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Décisions

CA Nîmes, 4e ch. com., 23 janvier 2020, n° 18-00148

NÎMES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Distri DA (Sté)

Défendeur :

SPM International Bazar Land (SA), SPM International (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Codol

Conseillers :

Mme Rochette, M. Gagnaux

Avocats :

Mes Tullat, Rigaud, Thevenin, Destours, Cohen Boulakia

T. com. Nîmes, du 30 nov. 2017

30 novembre 2017

EXPOSÉ :

X explique qu'étant au chômage dans le courant l'année 2012 il a découvert sur un site internet une proposition d'adhésion de la SA SPM International à son réseau " Bazar Land ", qu'il a visité pour information un magasin et qu'il lui a été proposé très vite de signer un bail commercial pour un local et une " convention de partenariat " le 4 juin 2012, faisant suite à un document d'information précontractuel intervenu peu auparavant en date du 3 mai 2012.

Il a créé une société pour cette activité commerciale, la SARL Distri DA, rapidement en difficulté et placée en liquidation judiciaire le 25 mai 2016 par le tribunal de commerce d'Agen, Maître Y étant désigné es qualités liquidateur à la liquidation judiciaire et intervenant désormais en cette qualités en la procédure au fond initiée auparavant.

Le 12 avril 2016, X et la SARL Distri DA ont en effet assigné la SA SPM International devant le tribunal de commerce de NIMES, sollicitant essentiellement :

" A titre principal : de prononcer la nullité du contrat de partenariat du 04/06/2012 pour dol et erreur substantielle,

A titre subsidiaire : la résolution du contrat aux torts exclusifs de la SPM International, avec obligation de rembourser à la société les sommes de 20 000 au titre du droit d'entrée, 5 000 au titre du dépôt de garantie, 27 500 au titre des redevances, outre condamnation à payer à Monsieur X à titre personnel les sommes de 200 000 au titre de son apport initial, de 370 630 au titre de ses apports de trésorerie, de 52 900 au titre des salaires non perçus, et de 20 000 au titre de son préjudice moral.

Le tribunal de commerce de Nîmes, par jugement en date du 30 novembre 2017, a jugé :

Vu les dispositions des articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce,

Vu les articles 1110, 1116, 1134, 1147 et 1382 du Code civil,

Vu les pièces et conclusions versées aux débats,

Dit que la SA SPM International a respecté les dispositions des articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce,

Dit qu'il n'existe pas de vice du consentement affectant la conclusion du contrat de partenariat,

Dit que la SA SPM International a correctement exécuté ses obligations au titre du contrat de partenariat,

Dit qu'il n'y a pas lieu de prononcer restitution ou réparation à la charge de la SA SPM International,

Déboute Monsieur X et la SARL Distri DA de l'ensemble de leurs demandes,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes, fins et conclusions contraires ;

Condamne Monsieur X de la SARL Distri DA et la SARL Distri DA aux dépens de l'instance (...) "

X et Y ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Distri DA, appelants, demandent à la cour au dispositif de leurs dernières écritures :

Vu les anciens articles 1108, 1110, 1116 et 1131 du Code civil,

Vu les anciens articles 1134, 1147,1149 et 1184 du Code civil,

Vu les articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce,

Vu l'article 1240 du Code civil (anciennement 1382),

- Infirmer le jugement et statuant à nouveau et y ajoutant :

- Déclarer Monsieur X et Maître Y, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Distri DA, bien fondés en leurs demandes.

- Prononcer, à titre principal, la nullité du contrat de franchise pour dol et erreur substantielle ; et à titre subsidiaire, la résolution du contrat aux torts exclusifs de la société SPM International pour manquement à ses obligations essentielles contractuelles ; et Déclarer responsable la société SPM International pour manquements précontractuels et contractuels graves.

- Condamner la société SPM International à rembourser à Maître Y, ès qualités de mandataire-liquidateur de la société Distri DA, les sommes de 20 000 HT au titre du droit d'entrée, 5 000 HT au titre du dépôt de garantie, et 27 500 HT au titre des redevances, et la somme de 124 660,46 au titre du passif déclaré et admis.

- Condamner la société SPM International à payer à Monsieur X les sommes de 200 000 au titre de la perte de son apport initial, de 304 504 au titre de la perte de ses apports de trésorerie (apports en compte-courant), de 82 800 au titre de la perte des salaires, et de 150 000 au titre de son préjudice moral.

