l'arrêt de la diffusion des multiplex R5 et R8 (50). De fait au 31 décembre 2017, le chiffre d'affaires a diminué de près de 10 % par rapport au 31 décembre 2016 (51).

b) TDF

67. Créée en 1975, Télédiffusion de France a d'abord été un établissement public à caractère industriel et commercial, avant de devenir, en 1987, une société anonyme à capital majoritairement public puis, en 2004, une société à capitaux privés, alors renommée " TDF " (52).

68. Le 31 mars 2015, les sociétés composant le groupe TDF ont été cédées à des véhicules d'investissement détenus par un consortium composé de Brookfield Asset Management Inc. (actionnaire de référence), APG Asset Management N.V. et Public Sector Pension Investment Board. Le 19 mai 2015, Crédit Agricole, via sa filiale Prévoyance Dialogue du Crédit Agricole (Predica), est entré au capital de TDF (53).

69. Celui-ci se répartit comme suit :

- 45 % détenus par Brookfield Asset Management Inc. ;

- 22,5 % détenus par APG Asset Management N.V. ;

- 22,5 % détenus par Public Sector Pension Investment Board ;

- 10 % détenus par Predica (54).

70. Ces actionnaires contrôlent indirectement (55) la société luxembourgeoise Tivana Topco, société anonyme de droit luxembourgeois immatriculée au RCS du Luxembourg sous le numéro B191489, sise 37a avenue J.F. Kennedy, 1855 Luxembourg (56), à l'exception de Predica qui détient une participation directe dans Tivana Topco (57). Tivana Topco détient 100% du capital de la société Tivana Midco (58), société anonyme à responsabilité limitée immatriculée au RCS du Luxembourg sous le numéro B187123, sise à la même adresse (59).

71. Tivana Midco détient 98,5 % du capital de la société holding française Tivana France Holdings (60), société par actions simplifiée. Son conseil d'administration prend les principales décisions concernant les sociétés du groupe TDF (61).

72. La société TDF Infrastructure Holding, société par actions simplifiée à associé unique est une filiale à 100 % de la société Tivana France Holdings (62).

73. La société TDF Infrastructure, société par actions simplifiée à associé unique est une filiale à 100 % de la société TDF Infrastructure Holding (63).

74. La société TDF, société par actions simplifiée à associé unique est une filiale à 100 % de la société TDF Infrastructure (64). Les activités de diffusion hertzienne terrestre du groupe TDF sont portées par cette société et ses filiales, parmi lesquelles les sociétés du groupe Itas (65).

75. Au 31 décembre 2016, le groupe TDF a réalisé un chiffre d'affaires de [600-700] millions d'euros HT, dont une grande partie, soit [600-700] millions d'euros HT en France (66).

76. À cette date, les principales activités du groupe sont l'hébergement d'équipements des opérateurs mobiles ([200-300 millions d'euros de chiffre d'affaires]), la diffusion de services de télévision ([100-200 millions d'euros de chiffre d'affaires]) et la diffusion de services de radio ([100-200 millions d'euros de chiffre d'affaires]) (67).

77. Le chiffre d'affaires réalisé par la société TDF grâce à son activité de diffusion de la TNT en France s'est élevé à [110-130] millions d'euros en 2016 (68).

78. TDF dispose d'un parc de 11 850 points hauts (69) dont 1 631 sites de diffusion de la TNT fin 2016 (70).

c) Le groupe Itas

79. Le groupe Itas (ci-après " Itas ") est actif dans le secteur de la diffusion de la TNT depuis novembre 2008, à travers sa filiale Itas Tim (71). Il est également actif, dans une moindre mesure, dans les secteurs de la diffusion de la radio analogique et la conception, fabrication et installation de pylônes (72).

80. Jusqu'à son rachat par TDF, la société de tête du groupe était la société Itas S.A.S. qui détenait indirectement la société Itas Tim, elle-même mère de plusieurs sociétés dont la société Onecast (73). Son modèle économique était établi sur l'implantation de sites de diffusion alternatifs à ceux de TDF (voir l'avis n° 15-A-10 de l'Autorité précité, paragraphe 23).

81. Pour la diffusion de la TNT, Itas disposait, au jour de la réalisation de l'opération, de 359 sites en propre (en augmentation de 19,3 % par rapport à fin 2015 et de 26,9 % par rapport à fin 2014) (74), soit plus de deux fois plus de sites que towerCast qui disposait à cette même date de 169 sites (75). Parmi les 359 sites d'Itas, 21 étaient situés sur le réseau principal et 338 sur le réseau complémentaire (76).

82. En 2015, Itas a réalisé un chiffre d'affaires de [40-50] millions d'euros (77), dont 90 % en France (78).

83. Itas a été acquis par TDF Infrastructure le 13 octobre 2016 (79).

C. LES FAITS OBJETS DU LITIGE

1. L'OPERATION DE CONCENTRATION

84. La prise de contrôle exclusif d'Itas par TDF a été formalisée par un protocole d'investissement conclu le 23 juin 2016 entre TDF Infrastructure et M. Gilles Bastard et modifié par avenant le 30 juin 2016 (80). Le 13 octobre 2016, TDF Infrastructure a acquis l'intégralité des actions de la société Itas, matérialisant ainsi la prise de contrôle (81).

85. Dans la mesure où cette opération ne franchissait pas les seuils prévus à l'article L. 430-2 du Code de commerce (82), elle n'a pas été soumise à la procédure de contrôle préalable des concentrations de l'Autorité prévue à l'article L. 430-3 du Code de commerce.

2. LES OBJECTIFS ECONOMIQUES DE L'OPERATION EXPOSES PAR TDF

86. Les objectifs économiques de l'opération sont présentés dans les communiqués de presse de TDF des 30 juin et 13 octobre 2016 (83).

87. Dans le communiqué de presse du 30 juin 2016, intitulé " Rapprochement entre les groupes TDF et Itas " (84), TDF indique : " La concurrence actuelle entre les plateformes de diffusion de télévision, avec la montée en puissance de la fibre et de l'ADSL, et la réduction du spectre alloué à la TNT, suite au second dividende numérique d'avril 2016, obligent les diffuseurs audiovisuels à innover et à investir pour garantir la pérennité de la plateforme TNT. Dans ce contexte, la complémentarité entre les savoir-faire de TDF Groupe et d'ITAS TIM sur l'ensemble du territoire permet d'enrichir l'offre pour les clients audiovisuels. Ce rapprochement constitue une opération rationnelle dont l'objectif premier est de créer de la valeur pour l'ensemble des acteurs de la télévision dans un paysage concurrentiel dynamique ".

