CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 31 janvier 2020, n° 18-01599
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Eurocom 2000 (SAS)
Défendeur :
Orange (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Bel
Conseillers :
Mmes Cochet-Marcade, Moreau
Faits et procédure :
La société Eurocom 2000 (ci-après, la société Eurocom) est spécialisée dans la construction et la gestion de réseaux de télécommunications et de réseaux énergie (électricité, gaz, éolien).
Elle a, depuis 1992, conclu avec la société France Telecom devenue Orange, à l'issue de procédures d'appels d'offres, des contrats à durée déterminée ayant pour objet de lui confier le raccordement et la maintenance du réseau de télécommunication de la société Orange en Ile-de-France et plus particulièrement dans le département des Hauts-de-Seine depuis 2005.
En dernier lieu, les parties étaient liées par trois contrats :
- un contrat n° 46129531 de prestations de travaux de raccordement et de mise en service pour l'ensemble du département des Hauts-de-Seine d'une durée d'un an renouvelable une fois à compter du 12 janvier 2005, prolongé par avenants successifs jusqu'au 30 avril 2009,
- un contrat n° 46135757 de prestations de travaux de raccordement et de mise en service pour les départements de Seine et Marne et Seine Saint-Denis d'une durée de 3 ans à compter du 12 janvier 2005, prolongé par avenant jusqu'au 30 avril 2009,
- un contrat n° 46132611 de prestations de travaux de raccordement et de mise en service pour le département du Val d'Oise d'une durée de 2 ans à compter du 8 juin 2005, prolongé par avenant jusqu'au 1er janvier 2009.
En 2009, la société Orange a lancé un nouvel appel d'offres pour le secteur Hauts-de-Seine, désormais scindé en deux secteurs, nord et sud, ainsi que pour les secteurs Ile-de-France est et ouest. La candidature de la société Eurocom n'a été retenue que pour le secteur nord des Hauts-de-Seine, à l'exclusion du secteur sud.
Le 24 juin 2009, les parties ont conclu un protocole d'accord n° 09 6M218 visant le contrat n° 46129531 et ayant pour objet de convenir des modalités de réduction des commandes de travaux d'intervention clients sur la zone sud du département des Hauts-de-Seine, et ce jusqu'au 31 décembre 2009.
La société Eurocom, reprochant à la société Orange de l'avoir soumise à des obligations créant un déséquilibre significatif, d'avoir exploité sa situation de dépendance économique, de l'avoir menacée de rompre les relations commerciales pour obtenir des tarifs avantageux et d'avoir brutalement rompu leurs relations commerciales établies, l'a assignée devant le tribunal de commerce de Paris par acte du 30 mai 2014, en réparation de son préjudice.
Devant le tribunal, la société Orange a soulevé la prescription de l'action, contesté les fautes reprochées, fait valoir l'autorité de la chose jugée attachée au protocole d'accord, enfin conclu au débouté de la demande.
Par jugement du 26 septembre 2016, le tribunal de commerce de Paris a :
- dit la demande irrecevable s'agissant des demandes découlant de l'exécution et de la cessation des relations commerciales au titre des contrats n° 46129531, 46135757 et 46132611,
- dit la demande recevable s'agissant des demandes formées à l'encontre du protocole d'accord conclu le 24 juin 2009 entre les parties,
- renvoyé les parties à l'audience du 21 octobre 2016 pour conclure sur le fond s'agissant des demandes non prescrites,
- dit n'y avoir lieu a application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné les parties pour moitié chacune aux dépens de l'instance.
Le tribunal a jugé, au visa des articles 122 du Code de procédure civile et L. 110-4 du Code de commerce, que la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action au titre du terme contractuel était partiellement fondée. Il a retenu que la relation contractuelle résultait de contrats conclus en 2005 pour une durée d'un an, qui se sont prorogés jusqu'au terme maximal fixé au 30 avril 2009, la société Eurocom ne démontrant pas une prorogation tacite ultérieure à ce terme, qu'en conséquence les demandes visant l'exécution et la cessation des contrats, formées postérieurement au 1er mai 2014, étaient prescrites.
Le tribunal a jugé recevables les demandes formées au titre du protocole d'accord signé le 24 juin 2009 et dont le terme était fixé au 31 décembre 2009, dès lors que l'action a été introduite avant l'acquisition de la prescription quinquennale.
Par déclaration du 12 janvier 2018, la société Eurocom a formé appel de ce jugement en ce qu'il a dit irrecevable la demande découlant de l'exécution et de la cessation des relations commerciales au titre des contrats n° 46129531, 46135757 et 46132611.
Cette affaire a été registrée au rôle de la cour sous le n° 18-01600.
Devant le tribunal, la société Eurocom a renouvelé ses demandes au fond, sollicité le prononcé de la résolution judiciaire du protocole d'accord en raison du manquement de la société Orange à ses engagements et pour défaut de contrepartie, et conclu à l'inopposabilité dudit protocole.
La société Orange s'est prévalue du respect du protocole d'accord et a conclu au débouté des demandes de la société Eurocom.
