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Décisions

CA Limoges, ch. économique, 3 février 2020, n° 18-01199

LIMOGES

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

CGEA de Bordeaux Unedic (Association), La Pataterie Développement (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Conseiller :

M. Colomer

Avocats :

Mes Grèze, Noirot, Pleinevert, Chabaud

Cons. prud'h. Limoges, du 13 nov. 2018

13 novembre 2018

EXPOSE DU LITIGE :

M. X, dirigeant de la société Phoenix Holding investissement, a été franchisé La Pataterie pour un établissement sis à Labège (31) depuis 2007.

Ultérieurement, un second restaurant franchisé a été ouvert à Gaillac (81) par le biais de la société Potomac, constituée le 17 octobre 2012 ; société dont la société Phoenix Holding Investissement détenait 48 % des parts sociales.

Par la suite, la société Phoenix Holding Investissement a racheté les parts sociales des autres associés, devenant actionnaire majoritaire de la société Potomac.

Le 12 décembre 2014, un nouveau contrat de franchise a été régularisé par M. X.

Par un jugement en date du 8 septembre 2015, la société Potomac a été placée en redressement judiciaire.

Par un jugement en date du 6 décembre 2016, la société Potomac a vu son redressement converti en liquidation judiciaire.

Des difficultés économiques ont amené le prononcé du redressement judiciaire de la société La Pataterie développement suite à un jugement du tribunal de commerce de Limoges en date du 18 octobre 2017, Maître Y étant désigné en qualité d'administrateur judiciaire et Maître Z de la société BTSG étant désigné en qualité de mandataire judiciaire.

Par un jugement en date du 21 novembre 2017, la société La Pataterie développement a été placée en liquidation judiciaire, Maître Z de la société BTSG étant désigné en qualité de mandataire liquidateur.

M. X a saisi le conseil de prud'hommes de Limoges par une demande reçue au greffe le 29 mai 2017 aux fins de voir requalifier le contrat de franchise en contrat de travail, et à titre subsidiaire de se voir appliquer le statut de gérant de succursales de l'article L. 7321-1 du Code du travail ainsi que d'obtenir la condamnation de la société La Pataterie développement au paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire, congés payés afférents, remboursement du droit d'entrée, outre intérêts, ainsi qu'à titre indemnitaire.

Par jugement en date du 13 novembre 2018, le conseil de prud'hommes de Limoges a :

Dit et jugé que le lien de subordination n'est pas avéré et par conséquent l'existence d'un contrat de travail n'est pas retenue ;

Dit et jugé que le statut de gérant de succursale n'est pas retenu ;

Débouté M. X de ses demandes de :

- rappels de salaire ;

- congés payés afférents ;

- indemnité compensatrice de préavis ;

- congés payés afférents ;

- dommages-intérêts pour licenciement abusif ;

- production de bulletins de salaire, de certificat de travail, de l'attestation Pôle Emploi ;

- remboursement de droit d'entrée au contrat de franchise ;

Condamné M. X à payer à Maître Z, en qualité de mandataire judiciaire de la liquidation judiciaire de la société La Pataterie développement la somme de 500 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Débouté les mandataires de leur demande au titre de la démarche abusive ;

Condamné M. X aux dépens.

M. X a régulièrement interjeté appel de cette décision le 13 décembre 2018, son recours portant sur l'ensemble des chefs de jugement sauf en ce qu'il a débouté les mandataires de leur demande au titre de la démarche abusive.

