CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 5 février 2020, n° 18-14973
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Actis (SA)
Défendeur :
Adient Fabrics France (Sasu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Conseiller :
M. Gilles
Avocats :
Mes Guerre, Teytaud
FAITS ET PROCÉDURE
Vu le jugement rendu le 18 mai 2018 par le tribunal de commerce de Bordeaux qui a :
- débouté les parties de l'intégralité de leurs demandes,
- condamné la société Actis aux dépens et à payer la somme de 2 500 euros à la société Adient Fabrics au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu l'appel relevé par la société Actis et ses dernières conclusions notifiées le 4 janvier 2019 par lesquelles elle demande à la cour, au visa de l'article L. 442-6 du Code de commerce ainsi que des articles 1231-2 et 1240 du Code civil (subsidiairement de l'article 1134 al. 3 ancien du Code civil tel qu'applicable en la cause), de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a reconnu l'existence d'une relation commerciale établie entre elle et la société Adient,
- le réformer en ce qu'il la déboutée de l'intégralité de ses demandes indemnitaires et en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- statuant à nouveau :
Dire que Adient a rompu de manière brutale la relation établie avec elle et que la durée de la relation ainsi que les circonstances nécessitaient de lui accorder un préavis de 24 mois,
Condamner Adient à lui payer la somme de 724 814 euros HT à titre d'indemnité de rupture,
Juger abusive la rupture de la relation commerciale établie dont Adient a eu l'initiative,
Condamner Adient à lui payer la somme de 362 407 euros HT pour indemniser le préjudice spécifique issu de l'exercice fautif de la rupture,
Ordonner la reprise de la totalité du sur-stock de produits fabriqués pour le compte d'Adient et détenu par elle, au prix d'achat de 105 972,29 euros,
A défaut de reprise du stock dans le délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir, condamner Adient à lui payer la somme de 105 972,29 euros en réparation du préjudice subi de ce fait,
- en tout état de cause :
Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Adient de sa demande reconventionnelle,
Condamner Adient aux entiers dépens et à lui payer la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu l'appel relevé par la société Adient Fabrics France et les dernières conclusions notifiées le 28 février 2019 qui demande à la cour, au visa de l'article L. 442-6, I 5° du Code de commerce de la déclarer recevable et bien fondée en son appel partiel, de dire la société Actis mal fondée en son appel principal et de :
1) à titre principal :
- infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que les relations entre elle et la société Actis étaient suffisamment stables pour être qualifiées d'établies au sens de l'article L. 442-6, I 5° du Code de commerce et en ce qu'il a rejeté sa demande reconventionnelle,
- statuant de nouveau :
Dire que l'article L. 442-6, I 5° du Code de commerce n'est pas applicable au courant d'affaires entre elle et la société Actis,
Condamner la société Actis au paiement de la somme de 340 301 euros en principal, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts,
Débouter la société Actis de l'ensemble de ses demandes,
2) à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour confirmait le jugement en ce qu'il a jugé applicable l'article L. 442-6, I 5° du Code de commerce :
- confirmer le jugement en ce qu'il a écarté le caractère brutal et abusif de la rupture de la relation commerciale,
- l'infirmer en ce qu'il a rejeté sa demande reconventionnelle,
- en conséquence :
Débouter la société Actis de l'ensemble de ses demandes,
Condamner la société Actis au paiement de la somme de 340 301 euros en principal, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts,
3) à titre infiniment subsidiaire, si la cour par impossible réformait le jugement en ce qu'il a écarté le caractère brutal et abusif de la rupture, dire que la société Actis est mal fondée en ses demandes et, en conséquence, l'en débouter,
4) en tout état de cause :
- condamner la société Actis à lui payer la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens ;
SUR CE LA COUR
La société Adient Fabrics France, anciennement Michel Thierry, qui est spécialisée dans la fabrication de revêtements textiles pour le marché de l'automobile, notamment pour des sièges, a commandé des produits utilisés dans sa fabrication, en particulier des matériaux en PVC floqués ou non floqués, à la société Actis, anciennement Laurent Thierry ; cette dernière produit une première facture du 31 janvier 1992 ainsi que des factures pour toutes les années suivantes jusqu'au 6 juillet 2017.
Le 20 avril 2015, la société Adient Fabrics France, ci-après la société Adient, a adressé à la société Actis un cahier des charges du PVC Decomat noir " remis à jour " qui devait être utilisé dans le cadre d'un projet confié à la société Adient par le constructeur Ford ; les parties ont ensuite échangé sur des problèmes relatifs à la combustion et à la qualité de ce produit ; des études ou essais sur ce point ont été ensuite réalisés.