- Condamner la société SPM International à payer à Monsieur X la somme de 12 000 sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

- Condamner la société SPM International aux dépens de première instance et d'appel.

L'appelant fait essentiellement valoir :

- sa version personnelle de l'historique de la création, de la concrétisation et de la rupture des relations contractuelles entre les parties

- que le contrat doit être déclaré nul pour défaut d'information précontractuelle constitutif d'un dol, dol sur l'état général du marché et les perspectives de développement, sur l'absence d'état du marché local avec des informations " purement et simplement inexistantes ", des " informations prévisionnelles inexactes fantaisistes et trompeuses "

- qu'il n'existait pas de plan financier prévisionnel alors qu'a été présenté volontairement de façon trompeuse un réseau prospère d'exploitants mais en réalité en échec

- qu'il a été généré un coût inadapté et très lourd d'investissements initiaux

- qu'il y a nullité du contrat pour erreur substantielle sur la rentabilité de l'activité, avec manquement de la société franchiseur à ses obligations contractuelles d'assistance préalable et postérieure à l'ouverture

- qu'il y a lieu d'indemniser non seulement la société Distri DA désormais en liquidation judiciaire mais X à titre personnel en tant qu'associé gérant de la société franchisée, pour la perte de ses apports en capital et compte courant d'associé, et son préjudice moral

La SA SPM International Bazar Land - intimée - demande à la cour au dispositif de ses dernières écritures :

Vu les articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce,

Vu les articles 1110, 1116, 1134, 1147 et 1382 du Code civil, dans leurs versions applicables au litige,

Il est demandé à la cour d'appel de Nîmes de :

A titre principal, Confirmer le jugement dont appel, Quoi faisant, Déclarer Monsieur X et Maître Y, ès qualités de mandataire-liquidateur de la société Distri DA mal fondés en toutes leurs demandes, fins et conclusions et les en débouter purement et simplement ;

Dire et Juger que la société " SPM International Bazar Land " a respecté les dispositions des articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce ;

Dire et Juger l'absence de tout vice du consentement affectant la conclusion du contrat de partenariat ;

Dire et Juger que la société " SPM International Bazar Land " a correctement exécuté ses obligations au titre du contrat de partenariat ;

Dire et Juger que dès lors il n'y a pas lieu à prononcer restitution ou réparation à la charge de la société " SPM International Bazar Land " ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire, la résolution ou l'annulation du contrat de partenariat était prononcée :

Dire et Juger que l'annulation ou la résolution de contrat emporte restitution de part et d'autre ;

Dire et Juger que la valeur des prestations fournies par la société " SPM International Bazar Land " est égale au montant des sommes demandées par la société Distri DA ;

Dire et Juger n'y avoir lieu à restitution, tenant la compensation entre ces créances réciproques ;

Dire et Juger qu'il n'existe aucun préjudice indemnisable ;

Débouter Maître Y, ès qualité de mandataire-liquidateur de la société Distri DA de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

Débouter Monsieur X (Distri DA) de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

En toute hypothèse :

Condamner, Monsieur X (Distri DA) au paiement de 8 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; aux entiers dépens avec faculté de recouvrement direct au profit de l'avocat soussigné au titre de l'article 699 du Code de procédure civile.

La société intimée fait essentiellement valoir :

- sa propre version de l'historique des relations contractuelles et du projet de magasin sous l'enseigne Bazar Land sur la candidature de X déjà en société Distri DA et avec même déjà un autre projet d'implantation, candidat assisté de plus par son propre expert-comptable

- qu'elle peut se prévaloir légitimement du succès de son réseau avec des exemples significatifs et qu'elle traitait en l'espèce avec un commerçant indépendant, un partenaire ayant une expérience des affaires

- qu'il n'y a pas de sa part violation des dispositions de la loi Doubin (article L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce) et qu'un vice du consentement doit être prouvé à propos de l'état général du marché national ou local, la zone d'implantation ou la présentation du réseau d'exploitants

- qu'il existait des investissements spécifiques nécessaires et qu'elle n'avait pas dans son rôle et missions à établir un budget prévisionnel