88. Dans le communiqué de presse du 13 octobre 2016, intitulé " Le groupe TDF rachète Itas " (85), TDF précise : " Avec l'intégration d'ITAS TIM, le groupe TDF renforce ses activités de diffusion TV et radio en se dotant d'un réseau complémentaire de près de 400 sites répartis sur tout le territoire. Cette acquisition, génératrice de synergies industrielles, permet au groupe TDF de garder un niveau élevé d'investissement dans la plateforme de diffusion de la TNT. Le groupe se donne ainsi les moyens de développer une offre technologique innovante tout en maîtrisant les coûts de diffusion de ses clients audiovisuels ".

89. TDF a ensuite souligné que, dans un contexte de contraction du marché, l'objectif poursuivi était, par la mise en commun des savoir-faire des deux groupes, la réalisation de synergies et une meilleure mutualisation des infrastructures, de " maintenir les investissements et l'innovation dans la plateforme TNT (...) tout en préservant la diversité et la complémentarité des offres ", afin " in fine de renforcer la compétitivité de l'écosystème de la diffusion audiovisuelle hertzienne, au bénéfice de l'ensemble des acteurs " (86).

90. Selon TDF, les groupes TDF et Itas seraient complémentaires sur les plans du savoir-faire technique - le groupe Itas aurait des " compétences élevées en matière de pilotage de projets " - et de la demande du marché - TDF fournirait des offres à des standards de qualité élevés et Itas Tim aurait " développé une compétence en matière d'offres à bas coûts adaptées à la demande différenciée de certains clients ayant des attentes plus réduites en termes de qualité de service de diffusion " (87).

91. En outre, l'intégration des sites de diffusion d'Itas Tim au réseau de TNT permettrait, selon TDF, de réaliser des synergies au niveau des fonctions support (les activités commerciales, de chef de projet et de support commercial des sites d'Itas Tim étant prises en charge par les équipes de TDF), de la maintenance des sites de diffusion (la maintenance des sites d'Itas Tim étant réalisée par les équipes de TDF) et de la télégestion des sites de diffusion (le système de télégestion d'Itas Tim ayant vocation à disparaître à moyen terme) (88). Les synergies présentées par TDF résulteraient ainsi d'une mutualisation des fonctions préexistantes de TDF sur un plus grand nombre de sites et d'une suppression des fonctions correspondantes au sein d'Itas Tim. TDF soutient en outre que l'opération conduirait à une " meilleure mutualisation des infrastructures " (89).

92. TDF estime ainsi qu'en lui permettant de générer des gains d'efficience et de renforcer les capacités d'investissement dans la plateforme TNT, l'opération contribuerait au " maintien de la compétitivité de l'écosystème TNT ", au bénéfice de l'ensemble des acteurs dont le modèle économique est fondé sur cette technologie (90), dans un contexte d'augmentation de la pression concurrentielle exercée par les plateformes filaires et de contraction du marché de la TNT avec la suppression de deux multiplex en avril 2016 (91).

93. Enfin, TDF considère que l'opération ferait bénéficier les multiplex d'un acteur " plus agile, capable d'offrir des services de diffusion de haute qualité à des niveaux de coûts plus bas tout en maintenant un niveau d'investissement élevé sur la plateforme " (92).

3. LES CONSEQUENCES DE L'OPERATION SUR L'UTILISATION DU PARC DE SITES DE TDF AUGMENTE DE CELUI D'ITAS

94. Il ressort d'une présentation interne de TDF en date du 16 juin 2016 qu'après l'opération, Itas devait conserver une personnalité juridique propre (93), ainsi que l'ensemble de ses sites (94).

95. Le dispositif retenu conduit TDF, sur les zones où il dispose désormais de deux sites de diffusion, à retenir un seul des deux sites pour l'ensemble des nouveaux contrats de diffusion de la TNT qu'il conclura pour cette zone (aussi bien sur le marché de gros aval que sur le marché de gros amont) (95). Après examen, TDF a effectué un arbitrage pour 80 zones, celles devant donner lieu à un appel d'offres sur le marché aval entre le 1er juin 2017 et le 31 mai 2018 (96) : TDF a retenu le site d'Itas pour 39 d'entre elles (97). Un arbitrage reste à réaliser pour l'ensemble des zones restantes (98).

96. S'agissant du marché de gros amont, deux cas de figure se présentent :

- si le site retenu est celui de TDF, TDF s'engage à faire figurer les tarifs correspondants dans l'offre de référence publiée conformément à la décision n° 2015-1583 de l'ARCEP précitée (99). En outre, les tarifs de gros amont doivent à nouveau respecter l'obligation de ne pas pratiquer des tarifs excessifs imposée à TDF en application de la décision précitée (100) ;

- si le site retenu est celui d'Itas Tim, TDF s'engage à formuler une offre d'accès sur mesure sur le marché de gros amont, communiquée à l'ARCEP ainsi qu'à tout opérateur de diffusion tiers qui en ferait la demande, au moins un mois avant le premier tour de la réponse à un appel d'offres le concernant (101). Dans ce cas, les tarifs de gros amont doivent être compris entre les seuils de non-éviction et de non- excessivité, imposés par la décision précitée (102).

97. À ce stade, sur l'ensemble des arbitrages réalisés, TDF indique que " seule une zone de diffusion est opérée actuellement par Towercast sur un site in fine non retenu par TDF ", pour un point de service particulier (zone de Dijon/Nuits-Saint-Georges, dans laquelle towerCast diffuse le multiplex R7 à partir du site d'Itas Tim (103)). TDF précise que " dans l'hypothèse où la société Towercast remporterait le prochain appel d'offres [du multiplex concerné] sur cette zone, TDF se tiendrait bien évidemment à la disposition de Towercast afin d'étudier les éventuelles conséquences du transfert des équipements de Towercast sur le site retenu par TDF " (104).

D. RAPPEL DU GRIEF NOTIFIE

98. Le 25 juin 2018, le grief suivant a été notifié :

" Il est fait grief aux sociétés :

- TDF Infrastructure, société anonyme à associé unique immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 492 520 333, sise 155bis avenue Pierre Brossolette, 92120Montrouge, en raison de sa participation directe ;

- TDF Infrastructure Holding, société par actions simplifiée à associé unique immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 492 520 622, sise 155bis avenue Pierre Brossolette, 92120 Montrouge, en sa qualité de société mère exerçant une influence déterminante sur TDF Infrastructure ;

- Tivana France Holdings, société par actions simplifiée, immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 808 832 463, sise 155bis avenue Pierre Brossolette, 92120Montrouge, en raison de sa participation directe et en sa qualité de société mère exerçant une influence déterminante sur TDF Infrastructure ;

- Tivana Midco, société à responsabilité limitée, immatriculée au RCS de Luxembourg sous le numéro B187123, sise 37a avenue J.F. Kennedy, L-1855 Luxembourg, en sa qualité de société mère exerçant une influence déterminante sur TDF Infrastructure et Tivana France Holdings ;

- Tivana Topco, société anonyme, immatriculée au RCS de Luxembourg sous le numéro B191489, sise 37a avenue J.F. Kennedy, L-1855 Luxembourg, en sa qualité de société mère exerçant une influence déterminante sur TDF Infrastructure et Tivana France Holdings, à la date du 13 octobre 2016, en tant que constituant une seule entreprise au sens du droit de la concurrence, d'avoir abusé de la position dominante détenue par celle-ci sur le marché de gros aval des services de diffusion de la TNT, en prenant le contrôle exclusif du groupe Itas.