Aux termes de ses écritures du 20 août 2019, M. X demande à la cour :

D'infirmer le jugement du jugement dont appel en ce qu'il a :

- dit et jugé que le lien de subordination n'est pas avéré et que par conséquent l'existence d'un contrat de travail n'est pas retenue ;

- dit et jugé que le statut de gérant de succursale n'est pas retenu ;

- l'a débouté de ses demandes de rappels de salaire ;

- l'a débouté de ses demandes de congés payés afférents ;

- l'a débouté de ses demandes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- l'a débouté de ses demandes de congés payés afférents ;

- l'a débouté de ses demandes au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

- l'a débouté de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement abusif ;

- l'a débouté de sa demande de production de bulletins de salaire, de certificat de travail, d'attestation Pôle Emploi ;

- l'a débouté de sa demande de remboursement de droit d'entrée au contrat de franchise ;

- l'a condamné à payer à Maître Z, ès qualités, la somme de 500 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- l'a condamné aux dépens ;

Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté les mandataires de leur demande de dommages-intérêts au titre d'une prétendue démarche abusive ;

Dire et juger que ses demandes sont recevables ;

Dire et juger ses demandes parfaitement bien fondées ;

En conséquence,

A titre principal, de :

Requalifier le contrat de franchise souscrit le 12 décembre 2014 entre la société La Pataterie développement, lui-même et la société Potomac en contrat de travail ;

Dire que l'employeur est la société La Pataterie développement ;

A titre subsidiaire, de :

Dire que les conditions de l'article L. 7321-2 du Code du travail relatif à la qualité de gérant de succursale sont réunies ;

Lui accorder le statut de gérant de succursale au sens du texte précité ;

En tout état de cause, de :

Fixer sa créance sur la société La Pataterie développement à :

- la somme de 75 306,06 bruts à titre de rappel de salaire ;

- la somme de 7 530,61 bruts au titre des congés payés afférents ;

- la somme de 9 624 bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- la somme de 962,40 bruts au titre des congés payés afférents ;

- la somme de 38 616 de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur le fondement de l'article L. 1235-3 du Code du travail ;

- la somme de 45 000 à titre de remboursement du droit d'entrée réglé lors de la conclusion du contrat de franchise ;

Dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du jugement à intervenir ;

En tant que de besoin :

D'ordonner la production sous astreinte d'un bulletin de salaire, d'un certificat de travail et de l'attestation destinée au Pôle Emploi conformes à la décision à intervenir, le tout sous astreinte de 100 par jour de retard, huit jours passés le jour du prononcé du jugement à intervenir ;

Déclarer l'arrêt à intervenir exécutoire de plein droit sur la base de l'article R. 1454-28 du Code du travail, à hauteur de 9 mois de salaire sur une base mensuelle de 3 216 bruts, et sur la base de l'article 515 du Code de procédure civile pour le surplus des demandes ;

Fixer sa créance sur la société La Pataterie développement au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à la somme de 3 000 ;

Condamner la société BTSG, prise en la personne de Maître Z, ès qualités, aux entiers frais et dépens de la procédure, y compris ceux de recouvrement des montants dus et fixés par la cour et l'intégralité des frais, émoluments et honoraires liés à une éventuelle exécution de la décision à intervenir par voie d'huissier et, en particulier, tous les droits de recouvrement ou d'encaissement, sans exclusion du droit de recouvrement ou d'encaissement à la charge du créancier ;

Débouter la société BTSG, prise en la personne de Maître Z, ès qualités, de sa demande formée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Débouter la même de sa demande formée au titre de l'article 32-1 du Code de procédure Ccvile ;

Débouter la société BTSG, prise en la personne de Maître Z, ès qualités, de l'ensemble de ses fins, demandes et conclusions ;

Dire et juger que l'arrêt à intervenir sera déclaré commun et opposable à l'Unedic, délégation AGS, CGEA de Bordeaux ;

Dire et juger que l'Unedic, délégation AGS, CGEA de Bordeaux, sera tenue de garantir sa créance dans la limite des dispositions légales ;

Dire et juger que l'arrêt à intervenir sera déclaré commun et opposable à Maître Z, ès qualités ;

Dire et juger que la société BTSG, prise en la personne de Maître Z, ès qualités, sera tenue d'établir les relevés de créance ;

Débouter la même de son appel incident formé au titre de l'article 32-1 du Code de procédure civile.

