CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 23 janvier 2020, n° 19-17892
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
ITM Entreprises (Sasu)
Défendeur :
SCA Pétrole et Dérivés (SAS), Valorme (SAS), Société Générale (SA), BPI France Financement (SA), L'Immobilière européenne des Mousquetaires (SA), Sogex (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Avocats :
Mes Boccon Gibod, Moiré, Boguslawski, Frikha, Autier, Pieuchot, Laurent, Masotta, Bayle
FAITS ET PROCÉDURE :
Par jugement en date du 7 novembre 2018, le tribunal de commerce de Créteil, a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la SAS Valorme qui exploite un supermarché lntermarché à Villeneuve Saint Georges, domiciliée Villeneuve Saint Georges et immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Créteil sous le numéro 323018358 1986 B 13670.
Ce même jugement a désigné :
- la Selarl X prise en la personne de Me X, administrateur judiciaire avec une mission d'assistance,
- Me Y, mandataire judiciaire.
Par jugement en date du 24 avril 2019, la procédure de sauvegarde a été convertie en redressement judiciaire et par jugement du 25 septembre 2019 le tribunal de commerce de Créteil a :
- Arrêté le plan de cession de la SAS Valorme en faveur de Messieurs A et B, avec possibilité de substitution en faveur d'une société à constituer la société Sogex, dont le capital social serait de 20 000 euros, dont le siège social serait <adresse> à Villeneuve Saint Georges et dont le Président serait M. A,
Aux conditions qui suivent :
4°) Reprise des contrats suivants souscrits par la société Valorme :
- le contrat de bail commercial conclu le 7 décembre 2011 par acte sous seing privé avec la société L'Immobilière européenne des Mousquetaires,
- le contrat d'enseigne Intermarché conclu le 2 mars 2015 par acte sous seing privé avec la société ITM Entreprises,
- le contrat d'approvisionnement en carburant pour la station-service,
- le contrat de crédit-bail conclu le 5 juillet 2016 avec la société Sogelease pour les caisses du supermarché,
- le contrat de location souscrit auprès du groupe des Mousquetaires Stime pour le serveur Dell, le photocopieur et les 4 stations informatiques,
Aux termes d'un second jugement le tribunal de commerce de Créteil a prononcé la liquidation judiciaire de la société Valorme.
La société ITM Entreprises, qui avait conclu un contrat d'enseigne avec la société Valorme et dont le contrat a été cédé, a interjeté appel du jugement arrêtant le plan de cession par déclaration du 7 octobre 2019.
Par ordonnance du 16 octobre 2019, la société ITM Entreprises a été autorisée à assigner à jour fixe.
Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 11 décembre 2019, la société ITM Entreprises demande à la cour de :
- Infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la cession forcée du contrat d'enseigne conclu le 2 mars 2015 avec la société ITM Entreprises et la société Valorme,
En conséquence, statuant à nouveau :
- Retirer le contrat d'enseigne conclu le 2 mars 2015 avec la société Valorme, ainsi que tous autres contrats liants directement ou indirectement les filiales directes et indirectes de la société ITM Entreprises à la société Valorme, du périmètre de cession envisagée dans le cadre de l'offre de reprise de Messieurs A et B,
- Débouter les intimés de leurs demandes, fins et conclusions,
- Condamner solidairement la société Valorme, la société Selarl X, Maître Y, et Messieurs B et A à une somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
Dans ses dernières conclusions, auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 10 décembre 2019, la société IEM, bailleresse, demande à la cour de :
- La déclarer recevable et bien fondée,
- Infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la cession forcée du contrat de bail en date du 7 décembre 2011 avec la société L'immobilière européenne des Mousquetaires.
