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Décisions

CA Versailles, 3e ch., 23 janvier 2020, n° 18-07518

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Serenis Assurances

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Boisselet

Conseillers :

Mmes Bazet, Derniaux

Avocats :

Mes Bellaiche, Lyon

TGI Nanterre, 6e ch., du 7 sept. 2018

7 septembre 2018

FAITS ET PROCEDURE

Par acte du 9 décembre 2014, Mme X a souscrit un contrat d'assurance automobile pour son véhicule de la marque Honda, modèle Jazz, immatriculé CD-062-LR, auprès de la société Serenis.

Le 24 mars 2015, elle a déclaré à son assureur le vol de son véhicule, qu'elle indiquait avoir stationné sur un parking à proximité de la préfecture de Nanterre, où elle avait un rendez-vous.

Par procès-verbal du 19 juin 2015, la société Serenis a adressé à Mme X un accord de règlement à hauteur de 10 420 euros pour l'indemnisation de ce vol.

Par courrier du 15 septembre 2015, Mme X a informé la société Serenis que son véhicule avait été retrouvé à grande proximité de la préfecture de Nanterre le 2 septembre 2015.

Par lettre recommandée du 9 octobre 2015, la société Serenis a convoqué Mme X à une expertise contradictoire le 22 octobre 2015, à l'issue de laquelle l'expert a conclu que le véhicule n'avait pas fait l'objet d'un vol.

La société Serenis a mis en demeure Mme X de lui restituer la somme de 10 420 euros correspondant à l'indemnité versée. Par lettre du 9 décembre 2015, Mme X a informé son assureur qu'elle contestait les conclusions de l'expert et refusait de rembourser cette indemnité.

Suivant acte d'huissier du 19 février 2016, la société Serenis a assigné Mme X devant le tribunal de grande instance de Nanterre aux fins de la voir condamner au paiement de l'indemnité versée.

Par jugement du 7 octobre 2018, le tribunal a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- condamné Mme X à payer à la société Serenis la somme de 10 420 euros au titre de la répétition de l'indemnité indûment versée assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 février 2016,

- condamné Mme X à payer à la société Serenis la somme de 344,94 euros au titre des frais d'enlèvement du véhicule assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 février 2016,

- dit que les intérêts échus pour une année entière depuis la demande en justice produiront eux-mêmes des intérêts à compter du 19 février 2017,

- dit que Mme X sera autorisée, après règlement de l'indemnité à la société Serenis assurances, à reprendre, à ses frais, son véhicule, dans un délai de trois mois suivant la signification de la décision,

- dit que la société Serenis sera autorisée, passé ce délai de trois mois, à procéder à la destruction du véhicule

- débouté Mme X de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamné Mme X à payer à la société Serenis la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par acte du 5 novembre 2018, Mme X a interjeté appel et demande à la cour, par dernières écritures du 15 janvier 2019, de :

- l'accueillir en ses écritures, l'y déclarer recevable et bien fondée, infirmer le jugement en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau, à titre principal :

- juger non écrit l'article 4.4.3. du contrat d'assurances, par application de l'article L. 241-1 du Code de la consommation,

En tout état de cause,

- dire n'y avoir lieu à restitution,

- débouter la société Serenis de l'intégralité de ses demandes

- condamner la société Serenis à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, sur le fondement de l'article 32-1 du Code de procédure civile,

- condamner la société Serenis à lui payer la somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par dernières écritures du 18 février 2019, la société Serenis demande à la cour de :

- confirmer l'intégralité du jugement déféré,

- débouter Mme X de l'intégralité de ses demandes,

- condamner Mme X à lui payer la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, en cause d'appel

- la condamner aux entiers dépens avec recouvrement direct

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation. L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 octobre 2019.