- qu'il n'y a pas en l'espèce de nullité invocable par les appelants pour erreur substantielle sur la rentabilité potentielle de l'opération, en l'absence aussi de chiffres d'affaires prévisionnels établis par elle

- que la véritable raison des difficultés de la société Distri DA résulte du non-respect du concept " Bazar Land " en 2013, 2014 et 2015 comme en justifient selon elle les fiches de visite périodiques du magasin et ses préconisations, et également d'une non-participation depuis mars 2014 aux réunions régionales du réseau, parallèlement à une dégradation de l'environnement concurrentiel de la société Distri DA

- que les appelants ont réalisé " d'énormes travaux pour mettre en conformité le local qu'ils avaient choisi sur la commune de Beauzelle " " ce qui a plombé leur premier exercice "

- qu'à titre subsidiaire il y a lieu de relever l'absence de réclamation préalable des appelants et qu'elle-même a correctement respecté ses obligations d'assistance avant ouverture (voir "rétroplanning" d'ouverture et étant remarqué que les problèmes d'accessibilité DDT ou de sécurité SDIS ne sont pas à sa charge), et après ouverture

- qu'en cas de nullité ou de résolution il faudrait tenir compte des prestations qu'elle a elle-même fournies dans les relations contractuelles, qu'il n'y a pas de préjudice indemnisable pour la société Distri DA en liquidation judiciaire, ni pour X à titre personnel faute de justifications pertinentes et en l'état de demandes doubles ou de cumuls injustifiés.

Pour plus ample exposé des faits de la cause et le développement des moyens de droit ou de fait des parties au soutien de leurs prétentions, il est renvoyé à leurs dernières écritures exposées dans leurs développements essentiels infra par la Cour en la motivation du présent arrêt.

MOTIVATION :

L'article L. 330-3 Code de commerce dispose :

" Toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause. Ce document, dont le contenu est fixé par décret, précise notamment, l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités. Lorsque le versement d'une somme est exigé préalablement à la signature du contrat mentionné ci-dessus, notamment pour obtenir la réservation d'une zone, les prestations assurées en contrepartie de cette somme sont précisées par écrit, ainsi que les obligations réciproques des parties en cas de dédit.

Le document prévu au premier alinéa ainsi que le projet de contrat sont communiqués vingt jours minimum avant la signature du contrat, ou, le cas échéant, avant le versement de la somme mentionnée à l'alinéa précédent. "

L'article R. 330-1 Code de commerce dispose :

" Le document prévu au premier alinéa de l'article L. 330-3 contient les informations suivantes :

1°) L'adresse du siège de l'entreprise et la nature de ses activités avec l'indication de sa forme juridique et de l'identité du chef d'entreprise s'il s'agit d'une personne physique ou des dirigeants s'il s'agit d'une personne morale ; le cas échéant, le montant du capital ;

2°) Les mentions visées aux 1° et 2° de l'article R. 123-237 ou le numéro d'inscription au répertoire des métiers ainsi que la date et le numéro d'enregistrement ou du dépôt de la marque et, dans le cas où la marque qui doit faire l'objet du contrat a été acquise à la suite d'une cession ou d'une licence, la date et le numéro de l'inscription correspondante au registre national des marques avec, pour les contrats de licence, l'indication de la durée pour laquelle la licence a été consentie ;

3°) La ou les domiciliations bancaires de l'entreprise. Cette information peut être limitée aux cinq principales domiciliations bancaires ;

4°) La date de la création de l'entreprise avec un rappel des principales étapes de son évolution, y compris celle du réseau d'exploitants, s'il y a lieu, ainsi que toutes indications permettant d'apprécier l'expérience professionnelle acquise par l'exploitant ou par les dirigeants.

Les informations mentionnées à l'alinéa précédent peuvent ne porter que sur les cinq dernières années qui précèdent celle de la remise du document. Elles doivent être complétées par une présentation de l'état général et local du marché des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché.