Par lettre de son conseil du 13 janvier 2017, la société Actis après avoir rappelé à la société Adient qu'elles entretenaient une relation commerciale depuis 25 ans, s'est plainte d'une baisse des commandes depuis le deuxième trimestre 2016 et de ne pas avoir obtenu d'explications sur cette baisse, laquelle s'est poursuivie les mois suivants ; elle invoquait alors une rupture brutale et abusive de leurs relations en joignant un projet d'assignation.
La société Adient, par lettre de son conseil du 14 février 2017, a contesté la rupture alléguée en soulignant :
- que le volume d'affaires avec la société Actis avait toujours été fluctuant, ce qui s'expliquait par ses propres variations d'activité subies du fait de ses clients, constructeurs automobiles,
- qu'outre une diminution sensible des commandes de ses clients, elle avait été confrontée à d'importantes non-conformités de certains produits fournis par la société Actis, à savoir " inflammabilité et lanières fines sur le PVC Decomat noir, masse surfacique et épaisseur non conformes sur le PVC ".
Elle précisait :
- que les problèmes de qualité avaient généré d'importants coûts restés à sa charge dont elle entendait être indemnisée,
- que la société Avis savait que des tests étaient toujours en cours pour déterminer si le produit Decomat noir répondait aux spécificités techniques et que si ces tests s'avéraient positifs elle-même serait en mesure de passer de nouvelles commandes, étant précisé que le produit était relatif à des commandes de Ford arrivant à leur terme en avril 2017.
La société Actis a répondu, par lettre de son conseil du 21 février 2017 :
- que son chiffre d'affaires mensuel en 2016 avait chuté de plus de 90 % par rapport à la moyenne mensuelle des années 2010 à 2015,
- concernant le produit Decomat noir, que c'est la société Adient qui avait formulé une exigence supplémentaire, à savoir un produit spécifiquement " non feu " le 15 juin 2016, qu'elle-même avait proposé de réaliser une étude et envoyé un essai en juillet 2016 et que par courriel du 2 septembre 2016 la société Adient lui avait indiqué que les résultats étaient bons et qu'elle souhaitait effectuer des tests complémentaires,
- que par courriel du 3 février 2017, la société Adient a réitéré que les essais étaient concluants et a passé commande de 300 m F. noir afin de confirmer les valeurs,
- qu'en tout état de cause, le maintien de la relation commerciale ne saurait être subordonné aux résultats des essais complémentaires liés au changement de spécification.
Par lettre de son conseil du 23 mars 2017, la société Adient a rappelé à la société Actis que la baisse du volume des commandes s'expliquait par la baisse de son propre chiffre d'affaires ; elle ajoutait :
- que les projets confiés par les constructeurs étaient limités dans le temps et que la baisse de volume en 2016 résultait de la fin de plusieurs projets (PSA, Renault),
- que dès le mois de mars 2016, la société Actis avait été informée de l'annulation des commandes et livraisons concernant le produit Decomat noir pour Ford tant qu'une solution n'était pas trouvée,
- qu'elle n'avait pas modifié de façon unilatérale les spécifications techniques du produit, n'ayant fait que répercuter les exigences de son client, que la société Acits avait été informée de cette spécification dès le mois d'avril 2015, qu'elle savait que le projet Ford arrivait à son terme en avril 2017 et que les commandes pour ce projet ont donc commencé à décroître en 2016.
C'est dans ces circonstances que le 19 avril 2017, la société Actis a fait assigner la société Adient devant le tribunal de commerce de Bordeaux afin d'obtenir sa condamnation à des dommages-intérêts pour rupture brutale et abusive de leurs relations commerciales ; la société Adient a formé une demande reconventionnelle en dommages-intérêts ; le tribunal, par le jugement déféré, a débouté chaque partie de ses demandes.
Sur les demandes de la société Actis
La société Actis demande des dommages-intérêts d'un montant de 724 814 euros HT pour rupture brutale de la relation commerciale établie et de 362 407 euros HT pour rupture abusive, outre la reprise des stocks et leur rachat par la société Adient.
