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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 28 janvier 2020, n° 19/06294

RENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Automobiles Peugeot (SA), Automobiles Citroen (SA)

Défendeur :

MA Pièces Autos Bretagne (Sasu), Bidan (ès qual.), Flatrès (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Contamine

Conseillers :

Mme Jeorger-Le Gac, M. Garet

Avocats :

Mes Bonte, Kouchnir Cargill, Demidoff, Bertin

T. com. Lorient, du 4 sept. 2019

4 septembre 2019

FAITS ET PROCEDURE :

La société MA Pièces Autos Bretagne (la société MPAB) a pour activité la distribution et la vente de pièces détachées et d'accessoires divers pour automobiles cycles et motocycles, commerce de détail d'équipements automobiles.

Elle a conclu un contrat de distributeur officiel de pièces de rechange, équipements, accessoires et autres produits et services (contrat DOPRA) avec les sociétés Automobiles Peugeot et Automobiles Citroën, cette dernière étant " le Concédant qui facture ". Ce contrat a été signé le 22 mai 2017 par la société MPAB.

La société MPAB appartient au groupe Midi Auto dont de nombreuses filiales sont concessionnaires et réparateurs agréés Citroën ou Peugeot et parfois DOPRA, et deux autres distributeurs DOPRA.

Les sociétés Automobiles Peugeot et Automobiles Citroën ont relevé que la société non agréée Autopuzz vendait régulièrement, notamment sur internet, des pièces de rechange d'origine, des équipements, accessoires et autres produits des marques Peugeot, Citroën, DS et Eurorepar. Ces ventes ont été constatées sur les sites internet Amazon, Cdiscount et Rakuten.

Les sociétés Automobiles Peugeot et Automobiles Citroën ont relevé que la société Autopuzz était approvisionnée par le distributeur DOPRA, la société MPAB.

Le 28 août 2018, les sociétés Automobiles Peugeot et Automobiles Citroën ont mis en demeure la société MPAB de cesser immédiatement toute revente de pièces de rechange, équipements et accessoires en provenance des sociétés Automobiles Peugeot et Automobiles Citroën à des revendeurs hors réseau et de respecter strictement à l'avenir ses obligations contractuelles, précisant que la moindre récidive pourrait mener à la résiliation du contrat de distributeur agréé.

Les sociétés Automobiles Peugeot et Automobiles Citroën ont saisi le président du tribunal de commerce de Paris d'une requête sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile pour faire établir précisément l'étendue des sources d'approvisionnement de la société Autopuzz en pièces de rechange, équipements, accessoires et autres produits des marques Peugeot, Citroën, DS et Eurorepar et l'étendue de leur préjudice. Un procès-verbal des diligences des huissiers en date des 12 et 20 novembre 2018 a été établi.

Estimant que pendant tout le mois de septembre et jusqu'au mois de novembre 2018 la société MPAB ayant réitéré ses agissements malgré la mise en demeure reçue par elle le 28 août, par lettre recommandée du 14 novembre 2018 les sociétés Automobiles Peugeot et Automobiles Citroën lui ont notifié la résiliation immédiate et de plein droit du contrat DOPRA, à ses torts et griefs, en application de son article XVI " Résiliation ".

La société MPAB a assigné les sociétés Automobiles Peugeot et Automobiles Citroën en référé d'heure à heure demandant au président du tribunal de commerce de Paris de les condamner sous astreinte à reprendre et poursuivre le contrat de DOPRA.

Par ordonnance du 5 décembre 2018, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a :

- Ordonné sous astreinte de 20 000 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'ordonnance, aux sociétés Automobiles Citroën et Automobiles Peugeot de reprendre l'exécution normale et intégrale du contrat de DOPRA les liant à la société MAPB et ce jusqu'à ce qu'un accord transactionnel ou une décision judiciaire ait apporté une solution définitive au différend opposant les parties,

- Dit que cette astreinte aura effet pendant une période maximale de 60 jours à l'issue de laquelle il sera à nouveau fait droit,

- Dit que cette mesure deviendra caduque si, passé le délai d'un mois à compter du prononcé de l'ordonnance, les parties ne sont pas parvenues à conclure un accord transactionnel ou si, à défaut d'accord possible, l'une d'entre elles n'a pas saisi le juge du fond pour faire trancher le différend qui subsisterait,

