Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 29 janvier 2020, n° 17-19255

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Motoworld (SARL)

Défendeur :

PC Moto (SARL), Kawasaki Motor Europe NV (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

Mme Bodard-Hermant, M. Gilles

T. com. Nancy, du 28 mai 2010

28 mai 2010

FAITS ET PROCÉDURE

La société de droit néerlandais Kawasaki Motors Europe NV (la société Kawasaki) importe et distribue en France des motos de la marque Kawasaki dans le cadre d'un réseau de distribution.

La société Motoworld fait partie de ce réseau et bénéficie d'un contrat de concession exclusive pour les " arrondissements " de Nancy, Toul et Lunéville.

La société PC Moto exerce à Nancy une activité indépendante de vente de motocycles.

Reprochant à la société PC Moto d'avoir, en commercialisant des motocycles de la marque Kawasaki, participé à la violation d'une interdiction de revente hors réseau et commis des actes de concurrence déloyale à son égard, et à la société Kawasaki d'avoir manqué à ses obligations en ne veillant pas à l'étanchéité du réseau, la société Motoworld a assigné ces sociétés en paiement de dommages-intérêts.

Par jugement du 28 mai 2010, le tribunal de commerce de Nancy a :

- déclaré la société Motoworld mal fondée en l'intégralité de ses demandes ;

- débouté la société Motoworld de l'intégralité de ses demandes ;

- condamné la société Motoworld à payer à la société PC Moto la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 CPC ;

- déclaré la société Kawasaki Motors Europe mal fondée en sa demande reconventionnelle ;

- débouté la société Kawasaki Motors Europe de sa demande reconventionnelle ;

- déclaré la société PC Moto mal fondée en sa demande reconventionnelle ;

- débouté la société PC Moto en sa demande reconventionnelle ;

- autorisé l'exécution provisoire du présent jugement nonobstant toute voie de recours et sans garantie ;

- fait masse des dépens du présent jugement et dit qu'ils seront supportés par la société Motoworld.

Par arrêt du 25 avril 2012, la cour d'appel de Nancy a confirmé le jugement.

Par arrêt du 22 octobre 2013, la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Nancy mais seulement en ce qu'il rejette les demandes formées par la société Motoworld contre la société PC Moto du chef de l'article L. 442-6, I, 6° du Code de commerce et celles formées contre la société Kawasaki Motors Europe NV et a renvoyé les parties devant la cour d'appel de Paris.

Par un arrêt du 9 septembre 2015, la cour d'appel de Paris :

- a confirmé le jugement, sauf en ce qu'il déboute la société Motoworld de ses demandes à l'encontre de la société Kawasaki

- et statuant de nouveau dans cette limite,

- a dit que la société Kawasaki a engagé sa responsabilité en ne garantissant pas l'exclusivité qu'elle avait assurée à la société Motoworld et l'a condamnée à verser à cette dernière la somme de 25 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Par arrêt du 8 juin 2017, la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Paris mais seulement en ce qu'il rejette les demandes formées par la société Motoworld contre la société PC Moto du chef de l'article L. 442-6, I, 6° du Code de commerce et a renvoyé les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Par déclaration du 17 octobre 2017, la société Motoworld a saisi la cour d'appel de renvoi.

Par ordonnance du 4 septembre 2018, le président a déclaré irrecevables les conclusions de la société Motoworld signifiées le 9 avril 2018.

Par ordonnance du 13 novembre 2018, rectifiée le 29 janvier 2019, le président a déclaré irrecevables les conclusions de la société PC Moto signifiées le 12 octobre 2018 ainsi que les pièces produites.

Cette ordonnance a été confirmée par arrêt de la cour du 31 juillet 2019.

En vertu de l'article 1037-1, al. 6 du Code de procédure civile, les sociétés Motoworld et PC Moto sont réputées s'en tenir aux moyens et prétentions qu'elles avaient soumis à la cour d'appel de Paris, dont l'arrêt du 9 septembre 2015 a été partiellement cassé.