Cette pratique est susceptible d'avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché de gros aval des services de diffusion de la TNT. Elle est prohibée par l'article L. 420-2 du Code de commerce et par l'article 102 TFUE ".

II. Discussion

A. SUR LA PROCEDURE

1. SUR LA DEMANDE D'AUDITION AU TITRE DE L'ARTICLE L. 463-7 DU CODE DE COMMERCE

99. Par un courrier du 16 juillet 2019, les conseils de TDF ont sollicité l'audition de M. Bruno Lasserre, en sa qualité d'ancien président de l'Autorité (jusqu'au 30 septembre 2016) et de Mme Virginie Beaumeunier, en sa qualité d'ancienne rapporteure générale de l'Autorité (jusqu'au 2 mars 2017) lors de la séance du 5 novembre 2019 sur le fondement de l'article L. 463-7 du Code de commerce. Ils faisaient valoir que cette audition serait utile à l'instruction, compte tenu des échanges ayant eu lieu avec les intéressés préalablement à l'opération de concentration litigieuse en juin 2016.

100. Selon le deuxième alinéa de l'article L. 463-7 du Code de commerce, " l'Autorité de la concurrence peut entendre toute personne dont l'audition lui paraît susceptible de contribuer à son information ".

101. La Cour de cassation a considéré, dès 1999, que l'audition de témoins était une faculté laissée à l'appréciation du rapporteur ou de l'Autorité, eu égard au contenu du dossier (arrêt de la Cour de cassation du 15 juin 1999, société Lilly France, n° 97-15185. Voir également la décision n° 03-D-12 du 3 mars 2003 concernant le secteur des escaliers préfabriqués en béton, paragraphes 62-63, confirmée par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 25 novembre 2003, SAS Préfall e.a., BOCCRF du 12 mars 2004, confirmé par l'arrêt de la Cour de cassation du 22 février 2005, SAS Préfall e.a., n° 03-20.928. Voir également, en ce sens, l'arrêt de la Cour de cassation du 5 mars 1996, société Total e.a., n° 94-17.699, l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 11 octobre 2012, société Entreprise H. Chevalier nord, n° 2011/03298, p. 38, non remis en cause sur ce point par l'arrêt de la Cour de cassation du 18 février 2014, société Entreprise Pradeau et Morin e.a., n° 12-27.634 et par l'arrêt de la cour d'appel du 28mai 2015, société Degaine S.A.S. e.a., n° 2014/09272, l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 24 juin 2014, société E-Kanopi, n° 2013/06758, p. 5, confirmé par l'arrêt de la Cour de cassation du 19 janvier 2016, société E-Kanopi, n° 14-21.670, p. 7).

102. En l'espèce, l'Autorité a considéré qu'au regard des éléments présents au dossier, elle pouvait se prononcer sur le dossier, sans que l'audition sollicitée soit nécessaire.

2. SUR LEPROCES-VERBAL D'AUDITION DU 11 OCTOBRE 2019

103. Il ressort des éléments du dossier qu'une audition des représentants du multiplex R7 a été réalisée par les services d'instruction le 11 octobre 2019, soit le jour de l'envoi de la convocation des parties à la séance.

104. Par un courrier du 31 octobre 2019, la société TDF a fait valoir qu'elle n'avait pu prendre connaissance du procès-verbal d'audition que le 22 octobre 2019, soit moins de 15 jours avant la séance du 5novembre 2019. Elle a soutenu que cette audition avait été réalisée en violation du caractère contradictoire de la procédure, dès lors que d'une part, les services d'instruction ne peuvent, selon elle, verser aux débats de nouveaux éléments postérieurement à la notification de griefs, et a fortiori au rapport, d'autre part que les parties n'avaient pas disposé d'un délai suffisant pour présenter leurs observations. Par ce même courrier, la société TDF a toutefois produit une note économique en réponse aux déclarations des représentants du multiplex R7 dans le cadre de leur audition du 11 octobre 2019.

105. En l'espèce, l'Autorité a estimé que cette audition n'était pas indispensable aux débats et a décidé d'écarter le PV d'audition des débats, sans pour autant se prononcer sur le respect, en l'espèce, du caractère contradictoire de la procédure.

B. SUR LA COMPETENCE DE L'AUTORITE POUR EXAMINER L'ACQUISITION D'ITAS PAR TDF SUR LE FONDEMENT DES ARTICLES L. 420-2 DU CODE DE COMMERCE ET 102 DU TFUE

106. Comme il a été indiqué au paragraphe 85, l'acquisition d'Itas par TDF ne franchissait ni les seuils français de contrôle ex ante des concentrations définis à l'article L. 430-2 du Code de commerce, ni les seuils définis à l'article 1er du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 (ci-après " le règlement n° 139/2004 "). Elle n'a donc pas fait l'objet d'une notification, ni d'un examen au titre du contrôle préalable des concentrations.

107. Selon les services d'instruction, cette opération de concentration réalisée " sous les seuils " serait, en elle-même, constitutive d'un abus de position dominante au sens notamment de la jurisprudence dite " Continental Can " de la Cour de justice de l'Union européenne (voir ci-après), en ce qu'elle a permis un renforcement de la position dominante de TDF et méconnaît par elle-même les dispositions des articles 102 du TFUE (1) et L. 420-2 du Code de commerce (2).

1. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 102 DU TFUE

108. L'article 102 du TFUE (ex-article 82 du traité CE et ex-article 86 du traité CEE) prévoit qu'" est incompatible avec le marché intérieur et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci.

Ces pratiques abusives peuvent notamment consister à :

a) imposer de façon directe ou indirecte des prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction non équitables,

b) limiter la production, les débouchés ou le développement technique au préjudice des consommateurs,

c) appliquer à l'égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence,

d) subordonner la conclusion de contrats à l'acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n'ont pas de lien avec l'objet de ces contrats ".

109. Par une décision du 9 décembre 1971, la Commission européenne a considéré, sur le fondement de l'article 86 du traité CEE (aujourd'hui article 102 du TFUE), et en l'absence d'un système européen de contrôle des concentrations, que la société Continental Can avait abusé de sa position dominante en acquérant un de ses concurrents, éliminant ainsi pratiquement la concurrence sur le marché concerné dans une partie substantielle du marché commun (décision de la Commission européenne du 9 décembre 1971, Continental Can Company, 72/21/CEE).