- Ordonné à la société Peugeot SA, sous la même astreinte, de communiquer l'ordonnance dans les 48 heures de son prononcé à l'ensemble des réseaux de DOPRA, de concessionnaires, de réparateurs agrées des marques de son groupe ainsi qu'aux groupements de concessionnaires et d'agents de ces marques,

- Laissé au juge de l'exécution le soin de liquider l'éventuelle astreinte,

- Ordonné à la société Peugeot SA de contacter tous les clients de la société MPAB qu'elle a incités à s'adresser à d'autres DOPRA à compter du 14 novembre 2018 pour leur demander expressément de reprendre leurs relations contractuelles avec la société MPAB,

- Interdit à la société MPAB, sous peine de caducité de la mesure ci-dessus, dans les huit jours du prononcé de l'ordonnance, la revente de pièces contractuelles à la société Autopuzz, sauf s'il est prouvé qu'elles sont revendues au réseau ou à un client final,

- Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties,

- Condamné en outre solidairement la société Peugeot SA, la société Automobiles Citroën et la société Automobiles Peugeot aux dépens de l'instance.

Au vu de cette ordonnance, les sociétés Automobiles Peugeot et Automobiles Citroën ont repris l'exécution du contrat DOPRA, tout en régularisant appel de cette ordonnance de référé le 14 décembre 2018, obtenant une procédure à jour fixe devant la cour d'appel de Paris.

Parallèlement, le 4 janvier 2019 la société MPAB a délivré une assignation au fond, comme le lui imposait l'ordonnance de référé sauf à ce qu'elle devienne caduque. Le 20 février 2019, la cour d'appel de Paris, statuant sur appel formé contre l'ordonnance du 5 décembre 2018, en a infirmé toutes les dispositions et dit n'y avoir lieu à référé. Elle a en ce sens retenu notamment que la reprise, même provisoire, d'un contrat résilié de plein droit n'entrait pas dans les pouvoirs du juge des référés. Le 5 avril 2019, la société MPAB a été placée en sauvegarde de justice, la société AJAssociés, prise en la personne de M. Bidan, étant désigné administrateur judiciaire avec mission d'assistance et la société Erwan Flatrès mandataire judiciaire.

La société MPAB, la société Aj Associés, ès qualités, et la société Erwan Flatrès, ès qualités, ont régularisé un pourvoi en cassation à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 20 février 2019.

Par arrêt du 4 décembre 2019, pourvoi n° 19-13.394, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a rejeté ce pourvoi :

Sur le moyen unique : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 février 2019), rendu en matière de référé, que les sociétés A..., Automobile K... et Automobiles A..., membres du groupe PSA, ont organisé un réseau de plates-formes régionales de distribution de pièces de rechange et conclu les 22 mai et 20 juillet 2017 avec la société MA pièces autos Bretagne (la société MPAB), distributeur de véhicules de marque A... et K..., un contrat de distributeur officiel de pièces de rechange, équipements et accessoires, portant sur la distribution des pièces de rechange de marque A..., K... et DS ; que reprochant à la société MPAB de vendre des pièces à un revendeur hors réseau, en violation des stipulations du contrat, elles ont résilié celui-ci, à effet immédiat, le 14 novembre 2018 ; que la société MPAB a assigné les sociétés du groupe PSA en référé aux fins de reprise du contrat, jusqu'à l'intervention d'un accord transactionnel ou d'une décision judiciaire tranchant de manière définitive le litige ;

