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Décisions

CA Douai, 3e ch., 6 février 2020, n° 17-06955

DOUAI

PARTIES

Défendeur :

Zurich CGS, Philippe Buttez (SARL), Areas Assurance (Sté), Louis Spriet (SA), Chaffoteaux (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Conseiller :

Mme Bertin

Avocats :

Mes Maenhaut, Delahay, Mahl, Rosseel, Khayat, Senlecq

TGI Dunkerque, du 24 oct. 2017

24 octobre 2017

Exposé du litige et de la procédure

M. I et Mme Z C exposaient que l'entreprise Buttez avait livré et installé un chauffe-eau chez eux courant 2007, chauffe-eau qui avait été acheté par un artisan auprès de la société Spriet qui l'avait elle-même acquis auprès du fabricant, la société Chaffoteaux. Courant octobre 2013, un incendie se déclarait au domicile de M. I et Mme Z C, les obligeant à une hospitalisation immédiate par suite d'inhalation de fumées et de monoxyde de carbone.

Par ordonnance en date du 6 janvier 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance de Dunkerque a ordonné une mesure d'expertise judiciaire confiée à M. X B.

L'expert a déposé son rapport le 12 janvier 2015.

Aux termes d'exploits d'huissier de justice délivrés le 5 octobre 2015, M. I et Mme Z

C agissant tant en leur nom propre qu'en leur qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs F, J et L C, ont fait assigner la société Buttez, la compagnie d'assurances Aeras assurance, la société Spriet et la société Chaffoteaux devant le tribunal de grande instance de Dunkerque aux fins d'obtenir le prononcé de la résolution du contrat de vente du chauffe-eau et l'indemnisation de l'ensemble de leurs préjudices.

Par un jugement en date du 24 octobre 2017, le tribunal de grande instance de Dunkerque a :

- donné acte à la société Zurich CGS de son intervention volontaire en sa qualité d'assureur de la société Chaffoteaux,

- rejeté l'exception de prescription,

- rejeté toutes les demandes de M. I et Mme Z C sur le fondement du vice caché ou du produit défectueux,

- condamné M. I et Mme Z C à payer à :

La société Louis Spriet, la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts en application de l'article 700 du Code de procédure civile

La société Chaffoteaux et la société Zurich CGS, la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts en application de l'article 700 du Code de procédure civile

La société Areas Assurance la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- rejeté la demande de dommages et intérêts formée par la société Buttez en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné M. I et Mme Z C aux entiers dépens de l'instance et de son exécution dont distraction au profit de Maîtres Rosseel, Khayat, Senlecq et Colombani, avocats.

- rejeté toutes les demandes contraires ou plus amples.

Par déclaration d'appel en date du 1er décembre 2017, M. I et Mme Z C, agissant tant en leur nom propre qu'en leur qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs F, J et L C, ont interjeté appel du jugement en date du 24 octobre 2017 en ce que leurs demandes en indemnisations ont été rejetées et en ce qu'ils ont été condamnés à payer à chaque défendeur la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Messieurs F et J C sont désormais majeurs.

Suite à un incident à l'initiative de la société Buttez, le conseiller chargé de la mise en état a, par ordonnance en date du 16 mai 2019, déclaré recevable l'appel formé par Messieurs F et J C et constaté son incompétence pour statuer sur les demandes de la société Buttez relatives à la forclusion et à la prescription des demandes des consorts C.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 30 août 2019, M. I et Mme Z C tant en leur nom personnel qu'en leur qualité de représentants légaux de leurs fils L D, ainsi que Messieurs F et J C demandent à la cour d'appel de :

- Infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Dunkerque le 24 octobre 2017 en toutes ses dispositions

Statuant de nouveau,

- Prendre acte de la reprise d'instance par Messieurs J et F C devenus majeurs.

- Prononcer la résolution judiciaire du contrat de vente du chauffe-eau litigieux.

- Dire que les sociétés Buttez, Spriet et Chaffoteaux seront solidairement condamnées à indemniser les membres de la famille C de l'entier préjudice subi.

En conséquence,

- Condamner solidairement les sociétés Buttez, Spriet et Chaffoteaux à payer à M. et Mme C la somme de 419,42 euros en restitution du prix du chauffe-eau litigieux.