En conséquence, statuant à nouveau :
- Retirer du périmètre de la cession le contrat de bail en date du 7 décembre 2011 entre la société L'Immobilière européenne des Mousquetaires et la société Valorme, ainsi que tous autres contrats liants directement ou indirectement les filiales directes et indirectes de la société L'Immobilière européenne des Mousquetaires à la société Valorme, du périmètre de cession envisagée dans le cadre de l'offre de reprise de Messieurs A et B,
- Condamner solidairement la société Valorme, la société Selarl X, Maître Y, et Messieurs B et A à une somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
Dans leurs dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 11 décembre 2019, Me Y ès qualité et la Selarl X, ès qualité demandent à la cour de :
- Déclarer irrecevable l'appel de la société ITM Entreprises en ce qu'il porte sur des contrats auxquels elle n'a pas qualité de partie ;
Ce faisant,
- Débouter la société ITM Entreprises en son appel et l'y déclarer mal fondée ;
- Débouter la société ITM Entreprises en l'ensemble de ses demandes formulées à l'égard de la Selarl X, prise en la personne de Maître X, ès qualité de Maître Y ès qualités ;
- Confirmer le jugement en ce qu'il a arrêté le plan de cession de la société Valorme en faveur de Messieurs A et B, avec possibilité de substitution en faveur d'une société à constituer la société Sogex dont le Président serait Monsieur M. et en ce qu'il a ordonné la reprise notamment des contrats suivants souscrits par la société Valorme :
Le contrat d'enseigne Intermarché conclu le 2 mars 2015 par acte sous seing privé avec la société ITM Entreprises, ainsi que tous les autres contrats liant directement ou indirectement les filiales directes et indirectes de la société ITM Entreprises à la société Valorme, du périmètre de cession envisagée dans le cadre de l'offre de reprise de Messieurs A et B;
S'entendre condamner la société ITM Entreprises au paiement d'une somme de 10 000 euros, en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile
Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 11 décembre 2019, la société Valorme demande à la cour de :
- Déclarer irrecevable l'appel de la société ITM Entreprises en ce qu'il porte sur des contrats auxquels elle n'a pas la qualité de partie.
En tout état de cause,
- Débouter la société ITM Entreprises de l'ensemble de ses demandes et déclarer son appel mal fondé ;
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement
Vu l'article 700 du Code de procédure civile :
- Condamner la société ITM Entreprises à verser à la société Valorme la somme de 8 500 euros ;
Dans leurs dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 11 décembre 2019, MM. A et B et la société Sogex demandent à la cour de :
- Déclarer irrecevable l'appel en ce qu'il porte sur des contrats auxquels la société ITM Entreprise n'a pas la qualité de partie,
- Confirmer le jugement,
- Débouter les sociétés ITM entreprises et IEM de leurs demandes.
- Condamner solidairement les sociétés ITM entreprises et IEM au paiement d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 12 décembre 2019, la société Générale s'en rapporte à la justice et demande de dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.
SUR CE,
Sur la recevabilité de l'appel de la société ITM
La société ITM critique la pertinence du choix de repreneurs et fait valoir qu'il existerait une opposition de la part des salariés et des organes de la procédure au plan de cession arrêté par le tribunal. Elle soutient que les salariés et les organes de la procédure se sont opposés à la cession et ont émis des réserves et des doutes sur la capacité des repreneurs à redresser la situation et de façon générale que le choix de la société Sogex n'est pas pertinent au motif qu'elle est dans l'incapacité de redresser le point de vente.
À ce sujet, elle indique que la société Sogex n'a pas respecté les délais qui lui étaient impartis pour son immatriculation, qu'elle n'a rouvert que tardivement le point de vente, qu'elle ne dispose pas de la trésorerie nécessaire pour exploiter le point de vente et passer les commandes, qu'elle est incapable de procéder à l'approvisionnement du point de vente, et qu'elle est donc dans l'incapacité de redresser la situation.
La société Valorme conteste que les salariés soient opposés à l'arrivée des repreneurs et soutient qu'ils ont au contraire émis un avis favorable.
Me Y et la Selarl X répondent que cette présentation est erronée et incomplète, font valoir que les doutes de l'administrateur judiciaire ont été levés à la suite de l'audience, précisent que les repreneurs ont procédé à la constitution et l'immatriculation de la société Sogex, que le délai d'une semaine s'entendait uniquement de la constitution et non de l'immatriculation.
Me Y et la Selarl X et la société Valorme exposent que la société ITM est irrecevable à interjeter appel pour demander le retrait de tout contrat autre que le contrat d'enseigne.
Selon l'article L. 661-6, III du Code de commerce, ne sont susceptibles que d'un appel soit du débiteur, soit du ministère public, soit du cessionnaire ou du cocontractant mentionné à l'article L. 642-7, les jugements qui arrêtent ou rejettent le plan de cession de l'entreprise.
Le cessionnaire ne peut interjeter appel du jugement arrêtant le plan de cession que si ce dernier lui impose des charges autres que les engagements qu'il a souscrits au cours de la préparation du plan.
Le cocontractant mentionné à l'article L. 642-7 ne peut interjeter appel que de la partie du jugement qui emporte cession du contrat.
En l'espèce, la société ITM Entreprises n'est contractuellement liée à la société Valorme que par un contrat d'enseigne, de sorte qu'elle ne recevable à interjeter appel que de la partie du jugement qui emporte cession du contrat d'enseigne et son appel portant sur les autres aspects du jugement et notamment sur la pertinence du choix du repreneur sera déclaré irrecevable.