Attendu que la société MPAB fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à référé alors, selon le moyen : 1°) que seule une clause claire et précise peut permettre à une partie de résilier unilatéralement un contrat ; qu'en l'espèce, en ne recherchant pas si la clause dont se prévalait l'auteur de la rupture était claire et précise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1103 du Code civil, pris ensemble les articles 872 et 873 du Code de procédure civile ; 2°) que pour être régulièrement notifiée, une résiliation doit émaner d'une partie au contrat ou de son mandataire dûment habilité ; qu'en l'espèce, en ne recherchant pas si la résiliation litigieuse émanait d'une société tierce non partie au contrat, de sorte qu'elle était irrégulière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale de l'article 1103 du Code civil, pris ensemble les articles 872 et 873 du Code de procédure civile ; 3°) qu'en ne recherchant pas, le cas échéant d'office, si l'auteur de la rupture avait entendu renoncer au bénéfice de la résiliation de plein droit, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1103 du Code civil, pris ensemble les articles 872 et 873 du Code de procédure civile ; 4°) que l'existence d'un dommage imminent oblige le juge des référés à prendre les mesures conservatoires qui s'imposent ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si le risque de disparition du distributeur et de la perte d'emploi consécutive pour cinquante-deux salariés de l'entreprise ne constituait pas un dommage imminent justifiant que le juge des référés ordonne, à titre provisoire et conservatoire, la poursuite des relations contractuelles entre les parties, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1103 du Code civil, pris ensemble les articles 872 et 873 du Code de procédure civile ; 5°) que le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires qui s'imposent ; qu'en retenant que la reprise, même provisoire, d'un contrat résilié de plein droit n'entrait pas dans les pouvoirs du juge des référés, la cour d'appel a violé les articles 872 et 873 du Code de procédure civile ; 6°) que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ; qu'en l'espèce, le contrat de distribution autorisait le distributeur à vendre des pièces de rechange aux mécaniciens réparateurs indépendants ; qu'en jugeant licite la résiliation unilatérale au motif tiré du fait que le distributeur ne pouvait vendre de telles pièces à la société Autopuzz, lorsqu'elle constatait que cette dernière exerçait une activité de réparation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1103 du Code civil, pris ensemble les articles 872 et 873 du Code de procédure civile ; 7°) que le juge ne peut dénaturer les éléments de la cause ; qu'en retenant que le contrat de distribution empêchait la société MPAB de vendre des pièces de rechange à la société Autopuzz, lorsque celui-ci autorisait le distributeur à effectuer auprès des réparateurs indépendants " la commercialisation, la vente et la fourniture [...] des pièces de rechange ", la cour d'appel a dénaturé les termes de ce document et violé l'article 1192 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que le contrat stipulait que chaque partie pourrait le résilier immédiatement et de plein droit, sans mise en demeure préalable, en cas de vente de produits par le distributeur à un revendeur ou à une personne ou société dont l'activité serait équivalente à la revente, à moins qu'il ne s'agisse de membres du réseau de distribution des produits A.../K.../DS/Eurorépar, agréés pour les revendre, l'arrêt constate que les concédantes ont notifié à la société MPAB, par une lettre signée le 14 novembre 2018 par le représentant des sociétés Automobiles K... et Automobiles A..., la résiliation immédiate du contrat au motif que le distributeur, après avoir été mis en demeure le 25 juillet 2018, avait persisté à vendre des pièces de rechange à la société Autopuzz, laquelle est une société de revente hors réseau de distribution, dont l'activité principale et déclarée est le négoce de ces pièces à grande échelle ; qu'ayant déduit de ces constatations qu'étaient réunies les conditions requises pour la mise en œuvre de la clause résolutoire de plein droit, et que, dès lors, la société MPAB ne pouvait invoquer l'existence d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite qui résulterait de l'application de cette clause, c'est à bon droit et sans dénaturer le contrat litigieux que la cour d'appel, qui a procédé à la recherche invoquée par la deuxième branche et qui n'était tenue de procéder ni à celles invoquées par les première et troisième branches, qui ne lui étaient pas demandées, ni à celle invoquée par la quatrième branche, que ses constatations et appréciations rendaient inopérante, a retenu qu'ordonner la reprise, même provisoire, d'un contrat résilié de plein droit n'entrait pas dans les pouvoirs du juge des référés ; que le moyen n'est pas fondé.

Par ordonnance du 29 avril 2019, la juge-commissaire du tribunal de commerce de Lorient en charge de la sauvegarde de la société MPAB a :

- Dit qu'il existait un contrat DOPRA ayant commencé à courir à compter du 21 février 2019 entre la société MPAB et les sociétés Automobiles Citroën et Automobiles Peugeot et qu'il s'agissait d'" un contrat en cours à la date d'ouverture de la sauvegarde, "

- Ordonné aux sociétés Automobiles Citroën et Automobiles Peugeot de reprendre la normale et intégrale exécution du contrat DOPRA au profit de la société MPAB, sous peine d'une astreinte de 30 000 euros par jour de retard dont la société Automobiles Peugeot et la société Automobiles Citroën seront redevables chacune, à défaut pour chaque société de satisfaire à cette injonction, dans les 2 jours suivant la notification de l'ordonnance.