Doivent être annexés à cette partie du document les comptes annuels des deux derniers exercices ou, pour les sociétés dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé, les rapports établis au titre des deux derniers exercices en application du III de l'article L. 451-1-2 du Code monétaire et financier ;

5°) Une présentation du réseau d'exploitants qui comporte :

a) La liste des entreprises qui en font partie avec l'indication pour chacune d'elles du mode d'exploitation convenu ;

b) L'adresse des entreprises établies en France avec lesquelles la personne qui propose le contrat est liée par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée ; la date de conclusion ou de renouvellement de ces contrats est précisée ;

Lorsque le réseau compte plus de cinquante exploitants, les informations mentionnées à l'alinéa précédent ne sont exigées que pour les cinquante entreprises les plus proches du lieu de l'exploitation envisagée ;

c) Le nombre d'entreprises qui, étant liées au réseau par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée, ont cessé de faire partie du réseau au cours de l'année précédant celle de la délivrance du document. Le document précise si le contrat est venu à expiration ou s'il a été résilié ou annulé ;

d) S'il y a lieu, la présence, dans la zone d'activité de l'implantation prévue par le contrat proposé, de tout établissement dans lequel sont offerts, avec l'accord exprès de la personne qui propose le contrat, les produits ou services faisant l'objet de celui-ci ;

6°) L'indication de la durée du contrat proposé, des conditions de renouvellement, de résiliation et de cession, ainsi que le champ des exclusivités.

Le document précise, en outre, la nature et le montant des dépenses et investissements spécifiques à l'enseigne ou à la marque que la personne destinataire du projet de contrat engage avant de commencer l'exploitation. "

Sur les vices de consentement induits par les défauts d'informations précontractuelles

Les appelants invoquent la nullité du contrat pour défaut d'information précontractuelle constitutif d'un dol, car le document d'information préalable (DIP) donnait selon eux sur l'état général du marché national et les perspectives de développement des résultats très généraux et incomplets, alors qu'en même temps ils ignoraient personnellement la réalité du marché local et s'étaient vu de fait imposer le choix de la zone d'implantation proposée avec beaucoup d'assurances et d'affirmations péremptoires par la société Bazar Land.

A la suite de premiers contacts généraux et d'information en février 2012 avec le dirigeant d'alors Z, X adressait sa candidature à une franchise Bazar Land le 18 mai 2012 pour une implantation à étudier dans le département du Lot et Garonne, à Agen.

Le franchiseur n'a pas d'obligation de résultat bien sûr, mais une obligation de moyens et de transmission d'un savoir-faire et d'une structure de réseau ayant pour vocation de mettre en place les éléments raisonnables d'une réussite commerciale.

Dans les pièces jointes à son dossier candidature, X explique qu'il a un niveau bac économique et social, puis différents emplois dans la grande distribution ; il est acquis qu'il n'a jamais dirigé en tout cas la moindre entreprise, qu'il n'a toujours été que salarié et qu'il est au jour de sa candidature à la recherche d'un emploi.

Il ne peut en aucun cas être considéré comme quelqu'un ayant une expérience réelle de gestion d'entreprise ou a fortiori être considéré comme un homme d'affaires de la grande distribution et du secteur commerçant en cause.

L'ensemble des correspondances échangées et des documents produits démontrent au contraire une adhésion totale et confiante, sans restriction, au projet de partenariat qui lui est présenté, faisant confiance au franchiseur pour suppléer son inexpérience.

X est certes assisté d'un expert-comptable qui lui a établi en l'état des informations fournies par les éléments du projet Bazar Land connu un dossier prévisionnel qui respecte un cadre habituel en la matière (compte de résultat, plan de financement, bilan prévisionnel et notes annexes) mais expressément l'expert-comptable (document 59) énonce que ses comptes " n'ont pas fait l'objet d'une mission d'expression d'assurance ". Il faut comprendre qu'il s'agit d'un cadre théorique avec des évaluations artificielles selon des éléments de X, qui lui-même ne les a construits que sur les informations communiquées par son franchiseur.

Ce document est établi le 22 mai 2012 et lui-même un prévisionnel modifié, transmis comme tel par X au dirigeant Z le 23 mai 2012, selon courrier ayant pour objet " prévisionnel modifié " et expressément dans la lettre : " veuillez trouver ci-joint le prévisionnel revu en fonction de la réduction de la structure ". Il y a donc bien eu une discussion entre les partenaires, une demande de révision de structure, et une nouvelle analyse des comptes dans leur stade final.