À l'appui de son recours, M. X fait valoir qu'il est fondé à demander la requalification du contrat de franchise en contrat de travail eu égard au non-respect par la société La Pataterie développement de ses obligations contractuelles ainsi que du lien de subordination existant.

Il expose que ce lien est caractérisé notamment par l'impossibilité pour le franchisé d'avoir la maîtrise de ses prix, ceux-ci étant fixés en amont par le siège qui possède par ailleurs un accès direct à distance à la caisse ; l'impossibilité de choisir l'agencement du restaurant, les horaires d'ouverture et même l'ambiance musicale. Il indique toujours sur ce point que l'utilisation du logiciel Compliantia va dans le sens de ce lien de subordination, tout comme les conséquences prévues en cas d'un non-respect par le franchisé de ses obligations à l'égard du franchiseur, des ordres et des directives étant données, le franchiseur disposant d'un pouvoir de contrôle important sur le franchisé.

A titre subsidiaire, si le lien de subordination ne devait pas être reconnu, M. X soutient pouvoir se prévaloir de l'application du statut de gérant de succursale, au regard notamment de la contrainte imposée par le franchiseur de ne vendre que la marchandise, tout au plus assemblée et non transformée, agrée par lui sans distinction de nature ou en se fournissant directement auprès de sa plateforme logistique sans que cela s'avère nécessaire à la cohésion du réseau ; celle d'exercer dans un local agréé, celle de pratiquer des prix imposés, ainsi que l'astreinte du franchisé à différentes contraintes relatives à ses conditions de travail comme des jours et horaires d'ouvertures fixés par le franchiseur, avec un contrôle étroit réalisé par ce dernier.

M. X indique que la société La Pataterie développement a détourné les remises forfaitaires annuelles devant revenir aux franchisés au profit de la mise en place d'une communication pour laquelle les franchisés n'ont pas été consultés.

Aux termes de ses écritures en date du 28 octobre 2019, la société BTSG prise en la personne de Maître Z, ès qualités, demande à la cour de :

Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

- déclaré que le lien de subordination n'était pas avéré et par conséquent l'existence d'un contrat de travail n'était pas retenue ;

- déclaré que le statut de gérant de succursale n'était pas retenu ;

- débouté M. X de ses demandes de rappels de salaire, congés payés afférents, productions de bulletins de salaire, de certificat de travail, de l'attestation Pôle Emploi, et remboursement de droit d'entrée du contrat de franchise ;

Et en conséquence :

Déclarer irrecevable, et en tout cas mal fondé, M. X en l'ensemble de ses demandes ;

Débouter en conséquence M. X de l'ensemble de ses demandes ;

Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

- débouté les mandataires de leur demande au titre de la démarche abusive ;

Et en conséquence :

Condamner M. X à payer à la société BTSG, ès qualités, la somme de 1 sur le fondement de l'article 32-1 du Code de procédure civile et statuer en droit et en équité sur le montant de l'amende civile ;

En toutes hypothèses, de :

Condamner M. X à payer à la société BTSG, ès qualités, la somme de 3 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner M. X au paiement des entiers dépens et frais de procédure.

En réponse, la SCP BTSG, ès qualités, soutient que le contrat de franchise de M. X ne peut être requalifié en contrat de travail en l'absence d'un quelconque lien de subordination, l'indépendance du franchisé ne pouvant être mise en opposition avec le contrôle par le franchiseur du respect de son savoir-faire et de l'image de marque du réseau, ce dernier ne constituant en rien une subordination juridique.