Par jugement du 4 septembre 2019, statuant sur recours formé contre l'ordonnance du 29 avril 2019, le tribunal de commerce de Lorient a :

- Annulé en toutes ses dispositions l'ordonnance du 29 avril 2019 enrôlée au rôle général sous le numéro 2019/002211,

Statuant à nouveau :

- Dit que le contrat mis en place à compter du 21 février 2019 entre les sociétés Automobiles Peugeot et Automobiles Citroën et la société MPAB est un contrat en cours à la date du 5 avril 2019,

- Ordonné à la société Automobiles Peugeot et à la société Automobiles Citroën de reprendre la normale et intégrale exécution du contrat au profit de la société MPAB, sous peine d'une astreinte de 30 000 euros par jour de retard dont la société société Automobiles Peugeot et la société Automobiles Citroën seront redevables chacune, à défaut pour chaque société de satisfaire à cette injonction, dans les 2 jours suivant la signification du présent jugement par la société MPAB, l'astreinte définitive sera liquidée par le juge de l'exécution,

- Condamné les sociétés Automobiles Peugeot et Automobiles Citroën à payer à la société AJAssociés, ès qualités, et à la société MPAB la somme globale de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamné les sociétés Automobiles Peugeot et Automobiles Citroën aux entiers dépens de l'instance,

- Dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tout cas mal fondées, les en déboutées,

Les sociétés Automobiles Peugeot et Automobiles Citroën ont interjeté appel le 17 septembre 2019. Par ordonnance du 26 septembre 2019, le président de la 3e chambre civile de la cour d'appel de Rennes les a autorisées à assigner à jour fixe à l'audience du 10 décembre 2019.

Par conclusions de procédure du 10 décembre 2019, les sociétés AJ Associés, ès qualités, Erwan Flatrès, ès qualités, et MAPB demandent à la cour de :

- Renvoyer à une prochaine date de plaidoiries l'affaire initialement fixée suivant la procédure à jour fixe au 10 décembre 2019,

- A défaut, si par extraordinaire, il n'était pas fait droit à cette demande de renvoi,

- Rejeter des débats les dernières écritures du 5 décembre 2019 des appelants ainsi que la pièce n° 54 communiquée le même jour.

Par conclusions de procédure du 10 décembre 2019, les sociétés Citroën et Peugeot demandent à la cour de :

- Dire et juger qu'il n'est rapporté la démonstration d'aucune violation du contradictoire,

- Débouter les intimées de leur demande tendant à voir rejeter des débats les conclusions des appelantes en date du 5 décembre 2019,

- Débouter les intimées de leur demande de renvoi de l'audience.

SUR LES CONCLUSIONS DE PROCEDURE :

Le litige dure entre les parties depuis près d'une année et plusieurs décisions de justice ont été rendues. Les parties ont donc une bonne connaissance du litige. Les sociétés Citroën et Peugeot ont été condamnées sous des astreintes de 30 000 euros par jour chacune. L'urgence de la situation a conduit à leur accorder une autorisation d'assignation à jour fixe.

L'assignation a été délivrée le 9 octobre 2019. Les sociétés Citroën et Peugeot ont conclu pour la première fois le 17 octobre 2019. Les sociétés AJ Associés, ès qualités, Erwan Flatrès, ès qualités, et MAPB ont attendu le 29 novembre 2019 pour conclure. Les sociétés Citroën et Peugeot ont répondu à ces conclusions le 5 décembre 2019. Le dispositif de ces conclusions du 5 décembre 2019 est identique à celui des conclusions du 17 octobre 2019. Elles ne comportent en pièce nouvelle que la pièce n° 54 qui consiste en un arrêt de la Cour de cassation du 4 décembre 2019. Les ajouts aux motifs des conclusions du 5 décembre 2019 sont peu nombreux, sont facilement identifiables par des traits verticaux dans la marge et ne font que répondre aux conclusions des intimées en date du 29 novembre 2019 ou développer des arguments déjà exposés précédemment. Si les sociétés Citroën et Peugeot ont été en mesure d'exploiter, dès le 5 décembre 2019, l'arrêt rendu le 4 décembre 2019 par la Cour de cassation dans le litige opposant les parties, les sociétés AJ Associés, ès qualités, Erwan Flatrès, ès qualités, et MAPB disposaient quant à elles de près de cinq jours pour le faire en réponse.

Il apparaît ainsi que sociétés AJ Associés, ès qualités, Erwan Flatrès, ès qualités, et MAPB disposaient du temps nécessaire pour répondre utilement aux dernières conclusions et à la dernière pièce produite par les sociétés Peugeot et Citroën le 5 décembre 2019.

