CA Orléans, ch. civ., 13 janvier 2020, n° 18-01095
ORLÉANS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Chavigny (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Guyon Nerot
Conseillers :
M. Sousa, Mme Grua
Avocats :
Mes Gallier, Garnier
FAITS ET PROCÉDURE
Lors des travaux d'édification de leur pavillon sur un terrain situé ..., Mme X Y F épouse D et C D ont acquis de la SASU Chavigny un carrelage de type Tiger Rock et des plinthes pour un montant de 11 834,64'euros selon facture du 19 avril 2010.
Après pose du carrelage et des plinthes dans l'ensemble du rez de chaussée de l'habitation par la société Bellec, les maîtres de l'ouvrage ont constaté, dès la fin des travaux au mois de juillet 2010, de nombreuses taches, lesquelles ont persisté malgré l'intervention réalisée par l'entreprise de nettoyage Axxome Propreté à la demande du carreleur.
Par ordonnance du 19 juillet 2011, M. et Mme D ont obtenu du président du tribunal de grande instance de Blois la désignation de l'expert Z. L'expertise sera réalisée au contradictoire des sociétés Bellec et Axxome Propreté, de la société Chavigny et de la société Fondovalle, fabricant du carrelage.
L'expert a déposé son rapport le 10 mars 2013.
Par acte d'huissier de justice délivré le 6 septembre 2013, M. et Mme D ont assigné la société Chavigny devant le juge de proximité de Blois pour obtenir le paiement de dommages intérêts de 800'euros au titre du coût de l'intervention nécessitée pour le nettoyage du carrelage.
Par jugement rendu le 19 mars 2015, ce juge s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Blois, condamnant M. et Mme D à payer à la société Chavigny une indemnité de procédure de 500 euros.
Par acte du 8 mars 2016, la société Chavigny a appelé en la cause la société italienne Fondovalle.
Par jugement rendu le 15 mars 2018, le tribunal de grande instance de Blois a débouté M. et Mme D de leurs demandes au titre du défaut de conformité du carrelage et du défaut de conseil de la société Chavigny, les condamnant à lui payer une indemnité de procédure de 1 200 euros, condamné la société Chavigny à payer à la société Ceramica Fondovalle une indemnité de procédure de ce même montant, rejeté les autres demandes et condamné M. et Mme D au paiement des dépens.
Il retenait que M. et Mme D ne démontraient pas que le carrelage livré ne correspondait pas à celui choisi en magasin, l'échantillon produit ne prouvant pas qu'il s'agit du carrelage commandé ; le fait que l'expert relève que le carrelage antidérapant, plus difficile a entretenir, est peu adapté aux pièces principales d'une habitation étant inopérant à établir le défaut de conformité dès lors qu'il n'est pas prouvé qu'il ne s'agissait pas du carrelage commandé.
Selon déclaration reçue au greffe de la cour le 20 avril 2018, M. et Mme D ont relevé appel de cette décision, intimant la société Chavigny.
Les parties ont conclu.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 septembre 2019.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Les dernières conclusions, remises les 5 août 2019 par les appelants, 28 août 2019 par l'intimée, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, peuvent se résumer ainsi qu'il suit.
M. et Mme D demandent d'infirmer le jugement, ordonner aux frais de l'intimée, et par elle, le remplacement du carrelage sous astreinte de 50 euros par jour passé le délai d'un mois de la signification de la décision, la condamner au paiement de dommages intérêts de 5 000 euros, subsidiairement, la condamner à prendre en charge le coût de l'intervention spécifique de nettoyage estimée à 800 euros par l'expert et la condamner au paiement de dommages intérêts de 5'000'euros au titre de leur préjudice de jouissance, en tout état de cause, la condamner au paiement d'une indemnité de procédure de 3'000'euros, des dépens de première instance, parmi lesquels les frais d'expertise, et des dépens d'appel.
La société Chavigny demande de confirmer la décision, dire les appelants mal fondés sur le fondement d'un prétendu défaut de conformité et les débouter de leurs demandes, les condamner au paiement d'une indemnité de procédure de 3 000 euros et des dépens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Les appelants font valoir que l'expert a mis en évidence que le carrelage livré ne correspond pas à l'échantillon remis et qu'ils avaient retenu pour leur commande ; aucune des parties présentes lors de l'expertise ou de la procédure de première instance n'a contesté que l'échantillon correspondait au carrelage commandé, étant précisé qu'ils sont retournés en magasin après pose du carrelage pour obtenir cet échantillon et le comparer au carrelage posé ; en leur qualité de non professionnels, ils ne disposaient pas des connaissances nécessaires pour apprécier lors de la livraison la différence de qualité du produit livré. Ils ajoutent que le carrelage livré nécessite une procédure particulière de nettoyage qui ne leur a jamais été présentée.
L'article L. 211-4 du code de la consommation, dans sa version applicable à la date de la livraison, fait peser sur le vendeur l'obligation délivrer un bien conforme au contrat et l'article L. 211-8 redit la même chose sous l'angle actif, l'acheteur étant en droit d'exiger la conformité du bien au contrat. Le défaut de conformité représente un manquement à cette obligation.