Sur la cession du contrat de bail conclu avec la société IEM
La société IEM, bailleresse, qui a formé un appel incident, demande de retirer le contrat de bail ainsi que les autres contrats liant ses filiales à la société Valorme du périmètre de la cession.
Elle expose que l'article 18.1 du contrat relatif à la cession du bail prévoit que le preneur devra obligatoirement avoir obtenu l'accord préalable du bailleur pour toute vente ou apport du fonds de commerce en ces termes : " en cas de vente ou d'apports du fonds de commerce, le preneur devra obligatoirement avoir obtenu l'accord préalable et écrit du bailleur qui ne pourra refuser ledit agrément que pour des motifs sérieux et légitimes ", ce qui n'a pas été respecté, et que l'avenant du 7 décembre 2011 précise que " les dispositions du présent avenant sont établies " intuitu personae " et concernent exclusivement le preneur en sa qualité d'adhérent du groupement Intermarché.
En conséquence en cas (...) de cession par le preneur à un tiers du droit au bail, (seul ou avec le fonds de commerce), (...) les conditions particulières et les conditions générales du bail modifié par le présent avenant reprendront immédiatement et automatiquement leur plein et entier effet, sans qu'il soit besoin d'une formalité particulière le présent avenant étant alors caduc de plein droit. "
Pour solliciter l'infirmation du jugement en ce qu'il emporte cession du contrat de bail elle invoque un défaut de respect des dispositions contractuelles relatives à la cession.
Selon l'article L. 642-7 du Code de commerce, lorsque le tribunal arrête un plan de cession, il détermine les contrats nécessaires au maintien de l'activité et le jugement qui arrête le plan emporte cession de ces contrats, qui doivent être exécutés aux conditions en vigueur au jour de l'ouverture de la procédure, nonobstant toute clause contraire.
En l'espèce, le bail commercial portant sur les locaux dans lequel le fonds de commerce est exploité est un contrat nécessaire et indispensable au maintien de l'activité d'entreprise.
Compte tenu du caractère d'ordre public de la cession et de sa nature judiciaire et forcée, la clause contractuelle stipulant que la cession du bail est subordonnée à l'accord écrit du bailleur se trouve privée d'effet et le bail doit être exécuté aux conditions en vigueur au jour de l'ouverture de la procédure c'est-à-dire selon les termes du bail et de son avenant.
La société bailleresse invoque encore le fait que les loyers n'ont été payés que partiellement depuis l'entrée en jouissance du bailleur et que le dépôt de garantie n'a pas été reconstitué.
Cependant, ces faits relèvent de l'exécution du contrat de bail et non de la cession du bail, étant précisé que celui-ci étant cédé aux clauses et conditions du contrat, les loyers devront être réglés conformément à celui-ci et le dépôt de garantie reconstitué, s'il a été restitué à l'ancien locataire ou s'il a été compensé avec des loyers impayés.
Sur la cession du contrat d'enseigne
La société ITM expose que par analogie avec le contrat de franchise, le contrat d'enseigne est conclu intuitu personae, qu'il prévoit expressément l'agrément de tout repreneur par la société ITM Entreprises, et en déduit que le contrat d'enseigne ne fait pas partie des contrats cessibles tels que prévus par l'article L. 642-7 du Code de commerce.
Elle précise par ailleurs que les repreneurs retenus n'ont pas suivi le processus de sélection permettant de les agréer, de sorte qu'ils risquent de porter atteinte à son image de marque.
Elle fait valoir que ceux-ci n'ont pas pris le temps de se mettre en relation avec elle, ne sont pas en mesure et n'ont pas la volonté de respecter les clauses contractuelles du " tiers temps ".
Elle ajoute que les cessionnaires ne se sont pas davantage rapprochés d'elle afin de substituer leurs cautions personnelles à celles des gérants précédents, l'engagement de caution étant inhérent au contrat d'enseigne.
Elle précise également qu'elle craint une violation du secret du savoir-faire Intermarché auprès d'une enseigne concurrente en raison de la volonté du repreneur d'ouvrir un point de vente dans un centre commercial concurrent.
La société ITM soutient encore que le maintien de l'enseigne n'est pas nécessaire au maintien de l'activité, que les repreneurs avaient indiqué avoir d'autres contacts avec des enseignes concurrentes et qu'il existe un risque de violation du savoir-faire Intermarché du fait de non-respect des normes, de l'image de marque et de la cohésion du réseau.