Il n'y a pas lieu de rejeter ces conclusions et cette pièce.

Les dernières conclusions des sociétés Automobiles Peugeot et Automobiles Citroën à prendre en compte sont donc celles en date du 5 décembre 2019. Les dernières conclusions des sociétés AJ Associés, ès qualités, Erwan Flatrès, ès qualités, et MAPB sont en date du 29 novembre 2019.

Il est à noter que les conclusions transmises par RPVA à la cour d'appel par les sociétés AJ Associés, ès qualités, Erwan Flatrès, ès qualités, et MAPB comportent une page 20 restée entièrement vierge. La version papier de ces conclusions produite devant la cour d'appel montre que cette page correspond à une partie du dispositif. Les sociétés Peugeot et Citroën ne contestent pas avoir reçu une version complète de ces conclusions et répondent, dans leurs conclusions du 5 décembre 2019, aux demandes figurant en page 20 des conclusions des sociétés AJ Associés, ès qualités, Erwan Flatrès, ès qualités, et MAPB. Il s'en déduit qu'elles ont reçu une version complète de ces conclusions. Il a donc lieu de retenir comme ayant été produites et soumises à la contradiction la totalité de ces conclusions.

PRETENTIONS ET MOYENS :

Les sociétés Automobiles Peugeot et Automobiles Citroën demandent à la cour de :

A titre principal :

- Infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a :

- Dit et jugé que le contrat mis en place à compter du 21 février 2019 entre les sociétés Automobiles Peugeot et Automobiles Citroën et la société MPAB est un contrat en cours à la date du 5 avril 2019,

- Ordonné à la société Automobiles Peugeot et à la société Automobiles Citroën de reprendre la normale et intégrale exécution du contrat au profit de la société MAPB, sous peine d'une astreinte de 30 000 euros par jour de retard dont la société Automobiles Citroën et la société Automobiles Peugeot seront redevables chacune, à défaut pour chaque société de satisfaire à cette injonction, dans les 2 jours suivant la notification du présent jugement, l'astreinte définitive sera liquidée par le juge de l'exécution,

- Condamné conjointement les sociétés Automobiles Peugeot et Automobiles Citroën à payer à la société AJAssociés, ès qualités, et à la société MPAB la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens,

Et statuant à nouveau :

- Dire et juger qu'il n'y avait pas de contrat en cours entre les sociétés Automobiles Peugeot, Automobiles Citroën et MPAB au jour du 5 avril 2019, date de la procédure de sauvegarde de cette dernière,

En conséquence :

- Débouter la société MPAB et son administrateur judiciaire de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire :

- Infirmer le jugement en ce qu'il a :

- Ordonné à la société Automobiles Peugeot de reprendre la normale et intégrale exécution du contrat au profit de la société MPAB, sous peine d'une astreinte de 30 000 euros par jour de retard,

En tout état de cause :

- Condamner la société MPAB et son administrateur judiciaire ès qualités, à payer à chacune des sociétés Automobiles Peugeot et Automobiles Citroën, la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner la société MPAB et son administrateur judiciaire ès qualités aux entiers dépens dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Les sociétés AJ Associés, ès qualités, Erwan Flatrès, ès qualités, et MPAB demandent à la cour de :

- Débouter les sociétés Automobiles Peugeot et Automobiles Citroën de l'intégralité de leur appel et de leurs demandes, fins et conclusions,

- Constater que, s'agissant de la détermination d'un contrat en cours, l'ordonnance annulée relevait des pouvoirs de juridiction gracieuse du juge-commissaire et qu'à ce titre, vu les éléments d'information résultant des pièces annexées à la requête qui lui ont permis de prendre suffisamment connaissance de la position de chaque partie, le juge-commissaire a pu statuer sans les appeler en débat contradictoire dans une matière relevant de sa compétence exclusive,

En conséquence, infirmer partiellement de ce chef le jugement,

Statuant à nouveau :

- Dire et juger régulière l'ordonnance du juge-commissaire en ce qu'elle a pu statuer non contradictoirement sur l'existence d'un contrat en cours au 5 avril 2019, date d'ouverture de la procédure de sauvegarde de la société MPAB,

- Confirmer par contre le jugement en ce qu'il a annulé l'ordonnance du juge-commissaire quant à la partie de son dispositif ayant ordonné non contradictoirement la poursuite sous astreinte du contrat liant les parties,