En effet, la société indique que cette absence de lien est caractérisée à la fois par les stipulations de l'article 3 du contrat de franchise, par l'existence d'une liberté dans la fixation des prix, seuls des prix conseillés étant proposés, sous réserve d'un prix maximum en lien avec l'image de la franchise. De même, la SCP BTSG fait valoir que l'utilisation d'un logiciel dédié aux commandes ou du logiciel Compliantia n'est pour l'un, qu'une facilité offerte au franchisé, pour l'autre, qu'une automatisation des audits au sein du réseau ; aucun logiciel de contrôle des caisses à distance n'existant. Toujours en ce sens, la société intimée expose que l'agencement des restaurants ou l'ouverture des restaurants tous les jours fait partie du concept même de la franchise La Pataterie ; la faculté de résiliation anticipée du contrat n'étant pas un pouvoir de sanction comme le soutient l'appelant mais une clause classique des contrats commerciaux visant à prévoir les manquements de l'une des parties à ses obligations.

De même, la SCP BTSG, ès qualités, indique que le statut de gérant de succursale ne peut pas plus être appliqué à M. X en l'absence de dépendance économique.

Elle explique en ce sens que les trois conditions cumulatives relatives à la fourniture quasi-exclusive des marchandises par le franchiseur, à la fourniture ou l'agrément du local ainsi qu'à l'imposition des prix et des conditions de travail ne sont pas toutes remplies ; la société La Pataterie développement n'étant pas le fournisseur de la marchandise et en tout état de cause, ne lui étant pas assimilable et les produits étant transformés au sein des restaurants.

Aux termes de ses écritures en date du 2 mai 2019 l'Unedic, délégation AGS, CGEA de Bordeaux, prise en la personne de sa directrice nationale, appelée en déclaration d'arrêt commun, demande à la cour de :

Statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel de M. X ;

Le déclarer mal fondé ;

Confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

Dire qu'il ne peut prétendre à la reconnaissance d'un contrat de travail ;

Le débouter, de même, de sa demande tendant à la reconnaissance d'un statut de salarié de société ;

Dans cette hypothèse, exclure de la garantie de l'AGS, toute créance qui pourrait être arrêtée à son profit ;

À titre infiniment subsidiaire, de minorer le quantum des réclamations de M. X et notamment, le poste de dommages-intérêts ;

Exclure, en tout état de cause, la demande de remboursement du droit d'entrée de la garantie de l'AGS conformément aux dispositions de l'article L. 3253-8 du Code du travail ;

Pour le surplus, rappeler que le CGEA de Bordeaux est appelé en déclaration d'arrêt commun, conformément aux dispositions de l'article L. 625-3 du Code de commerce ;

En tirer toutes conséquences de droit ;

Lui donner acte de ce qu'il ne peut être condamné au paiement d'une somme quelle qu'elle soit ;

Lui donner acte de ce qu'il ne peut être tenu au-delà des limites légales de sa garantie, conformément aux dispositions des articles L. 3253-6, L. 3253-8, L. 3253-13 et suivants, L. 3253-17 et D. 3253-1 à D. 3253-5 du Code du travail ;

Lui donner acte de ce qu'il ne peut être amené à avancer le montant principal des créances, constatées et fixées, appréciées éventuellement avec des intérêts de droit obligatoirement arrêtés au jour du jugement d'ouverture, qu'entre les mains du mandataire liquidateur et dans la limite des articles L. 3253-6, L. 3253-8 et suivants, L. 3253-17 et D. 3253-5 du Code du travail ;

Dire et juger que la garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte des salariés, à un des 3 plafonds définis à l'article D. 3253-5 du Code du travail, étant précisé en l'espèce qu'il s'agit du plafond 6.

En réponse, le CGEA de Bordeaux fait valoir qu'aucune condamnation ne peut être directement prononcée à son encontre, le mandataire judiciaire restant, en l'absence de fonds, le seul intermédiaire de toute mise en œuvre de la garantie.

En outre, il précise que ladite garantie est limitée, conformément aux dispositions des articles D. 3253-1 à D. 3253-5 du Code du travail, aux plafonds qui y sont déterminés ; ainsi qu'aux créances couvertes par la garantie conformément aux dispositions des articles L. 3253-8, L. 3253-13, L. 3253-15, L. 3253-17 et L. 3253-19 et suivants du Code du travail ; le CGEA précise également que le plafond applicable à l'égard de M. X est le plafond 6.