Vu les dernières conclusions de la société Motoworld déposées et notifiées le 19 septembre 2014, par lesquelles il est demandé à la cour de :

Vu l'article 1382 du Code civil

Vu l'article L. 442-6 du Code de commerce

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Nancy du 28 mai 2010 ;

- débouter purement et simplement la société PC Moto et la société Kawasaki Motor Europe de l'ensemble de leurs demandes, fins, moyens et conclusions ;

Et jugeant à nouveau,

- faire injonction à société PC Moto de fournir ses grands livres détaillés de 2007 à 2014 du compte fournisseur. À défaut, en tirer toutes conséquences ;

- dire et juger que la société PC Moto a commis des actes de concurrence déloyale à l'égard de Motoworld ;

- dire et juger que la société Kawasaki Motor Europe a violé son engagement d'assurer l'étanchéité de son réseau comme du territoire concédé en exclusivité à la société Motoworld ;

En conséquence,

- condamner in solidum la société PC Moto et la société Kawasaki Motor Europe à payer à la société Motoworld la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- condamner la société Kawasaki Motor Europe à payer à la société Motoworld la somme de 8 795,54 euros au titre de dommages et intérêts complémentaires ;

- condamner in solidum la société PC Moto et la société Kawasaki Motor Europe à payer à la société Motoworld les sommes de 50 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile de première instance et d'appel qu'aux entiers dépens dont distraction sera faite au profit de la SCP X conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions de la société PC Moto, intimée, déposées et notifiées le 21 juillet 2014, par lesquelles il est demandé à la cour de :

Vu le Jugement rendu par le tribunal de commerce de Nancy le 28 mai 2010,

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Nancy du 25 avril 2012,

Vu l'arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 22 octobre 2013,

Vu les articles 1382 du Code civil et L. 442-6 du Code de commerce,

Vu l'article 906 du Code de procédure civile,

Vu l'article 2224 du Code civil,

- déclarer recevable et bien fondée la société PC Moto en ses demandes fins et conclusions ;

- constater que l'arrêt rendu par la cour de cassation le 22 octobre 2013 a partiellement infirmé l'arrêt de la cour d'appel de Nancy en date du 25 avril 2012 ; que les points n'ayant fait l'objet d'aucune cassation sont définitivement tranchés et bénéficient de l'autorité de la chose jugée ;

- donner acte à la société PC Moto qu'elle ne dispose pas des pièces de l'appelante à la date du 21 juillet 2014 ; qu'en violation de l'article 906 du Code de procédure civile, les pièces de l'appelante n'ont pas été signifiées simultanément à ses conclusions ;

- faire injonction à la société Motoworld d'avoir à communiquer les pièces visées en marge de ses conclusions du 4 juin 2014 ;

- donner acte à PC Moto qu'elle se réserve de conclure à nouveau, à réception des pièces de l'appelante ;

Sur le fond,

- confirmer en toutes ses dispositions le Jugement entrepris en date du 28 mai 2010 ;

- constater qu'il n'est démontré la commission par PC Moto d'aucun acte de concurrence déloyale, ni antérieur ni postérieur à 2008 ;

- juger partiellement irrecevable la demande d'injonction de communiquer les Grands Livres de la société PC Moto de 2007 à 2014 comme se heurtant à la prescription quinquennale de l'article 2224 du Code civil ;

- la dire mal fondée sur le fond ;

En conséquence,

- débouter la société Motoworld de l'intégralité de ses demandes, en ce compris ses demandes indemnitaires, sa demande d'injonction d'avoir à communiquer les Grands Livres de PC Moto de 2007 à 2014 ;

- condamner la société Motoworld à verser à la société PC Moto une indemnité de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure manifestement abusive, au visa des articles 1382 du Code civil et 32-1 du Code de procédure civile ;

- la condamner à verser à la société PC Moto une somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens, dont distraction au profit de l'AARPI Absys Avocats, agissant par Maître Sarah G., avocat au Barreau de Paris, par application de l'article 699 du Code de procédure civile.

SUR CE LA COUR

Sur la portée de la cassation et ses conséquences

Aux termes de son arrêt du 8 juin 2017, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 9 septembre 2015 mais seulement en ce qu'il rejette les demandes formées par la société Motoworld contre la société PC Moto du chef de l'article L. 442-6, I, 6° du Code de commerce.

Aux termes de son arrêt du 22 octobre 2013, la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Nancy mais seulement en ce qu'il rejette les demandes formées par la société Motoworld contre la société PC Moto du chef de l'article L. 442-6, I, 6° du Code de commerce et celles formées contre la société Kawasaki Motors Europe NV.

La société PC Moto soutient que la Cour de cassation dans son arrêt du 22 octobre 2013 aurait rejeté le premier moyen, pris en sa première branche et le second moyen du pourvoi de la société Motoworld, de sorte que sont devenues irrévocables les dispositions de l'arrêt du 25 avril 2012 de la cour d'appel de Nancy, qui a débouté cette société de ses demandes reprochant à la société PC Moto, sur le fondement des dispositions des articles 1382 du Code civil et L. 442-6, I, 6° du Code de commerce, sa résistance à révéler ses sources d'approvisionnement pour les douze motocycles de marque Kawasaki acquis jusqu'au mois de juin 2008, et lui reprochant, sur le fondement du second de ces articles, d'avoir une parfaite connaissance de sa participation à la violation de l'interdiction de vente hors réseau, s'agissant de la mise en vente de ces motocycles acquis, jusqu'au mois de juin 2008, auprès de la société DC Motocycles Import Sprl, et que les demandes de la société Motoworld à ces titres doivent par conséquent être rejetées.