Il ne résulte d'aucun document quelconque que ce prévisionnel revu, souhaité par le franchiseur, ait été contesté ou même ait fait la moindre analyse critique ou la moindre réserve de la SA SPM International Bazar Land

Il s'agit pourtant d'un document de travail qui a pour base un chiffre d'affaires pour le premier exercice à cheval sur 2012 - 2013 de 1 067 000, 840 263 en 2014 et une augmentation en 2015 à 882 276 : les résultats nets annoncés sont pour la première période 27 060 [soit sensiblement ce que gagne le couple X selon la fiche de renseignements précitée] et une augmentation à 29 030 en 2014, et 41 298 dès 2015.

L'ensemble de ces informations concertées avec le dirigeant de la SA SPM International Bazar Land accrédite non pas seulement l'idée d'un projet réalisable mais même aussi et surtout d'un projet promis à un succès certain de la première année et un développement certain aussi et très vite fructueux, après une brève période initiale de lancement.

X ne dispose alors d'aucun conseil, d'aucune mise en garde, d'aucune formation, pour une situation qu'il a ni la formation ni les informations pour utilement en assurer la critique, d'autant qu'il constate que son projet ainsi initié est validé en toutes ses composantes par la SA SPM International Bazar Land

L'article L. 330-3 du Code de commerce parle d'" un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause. "

Ce document, dont le contenu est fixé par décret, précise notamment, l'état et les perspectives de développement du marché concerné,

Il n'existe aucun élément précis, ni aucun document ou considération, permettant d'affirmer que de façon dolosive la SA SPM International Bazar Land aurait volontairement induit en erreur ou poussé à la faute X : en tout état de cause cela aurait été contraire aux intérêts mêmes du franchiseur dans le cadre de son développement de réseau et de ses propres bénéfices.

Par contre, les bases mêmes du contrat, en relation avec le document précontractuel, ne recouvraient aucune réalité, à un niveau tel qu'il n'est pas possible de l'expliquer autrement que par une totale inadéquation des chiffres avancés et du contexte économique et concurrentiel de l'implantation du magasin de X.

En relation à ce propos avec les chiffres cités supra :

- le chiffre d'affaires à cheval sur 2012-2013 fait apparaître un chiffre d'affaires de 702 328 avec un résultat net comptable (perte) de - 78 829

- le chiffre d'affaires 2014 fait apparaître un chiffre d'affaires de 385 950 pour un résultat net comptable (perte) de - 28 198

- le chiffre d'affaires 2015 fait apparaître un chiffre d'affaires de 348 312 pour un résultat net comptable (perte) de - 40 960

Une information sincère et utile aurait nécessité une étude du marché à l'échelon local, plus particulièrement au lieu d'implantation en tenant compte de la population du secteur, la population se déplaçant pour venir dans la zone commerciale, le type d'acheteur et l'environnement économique ou concurrentiel, avec l'indication des principaux concurrents de nature à influer sur les résultats du magasin.

Certes il appartient au franchisé d'analyser le choix d'implantation en une étude de marché mais il ne disposait pas des éléments lui permettant d'en déduire les performances attendues puisqu'il ignorait totalement - au moins initialement jusqu'à l'ouverture - les produits à vendre et la politique commerciale qui allait être promue et développée par le réseau auquel il adhérait en toute confiance, et qu'il rémunérait précisément pour limiter les risques commerciaux et s'assurer certains paramètres de réussite très attendus en l'état de son chômage et de son budget familial.

En outre, le franchiseur avait l'obligation contractuelle d'assister le franchisé à l'élaboration de son plan prévisionnel et, compte tenu de son expérience, devait aider Monsieur X à faire en sorte que ce plan soit sérieux, et non un avatar des performances du réseau telles qu'annoncées dans des démarches publicitaires.

La nullité ne peut être prononcée que si les manquements du franchiseur ont vicié le consentement du franchisé.

L'erreur n'est une cause de nullité qu'à la condition d'avoir été déterminante du consentement : sans elle le contrat n'aurait pas été conclu ou en tout cas ne l'aurait pas été aux mêmes conditions.

Il est constant que la perspective raisonnable de rentabilité de l'opération est une composante essentielle du contrat de franchise et du partenariat commercial, élément substantiel et déterminant du contrat de franchise.