Par jugement du 5 décembre 2017, le tribunal de commerce de Paris a :
- débouté la société Eurocom 2000 de toutes ses demandes,
- condamné la société Eurocom 2000 à payer à la société Orange la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné la société Eurocom 2000 aux dépens de l'instance.
Le tribunal a rappelé qu'aux termes de la décision du 26 septembre 2016, les demandes relatives à la prétendue rupture "abusive" des relations commerciales établies reposaient sur des faits prescrits, et que la société Eurocom a été autorisée à critiquer les conditions d'exécution du protocole d'accord du 24 juin 2009.
Il a retenu que la société Eurocom échouait à démontrer que son consentement était vicié par le fait que le protocole du 24 juin 2009 n'aurait pas été exécuté selon la volonté des parties, et qu'elle ne l'aurait pas conclu si elle avait eu connaissance du non-maintien du chiffre d'affaires équivalent à 2008 ou d'une moindre dégressivité et en a déduit qu'aucun vice de consentement n'était caractérisé. Il a rejeté la demande de caducité du protocole pour inexécution, à défaut d'inexécution totale de la part de la société Orange. Il a relevé que selon ce protocole, conclu entre commerçants éclairés, la société Orange ne s'était engagée à aucun volume de chiffre d'affaires, en particulier le maintien du chiffre d'affaires 2009 sur la base de celui de 2008, et que les commandes versées aux débats étaient conformes au " rythme dégressif jusqu'à l'arrêt total des commandes au 31 décembre 2009 " prévu par les parties. Il en a déduit que le protocole avait bien été exécuté et a rejeté toutes les demandes contraires de la société Eurocom formées de ce chef.
Par déclaration du 23 janvier 2018, la société Eurocom a renouvelé son appel du précédent jugement et formé appel du jugement du 5 décembre 2017 en ce qu'il l'a déboutée de toutes ses demandes et l'a condamnée aux dépens et sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Cette affaire a été registrée au rôle de la cour sous le n° 18-01599.
Par conclusions déposées le 11 avril 2018, la société Eurocom demande à la cour de :
- Infirmer le jugement rendu le 26 septembre 2016 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a dit irrecevables ses demandes découlant de la rupture brutale des relations commerciales au titre des contrats n° 46129531, 46135757 et 46132611,
- Infirmer le jugement rendu le 5 décembre 2017 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il l'a déboutée de toutes ses demandes, l'a condamnée à payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
Et statuant à nouveau,
- Rejeter la prescription invoquée par la société Orange,
Vu les articles L. 442-6-I- alinéas 2 et 4 et L. 420-2 alinéa 2 du Code de commerce,
- Dire et juger que la société Orange l'a soumise à des obligations créant un déséquilibre significatif,
En conséquence,
- Condamner la société Orange à lui verser la somme de 617 099,62 euros à titre d'indemnisation des transferts de charges non rémunérés par la société Orange,
- Condamner la société Orange à lui payer la totalité des prestations de travaux en hauteur au tarif de 125 euros et non de 45 euros,
Vu les articles L. 441-3 et L. 442-6-I-8° du Code de commerce,
- Condamner la société Orange à lui rembourser les retenues indûment appliquées sur sa facturation à hauteur de 570 588 euros,
Vu les articles L. 420-2 alinéa 2, L. 442-6 du Code de commerce,
- Condamner la société Orange à lui verser les sommes suivantes à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale de relations commerciales :
- 3 944 274 euros au titre de la marge brute perdue au titre la rupture brutale des relations commerciales,
- 337 157 euros au titre du coût des mesures de licenciement,
- 264 244 euros au titre des investissements réalisés,
- 100 000 euros correspondant au préjudice moral et à la perte d'image,
Vu les articles 1184 ancien et 2052 du Code civil,
Vu les articles L. 420-2 alinéa 2, L. 442-6 du Code de commerce,
- Prononcer la résolution du protocole d'accord n° 09 6M218 en raison du manquement de la société Orange à ses engagements et pour défaut de contrepartie,
- Dire en conséquence que ledit protocole lui est inopposable,
- Condamner la société Orange à lui verser la somme de 1 827 433 euros à titre de dommages et intérêts,
- Dire que les condamnations à intervenir seront majorées du taux d'intérêt légal à compter de l'exploit introductif d'instance,
- Condamner la société Orange à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvrés par la Selarl BDL avocats conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
Sur la prescription quinquennale soulevée par la société Orange, elle conteste la motivation du jugement du 26 septembre 2016 en ce qu'il a retenu que les contrats n° 46129531 et n° 46135757 ont expiré le 30 avril 2009 et que le contrat n° 46132611 a été prorogé jusqu'à la même date, et fait valoir que lesdits contrats se sont poursuivis jusqu'en juin 2009. Elle rappelle que la rupture des relations commerciales établies doit être notifiée par écrit en application des dispositions de l'article L. 442-6 I.5° du Code de commerce et que la date d'expiration des contrats ne peut être considérée comme une date de rupture. Elle soutient qu'en l'absence de notification écrite de la rupture, celle-ci ne peut être considérée comme consommée qu'à la date des dernières prestations effectuées par ses soins. Elle indique que les relations commerciales se sont poursuivies jusqu'en juin 2009, ainsi qu'en attestent les bons de commande mentionnant des fins de livraison au 31 mai 2009 ou 2 juin 2009. Elle en déduit que les contrats ont été prorogés au-delà du terme du 30 avril 2009 et que l'action engagée notamment au titre d'un abus de position dominante et d'état de dépendance économique qui perdurait, n'était donc pas prescrite à la date de la délivrance de l'assignation.
