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Décisions

Cass. com., 29 janvier 2020, n° 18-18.844

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Delaye, Lièvre, Fred Olivier (Sasu), L3C (Sasu), U10 (SA)

Défendeur :

Desmaris, U-Web (SARL), Pey-Harvey (ès qual.), Sapin (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Sudre

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Delamarre, Jehannin, SCP Bénabent

Lyon, 3e ch. sect. A, du 21 juin 2018

21 juin 2018

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le groupe U10, dirigé par M. Lièvre, est notamment constitué des sociétés L3C et Fred Olivier, dirigées par M. Delaye, et de la société U-Web, dirigée par M. Desmaris ; que lors de sa création en juillet 2011, la société U-Web a bénéficié, pour l'achat de ses articles auprès d'autres sociétés du groupe, de tarifs inférieurs de 35 % aux prix les plus bas pratiqués ; qu'à la suite d'une modification de la politique tarifaire du groupe, ayant conduit, à compter du 1er juillet 2015, à une augmentation des prix des articles achetés par elle auprès des sociétés L3C et Fred Olivier, la société U-Web a assigné celles-ci, ainsi que la société U10 et MM. Lièvre et Delaye, devant le tribunal de commerce de Villefranche-Tarare, dans le ressort territorial duquel était situé un établissement de la société L3C, en paiement de dommages-intérêts sur le fondement des articles 1101, 1108, 1134, 1135 et 1149 du Code civil, alors applicables, et L. 225-251 du Code de commerce ; que les sociétés L3C, Fred Olivier, U10 et MM. Lièvre et Delaye ont, notamment, formé une demande reconventionnelle fondée sur les dispositions de l'article L. 442-6, I, 1° du Code de commerce ; que les sociétés Alliance MJ et AJ Partenaires, désignées respectivement en qualité de mandataire et d'administrateur judiciaires de la société U-Web, mise en sauvegarde, ainsi que M. Desmaris, gérant de celle-ci, sont intervenus volontairement à l'instance ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche : - Attendu que MM. Delaye et Lièvre, et les sociétés L3C, Fred Olivier et U10 font grief à l'arrêt de déclarer territorialement et matériellement compétent le tribunal de commerce de Villefranche-Tarare alors, selon le moyen, qu'en présence d'une pluralité de défendeurs, le demandeur ne peut saisir la juridiction où l'un d'entre eux seulement demeure qu'à la condition qu'une clause attributive de compétence, valablement stipulée entre ce défendeur et le demandeur, ne désigne pas une autre juridiction territorialement compétente ; qu'en l'espèce, la société L3C était la seule société parmi les cinq codéfendeurs dont un établissement était situé dans le ressort du tribunal de commerce de Villefranche-Tarare ; que MM. Delaye et Lièvre et les sociétés L3C, Fred Olivier et U10 faisaient valoir qu'entre la société U-Web et L3C avait été valablement stipulée une clause attributive de compétence au profit du tribunal de commerce de Lyon, de sorte qu'aucun chef de compétence ne rattachait le litige, serait-il indivisible, à la juridiction de Villefranche-Tarare ; qu'en retenant pourtant que " s'agissant des relations entre L3C et Fred Olivier d'une part et U-Web d'autre part " il ne serait " pas besoin de vérifier son opposabilité [de la clause de compétence] à la société U-Web en l'état d'un litige indivisible ", quand la clause attributive de compétence excluait toute compétence du tribunal de commerce de Villefranche-Tarare, la cour d'appel a violé les articles 42 et 48 du Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt relève que, si la compétence territoriale de droit commun du tribunal de commerce de Villefranche-Tarare, fondée sur l'article 42 alinéa 2 du Code de procédure civile, n'était pas contestée par les parties, les sociétés L3C et Fred Olivier invoquaient l'application de la clause attributive de juridiction, figurant aux conditions générales de vente reproduites au verso des factures adressées à la société U-Web, au profit du tribunal de commerce de Lyon ; qu'après avoir rappelé qu'en vertu de l'article 