Me Y et la Selarl X répondent que le plan de cession qui organise le transfert d'une activité économiquement viable déroge au principe consensualiste, que si l'intuitu personae touche la qualité de l'exécution du contrat par le cédant, il fait obstacle au transfert sans accord du cocontractant, mais que ce n'est pas le cas lorsque le redressement judiciaire concerne le franchisé et non le franchiseur. Ils ajoutent que les repreneurs ont une expérience dans le domaine de la distribution et qu'ils peuvent bénéficier de la formation Intermarché.
Ils ajoutent que le caractère d'ordre public de la cession judiciaire des contrats nécessaires à la poursuite de l'activité du débiteur conduit à réputer non écrites les clauses de préemption et les clauses restrictives de cession.
Ils font valoir que le tribunal dispose d'un pouvoir souverain dans l'appréciation de l'opportunité de transfert des contrats nécessaires à la poursuite de l'activité, qu'en l'espèce le contrat d'enseigne est bien lié à l'activité principale de l'entreprise et nécessaire à la réalisation de l'objet social et à la poursuite de l'exploitation conformément aux exigences de l'article L. 642-7 du Code de commerce.
De son côté, la société Valorme expose que le caractère intuitu personae ne fait pas obstacle à la cession judiciaire, que la disposition est d'ordre public, que les jurisprudences citées par l'appelante ne sont pas applicables au cas d'espèce, dans la mesure où elles concernaient le redressement judiciaire du franchiseur ou des apports partiels d'actifs mais pas de cession judiciaire.
Elle ajoute que la clause d'agrément est inapplicable en cas de cession judiciaire et qu'elle est en contradiction avec le principe de libre cession du fonds de commerce et du droit au bail.
S'agissant du tiers-temps et de l'engagement de caution, elle rétorque que la société ITM qui reproche aux repreneurs de n'avoir pas respecté ses engagements, n'établit pas qu'elle en aurait demandé l'exécution sans succès. Elle souligne également que la société ITM n'établit pas le risque de violation du secret de savoir-faire Intermarché.
Enfin elle précise que les éventuelles violations dans l'exécution du contrat d'enseigne relèvent uniquement du droit des contrats et ne saurait avoir d'incidence sur le transfert du contrat aux repreneurs.
S'agissant de la nécessité de céder le contrat d'enseigne, elle souligne que ni le jugement, ni le plumitif ne font état des affirmations des repreneurs qui pourraient continuer l'activité sous une autre enseigne comme l'invoque l'appelante. Elle ajoute que de telles affirmations ne pourraient en tout état de cause pas être interprétées comme une renonciation au transfert du contrat d'enseigne.
Elle précise enfin que la nécessité du maintien de l'enseigne est essentiel dans la mesure où son absence entraînerait nécessairement une réorganisation totale du fonds de commerce, des aménagements lourds et la fermeture longue du magasin.
Le contrat d'enseigne qui avait été signé entre les cédants et la sociétés ITM Entreprises et l'ensemble de ses filiales directes ou indirectes contient les mentions suivantes :
- le préambule précise que " ITM Entreprises a retenu la candidature de la société d'exploitation en considération (...) de la personnalité de l'actionnaire majoritaire et dirigeant de la société qui, en effet doit posséder une expérience professionnelle, une capacité d'adaptation aux contraintes de la vie du groupement des mousquetaires ; c'est la raison pour laquelle l'adhérent soussigné a fait l'objet d'une sélection et suivi un stage de formation. "
- L'article 1 " objet du contrat " stipule que " le contrat est conclu en considération expresse et déterminante de la personnalité de l'adhérent, de sa situation de dirigeant effectif et du contrôle qu'il détient la majorité des actions et droit de vote de la société d'exploitation ".
- L'article 8 du contrat intitulé " cession du fonds de commerce " précise que " afin de permettre à ITM Entreprises d'agréer l'acquéreur potentiel ou de rechercher un autre acquéreur agréé par elle, opération que les parties trouvent préférable à tout autre moyen de transmission de la propriété du fonds de commerce, la société notifiera par acte extrajudiciaire a à ITM Entreprises, à l'adresse de son siège social, le projet en cause ".
Il résulte de ces dispositions d'une part que le contrat a, de convention expresse, été conclu intuitu personnae, suite à un processus de sélection, impliquant la nécessité d'un stage de formation et, d'autre part, que la cession du fonds ne peut intervenir qu'après agrément par la société ITM Entreprises.