Or, la cassation qui atteint un chef de dispositif n'en laisse rien subsister, quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation, les parties étant remises de ce chef dans l'état où elles se trouvaient avant la décision censurée et ayant la faculté d'invoquer de nouveaux moyens à l'appui de leurs prétentions, l'affaire étant à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation.

Il s'ensuit que la cour d'appel se trouve valablement saisie du moyen pris de la résistance de la société PC Moto à révéler ses sources d'approvisionnement pour les douze motocycles de marque Kawasaki acquis jusqu'au mois de juin 2008, sur le fondement des dispositions des articles 1382 du Code civil et L. 442-6, I, 6° du Code de commerce, ainsi que du moyen pris de la parfaite connaissance que la société PC Moto avait de participer à la violation de l'interdiction de vente hors réseau, s'agissant de la mise en vente de ces motocycles acquis jusqu'au mois de juin 2008, auprès de la société DC Motocycles Import Sprl, sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 6° du Code de commerce.

Sur la responsabilité de la société PC Moto sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 6° du Code de commerce

La société Motoworld soutient que l'application de l'article L. 442-6, I, 6° du Code de commerce implique que le seul fait de revendre des véhicules neufs en violation du réseau de distribution sélective et exclusive Kawasaki suffit à engager la responsabilité de PC Moto.

Elle fait valoir que la société PC Moto savait pertinemment qu'elle participait à la violation de l'interdiction de revente hors réseau. Elle en veut pour preuve la tentative infructueuse de cette société d'entrer dans le réseau Kawasaki et dit que c'est parce que cet accord n'a pas été conclu que PC Moto a cherché à s'approvisionner auprès d'un revendeur belge afin de masquer l'origine des approvisionnements. Motoworld fait observer à cet égard que la société belge en cause ne vend pas sur son site internet les modèles qu'elle vend à PC Moto et en déduit que PC Moto est un simple paravent destiné à masquer l'origine de l'approvisionnement réel des motos vendues. Elle ajoute que les prix de revente du revendeur belge sont équivalents aux prix de vente par Kawasaki à ses distributeurs agréés. Motoworld dénonce également le fait que nonobstant le constat sur requête du 21 décembre 2007 et la mise en demeure du 5 janvier 2008, la société PC Moto a reconnu avoir persisté dans ses approvisionnements jusqu'en mai/juin 2008.

Elle dit que l'ensemble des décisions rendues à ce jour sous le visa de l'article L. 442-6, I, 6° du Code de commerce, sanctionnent bien la commercialisation par les revendeurs indépendants, quelle que soit l'origine de l'approvisionnement, de produits faisant l'objet d'un réseau de distribution sélective. Elle considère que le tribunal a, à tort, écarté l'application de ce texte au motif que la preuve de la connaissance par la société PC Moto de cette interdiction de revente hors réseau n'était pas rapportée alors qu'une telle exigence n'est pas requise. Elle ajoute que la Cour de cassation, dans un arrêt du 27 octobre 1992 (n° 90-18943), a considéré qu'il importait peu que le tiers complice se soit adressé directement à un membre du réseau agréé ou par l'intermédiaire d'une société de façade visant à masquer l'origine réelle de l'approvisionnement.

Elle estime que la sollicitation de la société PC Moto pour obtenir un contrat d'agent agréé lui permettant de revendre sur son territoire démontre la participation délibérée de cette société à la violation de ses droits exclusifs, faisant valoir que son refus légitime est la seule cause des approvisionnements auprès du grossiste belge et que PC Moto ne peut sérieusement soutenir qu'elle n'avait pas " de raison de douter des droits qu'avait son fournisseur ". Elle ajoute que par l'origine même des approvisionnements, la société PC Moto savait parfaitement que ces agissements n'avaient pour but que de violer l'exclusivité connue qu'elle détenait.