- Condamner solidairement les sociétés Buttez, Spriet et Chaffoteaux à payer à M. et Mme C la somme de 55 737,80 euros en réparation du préjudice matériel subi.

- Condamner solidairement les sociétés Buttez, Spriet et Chaffoteaux à payer à M. et Mme C la somme de 1 775 euros au titre des frais de déplacement.

- Condamner solidairement les sociétés Buttez, Spriet et Chaffoteaux à payer à M. et Mme C la somme de 2 262 euros au titre des congés payés.

- Condamner solidairement les sociétés Buttez, Spriet et Chaffoteaux à payer à M. I C la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral subi et

1 000 euros au titre du préjudice de jouissance subi.

- Condamner solidairement les sociétés Buttez, Spriet et Chaffoteaux à payer à Mme Z C la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral subi et 1 000 euros au titre du préjudice de jouissance subi.

- Condamner solidairement les sociétés Buttez, Spriet et Chaffoteaux à payer M. F C la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral subi et 1 000 euros au titre du préjudice de jouissance subi.

- Condamner solidairement les sociétés Buttez, Spriet et Chaffoteaux à payer à M. J C la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral subi et 1 000 euros au titredu préjudice de jouissance subi.

- Condamner solidairement les sociétés Buttez, Spriet et Chaffoteaux à payer à M. et Mme C, es qualité de représentants légaux du jeune L C la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral subi et 1 000 euros au titre du préjudice de jouissance subi.

- Condamner solidairement les sociétés Buttez, Spriet et Chaffoteaux à payer à M et Mme C la somme de 600 euros au titre du contenu des congélateur et réfrigérateur.

- Condamner solidairement les sociétés Buttez, Spriet et Chaffoteaux à verser à M et Mme C la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles.

- Condamner solidairement les sociétés Buttez, Spriet et Chaffoteaux aux entiers dépens d'instance dont distraction au profit de la SCP Devaux Guilluy.

Sur la responsabilité solidaire des sociétés Chaffoteaux, Spriet et Butez, ils visent les articles 1165, 1641 et suivants et 1386-1 et suivants du Code civil et soulignent qu'il conviendra de juger que l'origine du sinistre résulte bien dans une défaillance du thermostat du chauffe-eau tel qu'identifiée par l'expert et que toute intervention extérieure ou prétendu défaut d'entretien doivent être écartés. Ils sollicitent l'engagement de la responsabilité solidaire des trois sociétés et l'indemnisation de leurs préjudices matériel, moral, de jouissance et frais divers.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 24 mai 2018, la société I Y demande à la cour d'appel de :

A titre liminaire :

- dire et juger l'action en paiement fondée sur la garantie des vices cachées prescrite

- débouter les époux C de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions

- condamner les époux C à la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel

Sur la garantie des vices cachés :

A titre subsidiaire :

- débouter les époux C de leur action et prétentions indemnitaires à l'égard de la SARL Buttez.

A titre très subsidiaire :

- dire et juger le cocontractant de la société Buttez, la société Spriet ainsi que le fabricant, la société Buttez de toutes condamnations prononcées contre elle, que ce soit relatives à la résolution de la vente, la réparation des préjudices matériels et immatériels, les condamnations aux articles 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

- dire n'y avoir lieu à aucun partage de responsabilité à quelque titre, la société Buttez ayant été mise hors de cause par l'expert judiciaire, et ayant elle-même subi les défectuosités du matériel.

- condamner solidairement la société Spriet et la société Chaffoteaux à verser à la société Buttez la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

A titre infiniment subsidiaire :

- dire et juger que l'assureur la société Areas devra garantie à son assuré.

- condamner solidairement la société Spriet et la société Chaffoteaux à verser à la société Buttez la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Sur la responsabilité des produits défectueux :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les consorts C de ce chef

- débouter les consorts C des demandes relatives à la responsabilité des produits défectueux ne pouvant s'appliquer à la société Buttez qui n'est pas fabricant du produit concerné.

- condamner les époux C à la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

- subsidiairement, dire et juger que le cocontractant de la société Buttez, la société Spriet ainsi que le fabricant la société Chaffoteaux devront garantir et relever indemnes la société Buttez de toutes condamnations prononcées contre elle, que ce soit relatives à la résolution de la vente, la réparation des préjudices matériels et immatériels, les condamnations aux articles 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

- dire n'y avoir lieu à aucun partage de responsabilité à quelque titre, la société Buttez ayant été mise hors de cause par l'expert judiciaire et ayant elle-même subi les défectuosités du matériel.

