CA Aix-en-Provence, 3e ch. sect. 1, 30 janvier 2020, n° 19-07904
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Distriparfum LLC (Sté)
Défendeur :
Coty France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Calloch
Conseillers :
MM. Fohlen, Prieur
FAITS - PROCEDURE - DEMANDES
Le 28 décembre 2018 la SAS Coty France, visant les articles 872 et 873 du Code de procédure civile ainsi que l'article L. 442-6-I-6° du Code de commerce, a fait assigner la société états-unienne Distriparfum LLC en méconnaissance du réseau de distribution exclusive devant le Président du tribunal de commerce de Marseille, compétent en vertu de l'article 46 du Code de procédure civile en raison du lieu du fait dommageable ou du lieu où le dommage a été subi ; une ordonnance de référé du 21 mars 2019 réputée contradictoire visant les articles 872 et 873 du Code de procédure civile a :
Ordonné à la société Distriparfum de cesser immédiatement et pour l'avenir la commercialisation des produits de la société Coty, et sous astreinte provisoire de 300 euros par acte de commercialisation constaté, sans qu'il y ait lieu de se réserver le pouvoir de liquider l'astreinte ;
Ordonné à la société Distriparfum de communiquer à la société Coty les noms et adresses des fournisseurs lui ayant vendu les produits de Coty, ainsi que la communication de toutes les factures d'achat et de vente les concernant ;
Condamné la société Distriparfum à payer à la société Coty la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamné la société Distriparfum aux dépens ;
Rejeté tout surplus des demandes comme non justifié.
La société Distriparfum LLC a régulièrement interjeté appel le 14 mai 2019, et par conclusions récapitulatives du 8 novembre 2019 soutient notamment que : la société Coty a saisi le tribunal de commerce de Marseille non pas en tant que juridiction spécialisée, mais en tant que juridiction de droit commun vu l'invocation de l'article 46 du Code de procédure civile ; l'ordonnance de référé ne vise pas l'ancien article L. 442-6-III aujourd'hui L. 442-4-II du Code de commerce, mais uniquement les articles 872 et 873 du Code de procédure civile.
L'appelante demande à la cour de :
- faire droit à son appel ;
- rejeter l'exception d'incompétence soulevée par la société Coty ;
- infirmer l'ordonnance de référé en toutes ses dispositions ;
- statuant à nouveau :
- vu les dispositions de la Convention du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale, et en particulier celles de l'article 6 :
- prononcer la nullité de l'assignation qui aurait été délivrée à la requête de la société Coty ;
- annuler l'ordonnance de référé ;
- vu les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce ;
- constater qu'aucun élément de preuve ne vient justifier l'existence et la licéité d'un réseau de distribution sélective ;
- constater que la société Distriparfum achète et revend légalement ses produits et justifie de l'origine de son approvisionnement ;
- constater qu'aucun élément ne vient justifier les allégations de la société Coty relatives à une atteinte à son image ou à un parasitisme ;
- en conséquence, débouter la société Coty de ses demandes ;
- en tout état de cause, condamner la société Coty à payer à la société Distriparfum la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par conclusions n° 2 du 21 octobre 2019 la SAS Coty France répond notamment que : elle a saisi le tribunal de commerce de Marseille en invoquant l'article L. 442-6-I-6° du Code de commerce sur la compétence matérielle de cette juridiction spécialisée, et non la compétence territoriale de l'article 46 du Code de procédure civile.
L'intimée demande à la cour, vu les articles 872 et 873 du Code de procédure civile ; L. 442-2, L. 442-4 et D. 442-3 du Code de commerce ; les dispositions de la Convention du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale de :
* à titre principal : se déclarer incompétente pour juger de la validité de la décision rendue par le tribunal de commerce de Marseille, en sa qualité de juridiction spécialisée, au profit de la cour d'appel de Paris ;
* à titre subsidiaire :
- rejeter toutes les demandes de la société Distriparfum ;
- constater la licéité de la signification de l'assignation délivrée par la société Coty et la validité de l'ordonnance de référé ;
- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé ;
A défaut :
- constater que le réseau de distribution sélective mis en place par la société Coty est licite et opposable à la société Distriparfum ;
- constater que la société Distriparfum commercialise les produits de la société Coty en parfaite méconnaissance du réseau mis en place par celle-ci, et lui cause ainsi un préjudice certain ;
- en conséquence :
- ordonner à la société Distriparfum de cesser immédiatement et pour l'avenir la commercialisation des produits de la société Coty, et ce sous astreinte de 500 euros par acte de commercialisation constaté ;
- se réserver la liquidation de l'astreinte ;
- ordonner à la société Distriparfum de communiquer à la société Coty les noms et adresses des fournisseurs lui ayant vendu les produits, ainsi que la communication de toutes les factures d'achat et de vente les concernant ;
- condamner la société Distriparfum au paiement de la somme de 150 000 euros à titre de provision pour la réparation du préjudice subi ;
- condamner la société Distriparfum au paiement de la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- rappeler le caractère exécutoire de l'arrêt à intervenir.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 novembre 2019.
MOTIFS DE L'ARRET
Les réclamations de la société Coty sont explicitement fondées sur l'article L. 442-6-I-6° du Code de commerce, devenu par l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 l'article L. 442-2, sanctionnant le fait de violer l'interdiction de revente hors réseau de distribution sélective, peu important que ce texte n'ait pas été repris par l'ordonnance de référé puisqu'il a déterminé le champ du litige.
Or le III alinéa 5 du premier texte, devenu aujourd'hui l'article L. 442-4-III, précise que " Les litiges relatifs à l'application des articles (...) L. 442-2 (...) sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret " ; d'autre part l'article D. 442-3 dans son annexe 4-2-1 établit une liste de 8 juridictions de première instance spécialisées, dont le tribunal de commerce de Marseille ; enfin l'alinéa 2 de ce dernier article attribue compétence à la [seule] cour d'appel de Paris " pour connaître des décisions rendues par ces juridictions spécialisées ". Et l'inobservation de ces textes est sanctionnée par une fin de non-recevoir.
Le tribunal de commerce de Marseille a été saisi sur le fondement de l'article L. 442-6-I-6° du Code de commerce aujourd'hui l'article L. 442-2, et l'article 46 du Code de procédure civile n'est qu'accessoire à ce fondement. Aucune dérogation à l'article D. 442-3 alinéa 2 du Code de procédure civile n'existe pour les ordonnances de référé.
Par suite l'appel interjeté par la société Distriparfum, parce que relevant de la seule cour d'appel de Paris, est irrecevable devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.
DECISION
LA COUR, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire, Juge irrecevable l'appel interjeté par la société Distriparfum LLC contre l'ordonnance de référé du 21 mars 2019, Condamne la société Distriparfum LLC aux dépens d'appel, avec application de l'article 699 du Code de procédure civile, Rejette toutes autres demandes.