Au fond et en premier lieu, elle soutient que la société Orange a contrevenu aux dispositions des articles L. 442-6 I. 2 (tentative de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif) et L. 442-6 I. 2. 4 (tentative d'obtention, sous la menace d'une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales, de conditions manifestement abusives) et de l'article L. 420-2 du Code de commerce (abus d'état de dépendance économique).
Elle explique qu'à compter de 2007, la société Orange lui a imposé un transfert de charges sans contrepartie en lui déléguant des tâches administratives qu'elle accomplissait jusqu'alors, telles que la gestion des appels téléphoniques des clients et du plan de charge des techniciens d'intervention en production et SAV. Elle précise que quand bien même ce transfert de charges était inclus dans le cahier des charges des nouveaux appels d'offres, elle n'a pu adapter son tarif en conséquence, ce qui l'aurait disqualifiée.
Elle ajoute que la société Orange a abusé de sa situation de dépendance économique pour obtenir la baisse de ses tarifs en profitant de la consultation R09, lui imposer une forfaitisation de ses tarifs et une révision à la baisse de la rémunération des travaux en hauteur, passée de 125 euros à 45 euros, et à l'issue de laquelle la société Orange lui a confié 40 % des travaux en hauteur, contre 10 % auparavant.
Elle soutient également que la société Orange a abusé de sa position dominante pour pratiquer des retenues injustifiées sur sa facturation, des pénalités lui ayant été appliquées sans aucun respect du contradictoire.
Elle souligne que la société Orange lui a même dicté les réponses à lui donner concernant les élections de ses représentants du personnel, par lettre du 26 juillet 2011 et courriel du 9 septembre 2011, et que les échanges entre les parties démontrent que son personnel était intégré dans les effectifs de la société Orange.
Au titre de sa situation de dépendance économique, elle fait valoir l'importance de l'activité confiée par l'intimée représentant 70 à 80 % de son chiffre d'affaires, la concentration du marché de téléphonie, la mainmise de la société Orange sur le réseau filaire " cuivre " et l'impossibilité pour elle de trouver d'autres débouchés au vu de la spécificité des travaux d'entretien et de développement d'un tel réseau et de la formation particulière de son personnel. Elle ajoute que la société Orange bénéficiait d'une clause d'exclusivité de fait et précise que son chiffre d'affaires a baissé de 60 % en 2009. Elle souligne, en outre, que l'application des dispositions de l'article L. 442-6-1 alinéas 2 et 4 du Code de commerce n'est pas subordonnée à la caractérisation d'un abus de dépendance économique.
En second lieu, elle fait valoir la rupture brutale des relations commerciales établies.
Elles arguent de relations d'affaires stables, suivies et anciennes, engagées depuis 17 ans avec l'intimée, caractérisées par une augmentation croissante et régulière de son chiffre d'affaires et le bénéfice de marchés reconduits nonobstant le recours à des appels d'offres. Elle soutient qu'une telle procédure et la conclusion de contrats à durée déterminée ne sont pas de nature à écarter la qualification de relations commerciales établies.
Elle indique que les relations commerciales ont été brutalement rompues en 2009, le volume d'affaires confié par la société Orange ayant baissé de 80 % à partir de juin 2009. Elle conteste avoir tardivement soumissionné à l'appel d'offres de la société Orange, alors que ses offres ont bien été examinées par celle-ci et que ses tarifs ont été discutés. Elle considère que les marchés ont été rompus à la convenance de la société Orange qui ne lui a adressé aucun préavis écrit. Elle estime que compte tenu de la durée de la relation commerciale, du monopole de l'intimée concernant le réseau " cuivre ", de la progression régulière et de l'importance du chiffre d'affaires réalisé avec la société Orange, enfin de la notoriété de celle-ci, elle aurait dû bénéficier d'un préavis de 24 mois.
Au titre de ses préjudices, elle fait tout d'abord valoir des préjudices découlant des contraventions aux dispositions légales régissant les relations contractuelles, soit au titre des charges exposées sans contrepartie financière (617 099,62 euros), de la rémunération des travaux en hauteur (dont le montant est à parfaire), et des retenues indûment appliquées (570 588 euros).
S'agissant de la rupture brutale des relations commerciales établies, elle invoque la perte de marge brute durant la période de préavis non respectée, de 3 944 275 euros, correspondant à 77 % de la moyenne de la marge brute annuelle réalisée par ses soins entre 2006 et 2008, sur une période de 2 ans. Elle fait également valoir un préjudice de 337 157 euros au titre des coûts salariaux et indemnités de licenciement et de rupture, un préjudice de 264 244,06 euros au titre de la perte d'investissements et un préjudice moral et de perte d'image de 100 000 euros compte tenu du caractère vexatoire et déloyal de la rupture des relations commerciales établies de 17 ans et des conséquences humaines collatérales.