La société PC Moto rétorque n'avoir commis aucune faute, nécessaire, selon elle, pour engager sa responsabilité. A cet égard, elle fait valoir que, selon la jurisprudence au visa de l'article L. 442-6, I, 6° du Code de commerce, le seul fait, pour un tiers au réseau, de commercialiser des marchandises ne suffit pas à engager la responsabilité civile de celui-ci. Elle estime qu'il est désormais acquis que le fait " d'acquérir les produits sur le marché parallèle et de les commercialiser en dehors du réseau ne constitue en lui-même aucune faute " (Cass. com., 13 déc. 1988, 10 janv. 1988, 31 janv. et 21 mars 1989) et que la jurisprudence en la matière considère bien que la revente hors réseau de marchandises acquises régulièrement, et ce malgré des exclusivités de distribution, ne constitue pas un acte de concurrence déloyale en soi.

Elle considère, lorsque l'approvisionnement litigieux est en fait licite, qu'il convient de rechercher la responsabilité des acteurs du réseau qui n'ont pas veillé à son étanchéité, mais qu'il ne peut s'agir de la responsabilité des tiers audit réseau. Elle estime alors qu'il appartient au tiers de faire la preuve qu'il a acquis régulièrement les marchandises sur un réseau parallèle ou auprès d'un autre concessionnaire (Cass. com., 9 juill. 1996) sans qu'il y ait lieu de remonter la chaîne des transmissions, le tiers n'ayant pas à prouver que les approvisionnements en amont étaient réguliers (Cass. com., 19 oct. 1999).

Selon l'article L. 442-6, I 6° du Code de commerce dans sa version applicable à la cause :

" Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

(...)

6°) de participer directement ou indirectement à la violation de l'interdiction de revente hors réseau faite au distributeur lié par un accord de distribution sélective ou exclusive exempté au titre des règles applicables du droit de la concurrence ".

Sur le fondement de l'article L. 442-6 I 6° du Code de commerce, la responsabilité du tiers qui commercialise des produits relevant d'un réseau de distribution exclusive et/ou sélective ne peut être engagée que s'il a commis des actes déloyaux, en particulier s'il s'est approvisionné de manière irrégulière, se rendant alors complice de la violation du contrat existant entre le revendeur et le fournisseur.

En l'espèce, il est constant que la société PC Moto, revendeur indépendant, s'est fournie durant la période de décembre 2007 à juin 2008 de motocyclettes de marque Kawasaki auprès d'une société de droit belge non-membre du réseau, dénommée DC Motorcycles Import SPRL, laquelle s'était elle-même approvisionnée auprès de l'un des concessionnaires de la société Kawasaki en Belgique, la société City-2-Roues. La société Kawasaki a justifié avoir résilié, par une lettre du 20 août 2008, le contrat de concession conclu avec la société City-2-Roues.

Le fait pour un tiers de satisfaire des commandes avec des produits acquis régulièrement, en dépit des droits d'exclusivité dont bénéficiait à sa connaissance un concessionnaire exclusif ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale.

De même, le seul fait pour un distributeur non agréé d'avoir commercialisé des produits faisant l'objet d'un réseau de distribution sélective ne constitue pas un acte de concurrence déloyale, dès lors que l'irrégularité de leur acquisition n'est pas établie.

L'importation parallèle de produits couverts par un accord de distribution sélective et/ou exclusive exemptée au titre des règles applicables du droit de la concurrence n'est pas en soi prohibée.

En l'espèce, la société PC Moto a revendu en toute connaissance de cause des véhicules neufs Kawasaki sur le département de Meurthe et Moselle (54) sur le territoire duquel la société Motoworld s'était vu conférer une exclusivité et a justifié en juillet 2008 de l'origine régulière des produits vendus durant la période de décembre 2007 à juin 2008, en fournissant les factures d'achat de la société belge, sans qu'il puisse lui être reprochée de ne pas rapporter la preuve de l'acquisition régulière des véhicules litigieux par son vendeur, cette recherche ne lui incombant pas et n'ayant pas à vérifier les conditions dans lesquelles son vendeur les avait acquis.

Et la société Motoworld n'est pas fondée à invoquer, sur le fondement des dispositions des articles 1382 du Code civil et L. 442-6, I, 6° du Code de commerce, sa résistance à révéler ses sources d'approvisionnement pour les douze motocycles de marque Kawasaki acquis jusqu'au mois de juin 2008 puisqu'en effet, elle y a finalement satisfait, la circonstance qu'elle ne les ait pas communiquées ni lors des opérations de constat du 21 décembre 2007 en indiquant ne pas être en possession des documents sollicités, ni après mise en demeure du 5 janvier 2008, mais seulement en juillet 2008 ne pouvant établir en elle-même l'illicéité ou le caractère frauduleux de l'achat.