SUR QUOI LA COUR

Le tribunal a tout d'abord jugé qu'il ressortait des conditions particulières du contrat d'assurance acceptées par Mme X et du procès-verbal d'accord de règlement en date du 19 juin 2015 que cette dernière avait reconnu, à deux reprises, avoir reçu un exemplaire et pris connaissance des conditions générales du contrat d'assurance au sein desquelles figure la clause litigieuse, dont le tribunal a par ailleurs jugé qu'elle était rédigée en termes clairs et précis.

Les premiers juges ont ensuite jugé que l'article 4.4.3 des conditions générales du contrat d'assurance n'était pas abusif dès lors que, contrairement au cas visé par la recommandation n° 89-01 de la Commission des clauses abusives invoqué par Mme X, l'établissement de traces d'effraction n'est pas impossible à rapporter postérieurement à la découverte du véhicule retrouvé.

Selon le tribunal, cet article 4.4.3 des conditions générales qui prévoit que la garantie vol est subordonnée à l'établissement de la preuve d'une effraction lorsque le véhicule est retrouvé n'a pas pour effet de causer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur entre les droits et obligations des parties puisqu'elle n'a pas pour objet de priver l'assuré de son droit d'indemnisation mais seulement de le conditionner à l'établissement de la preuve d'une effraction.

Les premiers juges ont ensuite écarté le moyen selon lequel le procès-verbal d'accord de règlement ne constituait pas un avenant au contrat d'assurance initial puisqu'il rappelait à l'assurée que les dispositions applicables au sinistre étaient celles des conditions générales qu'elle avait reçues lors de sa souscription au contrat d'assurance.

Le tribunal a ensuite retenu que le rapport d'expertise contradictoire établi le 10 novembre 2015 et le procès verbal de constat d'huissier du 22 octobre 2015 établissaient l'absence de traces d'effraction sur le véhicule déclaré volé et retrouvé.

A Mme X qui soutenait qu'il n'était pas fait état d'une possible effraction électronique, le tribunal a répondu que les pièces produites permettaient de conclure à l'absence de traces matérielles d'effraction sur le véhicule, qui permettait d'aboutir au constat d'une absence de vol, corroborée par d'autres éléments tels que la présence d'une large couche de poussière et de nombreuses feuilles mortes sur le pare-brise du véhicule et le déchargement de la batterie.

Le tribunal a ajouté que Mme X ne produisait aucune pièce de nature à établir la preuve d'une effraction électronique et échouait donc à rapporter la preuve de traces d'effraction matérielles sur son véhicule.

Mme X soutient que l'article 4.4.3. des conditions générales, qui se trouve noyé dans un contrat de 70 pages ne lui est pas opposable. Elle affirme qu'en tout état de cause l'assureur aurait dû en exécution de son devoir de mise en garde, inclure un rappel de cette clause, à tout le moins, dans le cadre de l'accord de règlement, et non pas renvoyer à l'ensemble des conditions générales.

L'appelante fait valoir que par recommandation du 19 mai 1989, la Commission des clauses abusives a recommandé que soient éliminées des contrats d'assurance des véhicules automobiles les clauses ayant pour objet ou pour effet de subordonner en cas de vol l'indemnisation de l'assuré à la preuve par ce dernier d'une effraction et l'article 4.4.3. précité répond parfaitement à cette définition. Elle soutient que l'application de cet article n'est pas limitée dans le temps et que l'incertitude de l'assuré, en dehors de toute appréciation de la bonne ou mauvaise foi de l'assuré, crée un déséquilibre significatif au détriment de l'assuré.

Mme X avance ensuite que l'accord de règlement dispose qu'en tous les cas, moyennant le paiement, l'assureur devient propriétaire du véhicule, ce qui implique que la société Serenis a renoncé à l'application de l'article 4.4.3 et que cet accord de règlement doit s'analyser comme un avenant modifiant les obligations respectives des parties sur les conditions du transfert de propriété suite au vol du véhicule.