Par conclusions notifiées et déposées le 7 juin 2018, la société Orange demande à la cour, au visa de l'article L. 110-4 du Code de commerce, de :
- Constater que l'action introduite par la société Eurocom 2000 à son encontre est prescrite,
- Confirmer le jugement du 26 septembre 2016 en toutes ses dispositions de ce chef,
Par voie de conséquence,
- Condamner la société Eurocom 2000 à lui payer une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner la société Eurocom 2000 aux entiers dépens.
Elle soulève de nouveau la prescription de l'action de l'appelante en ce qui concerne les contrats n° 46129531, n° 46135757 et n° 46132611. Elle soutient que la société Eurocom agit en " rupture abusive des relations contractuelles " en 2009, alors qu'elles étaient liées par ces trois contrats, dont les deux premiers ont été prorogés par avenant jusqu'au 30 avril 2009 et le troisième jusqu'au 1er janvier 2009, et que la prescription quinquennale de l'article L. 110-4 du Code de commerce était donc acquise depuis le 30 avril 2014, lors de la délivrance de l'assignation le 30 mai 2014. Elle fait valoir que les commandes passées entre les 16 et 30 avril 2009 et exécutées ultérieurement, invoquées par l'appelante, n'ont pas eu pour effet de proroger les contrats qui prévoyaient que des commandes pouvaient être passées jusqu'au dernier jour.
Par conclusions notifiées et déposées le 8 juin 2018, la société Orange demande à la cour de :
- Dire irrecevables et subsidiairement mal fondées toutes les demandes formées par la société Eurocom 2000 à son encontre,
Par voie de conséquence :
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 5 décembre 2017,
- Condamner la société Eurocom 2000 à lui payer une somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner la société Eurocom 2000 aux entiers dépens.
Elle fait valoir l'irrecevabilité, faute d'intérêt à agir, de la demande de l'appelante au titre de la rupture de la relation commerciale en 2009 compte tenu de l'autorité de la chose jugée du protocole transactionnel régularisé le 24 juin 2009 pour compenser le manque à gagner de la société Eurocom du fait que sa candidature à l'appel d'offres de 2009 n'a été retenue que partiellement, soit pour la plaque nord du secteur Hauts-de-Seine alors qu'elle avait également soumissionné pour le secteur sud. Elle souligne que toutes les demandes formulées par l'appelante ont déjà été prises en compte dans le protocole régulièrement régularisé par l'appelante, qui vaut transaction entre les parties conformément à l'article 9 paragraphe 2 et qui a mis un terme définitif au litige.
Subsidiairement, elle conclut au mal fondé des demandes.
Elle soutient tout d'abord que le protocole transactionnel régularisé le 24 juin 2009 a mis un terme à toutes les contestations relatives aux relations commerciales ayant existé entre les parties jusqu'en 2009, qu'il constitue un contrat entre les parties et ne peut être attaqué ni pour cause d'erreur, ni pour cause de lésion en application des dispositions des articles 2044 et 2052 du Code civil. Elle fait valoir que le protocole qui ne prévoyait aucun chiffre d'affaires minimum ni le maintien du chiffre d'affaires de la société Eurocom réalisé en 2008, mais la baisse progressive des commandes jusqu'au 31 décembre 2009, a été respecté et n'encourt donc pas la résolution. Elle souligne que la société Eurocom, qui a été indemnisée de son préjudice en exécution du protocole, a renoncé à toute action.
En outre, elle conteste la situation de dépendance économique de la société Eurocom, laquelle ne justifie pas de l'importance du chiffre d'affaires réalisé avec elle, n'était liée par aucune clause d'exclusivité, a développé plusieurs activités outre le secteur des télécommunications, intervient dans ledit secteur pour le compte d'autres opérateurs téléphoniques, et est implantée sur une grande partie du territoire français et pas seulement en Ile-de-France. Elle relève que la baisse du chiffre d'affaires réalisé par la société Eurocom avec elle n'a pas été nécessairement répercutée sur son chiffre d'affaires total, ce qui démontre que l'appelante a pu conquérir d'autres marchés et diversifier son activité.
Elle réfute l'existence de relations commerciales établies, dont la caractérisation est notamment nécessaire en cas d'abus de position dominante fondé sur la rupture des dites relations. Elle relève à ce titre la précarité des relations se déroulant dans le cadre d'appels d'offres, dont le caractère aléatoire exclut la qualification de relations commerciales établies. Elle ajoute que tous les contrats conclus avec l'appelante sont à durée déterminée et sans tacite reconduction possible, à l'exception d'un contrat du 11 septembre 2003, ce qui confirme le caractère précaire des relations.