Sur la demande au titre de l'article L. 442-6, I 5° du Code de commerce
La société Adient soutient, en premier lieu, que cet article n'est pas applicable en l'absence de relations commerciales établies ; elle invoque en ce sens :
- le caractère aléatoire et fluctuant du courant d'affaires entre les parties, illustré par l'irrégularité dans la périodicité et le volume des commandes, l'absence de garantie sur un volume de commandes, le fait qu'aucune quantité n'était indiquée sur les bons de commande, ces quantités étant fixées ultérieurement en fonction de la demande de ses propres clients, la société Actis étant informée de la durée des projets pour lesquels elle faisait appel ponctuellement à ses services,
- l'irrégularité du chiffre d'affaires réalisé par la société Actis avec elle, étant observé qu'il doit en être exclu le chiffre d'affaires réalisé avec les autres sociétés du groupe Adient en Europe qui sont des personnes morales distinctes et indépendantes
- le chiffre d'affaires réalisé en 2012 qui a été divisé par 3 en comparaison avec celui réalisé en 2010,
- le fait que la baisse constatée à partir de 2016 s'explique par les sérieuses non-conformités de certains produits, par la fin de projets de constructeurs et par la nécessaire répercussion de la baisse de commandes de ses propres clients,
- la circonstance que la moyenne mensuelle du chiffre d'affaires réalisé en 2016 reste supérieure à celle réalisée en 2012
- le caractère anecdotique du chiffre d'affaires réalisé par la société Actis avec elle par rapport à son chiffre d'affaires global, soit 1,7 %.
Mais il ressort des pièces versées aux débats que la relation commerciale établie entre les parties est caractérisée par une succession de commandes ponctuelles significatives depuis 1992, portant sur des montants substantiels et ayant généré un chiffre d'affaires pour la société Actis qui était, selon les dires mêmes de la société Adient de 235 088 euros en 2012, puis de 648 786 euros en 2013, 554 979 euros en 2014 et 616 161 euros en 2015; l'absence de garantie de volume de commandes et un faible volume de courant d'affaires par rapport au chiffre d'affaires global de la société Actis n'ont aucune incidence sur l'appréciation de la brutalité ou non de la rupture ; les dispositions de l'article L. 442-6, I 5° du Code de commerce sont donc applicables.
Pour dénier tout caractère brutal à la rupture, la société Adient fait valoir, en deuxième lieu, que la diminution des commandes est indépendante de sa volonté et qu'elle résulte :
- des fluctuations de son propre chiffre d'affaires qui, était en diminution constante, passant de 54 301 879 euros en 2014 à 43 776 821 euros en 2015, 29 678 000 euros en 2016, 22 555 554 euros en 2017 et 22 496 884 euros en 2018, soit une baisse de 58,57 % entre 2014 et 2018,
- de la nécessaire répercussion sur son chiffre d'affaires de la conjoncture économique : l'année 2012 ayant été une année catastrophique pour le marché automobile, l'année 2014 peu lucrative pour ses clients français et éprouvante pour ses clients étrangers Volkswagen, Ford et Toyota, l'année 2015 ayant marqué une forte croissance qui s'est répercutée sur le chiffre d'affaires de la société Actis, l'année 2016 montrant certes une reprise du marché automobile mais elle-même ayant souffert de la situation de certains de ses clients, dont PSA, et ayant dû procéder à la suppression de 55 postes dans son usine de Laroque-d'Olmes.
La société Adient souligne encore que la société Actis ne se trouvait pas dans un état de dépendance à son égard, qu'elle n'avait jamais connu une augmentation notable et constante de son chiffre d'affaires et que le chiffre d'affaires qu'elle réalisait avec elle ne représentait que 1,7 % de son chiffre d'affaires global.
Mais il est constant que la baisse des commandes passées à la société Actis, sensible en 2016, s'est poursuivie en 2017 et en 2018 ; ainsi le chiffre d'affaires réalisé par cette société avec la société Adient, qui était en moyenne mensuelle de 66 472 euros de 2010 à 2015, n'a plus été que de 22 272 euros en 2016, 10 454 euros en 2017 et 5 542 euros pour les premiers mois de l'année 2018, accusant donc une baisse constante et importante.
Contrairement à ce que prétend la société Adient, il n'y a pas de corrélation évidente et démontrée entre la diminution de son chiffre d'affaires global et la réduction du chiffre d'affaires réalisé par elle avec la société Actis, étant observé qu'elle s'est adressée à un autre fournisseur, la société Toiltech en 2016 et 2017 pour la production du PVC nécessité par le projet Ford.
Si le marché automobile a connu des difficultés variables selon les années, il ressort des articles de presse versés aux débats que les immatriculations de véhicules ont augmenté de 5,1 % en 2016 et de 3 % au premier trimestre 2017 par rapport à la même période en 2016.