- dire et juger que l'assureur la société Areas devra garantie à son assuré.

- condamner solidairement la société Louis Spriet et la société Chaffoteaux à verser à la société Buttez la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; les condamner aux entiers dépens de l'instance.

Sur le quantum du préjudice :

- débouter les demandeurs à l'instance de leurs préjudices de jouissance et préjudice moral faisant double emploi avec l'indemnisation des frais de relogement, le cumul des 3 postes étant en toute hypothèse non fondé.

Sur la garantie des vices cachés, la société Buttez précise qu'aucune preuve de l'antériorité du vice par rapport à la date de la vente n'a été rapportée.

Sur la responsabilité des produits défectueux, elle rappelle que, n'étant pas fabricant du produit concerné, ce régime ne peut s'appliquer.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 28 mai 2018, la société Areas assurance demande à la cour d'appel de :

- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Dunkerque.

- Débouter M. et Mme C de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions

- condamner M. et Mme C à payer à la société Areas la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- Condamner M. et Mme C aux entiers frais et dépens d'instances.

A l'appui de ses demandes, la société Areas assurance, assureur de la société Buttez, souligne que l'expertise judiciaire a constaté que l'installation électrique réalisée par celle-ci n'est pas en cause, qu'aucun vice n'a été caractérisé par l'expert et qu'en tout état de cause, le temps entre l'installation du chauffe-eau et l'incendie démontre l'absence d'existence d'un prétendu vice (ou en germe) au jour de la vente. Elle ajoute que l'expert n'a pas précisé que le chauffe-eau était affecté d'un défaut. Elle précise enfin que la preuve de la mobilisation de la garantie de la compagnie Areas assurances n'est pas rapportée.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 24 mai 2018, la société Louis Spriet demande à la cour d'appel de :

A titre principal :

- Confirmer le jugement dont appel

- Condamner les époux C E au paiement d'une indemnité de 3 000 euros sur l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens

A titre subsidiaire :

- Accueillir la société Louis Spriet en son action récursoire contre le fabricant

- Constater que la société Louis Spriet n'a aucune responsabilité dans l'incendie survenu le 5 octobre 2013 dans l'immeuble des époux C et ce quel que soit le fondement de la demande

- Constater pour le surplus que l'expert n'a retenu aucune responsabilité à l'encontre de la société Louis Spriet, celle-ci devant être mise purement et simplement hors de cause

- Donner acte à la société Louis Spriet de ce qu'elle se joint à l'argumentation de la société Buttez concernant les limites du préjudice pouvant être réclamé par les demandeurs

En conséquence :

- S'entendre condamner la société Chaffoteaux à relever et garantir la société Louis Spriet de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre que ce soit tant au titre de la résolution du contrat que des préjudices matériels et immatériels subis en final par les demandeurs

- S'entendre condamner toutes parties succombantes à verser à la société Louis Spriet la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens dont distraction au profit de la SCP Senlecq Steylaers

La société Louis Spriet fait valoir que rien ne démontrait effectivement l'antériorité du vice à la vente et que la défectuosité du produit n'est pas établie. Elle estime que la responsabilité repose exclusivement sur le fabricant ; qu'elle n'est qu'un intermédiaire vendeur et qu'elle ne pouvait avoir connaissance du vice qui nécessitait pour sa découverte, une expertise spécialisée.

Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 1er août 2018, la société Chaffoteaux et la société Zurich CGS, son assureur, demandent à la cour d'appel de :

- Déclarer nulle la déclaration d'appel régularisée dans l'intérêt de M. F C faute de pouvoir et de capacité des représentants déclarés et déclarer en tout état de cause irrecevables les recours et prétentions formées par les parents au nom des enfants devenus majeurs.

- Juger prescrites les actions garanties des vices cachés et en réparation de dommages causés par un produit défectueux.

- Juger que les appelants ne rapportent pas la preuve objective de l'existence d'un vice caché antérieur à la vente.

- Juger qu'au regard de la même conclusion et d'une utilisation conforme sans dommage sur une période prolongée, les appelants ne rapportent pas la preuve du caractère défectueux du produit.