- Dire et juger que le contrat de DOPRA des 22 mai et 20 juillet 2017 a été résilié le 14 novembre 2018 à effet immédiat et que son existence juridique a cessé à cette date,

- Dire et juger que les relations commerciales précaires ordonnées par ordonnance de référé du 5 décembre 2018 ont immédiatement et de plein droit pris fin lors du prononcé de l'arrêt de référé de la cour d'appe1 de Paris du 20 février 2019,

- Dire et juger qu'en poursuivant de leur plein gré sans condition ni formalité préalable des relations commerciales à compter du 20 février 2019 après-midi et au plus tard à compter du 21 février 2019 au matin, les parties sont entrées dans une nouvelle relation contractuelle en concluant un contrat de DOPRA verbal exécuté aux mêmes conditions que le précédent contrat écrit résilié le 14 novembre 2018 ainsi que cela ressort des nombreux justificatifs produits au débat,

- Dire et juger que le courriel de la société PSA du 21 février à 16 heures 22 est intervenu postérieurement à la formation du nouveau contrat verbal de DOPRA, et que cet acte unilatéral émanant d'une société tierce au contrat, tendant à en fixer des conditions d'objet et de durée a posteriori qui n'ont pas été acceptées par la société MPAB est donc dépourvu de tout effet contractuel de même que son courriel du 20 mars 2019 à 23 heures 12,

- Dire et juger que le nouveau contrat conclu à compter du 20 février 2019, voire du 21 février 2019, entre les sociétés Automobiles Citroën, Automobiles Peugeot et MPAB n'avait pas, pour les raisons précitées, été régulièrement résilié et était donc encore en vigueur au 5 avril 2019, date d'ouverture de la procédure de sauvegarde de la société MPAB,

- Dire et juger que, s'agissant d'un contrat à exécution successive, la cessation unilatérale de son exécution durant quelques jours entre le 21 mars 2019 et le 5 avril 2019 n'a pas mis fin à son existence et que la société MPAB avait donc la possibilité d'en réclamer la reprise et la poursuite de l'exécution normale et intégrale aux juridictions de la procédure collective,

En conséquence :

- Confirmer de ces chefs le jugement,

- Condamner les sociétés Automobiles Peugeot et Automobiles Citroën, à payer une indemnité de 5 000 euros à M. Bidan, ès qualités, à M. Flatrès, ès qualités, ainsi qu'à la société MPAB, à chacun,

- Les condamner aux entiers frais et dépens d'instance et d"appel. Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.

DISCUSSION :

Sur l'annulation de l'ordonnance du juge-commissaire :

Le fait de savoir s'il existait un contrat en cours à la date de l'ouverture de la procédure collective, et la déduction que son exécution devait être poursuivie, relève de la matière contentieuse. Le juge-commissaire ne pouvait statuer sur une telle demande sans inviter les parties concernées à faire valoir leurs observations.

L'ordonnance du 29 avril 2019 a été rendue sans que les sociétés Peugeot et Citroën aient eu l'occasion de faire valoir leurs observations. Rendue en violation du principe de la contradiction, c'est à bon droit qu'elle a été annulée par le jugement dont appel qui sera confirmé sur ce point.

En tout état de cause, du fait de l'effet dévolutif de l'appel, l'annulation, ou l'absence d'annulation, de cette ordonnance est sans effet sur la solution du litige.

Sur l'existence d'un contrat en cours à la date de l'ouverture de la procédure de sauvegarde :

Aucune résiliation ou résolution d'un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde et le cocontractant doit remplir ses obligations :

Article L. 622-13 du Code de commerce :

I. - Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d'un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde. Le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d'exécution par le débiteur d'engagements antérieurs au jugement d'ouverture. Le défaut d'exécution de ces engagements n'ouvre droit au profit des créanciers qu'à déclaration au passif.

II. - L'administrateur a seul la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur. Au vu des documents prévisionnels dont il dispose, l'administrateur s'assure, au moment où il demande l'exécution du contrat, qu'il disposera des fonds nécessaires pour assurer le paiement en résultant. S'il s'agit d'un contrat à exécution ou paiement échelonnés dans le temps, l'administrateur y met fin s'il lui apparaît qu'il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant.