Mme X soutient ensuite que le fait que le véhicule ne comportait pas de trace d'effraction ne saurait exclure le vol et qu'il ne lui appartenait pas d'expliquer à son assureur la façon dont sa voiture avait été dérobée, rappelant à cet égard l'importance croissante des vols commis par effraction électronique.

Elle souligne par ailleurs que l'expertise du véhicule n'a réalisée que le 10 novembre 2015 et qu'il n'est donc pas établi avec certitude que la voiture ne présentait pas de traces d'effraction lorsqu'elle a été retrouvée le 15 septembre 2015. Elle affirme que l'assureur ne rapporte pas la preuve de l'absence de vol de la voiture.

Enfin, Mme X affirme que le tribunal ne pouvait la condamner sur le fondement de la répétition de l'indu alors qu'au moment où il a été effectué le paiement était bien dû.

L'assureur réplique que l'article 4.4.3 des conditions générales est opposable à Mme X et qu'il ne constitue pas une clause abusive. Il fait valoir qu'un procès-verbal d'accord de règlement ne constitue pas un avenant au contrat mais matérialise uniquement l'accord des parties sur l'indemnisation du sinistre.

L'intimée soutient que son action est fondée sur la répétition de l'indu dés lors que la découverte du véhicule a apporté des éléments nouveaux de nature à remettre en cause les déclarations de l'assurée.

La société Serenis souligne que Mme X n'établit pas tant la matérialité que les circonstances du vol et que les éléments factuels lors de la découverte du véhicule comme des feuilles sur le véhicule retrouvé recouvert d'une couche de poussière, avec tous les effets personnels de l'assurée, démontrent qu'en réalité il n'y a pas eu vol.

Dans les conditions particulières du contrat d'assurance du 9 décembre 2014, Mme X déclare reconnaître avoir reçu un exemplaire des conditions générales. Cette déclaration est réitérée au procès-verbal d'accord de règlement signé par Mme X le 19 juin 2015.

Ces conditions générales sont donc opposables à l'assurée. La clause litigieuse est claire et sans équivoque. L'assureur n'était pas tenu d'en rappeler les termes lors du règlement de l'indemnité.

Aux termes de l'article L. 212-1 du Code de la consommation, sont désignées comme abusives les clauses qui, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Dans le cadre de sa recommandation n° 89-01 émise le 19 mai 1989, s'agissant de l'assurance des véhicules automobiles de tourisme, la Commission des clauses abusives a recommandé que soit éliminée des contrats d'assurance des véhicules la clause ayant pour objet de subordonner, en cas de vol, l'indemnisation de l'assuré à la preuve, par ce dernier, d'une effraction.

L'article 4.4.3 des conditions générales du contrat d'assurance conclu entre les parties dispose : " Véhicule volé et retrouvé après notre offre de règlement. Nous devenons propriétaires du véhicule. Hormis le cas de vol avec violence, s'il n'est pas constaté de traces matérielles d'effraction énoncées à l'article 4.1.1, la garantie vol ne vous est pas acquise. Vous êtes tenu de nous reverser les indemnités que nous vous avons versées. En contrepartie, vous reprenez possession du véhicule ".

La recommandation précitée vise à interdire que pèse sur l'assuré une preuve fort difficile à rapporter puisque précisément le véhicule a disparu et il doit être admis dans un tel cas que la preuve du sinistre sera suffisamment rapportée par des présomptions précises et concordantes.

Mais la clause litigieuse ne subordonne pas l'indemnisation du vol du véhicule à la preuve d'une effraction. Elle vise le cas de la découverte du véhicule déclaré volé et qui ne présente aucune trace d'effraction. Contrairement au cas décrit et dénoncé par la commission des clauses abusives, l'établissement de traces d'effraction n'est alors pas impossible à rapporter une fois le véhicule retrouvé.

C'est donc à bon droit que le tribunal a jugé que l'article 4.4.3 des conditions générales du contrat d'assurance n'avait pas pour effet de causer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur entre les droits et obligations des parties et ne devait pas être tenu pour une clause abusive.