110. Saisie d'un recours formé par la société Continental Can, la Cour de justice a confirmé la possibilité d'appliquer l'article 86 du traité CEE aux opérations de concentration, en retenant qu'était " susceptible de constituer un abus le fait, par une entreprise en position dominante, de renforcer cette position au point que le degré de domination ainsi atteint entraverait substantiellement la concurrence, c'est-à-dire ne laisserait subsister que des entreprises dépendantes, dans leur comportement, de l'entreprise dominante " (arrêt de la Cour de justice du 21 février 1973, Continental Can Company e.a., C-6/72, Rec. 1973 00215, point 26). Elle a cependant annulé la décision de la Commission européenne, au motif que celle- ci n'avait pas " établi à suffisance de droit les faits et appréciations sur lesquelles elle [était] fondée " (arrêt de la Cour de justice du 21 février 1973 précité, point 37).

111. Il convient toutefois de relever que cet arrêt, s'il n'a jamais été formellement remis en cause par la jurisprudence postérieure de la Cour de justice, a été rendu antérieurement à l'adoption du règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil du 21 décembre 1989 (ci-après " le règlement n° 4064/89 ") qui a introduit, pour la première fois, un système européen de contrôle des concentrations et a, par la suite, été modifié par le règlement n° 139/2004 actuellement en vigueur. Le système mis en place par le règlement n° 4064/89 a rendu obligatoire la notification d'un certain nombre d'opérations, de dimension européenne, auprès de la Commission européenne. Le règlement organise en outre la répartition des compétences entre la Commission européenne et les autorités nationales de concurrence afin de garantir la cohérence dans la mise en œuvre des règles de contrôle des concentrations ex ante ainsi que la sécurité juridique des entreprises.

112. L'intention du législateur de l'Union lors de l'adoption de ce règlement est notamment exprimée dans ses considérants. Il est ainsi indiqué que si l'achèvement du marché intérieur conduira à d'importantes restructurations d'entreprises, notamment des concentrations, évolution positive car répondant aux besoins d'une concurrence dynamique, il convient néanmoins de s'assurer que la concurrence ne soit pas faussée sur le marché commun, en instaurant dans le droit communautaire " des dispositions applicables aux opérations de concentration susceptibles d'entraver de manière significative une concurrence effective dans le marché commun " (considérant 5) ; le considérant 6 relève que " les articles 85 et 86, tout en étant applicables, selon la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés Européennes, à certaines concentrations, ne suffisent toutefois pas pour saisir toutes les opérations qui risquent de se révéler incompatibles avec le régime de concurrence non faussée visé par le traité " ; le considérant 7 indique que, " dès lors, il y a lieu de créer un instrument juridique nouveau sous forme d'un règlement qui permette un contrôle effectif de toutes les opérations de concentration en fonction de leur effet sur la structure de concurrence dans la Communauté et qui soit le seul applicable à de telles concentrations " ; le considérant 8 précise, enfin, que " ce règlement doit par conséquent être fondé non seulement sur l'article 87 mais principalement sur l'article 235 du traité, en vertu duquel la Communauté peut se doter des pouvoirs d'action additionnels nécessaires à la réalisation de ses objectifs ".

113. L'économie générale du règlement n° 4064/89 peut être ainsi résumée.

114. Toutes les opérations situées au-dessus de certains seuils, définis en termes de chiffres d'affaires à l'article 1er du règlement, sont obligatoirement soumises au contrôle préalable de la Commission.

115. Une possibilité de renvoi par la Commission d'une opération de dimension européenne aux États membres est néanmoins prévue à l'article 9, en vertu duquel " la Commission peut, par voie de décision qu'elle notifie sans délai aux entreprises concernées et dont elle informe les autorités compétentes des autres États membres, renvoyer aux autorités compétentes de l'État membre concerné un cas de concentration notifiée ".

116. Lorsque la concentration n'est pas de dimension européenne, il appartient aux États membres d'examiner cette opération en application de leur droit national, qui peut aussi définir tant les seuils obligatoires ou éléments déclencheurs de contrôle que ses modalités procédurales.

117. Le règlement n° 4064/89 prévoit également, à l'article 22, une clause permettant aux États membres de renvoyer à la Commission européenne une opération de concentration, telle que définie à l'article 3 mais sans dimension communautaire au sens de l'article 1er, qui crée ou renforce une position dominante ayant comme conséquence qu'une concurrence effective serait entravée de manière significative sur le territoire de l'État membre concerné.

118. L'article 22précise, en outre, que le règlement n° 4064/89 est seul applicable aux opérations de concentration telles que définies à l'article 3, le règlement n° 17/62 d'application des articles 85 et 86 du traité CEE n'étant pas applicable aux concentrations telles que définies à l'article 3.

119. Selon l'article 3du règlement n° 4064/89, une opération de concentration est réalisée lorsque deux ou plusieurs entreprises antérieurement indépendantes fusionnent ou lorsqu'une ou plusieurs personnes détenant déjà le contrôle d'une entreprise au moins, ou une ou plusieurs entreprises, acquièrent directement ou indirectement, que ce soit par prise de participations au capital ou achat d'éléments d'actifs, contrat ou tout autre moyen, le contrôle de l'ensemble ou de parties d'une ou de plusieurs autres entreprises.

120. Le règlement n° 139/2004, qui s'est substitué au règlement n° 4064/89, a gardé la même inspiration générale, a précisé et complété ce dispositif.

121. Son article 1er du règlement n° 139/2004 a défini les seuils, exprimés en chiffres d'affaires, au-delà desquels une opération de concentration est soumise au contrôle de la Commission.

122. Son article 9 prévoit la possibilité de renvoi par la Commission d'une opération de dimension européenne aux États membres.

123. Le règlement n° 139/2004 prévoit, en outre, deux clauses permettant le renvoi à la Commission, à l'initiative des parties ou des États membres, d'une opération de concentration dépourvue de dimension européenne.

124. En premier lieu, si une telle opération est susceptible d'être examinée en vertu du droit national de la concurrence d'au moins trois États membres, les parties notifiantes peuvent, aux termes de l'article 4, paragraphe 5, avant toute notification aux autorités compétentes, informer la Commission, au moyen d'un mémoire motivé, que la concentration doit être examinée par elle.

125. En second lieu, l'article 22 prévoit qu'un ou plusieurs États membres peuvent demander à la Commission d'examiner toute concentration, telle que définie à l'article 3, qui n'est pas de dimension communautaire au sens de l'article 1er, mais affecte le commerce entre États membres et menace d'affecter de manière significative la concurrence sur le territoire du ou des États membres qui formulent cette demande. Cette clause de renvoi trouve, en principe, à s'appliquer alors même que l'opération de concentration concernée ne serait pas soumise à une notification obligatoire dans l'État membre à l'initiative du renvoi.