En réponse sur le fond, le CGEA indique qu'en l'absence d'ambiguïté sur la volonté de conclure un contrat de franchise de la part de M. X et en l'absence de contrat de travail et de lien de subordination entre M. X et la société La Pataterie développement ou de possibilité pour lui de se voir appliquer le statut de gérant de succursale, le rapport entre les deux étant celui fixé par un contrat de nature commerciale, la garantie de l'AGS ne peut s'appliquer en l'espèce ; s'en remettant aux observations de la SCP BTSG eu égard au quantum des demandes de M. X, celles-ci étant en tout état de cause exclues de la garantie.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 novembre 2019.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'existence d'un contrat de travail

Il résulte des articles L. 1121-1 du Code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. L'existence d'un contrat de travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties à la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur.

En l'absence d'écrit ou d'apparence de contrat de travail, il appartient à celui qui invoque un contrat de travail d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, il est constant qu'après avoir reçu une information contractuelle approfondie, M. X a conclu un contrat de franchise avec la société La Pataterie développement, lequel a reçu exécution et dont l'article 3 stipule que le franchisé est un commerçant indépendant totalement responsable de son exploitation et qui n'est pas habilité à agir au nom et pour le compte du Master franchisé, à le représenter ou à souscrire des engagements en son nom, " n'étant ni son agent, ni son représentant commerce, ni son mandataire, ni son salarié, ni son associé ", qui doit cependant respecter " les normes et obligations spécifiques à la franchise La Pataterie " être intégré au réseau La Pataterie.

Au rang de ces normes et obligations, qui ont vocation à développer et conserver le concept du franchiseur, figuraient l'obligation de respecter un prix maximum conseillé, le respect des règles d'hygiène et de sécurité et de se plier sur ce point à une politique d'audit de la tête du réseau, la remontée d'information et le respect de normes et standards (agencement, ambiance musicale, ouverture des restaurants).

S'agissant du prix plafond, il répond à l'image de marque du réseau de franchise qui est de proposer des plats copieux et peu coûteux, mais le franchisé conserve sa liberté de fixation de sa carte et de ses prix dans cette limite, l'édition par la tête de réseau des cartes n'y faisant pas échec dans la mesure où cette carte est modifiable selon les besoins locaux, pas plus que le logiciel de caisse qui permet au franchisé de sortir du tronc commun sans passer par la société La Pataterie développement, ainsi que le démontre notamment le procès-verbal de la DIRECCTE en date du 4 juin 2015.

S'agissant des procédures d'audit, il ressort des pièces produites aux débats, notamment la présentation du système, les comptes-rendus de visite et le diagnostic global du groupe, que l'utilisation à compter de 2014 du logiciel Complianta, qui rationnalise les audits au sein du réseau, permet au franchiseur de piloter le réseau et au franchisé d'avoir des retours rapides, voire immédiats, de la visite du franchiseur afin d'adapter son organisation en conformité avec les normes et standards commerciaux du concept franchisé.

Quant à la remontée d'informations, elle est inscrite dans le contrat de franchise comme un retour des franchisés permettant de maintenir et développer le savoir-faire transféré.

Ces procédures de contrôle, qui ont pour objectif de contrôler la fidélité au modèle défini par la tête de réseau, ne porte pas atteinte à l'indépendance du franchisé qui bénéficie de l'image de la franchise et se doit d'en respecter les termes et conditions.

En outre, il en est de même pour le respect des normes et standards, tel que l'agencement du restaurant, une ambiance musicale typée (volume perceptible mais pas assourdissant, musique populaire) et l'ouverture des restaurants tous les jours de l'année, qui font partie intégrante de l'image de marque de la franchise, qui doivent être réitérés par le franchisé, qui reste dans cette limite libre d'organiser son exploitation commerciale et de l'adapter aux facteurs locaux.