- Juger que les demandes forfaitaires ne sauraient être accueillies faute de justifications pertinentes, alors que les autres demandes excèdent les limites des réclamations valorisées par l'expert.

- En conséquence, confirmant le jugement entrepris, mettant hors de cause la société Chaffoteaux et son assureur, condamner in solidum tout succombant à leurs égards à leur payer, en complément des sommes déjà attribuées à ce titre par les premiers juges, une somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens d'instance et d'appel, dont distraction pour ceux le concernant au profit de Maître Delahay, avocat aux offres de droit.

Sur les vices cachés, la société Chaffoteaux vise les articles 1641 et suivants du Code civil et souligne que les appelants ne rapportent pas la preuve objective de l'existence d'un vice caché antérieur à la vente en tant que cause du sinistre ayant affecté le chauffe-eau plus de six ans après sa mise en service, en présence de surcroît d'une conclusion claire de l'expert judiciaire.

Motifs

Sur les produits défectueux, elle vise les articles 1245 et suivants du Code civil et estime que les appelants ne rapportent pas la preuve du caractère défectueux du produit au sens légal du terme comme n'ayant pas été à même, dans des conditions d'usage conforme, d'assumer sa destination.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 novembre 2019.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour constate la reprise d'instance de Messieurs J et F C, désormais majeurs, le conseiller chargé de la mise en état ayant en outre statué sur la recevabilité de l'appel par ordonnance en date du 16 mai 2019.

Le jugement n'est pas contesté en ce qu'il a donné acte à la société Zurich CGS de son intervention volontaire à l'instance.

Sur la responsabilité de la société Chaffoteaux

Sur le fondement juridique applicable

En application de l'article 954 alinéa 2 du Code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions ; or, contrairement à la motivation des conclusions des appelants, le dispositif de celles-ci ne distinguent aucunement entre une demande principale sur le fondement de la garantie des vices cachés et subsidiaire sur le fondement de la responsabilité des produits défectueux, de sorte que, après analyse exhaustive du dossier, la cour retient principalement le second fondement énoncé à l'article 1386-1 du Code civil, devenu l'article 1245 depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, selon lequel le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

L'article 1386-17 du Code civil, devenu l'article 1245-16 du même Code, dispose que l'action en réparation fondée sur la garantie des produits défectueux se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut ou de l'identité du producteur.

En l'espèce, le point de départ de ladite prescription ne peut nullement être celui de la date de l'incendie, mais au contraire celle du dépôt du rapport de l'expert soit le 12 janvier 2015, date à laquelle les consorts C ont eu connaissance de l'origine du dommage comme il sera exposé ci-dessous.

Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription.

Sur la défectuosité du produit et le lien de causalité avec les dommages allégués

Selon les mêmes textes, un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre ; dans l'appréciation de cette sécurité, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation ; un produit ne peut être considéré comme défectueux par le seul fait qu'un autre, plus perfectionné, a été mis postérieurement en circulation.

Si la responsabilité du fait des produits défectueux requiert, aux termes de l'article 1386-9, devenu l'article 1245-8 à compter de l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131, que le demandeur prouve le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage, la participation du produit à la survenance du dommage est un préalable implicite, nécessaire à l'exclusion éventuelle d'autres causes possibles au dommage, pour la recherche de la défectuosité du produit et du rôle causal de cette défectuosité dans le dommage subi, sans pour autant que sa simple implication dans la réalisation du dommage suffise à établir son défaut au sens de l'article 1386-4, devenu 1245-3 précité, ni le lien de causalité entre ce défaut et le dommage

En l'espèce, l'expert judiciaire relève que " Le siège de l'incendie se situe dans la pièce de buanderie jouxtant la cuisine et le garage. Les matériels supposés à l'origine de l'incendie sont le congélateur et le chauffe-eau. L'incendie s'est développé au rez-de-chaussée dans cette buanderie et les fumées noires se sont répandues dans cette pièce, au rez-de-chaussée, sur le palier et le couloir de distribution de l'étage. "

En pages 17 et 18 de son rapport, s'agissant du chauffe-eau, l'expert énonce que " le câble électrique d'alimentation est entier :

Les fils du câble électrique sont dénudés sur leurs extrémités. L'isolant a brûlé sur une trentaine de centimètres. Les connexions au bornier du chauffe-eau sont en état. Il n'y a pas de traces de perlage, de fusion.

