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Décisions

Cass. com., 29 janvier 2020, n° 18-20.781

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Liebherr Aérospace (SAS), Selarl Benoît et Associés (ès qual.), SCP CBF Associés (ès qual.)

Défendeur :

Intégra (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Sudre

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Piwnica, Molinié, SCP Thouvenin, Coudray, Grévy

T. com. Bordeaux, du 6 nov. 2015

6 novembre 2015

LA COUR : - Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Liebherr Aérospace que sur le pourvoi incident relevé par la société Intégra : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 mai 2018), que la société Liebherr Aérospace (la société Liebherr), ayant pour activité l'installation et la maintenance de systèmes d'air dans les avions, a conclu le 16 novembre 2010, avec la société Intégra, fournisseur de pièces mécaniques de précision, avec laquelle elle entretenait des relations informelles, un contrat d'une durée de trois ans, qui s'est ensuite poursuivi, de sorte que la durée de la relation est devenue indéterminée ; que, le 16 juin 2014, la société Liebherr, invoquant des manquements de la société Intégra à ses obligations contractuelles, lui a notifié la rupture du contrat avec un préavis de douze mois ; que, reprochant à la société Liebherr d'avoir interrompu ses commandes pendant le préavis au motif qu'elle n'avait pas respecté ses délais de livraison, la société Intégra l'a assignée en paiement de dommages-intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie ; que la société Intégra ayant été mise en liquidation judiciaire, les sociétés CBF associés et Benoit et associés sont intervenues à l'instance, respectivement, en qualité d'administrateur et de liquidateur judiciaire ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal : - Attendu que la société Liebherr fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Intégra une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour rupture de la relation commerciale établie alors, selon le moyen : 1°) que pendant la durée du préavis, la convention doit être exécutée aux conditions antérieures ; qu'un manquement durant la durée du préavis justifie qu'il soit mis fin de façon anticipée à la relation ; qu'ayant constaté que la société Intégra n'avait pas respecté les délais de livraison pendant la durée du préavis, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en retenant que le contrat aurait dû être exécuté jusqu'à la fin du préavis annoncé et en reprochant à la société Liebherr Aérospace d'y avoir mis fin de façon anticipée ; qu'elle a violé l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ; 2°) que la société Liebherr Aérospace faisait valoir que, durant l'exécution du préavis, la société Intégra n'avait pas respecté les objectifs de délais fixés au contrat ; qu'en retenant que les retards, dont elle a constaté qu'ils avaient affecté huit livraisons sur soixante-dix-sept, étaient insuffisants pour justifier la rupture du contrat pendant la durée du préavis, sans répondre aux conclusions de la société Liebherr Aérospace qui faisaient valoir que ces retards n'étaient pas tolérables au regard des exigences de performance de 95 % prévues au contrat, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que la société Liebherr avait annulé, le 3 octobre 2014, soit pendant la durée d'exécution du préavis, les commandes de prototypes qu'elle avait passées auprès de la société Intégra, l'arrêt retient qu'en dépit des retards de livraison déjà constatés, la société Liebheer avait auparavant accordé un préavis à la société Intégra et ainsi exclu qu'un retard de livraison puisse constituer un manquement grave de cette dernière à ses obligations ; qu'il relève ensuite qu'il n'est reproché à la société Intégra qu'un seul retard de livraison au 30 septembre 2014, portant sur une part réduite des commandes en cours ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont elle a déduit que la faute imputée à la société Intégra n'était pas suffisamment grave pour justifier une rupture immédiate de la relation, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu retenir que la rupture intervenue à l'initiative de la société Liebherr à compter d'octobre 2014, était brutale ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident : - Attendu que la société Intégra fait grief à l'arrêt de limiter à la somme de 137 695 euros le montant des dommages-intérêts dus par la société Liebherr en réparation de la perte de marge brute subie pendant le préavis de rupture de leur relation commerciale alors, selon le moyen : 1°) que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en omettant d'analyser le rapport d'audit qualité réalisé par la société ABG Semca, devenu Liebherr Aérospace, sur les pièces fabriquées par la société Rodriguez, devenue Intégra, le 23 avril 1992, dont il ressortait que leur relation commerciale remontait à tout le moins à l'année 1992, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en méconnaissance des exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ; 2°) que, en déclarant que la société Intégra ne démontrait pas quel était son lien juridique avec la société Rodriguez et fils, quand elle exposait dans ses écritures que " Rodriguez et fils " était son ancien nom commercial, abandonné en 2008 pour la dénomination " Intégra ", la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'exposante en violation de l'article 1134 ancien du Code civil applicable au litige ; 3°) que la société Liebherr Aérospace ne contestait pas que sa relation commerciale avec la société Intégra était bien antérieure à la conclusion du contrat en 2010 et qu'elle remontait à l'année 1980 quand la société Intégra se dénommait " Rodriguez et fils " ; qu'en retenant néanmoins que l'ancienneté de la relation commerciale remontait seulement à l'année 2005, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;

Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur un document daté du 7 juillet 1992, sur la portée duquel la société Intégra n'avait donné aucune précision, a, sans dénaturer ses conclusions, retenu que cette société ne rapportait pas la preuve que sa relation avec la société Liebherr remontait à 1980 et a fixé à septembre 2005 le point de départ de la relation commerciale entre les parties ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs, LA COUR : Rejette tant le pourvoi principal que le pourvoi incident.