Enfin, la clause de résiliation anticipée prévue au contrat ne peut caractériser l'existence d'un pouvoir de direction et de sanction détenu par la société La Pataterie développement en ce qu'elle constitue une clause classique dans un contrat commercial qui vient sanctionner une inexécution des stipulations contractuelles et permet de garantir les droits du co-contractant.

L'ensemble de ces contraintes est en adéquation avec le principe même de la franchise qui consiste en la reproduction par les franchisés du modèle de réussite du franchiseur, le contrat de franchise comportant la transmission d'un savoir-faire original et l'octroi d'un droit d'user d'une marque en conformité avec le concept du franchiseur tout au long de l'exécution du contrat, moyennant le paiement d'une redevance et est exclusif de tout lien de subordination juridique avec le franchiseur.

En l'occurrence, il n'est pas sérieusement discuté que M. X, à l'instar des autres franchisés, était gérant de la société commerciale exploitant le fonds de commerce de restauration et inscrite comme telle au registre du commerce, embauchant et dirigeant son personnel, accomplissant les actes nécessaires à l'exploitation du fonds de commerce au niveau administratif, commercial, financier et comptable, et bénéficiant d'un revenu tiré de cette activité commerciale. Les limites apportées à son autonomie, dans l'intérêt du concept franchisé, ne caractérisent pas l'immixtion de la société La Pataterie développement dans la gestion de l'activité commerciale du franchisé mais découlent des termes du contrat de franchise auquel M. X a librement consenti et qu'il devait respecter.

M. X ne démontre donc pas qu'il a été soumis dans l'exécution de son travail à l'autorité d'un employeur, en l'occurrence de la société La Pataterie développement, ayant le pouvoir de donner des ordres et des directives et de sanctionner les manquements de sorte que sa demande de requalification ne saurait aboutir et que le jugement qui le déboute de sa demande de ce chef et des demandes subséquentes en paiement de rappel de salaires, congés payés, indemnités de rupture et droit d'entrée et production de bulletins de salaire, de certificat de travail et d'attestation pôle emploi subséquentes doit être confirmé.

Sur la qualité de gérant de succursale

Les articles L. 7321-1 et L. 7321-2, 2° a) du Code du travail prévoient que les dispositions du Code du travail sont applicables aux gérants de succursales qui se définissent comme étant des personnes dont la profession consiste soit à vendre des marchandises de toute nature qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise.

En l'espèce, il ressort des pièces produites aux débats que si en exécution du contrat de franchise l'agrément du local d'exploitation doit être donné par le franchiseur de sorte que cette condition peut être considérée comme remplie dans les rapports entre M. X et la société La Pataterie développement, en revanche tel n'est pas le cas des autres conditions requises qui sont cumulatives.

En effet, aux termes de l'article 9 du contrat de franchise le franchisé s'engage à " approvisionner son restaurant auprès de la plateforme logistique référencée par le franchiseur, par le biais d'un système de gestion des approvisionnements par internet mis à sa disposition et conformément à la Bible achat, coût matière et fiches techniques mises à jour à chaque nouvelle carte. Il est expressément convenu que le franchisé ne pourra choisir, pour les motifs rappelés ci-avant de commander certains produits plutôt que d'autres, soit piocher dans la liste des références, tant l'équilibre du dossier se fait au regard des volumes commandés, au global, sur l'ensemble des marchandises dûment référencées sur la plate-forme. " et " à servir à la clientèle les produits exclusivement référencés et correspondant à la carte Pataterie et notamment les pommes de terre labellisées par le CNIPT sous la catégorie " pommes cuites au four " de calibre 75 ou supérieur, d'un poids de 500 g ou supérieur ".