126. En outre, il convient de relever que si le règlement n° 139/2004et le règlement n° 1/2003du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité CE font partie d'un ensemble législatif visant à mettre en œuvre les articles 101 et 102 du TFUE, l'adoption du règlement n° 4064/89 a, dès 1989, tracé une ligne de partage nette entre le contrôle des concentrations et le contrôle des pratiques anticoncurrentielles.

127. Ainsi que vu précédemment, l'article 22 du règlement n° 4064/89 prévoyait en effet que le règlement était seul applicable aux opérations de concentration telles que définies à l'article 3, le règlement n° 17/62 d'application des articles 85 et 86 du traité CEE, qui fixait notamment à son article 15 les conditions dans lesquelles la Cour pouvait sanctionner les ententes et pratiques concertées et les abus de position dominante, n'étant pas applicable aux concentrations ainsi définies. Ces dispositions ont été reprises à l'article 21, paragraphe 1, du règlement n° 139/2004, qui réaffirme que le règlement n° 1/2003 ne trouve pas à s'appliquer aux concentrations telles que définies à l'article 3, sauf dans l'hypothèse de création d'une entreprise commune qui n'a pas de dimension européenne et qui a pour objet ou pour effet la coordination du comportement concurrentiel d'entreprises qui restent indépendantes.

128. Par ailleurs, l'article 3 du règlement n° 139/2004, tout comme l'article 3 du règlement n° 4064/89, définit une opération de concentration selon un critère matériel et non par référence aux seuils définis à l'article 1er du règlement. Une opération de concentration est ainsi réputée réalisée lorsqu'un changement durable du contrôle résulte de la fusion de deux ou de plusieurs entreprises ou parties de telles entreprises ou de l'acquisition, par une ou plusieurs personnes détenant déjà le contrôle d'une entreprise au moins ou par plusieurs entreprises, du contrôle direct ou indirect de l'ensemble ou de parties d'une ou de plusieurs autres entreprises, que ce soit par prise de participations au capital ou achat d'éléments d'actifs, contrat ou tout autre moyen.

129. Il convient de noter à cet égard que dans ses conclusions présentées le 27 avril 2017 dans le cadre de l'affaire Austria Asphalt, l'avocate générale Mme Juliane Kokott rappelait que " tant le règlement n°139/2004 que son " cousin " le règlement n° 1/2003, contribuent en définitive à la mise en œuvre des règles de concurrence pour le marché intérieur prévues aux articles 101 et 102 TFUE, étant précisé que c'est toujours seulement l'un de ces deux règlements qui peut s'appliquer (voir sur ce point, l'article 21, paragraphe 1, du règlement n° 139/2004). Alors que, dans le champ d'application du règlement n° 139/2004, c'est un système préventif et obligatoire de contrôle ex ante des modifications de la structure du marché qui a été mis en place, le comportement des entreprises sur le marché -qu'il s'agisse de comportements collusoires ou d'abus unilatéraux de position dominante - relève par ailleurs exclusivement, en vertu du règlement n° 1/2003, d'un contrôle répressif ex post, dont la mise en œuvre dépend de surcroît du pouvoir discrétionnaire des autorités de concurrence. Ainsi qu'il ressort de l'article21, paragraphe 1 du règlement [2004], la notion de " concentration " au sens de l'article 3 du règlement [2004] trace la ligne de partage entre ces deux sous-domaines du droit de la concurrence de l'Union [cf note de bas de page vue ci-dessus]. Une lecture de l'article 3 du règlement [2004] conforme à cette logique nécessite par conséquent d'interpréter la notion de " concentration " de manière à ce que seules de véritables modifications de la structure du marché soient soumises au contrôle des concentrations, et non, en revanche, le simple comportement d'entreprises sur le marché " (aff. C-248/16, points 35 à 37, soulignements ajoutés). Et dans son arrêt Austria Asphalt du 7 septembre 2017 (C-248/16, point 31) la Cour a rappelé, à propos du règlement n° 139/2004 que " ledit règlement, tout comme, en particulier, le règlement (CE) n° 1/2003, fait partie d'un ensemble législatif visant à mettre en œuvre les articles 101 et 102 TFUE ainsi qu'à établir un système de contrôle garantissant que la concurrence n'est pas faussée dans le marché intérieur de l'Union ".

130. Il pourrait, certes, être soutenu que l'article 102 du TFUE pourrait être appliqué par l'Autorité aux opérations de concentration, dans la mesure où la Cour de justice a considéré, dès 1974, que cet article était d'effet direct et pouvait par conséquent être invoqué directement devant les juridictions nationales (arrêt de la Cour de justice du 30 janvier 1974, BRT/SABAM, C-127/73, Rec. 1974 00051, point 16). La Cour de justice n'a, en outre, pas formellement remis en cause les principes dégagés par la jurisprudence Continental Can.

131. Néanmoins, ainsi qu'il ressort des développements exposés ci-avant, il y a lieu de considérer que l'adoption d'un dispositif de contrôle des concentrations au niveau de l'Union européenne a, de facto, rendue obsolète l'application de la jurisprudence Continental Can précitée, les dispositions du règlement n° 4064/89, puis par le règlement n° 139/2004 ayant vocation à s'appliquer à l'ensemble des concentrations telles que définies à l'article 3, c'est- à-dire indépendamment de leur dimension communautaire.

132. Il y a lieu à cet égard de se reporter aux déclarations du législateur de l'Union européenne lors de l'adoption du règlement n° 4064/89.

133. Ainsi, " la Commission déclare qu'elle n'a pas normalement l'intention d'appliquer les articles 85 et 86 du Traité instituant la Communauté économique européenne aux concentrations telles que définies à l'article 3 autrement que par l'intermédiaire du présent règlement. Elle se réserve toutefois d'intervenir, conformément aux procédures prévues par l'article 89 du Traité, pour les opérations de concentration telles que définies à l'article 3 mais sans dimension communautaire au sens de l'article premier, dans des hypothèses non prévues par l'article 22. Elle n'a pas en tout cas l'intention d'intervenir à l'égard d'opérations se situant au-dessous d'un niveau de chiffre d'affaires mondial de 2milliards d'Ecus ou au-dessous d'un niveau de chiffre d'affaires minimal communautaire de 100 M d'Ecus ou ne répondant pas au seuil des deux tiers prévu à l'article 1er, paragraphe 2, dernière partie de phrase, considérant que de telles opérations ne seraient normalement pas susceptibles d'affecter sensiblement le commerce entre Etats membres " (soulignement ajouté).

134. De même, " Le Conseil et la Commission constatent que le Traité instituant la Communauté économique européenne ne contient aucune disposition visant spécifiquement le contrôle préalable des concentrations. Le Conseil a donc décidé, sur proposition de la Commission, conformément à la procédure prévue à l'article 235 du Traité, de mettre en place un dispositif nouveau de contrôle des concentrations. Le Conseil et la Commission considèrent, pour des raisons impérieuses de sécurité juridique, que ce nouveau règlement sera seul et à titre exclusif applicable aux concentrations telles que définies à l'article 3 " (soulignement ajouté).