Elle soutient qu'elle a respecté un préavis tel qu'exigé par l'article L. 442-6 I.5° du Code de commerce, dès lors que dès février 2009, l'appelante a été avertie, à l'instar de tous ses homologues, de son projet de cartographie cible Unités d'Intervention IDF, laquelle consultation manifestait sans ambiguïté sa décision de lancer un nouvel appel d'offres avec de nouvelles conditions contractuelles. Elle souligne que dans les faits, la société Eurocom a bénéficié d'un préavis de pratiquement un an, les relations contractuelles s'étant poursuivies, en ce qui concerne les contrats existants en 2009, jusqu'en décembre 2009 comme mentionné au protocole, qui a eu pour vocation de mettre un terme au litige, y compris sur la durée du préavis.
A titre infiniment subsidiaire, elle soutient que les relations des parties se sont poursuivies après 2009 et jusqu'en mars 2015 dans de nouvelles conditions contractuelles et que l'appel d'offres lancé en 2009 constituant le point de départ du préavis, l'appelante a bénéficié d'un préavis de six ans.
Elle conteste toute faute dans l'exécution de ses obligations contractuelles, l'appelante ne démontrant pas qu'elle lui aurait imposé des objectifs toujours performants, croissants et non réalisables voire hors de contrôle des prestataires. Elle souligne qu'elle a toujours été transparente dans ses exigences au travers de son cahier des charges, notamment quant au transfert des charges sans contrepartie et aux conditions d'application de pénalités, et que la société Eurocom a soumissionné aux appels d'offres en connaissance de cause.
Elle considère que l'appelante est, en tout état de cause, seule responsable de son préjudice éventuel, n'ayant ni contesté les appels d'offres, ni soumissionné à ceux-ci dans les délais requis, et sa candidature ne répondant pas aux critères sollicités. Enfin, elle considère les préjudices allégués exorbitants et nullement justifiés.
MOTIFS
Sur la jonction d'instances :
Il est dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice de faire juger ensemble les litiges objets des dossiers enregistrés au rôle de la cour sous les numéros 18-01599 et 18-01600. Il est donc ordonné la jonction de ces instances.
Sur les fins de non-recevoir :
Selon l'article 122 du Code de procédure civile, " Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ".
Sur la prescription :
L'article L. 110-4 du Code de commerce énonce que " Les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions plus courtes ".
Cette prescription vise toutes les obligations nées à l'occasion du commerce entre commerçants, notamment de nature délictuelle. La prescription d'une action en responsabilité délictuelle court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas précédemment connaissance.
La société Eurocom agit à l'encontre de la société Orange au visa des articles L. 442-6 I.2, L. 442-6 I.4, L. 442-6 I.5 et L. 420-2 alinéa 2 du Code de commerce, en invoquant sa soumission par la société Orange à un déséquilibre significatif ou l'obtention sous la menace d'une rupture totale ou partielle des relations commerciales, de condition manifestement abusives concernant les prix, délais de paiement, modalités de vente ou services, compte tenu de la délégation par l'intimée, en 2007, de tâches administratives sans contrepartie financière, l'abus de sa situation de dépendance économique par la société Orange pour obtenir la baisse de ses tarifs en 2009, pratiquer des retenues injustifiées sur sa facturation à compter de 2006 et lui dicter des réponses concernant les élections de ses représentants du personnel en 2011, enfin la rupture brutale des relations commerciales établies en 2009.
Elle recherche ainsi la responsabilité délictuelle de la société Orange s'agissant du déroulement et de la rupture de leurs relations commerciales.
La prescription de l'action en responsabilité délictuelle au titre d'un déséquilibre significatif, de l'obtention, sous la menace d'une rupture totale ou partielle des relations commerciales, de conditions manifestement abusives, et de l'abus de situation de dépendance économique court à compter de la réalisation du dommage et au plus tard à compter de la cessation des relations commerciales.
La prescription de l'action en responsabilité délictuelle au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies court également à compter de la cessation des relations commerciales invoquées par l'appelante, soit à compter des dernières commandes passées par la société Orange, et non pas du terme des contrats n° 46129531, 46135757 et 46132611 conclus entre les parties et ne constituant qu'une partie des dites relations. Les parties s'accordant pour dire que des commandes ont été passées à tout le moins jusqu'en décembre 2009, conformément à la date prévue au protocole d'accord du 24 juin 2009, les relations commerciales entre les parties ont perduré au moins jusqu'à cette date.
L'action en justice a été introduite par la société Eurocom par assignation délivrée le 30 mai 2014, alors que la prescription quinquennale n'était pas acquise. La fin de non-recevoir tirée de la prescription est donc rejetée.
Sur le défaut de droit d'agir tiré du protocole d'accord du 24 juin 2011 :
Selon l'article 2044 du Code civil, dans sa version applicable aux faits, " La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent d'une contestation à naître.
Ce contrat doit être rédigé par écrit ".
L'article 2049 du même Code, dans sa version applicable aux faits, énonce que " Les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s'entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu ".
L'article 2052 du même Code, dans sa version applicable aux faits, précise que " Les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort.
Elles ne peuvent être attaquées pour cause d'erreur de droit, ni pour cause de lésion ".
Il résulte des dispositions de l'article 2052 du Code civil qu'une transaction ne peut être opposée par l'un des cocontractants que s'il en a respecté les conditions. L'autorité de la chose jugée s'attachant à la transaction n'empêche pas la partie qui se plaint de l'inexécution par l'autre partie d'une des obligations mises à sa charge par le protocole d'accord de solliciter la résolution du contrat sur le fondement de l'article 1184 du Code civil.
