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Décisions

Cass. com., 29 janvier 2020, n° 18-11.726

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Groupe Randstad France (SAS), Randstad (SAS)

Défendeur :

Rapporteur général de l'Autorité de la concurrence

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Poillot-Peruzzetto

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Piwnica, Molinié, SCP Baraduc, Duhamel, Rameix

Paris, pôle 5 ch. 15, du 31 janv. 2018

31 janvier 2018

LA COUR : - Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 31 janvier 2018), que dans le cadre d'une enquête relative à des pratiques anticoncurrentielles susceptibles d'être mises en œuvre dans le secteur du travail temporaire, des opérations de visites et saisies ont été menées, en juillet 2013, par les services de l'instruction de l'Autorité de la concurrence (l'Autorité), dans les locaux de plusieurs sociétés du groupe Randstad ; qu'au vu des éléments recueillis, l'Autorité s'est saisie d'office, en mai 2015, de l'examen du respect par les sociétés Groupe Randstad France et Randstad (les sociétés Randstad) des engagements qu'elles avaient pris et qui avaient été acceptés et rendus obligatoires par une décision du 2 février 2009 du Conseil de la concurrence ; que le rapporteur général de l'Autorité, par plusieurs décisions adoptées entre juillet et octobre 2017 à la demande de ces sociétés, a accordé la protection, au titre du secret des affaires, de nombreuses pièces du dossier ; que, par lettres des 16 et 23 octobre 2017, le rapporteur en charge de l'instruction de l'affaire a informé les sociétés Randstad qu'il entendait procéder au déclassement d'un certain nombre de pièces confidentielles visées par les décisions précitées, ces pièces étant nécessaires pour les besoins du débat devant l'Autorité ; que les sociétés Randstad se sont opposées à la levée du secret des affaires envisagée et ont proposé de nouvelles versions non confidentielles des documents en cause ; que par une décision du 29 novembre 2017, le rapporteur général a accepté les nouvelles versions non confidentielles de certaines pièces mais a procédé au déclassement de toutes les autres, les rendant intégralement accessibles dans leur version confidentielle ; que les sociétés Randstad ont formé un recours en annulation partielle et/ou réformation de cette décision ;

Sur le moyen unique, pris en ses première, troisième, quatrième et cinquième branches : - Attendu que les sociétés Randstad font grief à l'ordonnance de déclarer leur recours irrecevable alors, selon le moyen : 1°) que les décisions prises par le rapporteur général de l'Autorité en application de l'article L. 464-4 de refuser la protection du secret des affaires ou de lever la protection accordée peuvent faire l'objet d'un recours en réformation ou en annulation devant le premier président de la cour d'appel de Paris ; qu'en déclarant irrecevable le recours formé par les sociétés Randstad contre la décision du rapporteur ayant levé la protection précédemment accordée aux pièces saisies, la cour d'appel a violé l'article L. 464-8-1 du Code de commerce ; 2°) que les actes de procédure sont établis en fonction de la décision du rapporteur général quant au traitement confidentiel des informations ; que les documents au titre desquels une demande de protection n'a pas été présentée sont réputés ne pas mettre en jeu le secret des affaires ; qu'il en résulte qu'à défaut de décision de protection par le rapporteur général, les pièces saisies ne bénéficient d'aucune protection et sont présumées ne pas mettre en jeu le secret des affaires ; qu'en énonçant cependant, pour dire irrecevable le recours des sociétés Randstad, qu'il était possible de garantir le secret des affaires à l'occasion de la publication de la décision de l'Autorité, le délégué du premier président a violé l'article R. 463-14 du Code de commerce ; 3°) que les sociétés Randstad faisaient valoir qu'aucune règle ne prévoyait la possibilité pour les destinataires des décisions de l'Autorité rendues à la suite d'enquête de solliciter, avant la publication de ces décisions, la confidentialisation des informations y figurant et relevant de leur secret des affaires ; qu'en se bornant à énoncer, pour dire irrecevable le recours des sociétés Randstad, qu'il était possible de garantir, par voie d'occultation, le secret des affaires à l'occasion de la publication des décisions que l'Autorité serait amenée à prendre, la cour d'appel a statué par un motif d'ordre général et hypothétique insusceptible d'établir que le secret des affaires des sociétés Randstad serait effectivement protégé en l'espèce lors de la publication de la décision de l'Autorité, et a en conséquence méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ; 4°) que toute personne physique ou morale a droit à la protection du secret de ses affaires ; qu'en déclarant irrecevable le recours formé par la société Randstad contre la décision du rapporteur ayant levé la protection précédemment accordée aux pièces saisies, dont il n'était pas contesté qu'elles comportaient des informations confidentielles relevant du secret des affaires de la société Randstad, le délégué du premier président a violé les articles 6 § 1 et 8 de la convention européenne des droits de l'Homme ensemble le principe susvisé ;

Mais attendu, en premier lieu, que lorsque l'instruction ne concerne qu'une seule entreprise, il n'existe, à ce stade de la procédure, aucun risque de divulgation d'informations susceptibles de relever du secret des affaires de l'entreprise mise en cause, dès lors qu'aucune autre partie n'a accès à la procédure ; qu'après avoir constaté que l'instruction de l'affaire ne concernait que les sociétés Randstad, lesquelles constituaient une seule entité et partie à la procédure, l'ordonnance retient, à bon droit, qu'en l'absence d'une ou plusieurs tierces parties, ces sociétés ne peuvent justifier d'une quelconque atteinte à leurs droits, au motif de la levée de la protection du secret des affaires ; que si c'est à tort que le premier président en a déduit que leur recours était irrecevable, les sociétés Randstad sont sans intérêt à demander la cassation de l'ordonnance de ce chef, dès lors qu'il résulte des constatations et appréciations précitées que le recours, quoique recevable, devait être rejeté ;

Et attendu, en second lieu, qu'en l'absence de tout risque de divulgation d'informations susceptibles de relever du secret des affaires des sociétés Randstad, aucune méconnaissance du droit au secret des affaires de ces sociétés ni violation des articles 6 § 1 et 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales n'est caractérisée ; d'où il suit que le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en sa deuxième branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Par ces motifs, LA COUR : Rejette le pourvoi.