Par le procès-verbal d'accord de règlement du 19 juin 2015, les parties se sont accordées sur le montant de l'indemnisation du vol à hauteur de 10 420 euros. Il y est mentionné que les conditions générales du contrat, dont Mme X reconnaît avoir eu connaissance, sont applicables au sinistre déclaré par l'assurée. Cet accord de règlement traduit l'accord des parties sur le règlement du sinistre et ne saurait donc s'analyser comme un avenant au contrat d'assurance initial.

Le véhicule a été retrouvé à la suite d'un avis de contravention adressé à Mme X le 10 septembre 2015, pour un stationnement abusif sur la voie publique excédant 7 jours. Le véhicule était stationné 24 Boulevard Emile Zola à Nanterre, à proximité de la préfecture. Au cours de l'expertise réalisée le 22 octobre 2015, en présence de Mme X et d'un huissier de justice, il a été constaté que les ouvrants sont verrouillés et les barillets de portes ne présentent aucune trace d'effraction, les deux clés fournies par Mme X sont parfaitement fonctionnelles, l'anti-vol de direction est opérationnel et la colonne de direction se verrouille/déverrouille parfaitement, le n° de frappe à froid du moteur est conforme, la batterie est totalement déchargée, le véhicule est équipé d'une alarme d'origine parfaitement fonctionnelle. Avec l'aide d'un booster, la mise en route du moteur s'est faite très rapidement et aucune défaillance mécanique n'a été constatée.

La carrosserie était maculée d'une poussière épaisse et le pare brise recouvert de feuilles mortes.

L'huissier de justice a observé à l'intérieur du véhicule la présence d'effets personnels et notamment un GPS avec son cordon d'alimentation sur le siège passager.

Mme X ne peut sérieusement soutenir que du fait du délai s'étant écoulé entre la disparition du véhicule et sa découverte, il n'est pas établi que la voiture ne présentait pas de traces d'effraction lorsqu'elle a été retrouvée le 15 septembre 2015 et qui auraient donc disparu lors de son examen le mois suivant. En toute hypothèse il s'agit là d'une affirmation qui n'est corroborée par aucun élément objectif, tout comme l'hypothèse d'une effraction électronique.

C'est donc à bon droit que le tribunal a jugé qu'en l'absence de traces matérielles d'effraction du véhicule, la garantie vol n'était pas acquise, de sorte qu'en application de l'article 4.4.3 des conditions générales, l'assureur qui avait versé la somme de 10 420 euros en exécution de ses obligations contractuelles était fondé à en demander la restitution, outre les frais d'enlèvement. Les condamnations ont été à raison assorties des intérêts au taux légal à compter de la demande en justice, soit à compter du 19 février 2016 et capitalisés.

L'appelante reproche au tribunal de lui avoir imparti un très bref délai en mentionnant que l'assureur serait autorisé à procéder à la destruction du véhicule si elle ne le reprenait pas dans les trois mois suivant la restitution de l'indemnité.

Il est pourtant certain qu'il était de l'intérêt de Mme X - qui ne saisit la cour d'aucune demande de délai supplémentaire - de reprendre possession de ce véhicule, éventuellement pour le revendre puisqu'elle en a acquis un autre en août 2015 (sa pièce n° 2).

De ce qui précède, il résulte que la demande en dommages-intérêts formée par Mme X a été justement rejetée.

Les dispositions du jugement relatives à l'indemnité de procédure et aux dépens seront confirmées.

Mme X, qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel avec recouvrement direct et versera à la société Serenis une indemnité de procédure de 1 500 euros.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant par arrêt contradictoire, Confirme le jugement en toutes ses dispositions. Y ajoutant, Condamne Mme X à verser à la société Serenis la somme de 1 500 euros en remboursement de ses frais irrépétibles d'appel. Condamne Mme X aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.