135. Ainsi que vu précédemment, l'article 3 du règlement ne définissant les opérations de concentration que selon un critère matériel, sans référence aux seuils de l'article 1er, le Conseil et la Commission marquaient clairement, par cette dernière déclaration, leur intention de ne plus appliquer l'article 86 du traité CEE à des opérations de concentration. La Commission s'y est d'ailleurs conformée, et n'a plus appliqué l'article 86 du traité CEE (actuel article 102 du TFUE) à des opérations de concentration postérieurement à l'entrée en vigueur du règlement n° 4064/89.

136. Le Conseil de la concurrence s'est, de son côté, déjà prononcé sur cette question, dans la décision n° 99-D-69 du 23 novembre 1999 relative à la mise en œuvre de remboursements différenciés en matière d'optique et à la question de la communication des conventions signées entre mutuelles et opticiens. Dans cette décision, le Conseil a, en effet, considéré que le règlement n° 4064/89, s'agissant des concentrations sans dimension communautaire, prévoyait la possibilité pour les États membres de saisir la Commission dans le cas où l'opération entraverait la concurrence sur le territoire de cet État et affecterait le commerce entre États membres, mais qu'aucune disposition ne donnait compétence aux autorités de concurrence nationales pour appliquer elles-mêmes directement les articles 81 et 82 du traité à de telles concentrations :

" s'agissant des concentrations de dimension communautaire, l'article 9 organise une procédure de renvoi, sur leur demande, aux autorités compétentes des Etats membres, des opérations qui peuvent entraver la concurrence sur leur marché national ; que l'article 21-3 ouvre aussi la possibilité aux Etats membres de prendre les mesures appropriées pour assurer la protection d'intérêts légitimes autres que ceux qui sont pris en considération par le règlement ;

Considérant que, s'agissant des concentrations sans dimension communautaire, les dispositions de l'article 22-3 du règlement prévoient l'extension de la compétence de la Commission pour intervenir, à la demande d'un Etat membre, à l'égard de telles concentrations dans le cas où elles produisent une entrave significative à la concurrence sur le territoire de cet Etat membre et dans la mesure où elles affectent le commerce entre Etats membres ;

Considérant, ainsi, qu'aucune disposition n'attribue aux autorités des Etats membres spécialement chargées d'appliquer leur législation sur la concurrence de compétence pour examiner les opérations de concentration sur le fondement des articles 81 et 82 du traité CE et ce, alors même que ces opérations n'auraient pas de dimension communautaire ".

137. Ce faisant, le Conseil a suivi le raisonnement adopté quelques années auparavant par la justice britannique (arrêt du 4 décembre 1992, Court of Appeal, Civil Division, Regina v Secretary of State for Trade and Industry, ex parte Airlines of Britain Holdings Pic and Another).

138. Les conclusions précitées de l'avocate générale Mme Juliane Kokott présentées le 27 avril 2017 dans le cadre de l'affaire Austria Asphalt se prononcent également en ce sens (aff. C-248/16, voir notamment la note de bas de page n° 18).

139. Il convient enfin de noter que si le Tribunal a cité la jurisprudence " continental Can " dans l'affaire General Electric en 2005, il n'en a cependant pas fait application au cas d'espèce (arrêt du Tribunal de l'Union européenne du 14 décembre 2005, General Electric, T-210/01, Rec. 2005 II-05575, point 86).

140. Par conséquent, il y a lieu de considérer que l'institution, au niveau européen, d'un système de contrôle préalable des concentrations par le règlement n° 4064/89, éclairé notamment par les déclarations du Conseil et de la Commission lors de l'adoption du règlement, a rendu sans objet l'application de l'article 102 du TFUE à une opération de concentration, en l'absence d'un comportement distinct de l'entreprise en cause à la suite de cette opération.

2. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE L. 420-2 DU CODE DE COMMERCE

141. Selon l'article L. 420-2 du Code de commerce, " est prohibée, dans les conditions prévues à l'article L. 420-1, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées. Est en outre prohibée, dès lors qu'elle est susceptible d'affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées, en pratiques discriminatoires visées aux articles L. 442-1 à L. 442-3 ou en accords de gamme ".

142. À titre liminaire, il convient de rappeler que l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence instaurait un contrôle des opérations de concentration facultatif, son article 38 précisant que " tout projet de concentration ou toute concentration de nature à porter atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement d'une position dominante peut être soumis, par le ministre chargé de l'économie, à l'avis du Conseil de la concurrence ". Pour que l'opération soit contrôlable, les parts de marché des parties à l'opération devaient être supérieures à 25 % ou les entreprises concernées devaient réaliser un chiffre d'affaires hors taxes de plus de sept milliards de francs, à condition que deux au moins des entreprises parties à la concentration aient réalisé un chiffre d'affaires d'au moins deux milliards de francs. En vertu de l'article 40, tout projet de concentration ou toute concentration ne remontant pas à plus de trois mois pouvait être soumis au ministre chargé de l'économie par une entreprise concernée.

143. L'adoption de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, dite " loi NRE ", a marqué le passage d'un contrôle facultatif à un contrôle obligatoire, et l'abandon d'un seuil défini en fonction des parts de marché des entreprises concernées au profit d'un seuil déterminé uniquement en fonction du chiffre d'affaires des entreprises concernées. Cette réforme visait notamment à renforcer la sécurité juridique des entreprises.

144. La loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, dite " loi LME ", a transféré la compétence pour mettre en œuvre le contrôle des opérations de concentration du ministre chargé de l'économie à l'Autorité.

145. Par la décision n° 93-D-29 du 6 juillet 1993 relative à quatre saisines portant sur le marché de l'exploitation des salles de cinéma, le Conseil de la concurrence, après avoir rappelé qu'il ne pouvait être saisi d'une demande d'avis concernant une concentration, que si elle émane du ministre de l'économie, a estimé qu'il ne pouvait en conséquence connaître de la saisine en tant qu'elle portait sur la cession réciproque de salles entre les sociétés Gaumont et Pathé Cinéma ou certaines de leurs filiales, constitutive d'une opération de concentration au titre de l'article 39 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

146. Dans le cadre du recours formé à l'encontre de cette décision, la cour d'appel de Paris a confirmé cette analyse, en soulignant que " les procédures prévues par le titre III relatif au contrôle des ententes et par le titre V relatif au contrôle des concentrations sont différentes et inconciliables entre elles "et a estimé qu'il " résulte de la combinaison des textes du titre III et de ceux du titre V que les opérations répondant à la définition de la concentration de l'article 39 du titre V sont exclues du champ de compétence du Conseil statuant au contentieux " (arrêt de la cour d'appel de Paris du 28 juin 1994, Association française des producteurs de films et de programmes audiovisuels e.a., n° 93/08166, p. 10).