En l'espèce il y a une erreur sur la rentabilité résultant d'informations précontractuelles artificielles et sans véritable étude ou réflexion de la part du franchiseur, contrairement à ses engagements contractuels. Les chiffres d'affaires et les résultats des plus flatteurs annoncés ont été déterminants du consentement de Monsieur X qui ne se serait pas engagé dans une telle entreprise s'il avait connu les réelles perspectives d'expansion de la société - très inférieures aux prévisions - pour laquelle il s'est fortement endetté.

Sur la responsabilité invoquée du franchisé dans son échec

Il est certain que le manquement aux informations précontractuelles et à la sincérité du document d'information préalable suffit pour la nullité du contrat, mais il convient d'y ajouter qu'en tout état de cause les manquements opérés dans l'exécution du contrat et les carences graves à cet égard de la SA SPM International Bazar Land, qui permettraient pareillement et suffiraient pour considérer que la rupture du contrat est imputable au franchiseur aussi pour manquement à ses obligations d'assistance au franchisé.

En effet il faut nécessairement considérer qu'à tout le moins et à défaut d'un travail fait correctement en amont, en présence de graves et incontestables difficultés, le franchiseur devait multiplier les interventions et conseils pour redresser la situation dès les premiers mois après l'ouverture du magasin.

La SA SPM International Bazar Land fait grand cas en ses écritures de ce qu'elle appelle le non-respect par le franchisé Distri DA du concept Bazar Land et se retranche à ce propos (ses pièces 8,9 et 10 qui sont des " fiches visites magasin " 2013, 2014 et 2015 outre des notes de frais sommaires de son agent W, toutes d'août à septembre 2012 - c'est-à-dire la période d'ouverture de magasin-).

L'ensemble des fiches magasins précitées (une par mois) se présente comme un document sommaire à chaque fois d'une seule page avec une colonne " observations " et une colonne "préconisations". Les observations et préconisations sont faites en quelques très brèves lignes, ou en quelques mots.

Très artificiellement en ses écritures la SA SPM International Bazar Land extrait ou surligne de brèves indications ou recommandations pour tenter d'accréditer l'idée d'une mauvaise volonté du franchisé, et artificiellement aussi elle extrait d'une lettre de X (sa pièce 34) qui est une réflexion sur son analyse des tracts une phrase in fine expliquant : " c'est peut-être pour cela que je fais de moins en moins de tracts " pour prétendre qu'il se refusait à en faire. Or cette lettre n'a pas ce sens et date de plus du 2 février 2015, à une période où les difficultés sont avérées.

Il est par ailleurs mis en exergue que X aurait refusé de se rendre aux réunions régionales et de respecter les préconisations, avec une citation d'une lettre, sans référence de la pièce, qui est très exactement au dossier sous la signature d'un nouveau dirigeant A au moment de la crise contractuelle grave 6 mois avant la procédure collective, et qui est datée du 13 janvier 2016 seulement, et en réponse à un courrier de X se plaignant du comportement de Bazar Land est bien antérieure puisque en date du 24 novembre 2015.

Il y a donc bien un défaut d'accompagnement du franchisé, celui-ci ne pouvant être seulement une suite de recommandations ponctuelles sur des fiches de visites mensuelles, en l'état de la gravité exceptionnelle de la situation. Cela exclut toute responsabilité personnelle en son échec.

Le franchiseur met aussi en exergue la " dégradation de l'environnement concurrentiel ", qui résulterait de l'implantation d'un important concurrent " GIFI " en 2013, mais elle prétend qu'un très bref mail de M. Z du 24 mai 2012 (seulement 11 jours avant la conclusion du contrat) aurait suffi pour l'information de X : le mail en question fait état de documents trouvés sur internet par M. Z qui les transmet avec des liens informatiques et sans commentaires au regard du projet d'ouverture de magasin. Il ne s'agit pas d'une véritable information à un partenaire ni a fortiori d'une assistance, d'une mise en garde ou d'une aide.

Il est donc particulièrement abusif de dire que " la société Distri DA doit ses difficultés à ses propres manquements et la dégradation de son environnement concurrentiel " ou a fortiori d'invoquer l'adage " nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude " ou de " l'attitude passive " de X.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le contrat de franchise doit être annulé pour erreur sur la rentabilité.

Sur le préjudice causé à la SARL Distri DA

La SARL Distri DA peut légitiment intégrer en son préjudice les sommes initiales payées - droit d'entrée de franchise 20 000 HT et dépôt de garantie 5 000 HT - et les redevances versées 27 500 HT

Les appelants demandent pour la SARL Distri DA la prise en charge du passif soit in fine 124 666,46, le montant du passif déclaré et admis.