Dès lors, la société Motoworld reproche vainement à la société PC Moto d'avoir une parfaite connaissance de participer à la violation de l'interdiction de vente hors réseaux, s'agissant de la mise en vente des motocycles acquis jusqu'au mois de juin 2008 auprès de la société belge, dès lors que la seule connaissance d'une interdiction de vente hors réseau n'emporte pas en soi violation de cette interdiction.

En revanche, force est de constater ainsi que le fait valoir la société Motoworld, qu'elle a poursuivi la vente des motocyclettes de marque Kawasaki, au mois de juin 2009 ainsi qu'il résulte des trois attestations concordantes produites (pièces 31 à 33 de la société Motoworld) sans justifier de l'origine régulière des biens vendus.

En effet, si la première attestation (M. A) datée du 11 juin 2009 ne précise pas la date des faits relatés, la dernière datée du 12 juin 2009 (M. B) relate des faits du même jour et la seconde (M. C) datée également du 12 juin 2009 et rédigée au présent relate de même des faits du même jour, la première faisant état d'une proposition de vente d'une moto noire 2750 Kawasaki en stock chez Moto Expert Nancy, et les deux antres attestant avoir vu en vente chez Moto Expert à Maxéville (54) une telle moto.

Il est ainsi établi que la société PC MOTO a participé indirectement par cette commercialisation à la violation de l'interdiction de revente hors réseau faite au distributeur lié par un accord de distribution sélective ou exclusive exempté au titre des règles applicables du droit de la concurrence engageant ainsi sa responsabilité sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 6° du Code de commerce et l'obligeant à réparer le préjudice causé.

Sur le préjudice subi par la société Motoworld

La société Motoworld sollicite la condamnation in solidum de la société PC Moto et de la société Kawasaki à lui verser la somme de 150 000 euros à titre de dommages-intérêts.

La société Kawasaki Motors Europe n'ayant pas été appelée dans la présente procédure sur renvoi de l'arrêt de cassation du 8 juin 2017, la demande tendant à sa condamnation in solidum avec la société PC Moto est irrecevable à son égard.

La société Motoworld dit qu'il ne peut lui être fait grief de ne pas prouver les pertes de marge sur les véhicules vendus puisque la société PC Moto ne produit pas ses factures de revente des véhicules en cause.

Au vu de l'ensemble de ces éléments et des pièces produites, la cour dispose d'éléments suffisants, sans qu'il y ait lieu d'enjoindre à la société PC Moto de communiquer ses grands livres de 2007 à 2014 du compte fournisseur, pour chiffrer à 20 000 euros le préjudice subi par la société Motoworld du fait de la participation indirecte de la société PC Moto à la violation de l'interdiction de revente hors réseau faite au distributeur lié par un accord de distribution sélective et exclusive exempté au titre des règles applicables du droit de la concurrence engageant ainsi sa responsabilité sur le fondement de l'article L 442-6, I, 6° du Code de commerce.

Il convient, infirmant le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Motoworld de ses demandes à l'encontre de la société PC Moto sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 6° du Code de commerce, de condamner cette dernière à payer à la société Motoworld sur ce fondement, la somme de 20 000 euros de dommages-intérêts.

Sur les autres demandes

Le sens de l'arrêt conduit à débouter la société PC Moto qui succombe, de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive tant au visa des articles 1382 devenu 1240 du Code civil que de l'article 32-1 du Code de procédure civile ainsi que sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les demandes plus amples de la société Motoworld et de la société PC Moto doivent être déclarées irrecevables comme portant sur des chefs de l'arrêt du 9 septembre 2015 non atteints par la cassation ;

En équité, cette dernière doit être condamnée à verser à la société Motoworld la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs LA COUR, Vu les arrêts de la Cour de cassation du 8 juin 2017 et du 22 octobre 2013, Déclare irrecevable à l'égard de la société Kawasaki Motors Europe la demande de la société Motoworld tendant à la condamnation in solidum avec la société PC Moto de la société Kawasaki Motors Europe à lui payer la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts ; Infirme le jugement en ce qu'il rejette les demandes formées par la société Motoworld contre la société PC Moto du chef de l'article L. 442-6, I, 6° du Code de commerce ; Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant, Condamne la société PC Moto sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 6° du Code de commerce, à payer à la société Motoworld la somme de 20 000 euros de dommages-intérêts ; Déboute la société PC Moto de sa demande de dommages-intérêts ainsi qu'au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Déclare irrecevables les demandes plus amples de la société Motoworld et de la société PC Moto comme portant sur des chefs de l'arrêt du 9 septembre 2015 non atteints par la cassation ; Condamne la société PC Moto aux dépens avec le bénéfice de l'article 699 Code de procédure civile et à payer à la société Motoworld la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Rejette toute autre demande.