147. Il convient de préciser à cet égard que l'article 39 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 définit la concentration selon un critère matériel et non par référence à un seuil : " la concentration résulte de tout acte, quelle qu'en soit la forme, qui emporte transfert de propriété ou de jouissance sur tout ou partie des biens, droits et obligations d'une entreprise ou qui a pour objet, ou pour effet, de permettre à une entreprise ou à un groupe d'entreprises d'exercer, directement ou indirectement, sur une ou plusieurs autres entreprises une influence déterminante ".

148. Le principe a ensuite été confirmé par la Cour de cassation, celle-ci relevant que " les parties litigieuses n'ayant pas fait état de pratiques illicites issues de ces accords pouvant faire l'objet, le cas échéant, d'une saisine distincte du Conseil de la concurrence sur le fondement des articles 7 et 8 de l'ordonnance, c'est à bon droit que la cour d'appel, sans encourir les griefs du moyen, a déclaré irrecevables devant le Conseil de la concurrence les saisines visant ces opérations de concentration économique " (arrêt de la Cour de cassation du 26 novembre 1996, n° 94-20055).

149. Cette solution jurisprudentielle a été réitérée dans plusieurs décisions du Conseil de la concurrence (décisions du Conseil de la concurrence n° 98-MC-06 du 1er juillet 1998 relative à une demande de mesures conservatoires présentée par la société Sea France, n° 99-D-04du 19 janvier 1999 relative à la saisine de la SA Europe Régies, n° 99-D-69 du 23 novembre 1999 relative à la mise en œuvre de remboursements différenciés en matière d'optique et à la question de la communication des conventions signées entre mutuelles et opticiens, n° 10-D-32 du 16 novembre 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans le e secteur de la télévision payante).

150. Il est à noter d'ailleurs que si, dans certaines affaires ayant conduit le Conseil de la concurrence à réaffirmer ce point de droit, l'opération en cause avait pu être effectivement soumise à examen devant le ministre de l'économie alors compétent, le raisonnement suivi par le Conseil de la concurrence ne se fondait pas sur cette seule circonstance pour écarter l'application de l'article L. 420-2 du Code de commerce mais bien sur l'articulation des dispositions du titre III relatif au contrôle des ententes avec celles du titre V relatif au contrôle des concentrations.

151. Il ressort ainsi de la jurisprudence et de la pratique décisionnelle de l'Autorité que les procédures applicables aux concentrations d'une part, et à la répression des pratiques anticoncurrentielles d'autre part, sont incompatibles et inconciliables entre elles.

152. L'Autorité ne peut donc, sur le fondement de l'article L. 420-2 du Code de commerce, considérer qu'une concentration, même si celle-ci n'atteint pas les seuils nationaux fixés à l'article L. 430-2 du Code de commerce, constitue, en elle-même, un abus de position dominante.

153. L'article L. 430-9 du Code de commerce (ancien article 43 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 précitée) permet quant à lui à l'Autorité, en cas d'exploitation abusive d'une position dominante ou d'un état de dépendance économique, d'enjoindre, par décision motivée, à l'entreprise ou au groupe d'entreprises en cause de modifier, de compléter ou de résilier, dans un délai déterminé, tous accords et tous actes par lesquels s'est réalisée la concentration de la puissance économique qui a permis les abus, même si ces actes ont fait l'objet de la procédure prévue au présent titre. L'Autorité a d'ailleurs fait application de cet article (dans sa rédaction alors applicable et qui a ultérieurement été modifiée) dans la décision n° 02-D-44 du 11 juillet 2002 relative à la situation de la concurrence dans les secteurs de l'eau potable et de l'assainissement, notamment en ce qui concerne la mise en commun des moyens pour répondre à des appels à concurrence (105).

154. L'application de cet article est néanmoins subordonnée à l'existence d'un abus détachable de la concentration en elle-même, ce qui n'est pas démontré en l'espèce. La position retenue par les services d'instruction est en effet fondée sur une mise en cause de l'opération de concentration elle-même, et non sur la démonstration de pratiques abusives qui auraient été détachables de cette concentration.

C. CONCLUSION

155. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que, tant en droit de l'Union européenne qu'en droit national, les opérations de concentration sont régies par un ensemble de règles propres, différant du contrôle des pratiques anticoncurrentielles.

156. Ainsi, une opération de concentration peut faire l'objet d'un contrôle préalable par l'Autorité ou par la Commission européenne dès lors que les seuils posés par l'article L. 430-2 du Code de commerce ou l'article 1er du règlement n° 139/2004 sont franchis.

157. Une opération de concentration qui n'atteindrait pas les seuils définis à l'article 1er du règlement n° 139/2004 peut être renvoyée à la Commission lorsque les conditions prévues à l'article 22 du règlement précité sont remplies et ce, alors même qu'elle ne serait pas soumise à une notification obligatoire au regard des dispositions du Code de commerce. Il convient de relever qu'au cas d'espèce, l'Autorité n'a pas jugé utile de renvoyer l'opération de rachat litigieuse à la Commission européenne sur le fondement de l'article 22 du règlement n° 139/2004.

158. Ainsi, en définitive et en l'état actuel du droit, une opération de concentration ne peut constituer, en elle-même, un abus de position dominante en application des articles 102 du TFUE et L. 420-2 du Code de commerce, et ce alors même qu'elle n'aurait pas été soumise à notification obligatoire devant l'Autorité de la concurrence ou la Commission européenne, en application des seuils définis par les articles L. 430-2 du Code de commerce et 1er du règlement n° 139/2004.

159. Les comportements mis en œuvre par une entreprise en position dominante, détachables de la concentration en elle-même mais permis par elle, peuvent être soumis au contrôle des pratiques anticoncurrentielles et être jugés, le cas échéant, constitutifs d'un abus de position dominante, sur le fondement des articles L. 420-2 du Code de commerce ou 102 du TFUE. Par ailleurs, sur le fondement de l'article L. 430-9 du Code de commerce, une concentration qui aurait permis les abus peut être remise en cause, alors même qu'elle aurait été autorisée ex ante, si l'entreprise concernée s'est rendue coupable d'exploitation abusive d'une position dominante ou d'un état de dépendance économique. La concentration ayant permis les abus ne peut, au regard de la lettre de ces dispositions, être elle-même constitutive d'un abus.

160. Il résulte de tout ce qui précède que l'opération de concentration constituée par le rachat d'Itas par TDF, ne franchissant ni les seuils européens définis à l'article 1er du règlement n° 139/2004, ni les seuils français définis à l'article L. 430-2 du Code de commerce, ne pouvait faire l'objet d'un contrôle préalable sauf en cas de renvoi de l'examen de cette opération par l'Autorité à la Commission sur le fondement de l'article 22 du règlement n° 139/2004. Elle n'est pas constitutive, en elle-même, d'un abus de position dominante en application des articles 102 du TFUE et L. 420-2 du Code de commerce. Il ne peut enfin être fait application de l'article L. 430-9 du Code de commerce, aucun comportement abusif détachable de la concentration elle-même n'ayant été démontré.