Le bornier et les connections sont noircies mais en parfait état. Nous ne trouvons pas de trace d'une surtension, fusion, arc électrique.

La partie alimentation électrique du chauffe-eau est donc hors de cause. "

Après étude de de la partie électrique du thermoplongeur, l'expert relève en page 20 que l'intérieur de la protection présente une zone brûlée, que " les contacts sont colorés, jaunis et oxydés. La pastille sur le bout de la lame est décollée. La surface de contact est divisée par deux. Elle a été le siège d'une densité de courant importante, très élevée qui est à l'origine d'un échauffement localisé puis d'un départ de feu. "

Il énonce ainsi en même page que " le démarrage de l'incendie est lié à cette défaillance d'un contact sur le thermostat du thermoplongeur " et conclut en page 21 que " Le ballon d'eau chaude est le siège du départ de l'incendie et plus particulièrement la partie électrique du thermostat du thermorégulateur. "

Ainsi, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, l'expert a, dans un premier temps, écarté l'hypothèse d'une surtension électrique dont la responsabilité aurait pu le cas échéant incomber à ERDF comme énoncé dans le jugement entrepris, avant de retenir la défaillance d'un contact sur le thermostat du thermoplongeur du chauffe-eau comme étant la cause de l'incendie, et ce à l'exclusion d'autres causes possibles de celui-ci.

La cour relève qu'un éventuel défaut d'entretien du chauffe-eau par les consorts C n'est nullement envisagé par l'expert, de sorte que cette hypothèse doit être écartée.

En outre, l'expert relève sans ambiguïté dans son rapport qu'il n'y a pas eu de défaut d'installation constaté, de sorte que la responsabilité de la société Buttez doit être écartée.

Ainsi, le chauffe-eau litigieux n'ayant pas offert aux consorts C la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, la responsabilité de son fabriquant est engagée sur le fondement de la responsabilité des produits défectueux au regard de ce qui précède.

De la même manière, la société Spriet étant simplement le fournisseur du chauffe-eau à la société Chaffoteaux, sa responsabilité doit également être écartée, seule celle du fabriquant, à savoir la société Chaffoteaux devant être retenue.

En l'état de ces énonciations, la société Chaffoteaux et son assureur seront solidairement condamnés à réparer les dommages subis par les consorts C suite à l'incendie litigieux.

Sur l'évaluation des dommages

A titre liminaire, la cour ayant retenue la responsabilité de la société Chaffoteaux sur la garantie des produits défectueux, les consorts C seront déboutés de leur demande tendant à obtenir le prononcé de la résolution du contrat de vente du chauffe-eau litigieux, et dès lors la restitution du prix de celui-ci, conséquence d'une responsabilité fondée sur la garantie des vices cachés.

En application du principe de la réparation intégrale, une victime doit être replacée, dans la mesure du possible, dans la situation dans laquelle elle se serait trouvée si le dommage n'était pas survenu.

- S'agissant de la demande de M. I et Mme Z C tendant à obtenir la somme de 55 737,80 euros en réparation du préjudice matériel, l'expert retient en effet cette somme, sur laquelle s'étaient par ailleurs accordés les experts mandatés par les parties dans le cadre d'une réunion tenue le 19 novembre 2014, correspondant :

- aux dommages immobiliers, nettoyage et décontamination, travaux de reconstruction et embellissements,

- dommages mobilier, nettoyage et décontamination, mobilité vétusté déduite,

- déblai,

- frais de relogement,

- frais d'huissier de justice.

Ainsi, la vétusté relative aux coûts de reconstruction et d'embellissements n'a à juste titre pas été proposée par l'expert dans son évaluation finale en page 23 de son rapport, de sorte que la somme de 55 737,80 euros sera retenue par la cour.

- S'agissant de la demande de M. I et Mme Z C tendant à obtenir la somme de 1 775 euros au titre des frais de déplacement, si les consorts C produisent une copie de la carte grise de leur véhicule, ils ne justifient aucunement de l'ensemble des trajets invoqués, de sorte qu'ils seront déboutés de leur demande de ce chef.