Selon l'article 1184 du Code civil, dans sa version applicable aux faits,
" La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.
Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.
La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances ".
Le protocole d'accord du 24 juin 2011 vise le contrat n° 46129531 et a pour objet de convenir des modalités de réduction des commandes de travaux d'intervention clients sur la zone sud du département des Hauts-de-Seine, et ce jusqu'au 31 décembre 2009. Par ce protocole, les parties sont convenues, en ce qui concerne la zone 2 (zone sud) du département des Hauts-de-Seine, pour laquelle la candidature de la société Eurocom n'a pas été retenue, de maintenir un courant d'affaires selon un rythme dégressif jusqu'à l'arrêt total des commandes le 31 décembre 2009. Les parties " reconnaissent que le présent protocole met un terme définitif à la relation contractuelle établie entre elles dans le cadre des prestations d'intervention clients sur le département de la zone sud (2) du département des Hauts-de-Seine, (...) se déclarent déliées de toute obligations civiles ou commerciales de l'une envers l'autre ", et " renoncent irrévocablement et définitivement l'une envers l'autre à toutes réclamations ou actions contentieuses et s'interdisent d'engager toutes réclamations ou actions, de quelque nature qu'elles soient, relatives à la prestation faisant l'objet du présent protocole ".
L'article 3 du protocole stipule que " France Télécom [devenue Orange] émettra des commandes dans la zone 2 (sud) du département des Hauts-de-Seine selon un rythme dégressif jusqu'à l'arrêt total des commandes au 31 décembre 2009 selon le descriptif ci-après " : Boulogne : date d'arrêt des commandes au 30 septembre 2009, Saint-Cloud : date d'arrêt des commandes au 31 octobre 2009, Molitor : date d'arrêt des commandes au 30 novembre 2009, Observatoire : date d'arrêt des commandes au 31 décembre 2009.
Ainsi que l'ont relevé avec pertinence les premiers juges, les parties n'ont prévu aucune condition particulière quant au volume des commandes de la société Orange, hormis le fait que celles-ci seraient dégressives jusqu'à leur arrêt total le 31 décembre 2009. Les parties ne sont, en particulier, nullement convenues que le volume des commandes de 2009 serait maintenu à l'identique à celui de 2008, ou serait similaire à celui-ci, ce qui est d'ailleurs contraire à leur accord tendant à la diminution progressive des commandes jusqu'à leur arrêt total le 31 décembre 2009. Elles n'ont pas davantage fixé un chiffre d'affaires minimum réalisé par la société Eurocom.
La société Eurocom fait donc vainement valoir le défaut d'exécution du protocole en l'absence du maintien du volume de commandes de 2008.
Dès lors que les commandes ont été maintenues jusqu'au 31 décembre 2009 et qu'il n'est pas discuté que les modalités prévues entre les parties, ci-dessus rappelées, ont bien été respectées, le protocole d'accord a été correctement exécuté par la société Orange. Les premiers juges ont donc avec exactitude débouté la société Eurocom de sa demande de résolution dudit protocole.
En revanche, ce protocole d'accord ne règle que les conséquences du terme du contrat à durée déterminée n° 46129531 et du non-renouvellement du marché afférent, au titre desquelles la société Eurocom a renoncé à agir, et n'a autorité de la chose jugée qu'à ce titre. Il ne règle pas les conséquences de la rupture des relations commerciales établies telles qu'invoquées par la société Eurocom, d'une ancienneté de 17 ans et nullement limitées à la seule exécution de ce contrat.
Au vu de ce protocole d'accord, l'appelante est dépourvue d'intérêt à agir au titre de la seule rupture partielle des relations commerciales établies nées du terme du contrat n° 46129531, et non pas de la rupture totale des relations commerciales établies.
Ce protocole est en outre sans effet quant à l'intérêt à agir de la société Eurocom au titre de la soumission à des obligations créant un déséquilibre significatif, de l'obtention, sous la menace d'une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales, de conditions manifestement abusives, et de l'abus d'état de dépendance économique, ces faits n'étant nullement évoqués dans ledit protocole.
La société Eurocom est donc recevable en son action, le jugement du 26 septembre 2016 étant infirmé de ce chef.
Sur les effets du protocole quant au bien-fondé des demandes :
La seule circonstance que le protocole est opposable à la société Eurocom et qu'il a autorité de la chose jugée sur les conséquences de la résiliation du contrat n° 46129531, ne justifie pas, ainsi qu'en a jugé le tribunal de commerce, le débouté de l'ensemble de ses demandes au titre de la soumission à des obligations créant un déséquilibre significatif, de l'obtention, sous la menace d'une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales, de conditions manifestement abusives, de l'abus d'état de dépendance économique, et de la rupture brutale et totale des relations commerciales établies, lesdites demandes ne relevant pas du champ d'application du protocole.
Sur la rupture brutale de relations commerciales établies :
Selon l'article L. 442-6 I.5° du Code de commerce, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, " Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :
5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'Economie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure (...) ".