161. Par conséquent, l'Autorité considère que le grief notifié à l'encontre des sociétés du groupe TDF n'est pas fondé.

DÉCISION

Article unique : La pratique d'abus de position dominante n'est pas établie. Il n'y a donc pas lieu à poursuivre la procédure.

NOTES

1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.

2 Cotes 2-3.

3 Cotes 186 et 188.

4 Avis de l'ARCEP n° 2018-0148 en date du 6 février 2018 portant sur la saisine de la société towerCast relative à des pratiques mises en œuvre par la société TDF dans le secteur de la diffusion de la TNT et avis du CSA n° 2018-02 en date du 21 février 2018 relatif à une saisine de l'Autorité par la société towerCast à l'encontre de la société TDF.

5 Cotes 2611-2612.

6 Cotes 2611-2612.

7 Une norme de compression désigne un type de format de diffusion. La norme " MPEG-2 " a d'abord été choisie pour la diffusion des programmes de la TNT, avant d'être totalement remplacée en 2016 par la norme " MPEG-4 ", plus performante et qui a permis la généralisation de la haute définition.

8 Décision n° 2009-0484 de l'ARCEP du 11 juin 2009 portant sur la définition du marché pertinent de gros des offres de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique, sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les obligations imposées à cet opérateur sur ce marché, p. 8

9 Cote 1763.

10 Cote 3594.

11 Décision n° 2015-1583 de l'ARCEP du 15 décembre 2015 portant sur la définition du marché pertinent de gros des services de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique, sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence

12 Avis n° 2018-0148 de l'ARCEP précité, cote 1763.

13 Avis n° 2018-0148 de l'ARCEP précité, cote 3594.

14 Avis n° 2018-0148 de l'ARCEP précité, cote 1763.

15 Avis n° 2018-0148 de l'ARCEP précité, cote 3013.

16 Avis n° 2018-02 du CSA précité, cote 1786.

17 Avis n° 15-A-10 de l'Autorité du 24 juillet 2015 relatif à une demande d'avis de l'ARCEP en application de l'article L. 37-1 du code des postes et des communications électroniques, portant sur l'analyse du marché de gros amont des services de diffusion hertzienne terrestre de programmes audiovisuels, paragraphes 11 et 13.

18 Cote 1702.

19 Cotes 1702 et 1704.

20 Cote 1702.

21 Voir la décision n° 07-D-30 du Conseil de la concurrence du 5 octobre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre par la société TDF dans le secteur de la diffusion hertzienne terrestre des services audiovisuels en mode analogique, paragraphe 26 ; décision n° 10-D-09 de l'Autorité du 9 mars 2010 relative aux demandes de mesures conservatoires présentées par la société Itas Tim concernant des pratiques mises en œuvre par la société TDF dans le secteur des services de diffusion par voie hertzienne en mode numérique, paragraphe 117 ; décision n° 15-D-01 de l'Autorité du 5 février 2015 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la diffusion de la télévision par voie hertzienne terrestre outre-mer, paragraphe 113 ; décision n° 16-D-11 de l'Autorité précitée, paragraphe 135 ; décision n° 2015-1583 de l'ARCEP précitée, p. 14.

22 Cote 3013.

23 Cotes 3483 et 3504.

24 Cotes 3543 et 3504.

25 Cote 1777.

26 Cotes 3503 et 3483.

27 Cotes 3503 et 3483.

28 Cotes 3503-3504.

29 Cote 2876.

30 Cote 1695.

31 Cote 3503.

32 Cote 3504.

33 Cotes 1685-1687.

34 Cote 3447.

35 Cote 3503.

36 Cote 3447.

37 Cote 3483.

38 Recommandation de la Commission du 11 février 2003 concernant les marchés pertinents de produits et de services dans le secteur des communications électroniques susceptibles d'être soumis à une réglementation ex ante conformément à la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (C(2003) 497). Dans les recommandations ultérieures de la Commission, ce marché a été exclu de cette liste au motif que l'hétérogénéité des situations de marché dans les États membres et du développement de la concurrence entre plateformes ne permettait pas de définir une politique commune de régulation (décision n° 2015-1583 de l'ARCEP précitée, p. 6).

39 Décision n° 2019-0555 de l'ARCEP en date du 16 avril 2019 de prolongation de la décision n° 2015-1583 en date du 15 décembre 2015 portant sur la définition du marché pertinent de gros des services de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique, sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les obligations imposées à cet opérateur sur ce marché.

40 Communiqué de presse de l'ARCEP du 17 décembre 2015, cote 2620.

41 Cotes 1834-1835.

42 Cote 69.

43 Cote 4.

44 Cote 3451.

45 Cotes 3503-3504.

46 Cotes 3503-3504.

47 Cotes 3503 et 3483.

48 Cote 3451.

49 Cote 3503.

50 Cote 1746.

51 Cote 3503.

52 Cote 1700.

53 Cote 3455.

54 Cote 3455.

55 Cote 3462.

56 Cote 3215.

57 Cote 3484.

58 Cote 3484.

59 Cote 3220.

60 Cote 3484.

61 Cote 3455.

62 Cote 3462.

63 Cite 3462.

64 Cote 3462.

65 Cote 1829.

66 Cote 3540.

67 Cote 3542.

68 Cote 3544.

69 Cote 2618.

70 Cote 3447.

71 Cote 3013.

72 Cote 1836.

73 Cotes 1836-1837.

74 Cote 3481.

75 Cote 3503.

76 Cote 3481.

77 Cote 3563.

78 Cote 3486.

79 Cote 69.

80 Cote 3563.

81 Cote 3564.

82 Cote 3563.

83 Cote 3564.

84 Cote 1691.

85 Cote 69.

86 Cotes 3564 et 1840.

87 Cote 3458.

88 Cotes 3459-3460.

89 Cotes 3564 et 1840.

90 Cote 3459.

91 Cote 1842.

92 Cote 3458.

93 Cote 3567.

94 Cote 3568.

95 Cote 3248.

96 Cote 3249.

97 Cotes 3250-3251.

98 Cote 1848.

99 Cote 3248.

100 Cote 3246.

101 Cote 2937.

102 Cote 3248.

103 Cote 3245.

104 Cote 3245.

105 Cette décision a tout d'abord été confirmée par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 18 février 2003, Compagnie générale des eaux, n° 2002/14535 puis cassé par l'arrêt de la Cour de cassation du 12 juillet 2004, n° 03-12409, la Cour ayant estimé que les décisions prises sur le fondement de l'article L. 430-9 du code de commerce ne sont susceptibles que d'un recours devant le juge administratif. Alors saisi par la Compagnie générale des eaux, le Conseil d'État a rejeté son recours par un arrêt du 7 novembre 2005, n° 271982.