En conséquence, les objections de la société Adient tenant à la diminution de son chiffre d'affaires et à l'état du marché automobile doivent être écartées.
La société Adient expose en troisième lieu, pour contester toute rupture abusive, que les produits livrés par la société Actis, à savoir le PVC Decomat noir, n'étaient pas conformes au cahier des charges et aux règles de sécurité, que ces non-conformités avaient des conséquences pour elle en termes de logistique puisqu'elle a dû arrêter la production et qu'elle a été contrainte de se tourner vers la société Toiltech afin de pouvoir livrer son client Ford ; elle précise :
- que par courriels des 5 et 13 janvier 2016, elle a averti la société Actis que les résultats de combustion sur les lots F. noir étaient catastrophiques et que sa production était arrêtée,
- que la société Actis a reconnu, par courriel du 13 janvier 2016 que les résultats étaient catastrophiques et, par courriel du 25 mars 2016, concernant le problème des lanières fines, que le premier essai proposé n'était pas concluant et qu'un deuxième était en cours,
- que par courriel des 22 et 25 mars 2016, elle a informé la société Actis de l'annulation des commandes tant qu'une solution ne serait pas trouvée,
- que si des améliorations ont été apportées, les non-conformités ont persisté,
- que par courriel du 10 juin 2016, elle a confirmé à la société Actis que l'essai n° 3 était conforme au niveau de la combustion mais que, malheureusement, au niveau de l'aspect, elle avait rencontré des lanières fines et une dégradation par rapport à l'essai n° 2,
- qu'en octobre 2017, les essais n'étaient toujours pas concluants,
- que par courriel du 19 octobre 2017, elle a informé la société Actis avoir constaté une épaisseur non conforme sur un lot et avoir bloqué celui-ci.
Mais il apparaît du courriel de la société Adient du 9 juillet 2015, faisant suite à des échanges entre les parties depuis avril 2015 concernant le nouveau cahier des charges du PVC Decomat noir, que des essais devaient être réalisés par la société Actis sur l'inflammabilité du produit ; si les résultats des premiers essais étaient loin d'être bons, la société Adient, par courriel du 2 septembre 2016, a confirmé à la société Actis que les résultats des essais du produit étaient bons pour la combustion et pour les lanières fines plus plates mais acceptables ; elle lui a alors indiqué qu'elle attendait les résultats des deux prochains essais pour lancer un essai avec une quantité plus importante.
Par la suite, la société Adient est restée taisante jusqu'au 3 février 2017, date à laquelle elle a envoyé à la société Actis une synthèse des résultats des trois essais, en déclarant que le 1er essai était celui qui donnait les meilleurs résultats et en lui demandant la livraison de 300 m F. noir avec 2 couches compact sans envers pour confirmer les valeurs sur une pièce complète ; entre-temps les relations entre les parties s'étaient dégradées, la société Actis s'étant plainte le 13 janvier 2017 d'une baisse de commandes constitutive d'une rupture brutale et abusive.
Il résulte de l'ensemble des éléments sus analysés que la société Actis a déployé ses efforts pour satisfaire aux prescriptions techniques concernant le nouveau produit PVC Decomat noir, que la société Adient a confirmé les bons résultats des essais en septembre 2016 et que la réduction drastique des commandes, initiée au cours du deuxième semestre 2016 et se poursuivant en 2017 et 2018, n'a pas été provoquée par des non-conformités ; que la société Adient ne démontre pas que la société Actis aurait commis des manquements graves et répétés à ses obligations contractuelles qui justifieraient une rupture des relations commerciales établies sans préavis.
Au regard de la durée de ces relations, soit 25 ans, mais aussi compte tenu du fait que la société Actis, qui se présente comme spécialisée dans la conception et la fabrication d'isolants pour le bâtiment, ne réalisait qu'une faible partie de son chiffre d'affaires avec la société Adient, le préavis aurait dû être de 7 mois, délai suffisant pour lui permettre de se réorganiser et de trouver d'autres débouchés.
Sur la base du chiffre d'affaires annuel moyen de 703 703 euros réalisé sur les trois dernières années 2013, 2014 et 2015, soit en appliquant une marge brute moyenne de 51,50 % non contestée, la société Adient devra payer la somme de 211 404 euros (703 703 x 51,50 % : 12 x 7 mois) en réparation du préjudice résultant de la brutalité de la rupture; s'agissant d'une indemnité, cette somme n'est pas sujette à la TVA.