Pour être établie, la relation commerciale doit revêtir un caractère suivi, stable et habituel de sorte que la victime de la rupture pouvait raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.
Pour justifier l'existence de relations commerciales établies nouées depuis 17 ans avec la société Orange au moment de leur rupture survenue en 2009, la société Eurocom produit aux débats huit contrats à durée déterminée, chacun conclus avec ladite société après le recours à une procédure d'appel d'offres, soit :
- un contrat n° 46117766 portant sur la période du 31 décembre 1998 au 31 décembre 2003,
- un contrat n° 46111152 conclu le 10 juin 2003 pour une période d'essai de deux mois renouvelable par tacite reconduction, et ayant été résilié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 11 septembre 2003,
- un contrat n° 46125972 portant sur la période du 27 juillet 2004 au 27 juillet 2005,
- un contrat n° 46129531 conclu pour une durée d'un an à compter du 12 janvier 2005, renouvelable une fois par reconduction expresse et renégociation des prix,
- un contrat n° 46129531 conclu pour une durée d'un an renouvelable une fois à compter du 12 janvier 2005, prolongé par avenants successifs jusqu'au 30 avril 2009,
- un contrat n° 46135757 conclu pour une durée de 3 ans à compter du 12 janvier 2005, prolongé par avenant jusqu'au 30 avril 2009,
- un contrat n° 46132611 d'une durée de 2 ans à compter du 8 juin 2005, prolongé par avenant jusqu'au 1er janvier 2009,
- un contrat n° 46135757 conclu pour une durée de trois ans à compter du 23 novembre 2005.
Elle verse également aux débats des factures et un décompte des factures adressées à la société Orange en 2006, en 2007 et en 2008, au titre desquelles elle estime que la société Orange lui a injustement appliqué des pénalités, ainsi que trois bons de commandes que lui a adressés l'intimée en 2009.
Elle produit enfin ses bilans au titre des exercices 2006, 2007, 2008 et 2009.
Cependant, elle ne verse aux débats aucun élément de sa comptabilité afférente à son activité avec la société Orange. Elle se borne à affirmer, sans produire aucune pièce afférente, que son chiffre d'affaires est passé de 2 531 817 euros en 2003 à 11 526 037 euros en 2008, que le volume de son chiffre d'affaires a connu une augmentation constante et régulière depuis plus de 6 années antérieurement à la rupture des relations commerciales en 2009, et que les contrats ont été renouvelés de fait pendant 17 ans, de sorte qu'elle était légitime à anticiper leur nouveau renouvellement. Ce faisant, elle ne justifie pas de son chiffre d'affaires réalisé avec l'intimée entre 1992 et 2009, ni son caractère significatif, ni sa progression constante, ni l'importance de la part de celui-ci dans son activité.
La société échoue ainsi à démontrer l'existence d'un courant d'affaires stable, continu, durable, progressif et significatif noué avec la société Orange, et qu'elle pouvait légitimement croire en la pérennité des relations en dépit du recours constant de la société Orange à la procédure d'appels d'offres à l'issue desquels elle a obtenu des contrats à durée déterminée.
Faute de caractériser l'existence de relations commerciales établies, elle sera donc déboutée de sa demande au titre de la rupture brutale des dites relations.
Sur l'obtention, sous la menace d'une rupture totale ou partielle des relations commerciales, de conditions manifestement abusives :
Selon l'article L. 442-6 I.4° du Code de commerce, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, " Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, d'obtenir ou de tenter d'obtenir, sous la menace d'une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales, des prix, des délais de paiement, des modalités de vente ou des conditions de coopération commerciale manifestement dérogatoires aux conditions générales de vente ".
La société Eurocom n'ayant pas noué de relations commerciales établies avec la société Orange, est mal fondée à invoquer l'obtention par celle-ci, sous la menace d'une rupture partielle ou totale des dites relations, de conditions manifestement abusives tenant au transfert de charges sans contrepartie financière. Sa demande est donc rejetée.
Sur le déséquilibre significatif :
Aux termes de l'article L. 442-6 I.2° du Code de commerce, " Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ".
Ainsi que le fait valoir l'intimée, la société Eurocom a pu prendre connaissance, lors des appels d'offres auxquels elle a soumissionné, des exigences du cahier des charges de la société Orange, s'agissant tant du transfert des charges que des retenues pouvant être faites dans les paiements jusqu'à parfait achèvement ou réfection des travaux.
La société Eurocom, qui a soumissionné aux appels d'offres et proposé des prix en adéquation avec ceux-ci, y compris après le transfert de tâches administratives de la société Orange, est mal fondée à faire valoir un déséquilibre significatif au titre du transfert de charges à son bénéfice sans contrepartie financière, celle-ci ayant fait le choix de ne pas augmenter ses tarifs afin de ne pas être disqualifiée ainsi qu'elle le reconnaît dans ses écritures, le choix délibéré fait par la société Eurocom excluant toute soumission par le cocontractant Orange.
Sa demande au titre du déséquilibre significatif est donc mal fondée et doit être rejetée.
Sur l'abus de dépendance économique :
Selon l'article 420-2 alinéa 2 du Code de commerce, " Est en outre prohibée, dès lors qu'elle est susceptible d'affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur ".