Ainsi qu'il a été précédemment mentionné, l'article L. 642-7 du Code de commerce prévoit, en cas de plan de cession, la cession par le tribunal des contrats nécessaires au maintien de l'entreprise. Cet article prive nécessairement d'effet toute clause qui aurait pour conséquence de restreindre le pouvoir du tribunal de céder des contrats. Le transfert des contrats déterminés par le tribunal est opposable à tous nonobstant l'existence d'une clause restrictive, s'agissant d'une cession judiciaire. Il s'ensuit que la clause contractuelle stipulant que la cession de l'enseigne est subordonnée à une procédure d'agrément et à un droit de préférence se trouve privée d'effet, une telle clause étant de nature à paralyser la cession.
Par ailleurs, l'intuitu personnae n'interdit la cession d'un contrat que lorsque celle-ci est incompatible avec le maintien des éléments essentiels du contrat.
Or, la société ITM Entreprises ne rapporte pas la preuve de l'impossibilité de continuer le contrat d'enseigne avec la société cessionnaire, de sorte qu'en l'espèce l'intuitu personnae invoqué n'est pas de nature à faire obstacle à la cession du contrat.
Il ne peut davantage être exigé une formation ou un stage préalable du cessionnaire, ceux-ci pouvant être effectués postérieurement à la cession, afin de se conformer aux exigences de qualité de l'enseigne, une telle clause constituant également un élément de nature à empêcher toute cession, compte tenu de la célérité inhérente au processus permettant d'aboutir à un plan de cession.
En outre, ainsi que l'a relevé la société Valorme le contrat d'enseigne est nécessaire à la continuation de l'entreprise dans la mesure où un changement d'enseigne entraînerait nécessairement une réorganisation totale du fonds de commerce, des aménagements lourds et la fermeture longue du magasin et un tel changement serait de nature de mettre en péril la pérennité de l'entreprise.
Enfin, toutes les observations effectuées par la société ITM Entreprises portant sur d'éventuels manquements contractuels de la part des repreneurs, tels l'engagement de caution solidaire prévu à l'article 12 du contrat d'enseigne, le respect des clauses contractuelles relatives au tiers temps (consistant pour le dirigeant à rendre des services bénévoles pour le tiers de son temps de travail), ne visent que des fautes non avérées relatives à l'exécution du contrat et ne constituent pas des obstacles à la cession judiciaire du contrat.
De même, l'argumentation relative aux risques de violation du savoir-faire Intermarché ou de violation du secret, ne constitue que des craintes soulevées par le cocontractant. Ainsi, le fait que M. M., associé de la société cessionnaire ait pu envisager précédemment d'ouvrir un point de vente sous l'enseigne Coccinelle ne permet pas d'en déduire qu'il existe un risque de violation du secret ; par ailleurs, le fait que la société cessionnaire ait eu pour projet de proposer à la clientèle des produits adaptés à la population cosmopolite de Villeneuve-Saint-Georges ne démontre pas une intention de se soustraire au respect des instructions du franchiseur.
En conséquence, le jugement sera confirmé.
Sur les dépens et frais hors dépens
Les sociétés ITM Entreprises et IEM seront condamnées aux dépens et l'équité commande, en application de l'article 700 du Code de procédure civile de les condamner à payer, in solidum une somme de 5 000 euros à Me Y ès qualités et 5 000 euros à la société Baronnie H., ès qualités, ainsi qu'une somme de 2 000 euros à MM. B et A et la société Sogex ensemble, et une somme de 2 000 euros à la société Valorme.
Aucune considération d'équité ne commande de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit des autres parties.
Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Déclare les sociétés ITM Entreprises et Immobilières européennes des mousquetaires (IEM) recevables en leur appel uniquement en ce qu'il vise les contrats les liant à la société Valorme et pour lesquels elles ont la qualité de parties, c'est-à-dire le contrat de bail commercial et son avenant, le contrat d'enseigne et les autres contrats liant directement ou indirectement les filiales directes et indirectes de la société ITM Entreprises à la société Valorme, Confirme le jugement en ce qu'il a ordonné la cession des dits contrats en faveur de MM.A et B, avec possibilité du substitution en faveur d'une société à constituer la société Sogex. Déboute les parties de leurs plus amples demandes, Condamne les sociétés ITM Entreprises et IEM aux dépens ainsi qu'à payer, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, in solidum, une somme de 5 000 euros à Me Y ès qualités et une somme 5 000 euros à la société X, ès qualités, ainsi qu'une somme de 2 000 euros à MM. A et B la société Sogex ensemble, et une somme de 2 000 euros à la société Valorme, Rejette les autres demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.