III. - Le contrat en cours est résilié de plein droit : 1°) Après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat adressée par le cocontractant à l'administrateur et restée plus d'un mois sans réponse. Avant l'expiration de ce délai, le juge-commissaire peut impartir à l'administrateur un délai plus court ou lui accorder une prolongation, qui ne peut excéder deux mois, pour se prononcer ; 2°) A défaut de paiement dans les conditions définies au II et d'accord du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles. En ce cas, le ministère public, l'administrateur, le mandataire judiciaire ou un contrôleur peut saisir le tribunal aux fins de mettre fin à la période d'observation.

IV. - A la demande de l'administrateur, la résiliation est prononcée par le juge-commissaire si elle est nécessaire à la sauvegarde du débiteur et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant.

V. - Si l'administrateur n'use pas de la faculté de poursuivre le contrat ou y met fin dans les conditions du II ou encore si la résiliation est prononcée en application du IV, l'inexécution peut donner lieu à des dommages et intérêts au profit du cocontractant, dont le montant doit être déclaré au passif. Le cocontractant peut néanmoins différer la restitution des sommes versées en excédent par le débiteur en exécution du contrat jusqu'à ce qu'il ait été statué sur les dommages et intérêts.

VI. - Les dispositions du présent article ne concernent pas les contrats de travail. Elles ne concernent pas non plus le contrat de fiducie, à l'exception de la convention en exécution de laquelle le débiteur conserve l'usage ou la jouissance de biens ou droits transférés dans un patrimoine fiduciaire.

Le contrat existant entre les sociétés Citroën et Peugeot et la société MPAB a été rompu par les premières le 14 novembre 2018. Dans sa lettre du 5 avril 2019 les mettant en demeure de poursuivre les livraisons, M. Bidan, ès qualités, a d'ailleurs ajouté que l'arrêt du 20 février 2019 de la cour d'appel de Paris avait mis fin, au moment même de son prononcé et de plein droit, sans autre formalité, aux relations contractuelles entre les parties.

Par courriel du 21 février 2019, M. Daubresse, de la direction du commerce France de PSA, responsable de la Direction pièces et services des sociétés Peugeot et Citroën, a indiqué à la société MPAB que la cour d'appel de Paris avait rendu la veille un arrêt " extrêmement clair " dans le dossier les opposant. Il a rappelé qu'il avait confirmé à plusieurs reprises qu'il était disposé, compte tenu de l'importance des intérêts communs, à étudier la possibilité d'arriver à un terrain d'entente mais que la société MPAB avait refusé de le rencontrer à ce jour. M. Daubresse a ajouté qu'il restait ouvert à la possibilité d'un accord global sur le dossier mais à la condition qu'un protocole soit signé avant le 20 mars 2019 compte tenu des délais d'ores et déjà écoulés et du fait que cette situation ne saurait perdurer davantage. Il a enfin indiqué qu'à défaut il exécuterait l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 20 février 2019 et que les procédures judiciaires les opposant suivraient leur cours et que dans l'intervalle il maintenait le contrat et ceci dans le seul but de tenter de trouver un accord. Il concluait en proposant une réunion pour trouver un accord le 7 ou le 8 mars 2019, demandait à ce que l'accord de la société MPAB pour cette réunion lui soit confirmé avant le mardi 26 février 2019 et qu'à défaut de réponse ou si la société MPAB refusait la proposition, il reprendrait sa liberté d'action.

En réponse, une réunion a été organisée le 8 mars 2019.

Par courriel du 20 mars 2019, M. Daubresse a indiqué à la société MPAB que tenant compte de l'historique des relations avec le groupe Midi-Auto, il s'était donné un mois pour essayer de trouver un accord mettant fin au contentieux sur Lorient mais que devant l'absence d'accord, il était conduit à appliquer l'arrêt de la cour d'appel de Paris et à procéder techniquement à l'arrêt du contrat de distributeur officiel de pièces de rechange de la société MPAB.

Par courriel du 21 mars 2019, M. Daubresse, répondant à une mise en demeure de reprendre l'exécution du contrat, a indiqué à la société MPAB qu'il ne partageait pas l'interprétation que cette dernière faisait du dossier et qu'il ne faisait qu'appliquer la décision exécutoire de la cour d'appel de Paris.

Par lettre du 28 mars 2019, le directeur du commerce Citroën France a contesté qu'il existe une relation contractuelle qui résulterait de la volonté des parties.