Sur la demande pour rupture abusive
La société Actis qui réclame la somme de 362 407 euros pour rupture abusive, reproche à la société Adient :
- au cours de l'été 2016, de l'avoir délibérément entretenue dans l'espérance que la relation commerciale allait se poursuivre normalement et de lui avoir même annoncé des commandes en février 2017, commandes qui ne sont jamais intervenues,
- de l'avoir laissée dans l'incertitude quant au devenir de la relation, ce qui constitue un comportement déloyal, de lui avoir notifié son déréférencement par courriel du 8 mars 2017 avec effet en juin 2017 après l'avoir encouragé à effectuer des développements relatifs aux nouvelles spécificités sur le produit Decomat.
Elle allègue que son site de fabrication de Chalabre dans l'Aude était entièrement dévolu à la fabrication des produits textiles pour la société Adient, que 8 salariés travaillant pour ce faire ne peuvent plus être ré-affectés et que leurs salaires et charges s'élèvent à 245 508 euros.
Elle calcule son préjudice à partir de sa marge brute sur 12 mois complémentaires par rapport au délai de préavis.
Mais considérant que la société Adiant objecte à juste raison qu'elle était libre de rompre la relation commerciale et que la société Actis ne justifie aucunement des coûts invoqués.
De plus, les griefs et préjudices énoncés par la société Actis ont déjà été indemnisés par la somme allouée au titre de la brutalité de la rupture.
En conséquence, la société Actis sera déboutée de ce chef de demande.
Sur la demande de reprise des stocks
En dernier lieu, la société Actis demande que la société Adient soit condamnée à reprendre les stocks et à les racheter au prix de 105 972,29 euros ; elle expose :
- qu'il s'agit de produits spécifiques, développés sur la base des spécifications de la société Adient et ne pouvant être écoulés auprès d'un autre acheteur.
La société Adient s'oppose à cette demande aux motifs :
- que la société Actis ne prétend ni ne démontre qu'elle se serait engagée à reprendre le stock dans pareille hypothèse,
- qu'elle ne justifie pas de l'existence des stocks restants, ni de leur valeur, ni de l'impossibilité de les revendre.
La société Actis, qui se borne à produire un tableau excel de son stock matières, daté du 30 septembre 2017, énumérant des matières Jersey, des composants, des plastifiants et des résines ne rapporte pas la preuve que ces produits étaient destinés spécialement à la société Adient et qu'elle se trouverait dans l'impossibilité de les ré-utiliser ou de les revendre à d'autres acheteurs ; sa demande sera donc rejetée.
Sur la demande de la société Adient en paiement de la somme de 340 301 euros
La société Adient prétend que les non-conformités auxquels elle a été confrontée lui ont causé un important préjudice, à savoir 71 132 euros HT pour la livraison d'un PVC inutilisable, 82 800 euros HT au titre du coût de l'arrêt de la production et 186 369 euros correspondant à la différence tarifaire du double pratiquée par le fournisseur Toiltech auquel elle a été contrainte de s'adresser.
Mais la société Actis réplique justement :
- que la société Adient est mal fondée à se plaindre d'un prix plus élevé pratiqué par le fournisseur Toilech qu'elle a choisi et auquel elle a passé commande sans attendre le résultat des essais en cours avec elle,
- que la société Adient ne verse aucune pièce établissant qu'elle a subi un préjudice du fait qu'elle se serait trouvée dans l'incapacité de livrer ses clients dans les délais impartis, d'autant qu'elle s'est adressée à la société Toiltech en 2016 et 2017 pour la fourniture du Decomat noir.
La société Adient ne démontrant aucunement le préjudice qu'elle aurait subi pour la livraison d'un PVC inutilisable et au titre d'un arrêt de sa production, sa demande en paiement de la somme totale de 304.301 euros sera rejetée.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile
La société Adient, qui succombe en ses prétentions, supportera les dépens de première instance et d'appel.
Vu les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, il y a lieu d'allouer la somme de 7.000 euros à la société Actis et de rejeter la demande de la société Adient de ce chef.
Par ces motifs : LA COUR, Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la société Adient Fabrics France de sa demande de dommages-intérêts, Statuant à nouveau, Condamne la société Adient Fabrics France à payer à la société Actis : - la somme de 211 404 euros, à titre de dommages-intérêts, pour rupture brutale de la relation commerciale établie, - la somme de 7 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute les parties de toutes leurs autres demandes, Condamne la société Adient Fabrics France aux dépens de première instance et d'appel.