Cass. crim., 14 janvier 2020, n° 19-83.479
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Soulard
Rapporteur :
M. Lavielle
Avocat général :
M. Lagauche
Avocats :
SCP Waquet, Farge, Hazan
LA COUR : - M. X a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Angers, chambre correctionnelle, en date du 19 mars 2019, qui, notamment pour tromperies, pratiques commerciales trompeuses, l'a condamné à quatre-vingt jours-amende à 1 000 euros ;
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. X, gérant de la société éponyme spécialisée dans la préparation et la commercialisation de plats cuisinés et tout particulièrement de plats charcutiers, a été dénoncé par son fils Y, auprès du procureur de la République de Laval, comme étant l'auteur de diverses infractions commises au sein de son entreprise.
3. Après enquête, il a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour y répondre notamment d'avoir, entre le 1er décembre 2015 et le 15 juin 2017, par quelque moyen que ce soit, même par l'intermédiaire d'un tiers étant partie ou non au contrat, trompé ou tenté de tromper ses clients sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la composition de marchandises qui ont été énumérées, notamment par incorporation (de dinde dans des rillettes " pur canard " ou des rillettes de porc, de foie gras de canard en lieu et place du foie gras d'oie, de la truffe de " Chine " (tuber indicum) en lieu et place de la truffe française (tuber melanosporum), de viande séparée mécaniquement (pulpe de dinde ou de canard) dans diverses préparations...), en omettant volontairement d'incorporer des pieds de boeufs dans la fabrication de tripes à la mode de " Caen ", en ne respectant pas volontairement le pourcentage des ingrédients indiqués sur l'étiquetage de terrines, pâtés, ballotines..., en remplaçant l'alcool indiqué dans la composition du produit fini par un autre dans diverses fabrications. Il lui a encore été reproché d'avoir commis une pratique commerciale trompeuse reposant sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur portant sur les qualités substantielles en l'espèce : en incorporant en quantités importantes des matières grasses, alcools, sucres ainsi que de la viande séparée mécaniquement qui pourraient impacter de manière défavorable la qualité nutritionnelle des produits et en ne mentionnant pas les additifs dans les listes d'ingrédients des produits finis. Il a enfin été poursuivi pour avoir exposé, mis en vente ou vendu des denrées servant à l'alimentation de l'homme ou des animaux, des boissons ou des produits agricoles ou naturels qu'il savait falsifiés, corrompus ou toxiques, avec cette circonstance que la substance falsifiée ou corrompue était nuisible à la santé de l'homme et de l'animal, en y incorporant divers colorants et additifs.
4. Les juges du premier degré ont relaxé M. X pour les délits d'établissement et d'usage d'un faux certificat sanitaire à l'exportation, ainsi que des faits de poursuites visant la personne morale, mais l'ont déclaré coupable pour le surplus et condamné.
5. M. X a relevé appel de cette décision. Le procureur de la République a relevé appel incident.
Examen du moyen
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen est pris de la violation des articles 121-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale.
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué " en ce qu'il a déclaré M. X coupable, alors que sauf disposition contraire de la loi, le chef d'entreprise qui n'a pas personnellement pris part à la réalisation de l'infraction peut s'exonérer de sa responsabilité pénale par la preuve d'une délégation de pouvoirs consentie à une personne pourvue de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires ; qu'il n'existe aucune disposition légale interdisant les délégations de pouvoir dans le domaine de l'alimentation ; qu'en affirmant qu'un chef d'entreprise ne pouvait, en ce domaine, se contenter de laisser faire les choses et devait personnellement veiller au respect de la réglementation, sans même examiner les délégations de pouvoir invoquées par M. X pour la composition et l'étiquetage des produits alimentaires mis en vente par sa société, la cour d'appel a violé les textes précités ".
Réponse de la Cour
8. Pour confirmer la décision des premiers juges sur la responsabilité du prévenu, l'arrêt énonce que M. X fait essentiellement valoir qu'il ne pouvait être au courant de tout et que certaines anomalies constatées résulteraient de décisions prises à des niveaux hiérarchiques inférieurs, sans qu'il en ait été informé. Les juges ajoutent, que le dirigeant d'une société est personnellement responsable, sauf à justifier d'une délégation de pouvoir précise, de tous les actes commis dans le cadre de l'activité de la société, puis, s'agissant du domaine de l'alimentation, que les produits fabriqués étant susceptibles d'entraîner, par leur ingestion, des troubles de santé, qu'il ne suffisait pas pour le chef d'entreprise de laisser faire les choses, qu'il avait la responsabilité personnelle de veiller à un respect très strict de la réglementation.
9. En l'état de ces énonciations et constatations, la cour d'appel a justifié sa décision.
10. En effet, la cour constate souverainement qu'il n'a été justifié de l'existence d'aucune délégation de pouvoir et que le chef d'entreprise ne pouvait s'exonérer de sa responsabilité pénale.
11. Ainsi le moyen doit être écarté.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
12. Le second moyen est pris de la violation des articles L. 441-1 du Code de la consommation, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale et de l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'Homme.
13. Le moyen critique l'arrêt attaqué " en ce qu'il a déclaré M. X coupable de tromperie, pratiques commerciales trompeuses, falsification de produits servant à l'alimentation humaine, mise en vente de produits servant à l'alimentation humaine falsifiés, détention de produits, objets ou appareils propres à effectuer la falsification de denrées servant à l'alimentation de l'homme, inexécution d'une injonction de mise en conformité de produits, mise en vente de denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière sans les mentions obligatoires sur son étiquetage, inexécution d'un ordre de mesure corrective qu'ordonne à un établissement de produits d'origine animale ou de denrées alimentaires, mise en vente de denrées sans porter à la connaissance du consommateur la liste des substances ou produits provoquant des allergies ou des intolérances et livraison de denrées à des établissements de restauration sans document mentionnant la liste des substances ou produits provoquant des allergies ou des intolérances ;
1°) alors que le juge répressif doit caractériser en tous ses éléments constitutifs chacune des infractions dont il déclare un prévenu coupable ; qu'en se bornant à une simple reproduction des chefs de poursuite engagés contre M. X pour l'en déclarer coupable, la cour d'appel, qui ne s'est aucunement expliquée sur les éléments constitutifs de ces infractions pourtant contestées par le prévenu, n'a pas motivé sa décision ;
2°) alors que la tromperie n'est punissable que si elle porte sur une qualité substantielle de la marchandise ou de la prestation de services ; qu'en retenant M. X dans les liens de cette infraction pour avoir modifié la composition de certaines denrées alimentaires destinées à la consommation, sans autrement s'expliquer, comme elle y était invitée, sur le caractère substantiel des modifications ainsi apportées, notamment en regard des proportions infimes de viandes complémentaires ajoutées aux produits finis et à la conformité de cette pratique au Code des usages de la charcuterie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ".
Réponse de la Cour
14. Pour confirmer le jugement sur la déclaration de culpabilité, l'arrêt attaqué énonce que l'omission de la mention de présence dans les produits fabriqués d'allergènes ou de substances pouvant provoquer une intolérance est particulièrement fautive, l'ingestion de ces substances pouvant provoquer des réactions, maladies et séquelles graves.
15. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision.
16. Il résulte en effet des propres écritures du prévenu que les faits n'étaient pas contestés dans leur matérialité, mais seulement minimisés, peu important à cet égard que certaines incorporations de produits non mentionnés sur les étiquettes l'aient été en faible proportion et n'aient pas impacté la qualité des produits vendus.
17. Le moyen sera écarté.
18. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.
Par ces motifs, la Cour : Rejette le pourvoi.