Il convient de remarquer à cet égard que la poursuite d'activité dans des conditions déficitaires est un choix de la SARL Distri DA qui est à l'origine d'un passif qui ne peut être imputé à la SA SPM International Bazar Land Monsieur X sera débouté de ce chef de demande.

La SA SPM International Bazar Land n'est ni sérieuse ni fondée à vouloir compenser le préjudice qu'elle a causé, totalement même partiellement, par les prestations de conseil et de support logistique avant la conclusion du contrat ou après la conclusion du contrat, ensemble de prestations qui se sont avérées anormalement déficientes au regard de ses obligations contractuelles et nocives en leurs conséquences.

Sur les préjudices personnels de M. X

M. X est recevable - en droit- en tant que tiers au contrat de partenariat sur le fondement de la responsabilité délictuelle d'invoquer un manquement contractuel pour le préjudice qui lui a été causé personnellement et directement.

Il fait valoir la perte de son apport en capital en la création de la société, la perte d'une rémunération espérée pour le temps de son travail, l'obligation d'assurer le remboursement de sommes empruntées, indépendamment d'un préjudice moral.

Il invoque des préjudices personnels pour la somme de 200 000 au titre de la perte de son apport initial, de 304 504 au titre de la perte de ses apports de trésorerie (apports en compte-courant), somme définitivement perdue en la procédure collective.

Il estime et demande la somme de 82 800 au titre de la perte des salaires qu'il n'a pas eu pendant la période considérée.

Il justifie ainsi des composantes possibles à prendre en compte de son préjudice à cet égard et il invoque enfin préjudice moral de 150 000.

Il convient de considérer dans un premier temps que le défaut d'information précontractuelle qui a induit une erreur substantielle est constitutif d'une faute mais le préjudice ne peut être équivalent tout à la fois à la somme misée initialement au capital de la société, et au fonctionnement de la société dont les associés assument la poursuite d'activité en ajoutant du financement par un compte courant d'associé ou des investissements.

Il y a lieu en conséquence de retenir un préjudice de 200 000 correspondant au montant de l'apport initial.

La perte de salaire personnel n'est pas justifiée puisque le projet même de budget de la société était déficitaire en tout état de cause au moins les trois premiers mois et que la poursuite d'activité, quoique déficitaire, résulte d'une décision des associés.

Les désillusions causées par l'échec du projet, les difficultés morales qui s'en sont suivies pendant la période d'incertitude jusqu'à la rupture du contrat, l'amertume de l'absence de perspectives d'un projet salarié ou d'un autre projet d'entreprise caractérise un préjudice moral qui sera indemnisé enfin par l'allocation de la somme de 5 000.

Sur les frais et dépens

La SA SPM International Bazar Land qui succombe sur l'ensemble de ses prétentions sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel et à payer en équiété à Me Y es qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL Distri DA la somme de 2 000, et à X la somme de 5 000, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Réformant le jugement entrepris et statuant à nouveau, Dit que la SA SPM International Bazar Land a manqué à ses obligations vis-à-vis de la SARL Distri DA au regard de ses obligations résultant de l'article L. 330 3 du Code de commerce, et d'assistance, Prononce la nullité du contrat de franchise du 2 juin 2012 pour le vice de consentement d'erreur substantielle sur la rentabilité, Condamne la SA SPM International Bazar Land à payer à Me Y es qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL Distri DA au titre du droit d'entrée pour 20 000 HT, le dépôt de garantie pour 5 000 HT et les redevances versées 22 500 HT, Dit que la SA SPM International Bazar Land a commis une faute au sens de l'article 1240 du Code civil à l'égard de X, recevable et bien fondé en son action personnelle en responsabilité à son encontre Condamne la SA SPM International Bazar Land à payer en conséquence à X et [son épouse] - à titre de préjudice personnel sur leur patrimoine privé 200 000, - à titre de préjudice moral 5 000, Déboute les parties de leurs autres ou plus amples prétentions, Condamne la SA SPM International Bazar Land à payer à Me Y ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL Distri DA la somme de 2 000, et X la somme de 5 000, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne la SA SPM International Bazar Land aux entiers dépens de première instance et d'appel.