Il résulte de ces pièces que les sociétés Citroën et PSA n'ont à aucun moment, par le seul fait de la poursuite des relations de distribution, eu l'intention de conclure un nouveau contrat à durée indéterminée et aux conditions du contrat précédemment résilié. Dès le lendemain de l'arrêt de la cour d'appel, elles ont fait savoir que la poursuite de ces livraisons n'était que provisoire, d'une durée maximale d'un mois et qu'une poursuite dans le temps au-delà du 20 mars 2019 ne pourrait avoir lieu que si un accord était trouvé pour finaliser un nouveau contrat. En acceptant de poursuivre ces relations dans le cadre ainsi fixé par les sociétés Peugeot et Citroën, la société MPAB en a accepté les conditions, y compris de durée d'un mois.

Les intimées ne justifient pas que le contrat se soit poursuivi entre les dates et heures auxquelles l'arrêt de la cour d'appel a été rendu et les dates et heures du courriel de M. Daubresse du 21 février 2019. En tout état de cause, le simple fait que les relations n'aient pas cessé immédiatement aux dates et heures de l'arrêt de la cour d'appel ne saurait valoir, sans manifestation claire de volonté de la part des deux parties, conclusion d'un nouveau contrat entre les parties d'une durée indéterminée et encore moins aux conditions du contrat qui avait été résilié.

Comme il a été vu supra, M. Daubresse représentait les sociétés Peugeot et Citroën à la date à laquelle il a rédigé le courriel du 21 février 2019.

Il apparaît ainsi que la poursuite de ces livraisons à partir du 21 février 2019 ne constitue pas la volonté commune des parties de conclure une nouvelle convention verbale sans durée définie mais uniquement de façon momentanée et précaire pour favoriser l'aboutissement d'un accord. La poursuite de ces relations ne saurait valoir conclusion d'un nouveau contrat aux conditions du précédent qui avait été résilié.

Ces relations ont cessé à compter du 21 mars 2019 et les intimées indiquent d'ailleurs dans leurs conclusions devant la cour d'appel qu'il y a eu cessation de l'exécution des relations entre le 21 mars 2019 et le 5 avril 2019. De même, par courriel du 26 mars 2019, M. Ramirez, directeur général de la société MPAB, a indiqué à M. Daubresse qu'au vu de la situation actuelle, il lui proposait de lui racheter le stock de pièces de rechange de la société MPAB en intégralité et que dans le cas contraire il le céderait par ses propres moyens. Il résulte de ce courriel que la société MPAB a pris acte, le 26 mars 2019, de la fin des relations commerciales poursuivies à compter du 21 février 2019. M. Daubresse a répondu à ce courriel le 26 mars 2019 en indiquant qu'il appliquerait les modalités de reprise du stock à la date de cessation du contrat.

Il apparaît ainsi qu'aucun contrat en cours n'existait au jour de l'ouverture de la procédure de sauvegarde le 5 avril 2019. Il ne pouvait donc être demandé aux sociétés Peugeot et Citroen d'en poursuivre l'exécution.

Le jugement sera infirmé et la demande de poursuite du contrat allégué rejetée.

Sur les frais et dépens :

Il y a lieu de condamner les sociétés MPAB et AJAssociés, ès qualités, aux dépens de première instance et d'appel et à payer aux sociétés Peugeot et Citroën la somme de 10 000 euros chacune au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR : Rejette la demande des sociétés AJ Associés, prise en la personne de M. Bidan, ès qualités, Erwan Flatrès, ès qualités, et Ma Pièces Autos Bretagne tendant à ce que soient rejetées des débats les conclusions des sociétés Automobiles Peugeot et Automobiles Citroën en date du 5 décembre 2019 et la pièce n° 54, Confirme le jugement en ce qu'il a annulé l'ordonnance du juge-commissaire en date du 29 avril 2019, Infirme le jugement pour le surplus, Statuant à nouveau et y ajoutant : Dit qu'il n'existait aucun contrat en cours à la date de l'ouverture de la procédure de sauvegarde entre, d'une part, la société Ma Pièces Autos Bretagne et, d'autre part, les sociétés Automobiles Peugeot et Automobiles Citroën, Rejette la demande d'exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise, Condamne les sociétés Ma Pièces Autos Bretagne et AJAssociés, prise en la personne de M. Bidan, ès qualités, à payer à la société Automobiles Peugeot la somme globale de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne les sociétés Ma Pièces Autos Bretagne et AJAssociés, prise en la personne de M. Bidan, ès qualités, à payer à la société Automobiles Citroën la somme globale de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne les sociétés Ma Pièces Autos Bretagne et AJAssociés, prise en la personne de M. Bidan, ès qualités, aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.