Il n'est pas contesté que la plate-forme logistique dont s'agit est la société Stef Restauration. Or, la condition de fourniture exclusive - ou presque exclusive - devant être considérée comme remplie lorsque les produits proviennent du franchiseur ou d'une société tierce, mais intégrée dans un groupe contrôlé par le franchiseur au sens capitalistique du terme, tel n'est pas le cas en l'occurrence puisqu'il n'est pas démontré ni même soutenu que la plate-forme logistique est intégrée au groupe La Papeterie ou limite son activité d'approvisionnement à celui des restaurants appartenant au groupe.

Cette condition ne peut donc être considérée comme remplie.

Par ailleurs s'agissant des conditions et prix imposés par le franchisé, il résulte des motifs qui précédent, que, sur le premier point, l'environnement est standardisé de manière à permettre l'identification de la franchise, l'usage du logiciel Complianta est destiné au contrôle du respect des normes de la franchise, l'adhésion au nouveau programme de fidélisation étant restée facultative, et que, sur le second point, seul est recommandé un prix maximum pour respecter l'esprit familial et bon marché de la restauration de la franchise, le franchisé restant maître dans cette limite des prix qu'il pratique.

Pour les conditions de travail à proprement parler, à savoir les rémunérations, le temps de travail et l'organisation des tâches elles ressortissent du pouvoir de direction de l'exploitant et ne sont pas imposées par le franchiseur, aucune des pièces produites aux débats ne démontrant le contraire et l'ingérence de la société La Pataterie développement dans l'organisation mise en œuvre par le franchisé sur ces points, sauf à respecter l'ouverture quotidienne prévue par le concept qui en tout état de cause ne conditionne pas tous les autres éléments.

Quant à la vente des marchandises de toute nature, le franchisé ne vend pas d'objets ou de matières bruts tels qu'ils lui sont livrés par la plateforme logistique puisque, s'agissant de restauration et non de vendre des produits finis, les produits sont ensuite assemblés ou transformés pour constituer les plats proposés à la vente (ne serait-ce que les pommes de terre produits phare de la franchise), même s'il n'est pas discuté que des boissons et certains mets ou desserts peuvent être proposés au client sans transformation, comme dans de nombreux établissements de restauration.

Il sera enfin observé que l'argumentation de M. X relative au détournement par la société La Pataterie développement des remises forfaitaires annuelles devant revenir aux franchisés au profit de la mise en place d'une communication pour laquelle les franchisés n'ont pas été consultés comme celle tenant au caractère illicite de la clause d'approvisionnement exclusif, sont inopérantes dans le présent litige qui concerne l'application des règles du droit du travail.

Il s'en déduit que M. X échouant à rapporter la preuve qui lui incombe que les conditions d'application du statut de gérant de succursale étaient bien réunies en l'espèce, il doit être débouté de sa demande de ce chef ainsi que de ses demandes de rappel de salaires, congés payés afférents et indemnités de rupture et production de bulletins de salaire, de certificat de travail et d'attestation pôle emploi et droit d'entrée subséquentes par voie de confirmation.

Sur l'application de l'article 32-1 du Code de procédure civile

Aucune des pièces produites n'est de nature à démontrer que M. X a fait un usage abusif de son droit d'ester en justice en exerçant la voie de recours dont s'agit. La SCP BTSG en qualité de mandataire liquidateur de la SAS La Pataterie Développement sera donc déboutée de sa demande de dommages-intérêts de ce chef par voie de confirmation.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

M. X succombe à titre principal à l'instance, il devra donc en supporter les dépens et être condamné à payer 1 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile à la SCP BTSG en qualité de mandataire liquidateur de la SAS La Pataterie Développement. Il sera en revanche débouté de sa demande du même chef.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire, en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi ; Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Condamne M. X à payer à la SCP BTSG en qualité de mandataire liquidateur de la SAS La Pataterie Développement la somme de 1 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et le déboute de sa demande du même chef.