48 du Code de procédure civile, cette clause doit, en cas de pluralité de défendeurs, avoir été convenue avec l'ensemble des parties, lesquelles doivent l'avoir souscrite en qualité de commerçantes, l'arrêt constate, d'un côté, qu'aucun document contractuel ne stipule une telle attribution de compétence dans les rapports entre la société U10 et sa filiale U-Web et que MM. Lièvre et Delaye ne sont pas commerçants et, de l'autre, que, s'agissant des relations entre les sociétés L3C et Fred Olivier et la société U-Web, il n'était pas besoin de vérifier l'opposabilité de la clause attributive de juridiction en l'état d'un litige indivisible ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que le tribunal de commerce de Villefranche-Tarare était territorialement compétent et qu'en raison du caractère indivisible du litige, il n'y avait pas lieu de vérifier l'opposabilité de cette clause à la société U-Web ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches : - Attendu que MM. Delaye et Lièvre, et les sociétés L3C, Fred Olivier et U10 font le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen : 1°) que la juridiction de droit commun saisie d'une demande apparemment fondée sur le droit commun de la responsabilité civile, mais qui repose en réalité sur une prétendue rupture abusive de relations commerciales établies, doit restituer à la demande sa véritable qualification et se déclarer incompétente pour en connaître ; qu'en l'espèce, les exposants soulignaient que la demande de la société U-Web, si elle feignait d'invoquer une faute contractuelle, était en réalité fondée sur les dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce, de sorte que le tribunal de commerce de Villefranche-Tarare était incompétent pour en connaître ; qu'en retenant pourtant que " les premiers juges étaient dépourvus de pouvoir juridictionnel pour déterminer si les dispositions de l'article L. 422-6 constituaient, comme l'affirment les intimés, le fondement juridique de l'action lancée par la société U-Web ", la cour d'appel a violé les articles L. 442-6 et D. 442-3 du Code de commerce, ensemble l'article 12 du Code de procédure civile ; 2°) que la juridiction de droit commun saisie exclusivement de demandes fondées, expressément ou implicitement, sur les dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce, est incompétente pour en connaître, puisqu'elle doit déclarer irrecevables l'intégralité des demandes ; qu'en retenant pourtant que " le tribunal de commerce a fait droit à tort à un déclinatoire de compétence alors que le défaut de pouvoir juridictionnel de l'article D. 442-3 caractérise une fin de non-recevoir opposable aux prétentions et moyens fondés sur l'article L. 442-6 et non une incompétence ", la cour d'appel a violé les articles L. 442-6 et D. 442-3 du Code de commerce ;

Mais attendu qu'après avoir rappelé qu'il résulte des dispositions d'ordre public de l'article D. 442-3 du Code de commerce que seules les juridictions qu'elles désignent disposent du pouvoir juridictionnel pour statuer sur l'application de l'article L. 442-6 du même Code, que le tribunal de commerce de Villefranche-Tarare ne fait pas partie des juridictions ainsi désignées et que le défaut de pouvoir juridictionnel caractérise une fin de non-recevoir opposable aux prétentions et moyens fondés sur l'article L. 442-6 du Code de commerce et non une incompétence, l'arrêt retient exactement que les premiers juges disposaient du pouvoir juridictionnel pour statuer sur l'application des dispositions régissant la responsabilité contractuelle de droit commun, unique fondement de l'action de la société U Web, et pour apprécier s'ils pouvaient connaître, ou non, de la demande reconventionnelle formée par les défendeurs sur le fondement de l'article L. 442-6 précité ; que la cour d'appel, qui n'était saisie que d'une exception de compétence, en a exactement déduit que le tribunal de commerce avait, à tort, fait droit au déclinatoire de compétence ; que le moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, LA COUR : Rejette le pourvoi.