L'état de dépendance économique se définit comme l'impossibilité, pour une entreprise, de disposer d'une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu'elle a nouées avec une autre entreprise. L'existence d'un état de dépendance économique s'apprécie en tenant compte de la notoriété de la marque de l'entreprise, de l'importance de sa part dans le marché considéré et dans le chiffre d'affaires de l'entreprise cliente, mais également de l'impossibilité pour cette dernière d'obtenir d'autres partenaires des conditions équivalentes.
Pour caractériser sa situation de dépendance économique envers la société Orange, l'appelante fait valoir l'importance du chiffre d'affaires réalisé avec la société Orange, représentant 70 à 80 % de son chiffre d'affaires total, la concentration du marché de téléphonie sur lequel la société Orange conserve la mainmise, la particularité du réseau filière " cuivre " exigeant un personnel spécifiquement formé, l'exclusivité de fait dont bénéficiait la société Orange et à laquelle elle consacrait l'intégralité de ses moyens, ainsi que la baisse de 60 % de son chiffre d'affaires en 2009, lors de la rupture des relations commerciales établies.
Cependant, la société Eurocom ne produit aucun élément de sa comptabilité afférente à son activité avec la société Orange et ne justifie donc pas de l'importance du chiffre d'affaires réalisé avec celle-ci.
Elle n'établit pas davantage qu'elle n'était pas en mesure de disposer d'une solution techniquement et économiquement équivalente, n'étant liée par aucune clause d'exclusivité envers la société Orange. La revue d'affaires du 24 juin 2009 présentant l'activité de l'appelante précise au contraire que ladite activité se déploie au niveau national et non pas dans le seul secteur des Hauts-de-Seine et qu'elle est répartie notamment entre, d'une part, le secteur des télécommunications, dont les " GC Télécom " représentant 32 % de son activité, ledit secteur comprenant, outre les réseaux cuivre, la fibre optique et les multi-opérateurs, et d'autre part, le secteur de l'énergie (réseaux éolien et gaz), représentant 17 % de son activité. Les travaux confiés par la société Orange à l'appelante dans le secteur des Hauts-de-Seine ne figurent pas dans le tableau annexé à cette revue comprenant la liste des principales activités de la société Eurocom entre 2004 et 2008. La revue d'affaire du 15 octobre 2009, afférente à l'activité de la société Eurocom, et la capture d'écran du site internet de celle-ci confirment que ladite société exerce une activité diversifiée et intervient, dans le secteur des télécommunications, pour le compte d'une pluralité de clients opérateurs téléphoniques, et non pas exclusivement pour celui de l'intimée, qui représentait alors 34,6 % de sa clientèle.
Il n'est ainsi nullement justifié que la société Orange imposait à la société Eurocom de lui consacrer l'essentiel de ses moyens, ni que l'activité de l'appelante portait effectivement et exclusivement sur les prestations réalisées pour le compte de l'intimée.
Enfin, par lettre du 26 juillet 2011 et courriel du 9 septembre 2011 dont se prévaut la société Eurocom, la société Orange a demandé à l'appelante, en sa qualité d'entreprise sous-traitante et conformément à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, si ses salariés remplissaient les conditions pour être électeurs et éligibles aux élections des délégués du personnel et du comité d'entreprise de la société Orange. Il ne ressort nullement de ces échanges, contrairement à ce qu'allègue l'appelante, que la société Orange aurait reconnu que les salariés de la société Eurocom seraient compris dans son effectif et que l'appelante serait ainsi dans une situation de dépendance économique.
La société Eurocom échoue donc à caractériser sa situation de dépendance économique envers la société Orange et est ainsi mal fondée à se prévaloir d'un abus de cet état par l'intimée pour obtenir la baisse de ses tarifs, leur forfaitisation, l'application de pénalités et lui imposer les réponses à lui donner concernant les élections des représentants du personnel de la société Orange.
La société Eurocom est donc déboutée de l'ensemble de ses demandes, le jugement entrepris du 5 décembre 2017 étant confirmé par substitution de motifs.
Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile :
Les dispositions du jugement du 26 septembre 2016 relatives aux dépens sont infirmées, ceux-ci étant à la charge de la société Orange, partie succombante.
Les dispositions du jugement du 5 décembre 2017 relatives aux dépens et à l'article 700 du Code de procédure civile sont confirmées.
La société Eurocom échouant en ses prétentions sera condamnée aux dépens exposés en cause d'appel, et à payer à la société Orange une indemnité de procédure que l'équité commande de fixer à 8 000 euros.
Par ces motifs : LA COUR, Ordonne la jonction des instances enregistrées sous les numéros de rôle 18-01599 et 18-01600, Infirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 26 septembre 2016, Statuant de nouveau, Dit recevable l'ensemble des demandes de la société Eurocom, Condamne la société Orange aux dépens exposés au titre de cette instance, Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 5 décembre 2017 par substitution de motifs, Vu l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Eurocom 2000 à payer à la société Orange une indemnité de 8 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Eurocom 2000 aux dépens exposés en cause d'appel.