- S'agissant de la demande de M. I et Mme Z C tendant à obtenir la somme de 2 262 au titre des congés payés, la cour ne peut également que constater que les époux C ne produisent que trois fiches de paie de M. I C pour les mois d'octobre 2013, novembre 2013 et mars 2014 sans élément complémentaire. Les appelants ne démontrant aucunement la réalité de ce chef de préjudice allégué, ils seront également déboutés de leur demande.

- S'agissant du préjudice moral subi par chacun des consorts C du fait de l'incendie en lui-même, il est acquis que les trois enfants, âgés de 15, 13 et 10 ans, dormaient à l'étage lorsque leurs parents se sont réveillés dans le salon, alors qu'ils dormaient sur le canapé, du fait de la présence de fumée noire dans la maison ; l'ensemble de la famille a été dans l'obligation de sortir précipitamment du domicile.

La peur causée par cette situation d'urgence a nécessairement causé un préjudice moral qu'il y a lieu d'indemniser à hauteur de 1 000 euros pour chacun des membres de la famille.

- S'agissant du préjudice de jouissance subi par chacun des consorts C du fait de la privation de leur logement jusqu'au mois d'avril 2014 (lequel ne doit pas se confondre avec les frais de relogement), il est acquis aux débats que ces derniers ont été relogés, chez des membres de la famille puis dans différents gîtes durant le temps nécessaire à l'expertise et à la remise en état de leur logement.

Il y a lieu d'indemniser ce préjudice subi du fait de la privation de leur logement à hauteur de 1 000 euros pour chacun des membres de la famille.

- S'agissant enfin de la demande de M. I et Mme Z C tendant à obtenir la somme de 600 euros au titre du contenu des congélateur et réfrigérateur, la cour relève qu'aucun élément du dossier ne permet de déterminer la teneur exacte du réfrigérateur et du congélateur au jour du sinistre, ni même de la capacité de stockage du second.

Les consorts C formant une famille de 5 personnes, la perte des denrées contenues dans ces deux appareils électro ménagers sera estimée à hauteur de 200 euros.

Sur les dépens et les indemnités de procédures

Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement sur les dépens et les indemnités de procédure.

La société Chaffoteaux et la société Zurich CGS, parties perdantes, seront condamnées solidairement aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP Senlecq Steylaers et de la SCP Devaux Guilluy, et à payer :

- aux consorts C (ensemble) la somme de 4 000 euros,

- à la société Buttez la somme de 2 000 euros,

- à la société Areas Assurance la somme de 2 000 euros,

- à la société Spriet la somme de 2 000 euros, d'indemnité de procédure en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile français pour l'ensemble de la procédure de première instance et d'appel.

Dispositif

Par ces motifs LA COUR, Constate la reprise d'instance de Messieurs J et F C, désormais majeurs ; Rappelle que l'ordonnance du juge de la mise en état date du 16 mai 2019 a statué sur la recevabilité de l'appel ; Infirme le jugement, Sauf en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription ; Statuant à nouveau, Condamne solidairement la société Chaffoteaux et la société Zurich CGS à payer à M. I et Mme Z C en leur nom propre les sommes de : - 55 737,80 euros (ensemble) en réparation de leur préjudice matériel, - 200 euros (ensemble) au titre du contenu des réfrigérateur et congélateur, - 1 000 euros chacun en réparation de leur préjudice moral, - 1 000 euros chacun en réparation de leur préjudice de jouissance ; Déboute M. I et Mme Z C de leurs demandes de dommages et intérêts au titre des frais de déplacement et des congés payés ; Condamne solidairement la société Chaffoteaux et la société Zurich CGS à payer à L C mineur représenté par M. I et Mme Z C, M. F C et M. J C, chacun : - 1 000 euros en réparation de leur préjudice moral, - 1 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance ; Condamne solidairement la société Chaffoteaux et la société Zurich CGS aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP Senlecq Steylaers et de la SCP Devaux Guilluy, et à payer : - aux consorts C (ensemble) la somme de 4 000 euros, - à la société Buttez la somme de 2 000 euros, - à la société Areas Assurance la somme de 2 000 euros, - à la société Spriet la somme de 2 000 euros, d'indemnité de procédure en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile français pour l'ensemble de la procédure de première instance et d'appel. Déboute les parties de leurs autres demandes.