Par ailleurs, l'article L. 211-5 précise que pour être conforme au contrat, le bien doit': 1° Etre propre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable et, le cas échéant : - correspondre à la description donnée par le vendeur et posséder les qualités que celui ci a présentées à l'acheteur sous forme d'échantillon ou de modèle'; - présenter les qualités qu'un acheteur peut légitimement attendre eu égard aux déclarations publiques faites par le vendeur, par le producteur ou par son représentant, notamment dans la publicité ou l'étiquetage ; 2° Ou présenter les caractéristiques définies d'un commun accord par les parties ou être propre à tout usage spécial recherché par l'acheteur, porté à la connaissance du vendeur et que ce dernier a accepté.
L'expert a constaté que l'échantillon de carrelage présenté par M. et Mme D est différent du carrelage livré et posé en ce que le premier présente une finition de surface lisse et brillante, le second présentant une finition de surface légèrement rugueuse, mate, terne'; testés à l'eau claire et à l'huile alimentaire, le premier est insensible aux taches, le second se tachant sur simple application d'eau claire.
Il est certain, ainsi que l'a relevé le premier juge et que le fait plaider l'intimée, que le carrelage livré correspond à celui visé au bon de commande à savoir un carrelage Tiger Rock gold rock.
Il faut constater cependant, que ce bon de commande, pièce appelants n°1, ne porte aucune indication sur la finition du carrelage alors qu'il n'est pas prétendu que l'échantillon correspondrait à une référence différente de celle visée au bon de commande, à savoir Tiger Rock gold rock.
L'expert étant d'avis que le carrelage livré présente les caractéristiques techniques d'un carrelage antidérapant destiné à des bâtiments publics, il appartenait donc à la société Chavigny, en présence de consommateurs, de livrer à M. et Mme D un carrelage destiné à être posé dans leur habitation, à savoir, un carrelage ne se tachant pas sur simple application d'eau claire et d'entretien courant. Le carrelage livré n'étant pas propre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable, il faut en déduire que le vendeur n'a pas rempli les obligations prévues à l'article L. 211-5 précité puisqu'il ne peut être attendu d'un consommateur normalement diligent qu'il mette en œuvre une procédure spécifique de nettoyage, 2 lavages avec le produit Fila PS 87 + 2 application du produit B A, à l'aide de produits qui ne sont pas ceux d'usage courant, alors qu'il n'est pas contesté qu'il n'en a pas été prévenu. Il en résulte que le vendeur n'a pas rempli son obligation de conformité. La décision est donc infirmée.
En cas de défaut de conformité, l'article L. 211-9 du code précité permet à l'acheteur de choisir entre la réparation et le remplacement du bien. Toutefois, le vendeur peut ne pas procéder selon le choix de l'acheteur si ce choix entraîne un coût manifestement disproportionné au regard de l'autre modalité, compte tenu de la valeur du bien ou de l'importance du défaut. Il est alors tenu de procéder, sauf impossibilité, selon la modalité non choisie par l'acheteur.
Les appelants ont choisi le remplacement du carrelage, acquis pour un coût de 11 834,64 euros selon facture du 19 avril 2010, et dont la pose a été facturée 4 486,40 euros, pièce n°2.
Cependant, la société Chavigny, qui a conclu à la confirmation de la décision, n'a pas usé de la faculté offerte par le texte précité d'offrir la réparation par le nettoyage du carrelage. Il convient donc, faisant droit à la demande, de lui ordonner de remplacer le carrelage, avec fourniture et pose d'un carrelage Tiger Rock gold rock destiné à une habitation, ne se tachant pas sur simple application d'eau claire et d'entretien courant, sous astreinte de 50'euros par jour dans le délai d'un mois à compter de la signification de la décision.
Il est certain que M. et Mme D subissent un préjudice de jouissance depuis plusieurs années, leur première réclamation ayant été faite par lettre recommandée du 29 septembre 2010, du fait des taches affectant leur carrelage, lequel se tache sur simple application d'eau claire. Il convient, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, actuellement 1240, de condamner l'intimée à leur verser des dommages intérêts de 2 000 euros.
La société Chavigny qui succombe sera condamnée au paiement des entiers dépens de première instance, parmi lesquels les frais d'expertise, des dépens d'appel et au paiement d'une indemnité de procédure de 3 000 euros en faveur de M. et Mme'D.
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement' ; Infirme le jugement, en toutes ses dispositions ' ; Statuant à nouveau ' ; Ordonne à la société Chavigny de remplacer le carrelage livré à Mme X Y F épouse D et M. E D, par fourniture et pose d'un carrelage Tiger Rock gold rock destiné à une habitation, ne se tachant pas sur simple application d'eau claire et d'entretien courant, sous astreinte de 50'euros par jour à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la signification de la décision et ce pendant trois mois maximum' ; La condamne à payer à Mme X Y F épouse D et M. E D des dommages intérêts de 2 000 euros' ; Condamne la société Chavigny au paiement des entiers dépens de première instance, parmi lesquels les frais d'expertise, des entiers dépens d'appel, lesquels seront recouvrés par Maître N. Gallier, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile' ; Condamne la même à verser à Mme X Y F épouse D et C D une indemnité de procédure de 3 000 euros au titre de l'article 700 de ce code.